J’attends poliment dans un coin de la librairie que le couple de sorciers ait fini de monopoliser le marchand avant de m’avancer pour payer mon achat. Fort heureusement cette boutique se trouve dans un coin de Londres pratiquement seulement fréquenté par des gens de mon rang, et cela me satisfait. Je sais donner le change mais je préfère quand même me retrouver en compagnie de sang-purs et de sorciers dignes d’intérêt plutôt que ces sagouins de sang-mêlés, ou pire encore ! La rentrée approche à grand pas et avec elle le retour à Poudlard où je me retrouverai obligé de côtoyer à nouveau tous ces sang-de-bourbes et autres traitres à leur sang pendant les cours et mon temps libre… Je commence à avoir l’habitude depuis cinq ans passés dans cette école de mon petit jeu permanent et mes techniques de charme pour me mettre les autres dans la poche, mais même si cela semble facile je dois quand même prendre sur moi. La seule motivation qui me permet de tenir, c’est de savoir qu’un jour prochain lorsque j’aurai terminé mes études et que je me serai hissé à une place importante au Département de la Justice Magique, toutes mes recherches et toutes les relations que j’aurai préalablement tissées me permettront de changer le monde petit à petit. À ce moment là, il ne sera plus question pour les autres de côtoyer la bassesse de la société sorcière, et tout se fera sans la moindre violence. Il suffit de voir ce que ça a donné avec la présence de Blackman il y a deux ans… Une véritable catastrophe, rien que d’y penser me fait grincer des dents !

C’est enfin à moi de payer et je tends un Gallion et quelques Mornilles au libraire qui s’empresse de m’encaisser. Il adopte un ton paternel pour lancer la discussion et je lui offre un sourire poli et que j’espère chaleureux. Je n’aime pas trop sa façon de m’infantiliser, après tout je vais bientôt avoir dix-sept ans et je suis bien loin d’être un enfant mais il me met toujours de côté les livres susceptibles de m’intéresser, donc cela mérite bien quelques efforts de ma part.

Tout en me questionnant il se charge de me rendre la monnaie et d’emballer mon livre comme s’il s’agissait d’un présent. Même si cela est inutile puisque je le déballerai aussitôt rentrer à la maison, j’apprécie le geste. Je sais qu’il ne fait pas ça avec tout le monde et j’aime me sentir privilégié.

« Trrrès bien merrrci, répondis-je en attrapant le paquet qu’il me tendait, il est plutôt occupé en ce moment mais je pense qu’il passerrra d’ici la fin de l’été, comme à ses habitudes. »

L’employé hoche la tête et me transmet des salutations à faire passer à Grand-Père. J’hoche poliment la tête et lui rend son salut avant de quitter les lieux, mon paquet sous le bras et resserrant ma cape de sorcier autant de moi. L’air s’est grandement rafraichi à Londres et je dois admettre avoir fini par m’habituer aux températures estivales françaises lors du voyage à Beauxbâtons. À Londres le ciel est gris et le vent sec malgré la saison et je me hâte de m’engouffrer dans la ruelle la plus proche, déterminé à ne pas perdre trop de temps. Je n’ai pas envie de rentrer tout de suite à Notting Hill et j’ai encore un peu de temps devant moi, assez pour aller déguster un bon hydromel. Un sourire satisfait s’étire sur mon visage tandis que je prends la direction du café où Grand-Père a l’habitude de nous emmener pour bruncher de temps à autre en compagnie de certains de ses amis. C’est un endroit sûr et peuplé uniquement de sorciers de nobles familles, d’ailleurs l’entrée n’est pas connue de tous et il est donc impossible de s’y retrouver nez-à-nez avec un malotru. Il m’arrive souvent de m’y rendre pour rencontrer quelques personnes en dehors des réunions de Grand-Père pour discuter de choses et d’autres et je me sens presque aussi bien que dans le grand appartement de Notting Hill pour réfléchir.

