Je suis née en 1998, et quelle année... Pourtant, ma mère a vécu une grossesse tout ce qu'il y a de plus banal. En effet, je suis née-moldue. A Killkenny, vous ne connaissez pas ? Pourtant cette petite bourgade Irlandaise qui porte le nom d'une bière ne devrait pas vous être si étrangère. J'ai vécu onze longues années dans cette ville en tant que moldue. J'y ai eu une scolarité ordinaire, car bien que mes parents appartenaient à la classe plutôt haute de la société, nos valeurs restaient très simples, tout comme mon éducation. J'ai appris à lire, écrire, me faire des amis. Etre heureuse tout simplement. Dès l'âge de six ans, je commençais à développer ce que nous appelons communément des migraines chroniques, les cauchemars furent aussi nombreux, et c'est ainsi que j'apprenais à ne plus apprécier me loger dans les bras de Morphée.

Bien que les objets aient tendance à se déplacer lorsque j'étais dans les parages, je n'avais aucune connaissance de mes pouvoirs jusqu'à recevoir cette fameuse lettre lors d'une belle matinée d'été 2009. Le sceau fermant minutieusement cette enveloppe avait intrigué mes parents, refusant alors que je l'ouvre de moi-même. Je me souviens encore revoir leur visage s'assombrir, dans une tentative vaine de croire à ce qu'ils lisaient. Finalement, l'idée ne leur paraissait pas totalement folle. Après tout, plusieurs moldus croyaient en l'existence de la magie, pas dans sa réalité, mais ce songe avait traversé les siècles. La semaine suivante, un inconnu était venu frapper à la porte de notre demeure. Il se présentait comme travaillant au Ministère de la Magie. Mes yeux s'écarquillaient tandis que mon père le laissait entrer. Quant à ma mère, elle me protégeait en me gardant derrière son dos. Elle se retourna alors vers moi pour me demander d'aller à l'étage, dans ma chambre et de ne pas en sortir tant qu'elle ne me rappelait pas. Après de longues discussions, elle vint me rejoindre et m'expliquer la situation, le monde dans lequel j'allais certainement vivre. Mes parents m'avaient répété que j'étais unique, que j'étais différente. J'avais des amis, mais ils n'étaient jamais de mon âge, je défendais les plus jeunes, accueillais les nouveaux et je passais plus de temps à discuter qu'à jouer. Aussi, d'un commun accord et dans une joie folle de découvrir que la magie était réelle, mon inscription à Poudlard fut officielle. C'est ainsi, que j’atterrissais au Chemin de Traverse afin d'acheter ce qu'ils appelaient « fournitures ».

Mon entrée à Poudlard fut compliquée. Je me retrouvais éloignée de tout ce que je connaissais, plongée dans un monde qui me rappelait mes rêves, mes rêves les plus fous. Ma capacité d'adaptation et mon dégoût profond pour la routine m'avaient alors aidé à traverser ce portail. Une fois assise sous le Choixpeau, celui-ci avait décidé de m'envoyer à Poufsouffle. Ce jour-là, je n'avais pas vraiment saisi les raisons qui l'avait poussé à me destiner à cette maison. Aujourd'hui je comprends que mon sens de la justice qui faisait ma force, ainsi que mon empathie qui relevait parfois de mes faiblesses, avaient été prédominants dans cette décision. En effet, sous mes airs enjoués, un sourire à toute épreuve, se cachait une petite fille fragile. Les années passèrent, et autant vous dire que je ne m'étais pas destinée à l'étude des moldus lors de ma scolarité. J'avais préféré étudier les runes, la divination et les soins aux créatures magiques. Si pour la première option mes résultats étaient plutôt médiocres, il semblait que les deux dernières m'avaient permis d'obtenir mon diplôme sans redoublement. C'est ainsi qu'en juin 2016 je quittais les portes de l'école pour rejoindre l'université londonienne.

Là-bas, je décidais d'entamer des études concernant les Créatures Magiques. Si ma vie scolaire à Poudlard s'était déroulée sans encombres, autant vous dire que mon excentricité m'avait parfois jouée des tours d'un point de vue relationnel. Aussi, la vie semblait nettement moins conflictuelle auprès des animaux. Cependant, après une année d'études acharnées, digne d'une Serdaigle, j'abandonnais ce projet. Mes migraines devenaient de plus en plus oppressantes, et je fis irruption dans un hôpital pour sorciers n'ayant pas eu de réponses au sein du monde moldu. Leur suspicion à tous me laissait sans voix et je repartis une fois de plus sans réponses. Sans réponses ? Pas tout à fait. Je rencontrais alors une femme, qui me proposait de venir vivre chez elle en tant que jeune fille au pair pour garder leur enfant de 4 ans, Garry. Mes valises prêtes pour Édimbourg, je partais une fois de plus à l'aventure.

Vous vous doutez bien que la routine ne faisant pas partie de mon vocabulaire, cette fabuleuse expérience chez nos amis Écossais prit fin l'été suivant. Nous étions donc en 2018 lorsque je décidais de reprendre la voie des études, cette fois-ci dans le domaine de la Divination. Matière dans laquelle j'avais excellé à Poudlard. Les Portes Ouvertes de cette année-là sont désormais célèbres, et encore aujourd'hui, je ne cesse de me répéter qu'elle est morte, et pas moi. Je me souviens encore de la panique qui nous avait tous envahie. De la chaleur des flammes moi qui aimait particulièrement la pluie, sans pouvoir me remémorer ce qui m'avait sauvé ce jour-là. Cependant, cet épisode ne fut pas un frein à mes études que je continuais l'année suivante, et je poursuivis trois ans dans ce domaine. Trois années où j'alternais entre mes études et un travail de serveuse dans un bar londonien moldu. J'avais besoin d'être rattachée à mes origines.

Tout s'était parfaitement déroulé jusqu'à cette fameuse année. 2022. Ils étaient là. Nous étions victimisés. Autant vous dire que mon attachement profond à la justice m'avait poussée à venir aider cette école qui m'avait fait connaître la magie. Je ne pouvais laisser les nés-moldus être traités de la sorte et j'avais payé de ma révolte. Tortures et autres déchaînements m'avaient aussi été infligés. A partir de là, beaucoup de choses avaient changé en moi, et plus particulièrement lors de ce mois de novembre. Je retournais chez moi, à Killkenny, pour faire part de la situation extrême à mes parents. J'ouvrais les portes closes de la maison tandis qu'un froid sordide parcourait tout mon corps. Je savais qu'il y avait un problème. J'allumais alors les lumières, me dirigeais vers la cuisine, avant de voir leurs corps étendus au sol. Mes parents étaient morts. La police avait conclu à une mort accidentelle manquant de « preuves formelles ». Cependant, connaissant la nature des événements dans le monde des sorciers, et mon acharnement à protéger la communauté moldue, je ne pus m'empêcher d'imaginer l'assassinat. Une sorte de message ? Une paranoïa douce-amère ? A l'heure actuelle je n'avais toujours pas de réponses.

J'arrêtais donc mes études à la suite de cet événement tragique, errant entre mon appartement à Londres et la maison de mes parents, investiguant pendant des mois sur leur mort, en vain. Je continuais de travailler en tant que serveuse, l'alcool faisant taire les migraines et cauchemars et m'aidant à oublier ce deuil. Entre culpabilité et désir de vengeance je me noyais tout simplement. Je n'étais plus la même et ça n'était pas passé inaperçu auprès d'une ancienne connaissance. Un professeur de Poudlard, au courant de mon parcours m'avait soutenu ces deux dernières années, tel un père pour moi. Finalement il me proposa de reprendre contact avec le monde magique, ayant coupé tous liens après n'avoir obtenu de réponses. C'est ainsi qu'il m'avait suggéré de venir travailler aux Trois Balais sachant qu'une place de serveuse se libérait. J'acceptais.

Patriotes ? Pas tellement, pourtant nous portons bien les couleurs de notre pays avec ce dérivé du nom Green. Il me semble important de vous rappeler que ma famille est moldue et surtout inexistante à l'heure actuelle. Cependant on ne peut se défaire de nos origines, qui, qu'on le souhaite ou non, forgent en grande partie ce que nous sommes actuellement.