Après m’être engouffré dans la rue où se trouve le fameux café, je me retrouve devant une borne à incendie un peu particulière. Je jette rapidement un coup d’œil à gauche puis à droite avant de sortir ma baguette d’ajonc ; je frappe ensuite deux fois le haut de la borne, attends quelques secondes puis donne un troisième coup sur le mur de la ruelle cette fois-ci. En quelques secondes, la porte du café apparaît devant moi et je me dépêche de m’y engouffrer. La chaleur des lieux me surprend et je me hâte d’ôter ma cape qu’un elfe de maison s’empresse d’aller ranger dans un coin après s’être incliné bien bas à mon arrivé. Je parcours la pièce des yeux afin de chercher une tête connue et mon regard s’accroche lorsque je reconnais l’une des silhouettes attablées dans le fond de la salle. En quelques enjambées j’ai rejoins sa table et j’offre un sourire à la sorcière assise en face de moi.

En effet c’était bien l’un des derniers lieux où j’imagine ma sœur aller, comme quoi je ne sais pas grand chose d’elle au final. Il va falloir y remédier d’ailleurs, tout comme pour Finnbjörn et Erin avant elle il va bien falloir que je vérifie ses habitudes et ses relations de façon un peu plus poussée. Le fait qu’elle soit à Serdaigle me permet déjà de garder un œil sur elle au sein de notre salle commune mais ce n’est pas suffisant. La racaille pullule à Poudlard et Judith est encore jeune, hors de question qu’elle se laisse influencer.

« Que lis-tu de beau ? lui demande-je en jetant un coup d’œil à la couverture de son livre, tu es venue seule ? »

Beaucoup de questions en peu de temps, il faut que je la laisse souffler. Fort heureusement un serveur s’est approché de notre table afin de prendre ma commande et cela laisse donc à ma sœur un moment de répit. Je souris à l’employé qui me reconnaît et ne regarde même pas la carte avant de répondre.

« Un hydrrromel, s’il-vous-plaît, dis-je avec un sourire franc avant de me retourner vers Judith, et pourrr toi ? »

La tasse de je-ne-sais-quoi qui se trouve devant elle est vide alors autant recommander quelque chose. C’est toujours plus agréable de boire en bonne compagnie.

A sister is both your mirror & your opposite

Je reporte mon attention sur Judith et sur l’ouvrage qu’elle était en train de lire peu avant mon arrivée. Encore un énorme grimoire de potions dans lequel Grand-Mère et elle adorent se plonger… J’hausse un sourcil admiratif ; je dois admettre sans aucune honte que je ne possède pas un tiers du talent de ma sœur concernant les potions et que je me perdrai sûrement en quelques secondes de lecture. Je me suis débrouillé pour valider mes BUSEs avec des notes plutôt correctes concernant cette matière, mais j’ai préféré la laisser de côté pour la suite. La famille Sørensen possède déjà son prodige en la matière, inutile d’essayer de rivaliser. Autant me concentrer sur des choses que je maîtrise bien mieux et surtout qui pourraient nous servir à l’avenir. Je ne doute pas un instant que l’avenir de Judith sera prometteur, Grand-Mère ne l’a pas prise sous son aile pour rien il y a de cela des années. Pendant longtemps sa position de cadette a plutôt joué en sa défaveur et elle s’est retrouvée délaissée, cependant depuis un petit moment désormais son potentiel se développe de façon plutôt exponentielle.

« Intérrressant, dis-je en parcourant l’ouvrage du regard, les poisons, choix astucieux. »

Je n’en dis pas plus et repousse le manuel en sa direction. Je me demande pourquoi elle a choisi de venir étudier ici plutôt qu’à Notting Hill mais je me garde de lui poser la question. Ce n’est pas une information très pertinente ou utile à obtenir et je préfère ne pas la braquer avec des questions superflues. Sans doute a-t-elle à faire sur Londres par la suite, ou bien Grand-Mère l’a chargé de la retrouver plus tard pour renouveler son stock d’ingrédients. Ou peut-être même qu’elle est supposée retrouver Finnbjörn ou Erin ? À cette pensée mes lèvres s’étirent en un pâle sourire ; si je peux bien être certain d’une chose concernant ma sœur cadette, c’est qu’elle n’est pas du genre à retrouver Erin en tête-à-tête pour une après-midi entre filles.

C’est au tour de Judith de me poser une question à propos du paquet proprement emballé que j’ai posé sur la table. Afin de répondre à ses interrogations, j’ouvre nonchalamment mon paquetage afin de lui tendre l’ouvrage. Sur la couverture pourpre l’on peut lire en lettres d’or incrustées Le Magenmagot : de sa création à son rattachement au Ministère de la Magie. Je n’ai pas beaucoup d’ouvrages traitant de cette période du seizième siècle où ce tribunal magique existait sans l’appui du Ministère – qui je vous le rappelle n’a été créé qu’en 1707 – et je pense pouvoir en tirer des informations plutôt intéressantes. Après tout, peu de sorciers s’intéressent à la création du système judiciaire magique, et encore moins lorsque cela remonte à avant l’existence même d’une quelconque forme d’autorité nationale, ce qui explique pourquoi il m’est plutôt compliqué de trouver des livres traitant de cette période bien précise. Or je pense que la majorité des problèmes que nous rencontrons actuellement viennent de l’affaiblissement au cours du temps de ce-dit système juridictionnel, il m’est donc indispensable d’en savoir le plus possible à propos de sa mise en place et des divers procès dont il a été question depuis.

Je ne bronche pas tandis qu’un des elfes domestiques nous apporte nos boissons respectives avant de disparaître rapidement en prenant soin de faire disparaître la tasse déjà utilisée de ma sœur. J’attrape le verre d’hydromel et le lève en direction de Judith, comme pour trinquer avec son café. Certes, sa boisson ne s’y prête guère mais c’est avant tout pour la symbolique du geste.

« À cette nouvelle année qui s’annonce ! » dis-je avec un petit sourire.

Je porte ensuite l’hydromel à mes lèvres pour le goûter et c’est avec plaisir que je laisse le goût du liquide ambré s’immiscer dans ma bouche et titiller mes papilles. Je ne suis pas particulièrement enthousiaste à propos de la rentrée cependant je me rends à Poudlard avec une volonté bien meilleure que notre frère. J’ai appris à tirer profit de toutes les situations au fil du temps et le réseau que je me suis constitué au sein de l’école est suffisant pour me garantir encore deux années sans problème ni ennui. Bien entendu, le fait de devoir côtoyer tous ces roturiers est plutôt dérangeant mais il faut bien faire avec pour le moment et passer au-dessus de cet aspect plus que déplaisant. Si je sais que Finnbjörn et Erin ne sont pas forcément ravis de retourner au collège, je me demande bien ce qu’en pense Judith. Encore une preuve de mon ignorance à son sujet.

« Alorrrs, est-ce que tu as hâte de rrretrrrouver Poudlarrrd ? lui demandé-je en reposant mon verre sur la table, as-tu des objectifs pourrr cette année ? »

Je me doute qu’elle doit avoir hâte d’échapper à l’ambiance un peu trop protocolaire et sérieuse qu’il règne à Notting Hill en ce moment, avec les préparations de Grand-Père concernant le congrès de sorcellerie de Salzburg. D’un autre côté cette attention de notre aïeul concentréd sur ce sommet et sur Erin permet à Judith d’évoluer dans son coin sans qu’elle n’attire trop l’attention sur elle ce qui a toujours été son genre.