Pour débuter je vais vous parler de mon père, William Greene. Il était avocat, plutôt renommé dans le monde des moldus, se spécialisant dans les affaires pénales. Les nombreuses heures qu'il passait au travail ne nous ont pas vraiment permis de nous rapprocher. Cependant il fut un père présent pour chaque événement important de ma vie. Plus amer que le côté maternel, il a tenté d'instaurer une discipline provoquant chez moi un fort rejet de l'autorité. Malgré tout, je dois le remercier de m'avoir offert l'envie de défendre mes idées et de refuser l'injustice.

Quant à ma mère, Charlie Greene, elle était infirmière. Bien plus douce que la figure masculine de notre famille, elle m'a soutenue à chacune de mes décisions et m'a éduquée dans la bienveillance et l'empathie. Ces deux approches m'ont permis d'entrer à Poufsouffle et je les en remercie. 

25 Novembre 2022, 22h30.

Une nuit noire avait pris possession de Killkenny alors que je sortais du bus, de nombreux sacs en main. Je me réchauffais un instant les épaules en soufflant cet air glacial, provoquant alors un nuage de fumée. Le bus s'en allait tranquillement, reprenant la direction de son acheminement, tandis que j'allumais une cigarette après plusieurs heures de voyage. Ces derniers mois avaient été difficile, atroce même. La situation des nés-moldus au sein du château me révoltait et les tortures subies n'appuyaient pas l'idée d'un pardon quelconque. Je marchais d'un pas déterminé en direction de la maison familiale, bien décidée à faire part des événements à mes parents. Ils avaient le droit de savoir.

Une fois arrivée sur le pas de la porte, l'absence de lumière me laissa perplexe. J'ouvrais alors la porte d'un geste bien plus indécis avant de m'écrier dans ce ton naturellement enjoué, et ce, malgré les circonstances :

« C'est moi ! Papa ! Maman ! Je suis de retour ! »

Seul le silence venait faire écho à mes paroles. J'allumais alors les lumières entravant les ténèbres dans lesquelles était plongée la maison. Je regardais d'abord sur ma gauche, me laissant entrevoir un salon vide, avant de continuer tout droit pour rejoindre la cuisine. Rituel que je pratiquais à chaque fois que je revenais, prise dans l'élan de pouvoir manger tout ce que je pouvais trouver dans le frigo. En passant le pas de la porte, un frisson vint parcourir mon corps affaibli. Cette absence n'était pas normale. Je regardais alors au sol, deux ombres faisaient froncer mes sourcils, l'air inquiet. J'allumais les lumières afin d'y voir plus clair quand la stupeur vint me frapper telle la foudre. Leurs corps étaient étendus sur le sol, gisant ainsi, sans vie. Je restais d'abord une seconde sans réaction, mes grands yeux bleus-gris écarquillés. Finalement, je laissais tomber mes sacs à terre, accourant vers eux en tentant de les réveiller. C'était un cauchemar, un véritable cauchemar. Je les secouais de tout leur être cognant même la tête de mon père contre l’îlot central.

« Non, non ! Non !!! Vous ne pouvez pas, vous ne pouvez pas me faire ça. Papa, maman, mais p*tain réveillez-vous ! C'est pas possible, j'ai... Je... Non. »

Je me laissais tomber à terre, entre les corps de mes deux parents. Les larmes coulèrent le long de mes joues dans l'absence totale de bruit. Je m'allongeais là, regardant leurs yeux vide de vie, leurs visages marqués par la terreur, expression que je n'avais jamais vu chez mon père jusque là. Je continuais de le regarder, tenant la main de ma mère.

* Quelque chose, il faut que tu fasses quelque chose *

Ainsi, je me relevais prenant en main mon téléphone afin d'appeler la police. En attendant leur venue, je restais là, pétrifiée par ce qui était invraisemblable, de l'ordre de l'horreur. Assise sur le sol, les genoux repliés sur moi et la tête enfouie, je finis par la relever afin de regarder ce qu'il restait de ma famille. Après la tristesse et l'incompréhension, un sentiment de colère m’envahit. Il ne restait que très peu de la petite fille fragile que j'avais été jusqu'alors. Un regard glacial et destructeur laissait entendre que mon innocence avait totalement disparue. Orpheline, j'étais brisée.