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« Il vaut mieux savoirrr rrrester discrrret en effet, dis-je à ma cadette tout en soutenant son regard, la majeurrre parrrtie de notrrre famille semble l’avoirrrr bien comprrris. »

Je ne peux pas me permettre de citer la totalité de ma famille à ce propos étant donné qu’Erin semble se donner un malin plaisir à se faire remarquer. Je ne compte plus le nombre de fois où mon cœur a manqué un battement en apprenant son comportement… Elle est aussi sanguine et fonceuse que Judith est discrète et avisée et j’ai bien peur que cette attitude ne finisse par lui porter préjudice. Voire à nous porter préjudice, ce qui serait encore plus regrettable. Bien entendu Grand-Père a le bras long et je me doute qu’il ne laisserait rien arriver à la chair de sa chair cependant Erin a développé une certaine capacité à se mettre dans l’embarras qui atteint des sommets… J’ose espérer qu’une fois sa crise d’adolescence passée, tout irait mieux.

« Et qu’apprrrends-tu de beau dans ce livrrre ? demandé-je à Judith en laissant mon regard traîner à nouveau vers le grimoire, j’imagine que tout n’est pas à la porrrtée de n’imporrrte qui, verrrrs quoi s’orrrientent tes prrréférrrences ? »

Ma question est sincère, pour une fois. En tant que néophyte à ce sujet je me demande bien ce qui différencie une potion d’apocyn d’une actée en épi et j’imagine que la subtile différence qu’il doit exister n’échappe pas à ma cadette. En peu de temps elle a développé des connaissances en la matière grâce au chaperonnage de Grand-Mère que ni mon frère ni Erin ni moi ne pouvons prétendre ne serait-ce que caresser du doigt. Ses capacités représentent un avantage non négligeable et j’imagine qu’un jour, au moment venu, elles pourront être utiles.

La voix de ma sœur me tire de mes pensées et je l’écoute m’interroger à propos de mes propres lectures. J’imagine que mon intérêt poussé pour le Ministère – et plus particulièrement le Département de la Justice Magique – peut en étonner plus d’un. À quoi bon lire des dizaines de livres traitants de la même chose ? À quoi bon étudier les retranscriptions de procès célèbres ? Car c’était grâce à cela que tout prenait sens, par Merlin ! Un petit sourire étire mes lèvres alors que je m’apprête à répondre, ouvrant mon livre au hasard et tombant sur l’intégration du Magenmagot au Ministère de la Magie en 1707.

« C’est en s’inspirrrant du passé que l’on évite les errrreurrrs futurrres, lui dis-je en parcourant rapidement les quelques lignes de texte qui s’offrent à moi, le Magenmagot est depuis plusieurrrs siècles la plus haute intendance magique, avant même que n’existe le Ministèrrre. C’est dirrre à quel point l’imporrrtance des lois et du jugement des autrrres est prrrimorrrdiale à l’évolution d’une société. Sans loi, sans jurrrisprrrudence, sans sanction impossible de prrrétendrrre au développement d’une collectivité civilisée. Il me semble donc capital de connaîtrrre dans les moindrrres détails l’évolution de ce système si imporrrtant pourrr l’évolution de notrrre communauté. Mais j’imagine que cela peut parrraîtrrre barrrbant. »

La suite de notre conversation s’oriente sur Poudlard et l’année qui nous attend. Bien que tous deux à Serdaigle, j’admets ne pas connaître les aspirations de Judith au sein de l’école. Il ne m’est pas bien difficile de conclure qu’elle ne semble guère intéressée par la popularité toutefois j’aimerais la cerner un peu mieux. Je tends donc l’oreille tandis qu’elle se met à parler d’une voix plutôt nonchalante. Comme je m’y attends, ma sœur paraît plutôt intéressée par la réussite scolaire et n’évoque à aucun instant d’éventuels camarades. Je me demande ce que pensent mes grands-parents de ce repli sur soi… Depuis notre entrée au collège, Grand-Père nous sermonne de faire bonne impression et de nous mêler aux autres, hors Judith semble prendre la direction plutôt opposée à tout cela. J’imagine que notre aïeul agira s’il le juge nécessaire, il semble avoir un œil toujours fixé sur nous en permanence une fois que nous quittons son immense appartement de Notting-Hill. Un moyen de nous protéger, certes, mais aussi de garder une certaine emprise sur nous j’imagine.

« Tu ne t’ennuies pas avec Burrrgess ? demandé-je en me tournant à nouveau vers le grimoire de potions, tu sembles êtrrre bien au-dessus de l’élève de deuxième année lambda en ce qui concerrrne ses courrrs. A-t-elle conscience de ton potentiel ? »

J’écoute ensuite poliment sa question et laisse un petit silence planer tandis que je joue avec mon verre. Je pense pouvoir considérer avoir atteint mon objectif concernant les BUSEs, et j’ai plutôt hâte que cette année débute. Je pourrai enfin me concentrer sur l’essentiel et me livrer à mes recherches personnelles à propos de mon projet tout en conservant les matières que je jugeais nécessaires à ma réussite future. J’hoche finalement positivement la tête avant de reprendre la parole :

« J’ai pu conserrrver toutes les matièrrres qui m’importais, répondis-je avant de boire une nouvelle gorgée d’hydromel, je pense avoirrr le temps de fairrre quelques rrrecherrrches maintenant que mon emploi du temps s’est allégé. Sinon j’espèrrre que l’année qui s’annonce à Poudlarrrd ne se placerrra pas sous le signe de la médiocrrrrité comme l’on peut en avoirrr l’habitude désorrrmais. »

Entre le putsch raté d’un névrosé, le personnel non qualifié et l’impureté des élèves difficile de trouver de quoi relever le niveau. Cependant quelque chose me dit que cette année va être différente, plus à notre image.

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Tandis que notre conversation dérive implicitement sur Erin, je constate que ma petite pique à son encontre fait sourire Judith. Je ne suis pas sans ignorer que leurs rapports ne se sont clairement pas arrangés depuis que la benjamine de notre fratrie a rejoint Poudlard. S’il existe clairement une rivalité entre Finnbjörn et moi-même, c’est une haine toute autre que mes deux sœurs semblent se vouer l’une à l’autre, même si Judith l’exprime de façon plus discrète que son aînée. Je me demande bien d’où est partie toute cette colère, au départ. Erin est une sorcière fougueuse et irréfléchie, certes, mais je n’ai jamais saisi ce plaisir malsain qu’elle prenait à s’acharner sur notre cadette. J’ai préféré ne jamais m’en mêler – je ne suis pas le genre d’homme à m’immiscer dans des histoires de fillettes – mais quand je vois l’état de leur relation aujourd’hui je me demande si j’ai pris la bonne décision. Notre cohésion représente notre force et j’ai bien peur que le comportement de mes deux sœurs ne finissent par nous nuire, un jour. Judith sera clairement une sorcière plus accomplie qu’Erin qui s’obstine à ne pas faire profil bas et à agir de manière tonitruante et j’ai bien peur qu’un beau jour ma sœur n’en profite pour se venger.

« Je ne te le fais pas dirrre, ajouté-je en poussant un petit soupir un brin exagéré, surrrrtout parrr les temps qui courrrent. »

Je laisse ma phrase en suspens et mes yeux se tournent en direction des autres clients du café. Chacun sirotant sa petite boisson en discutant de leur vie probablement insipide et sans ambition… Quelle tristesse. Dire qu’il va falloir nous habituer à côtoyer de bien pires sorciers une fois de retour à Poudlard. Je ne suis pas aussi nostalgique que peut l’être Finnbjörn mais j’admets que la Norvège et la pureté des relations que nous avions établis là-bas en compagnie de nos parents me manquent parfois.

Je me tourne à nouveau vers Judith pour reprendre notre discussion à propos des potions. Elle aussi semble s’insurger du niveau d’enseignement que nous offre Poudlard et je suis amusé de nous trouver ici un point commun. Tout comme elle, j’ai rapidement été las de voir mon niveau stagner à cause de l’incompétence des enseignants et des piètres compétences de mes camarades. Je ne vois aucun exploit à exceller là où la médiocrité règne et j’ose espérer que le niveau se rehaussera un peu désormais que les BUSEs sont derrière moi.

« Malheurrreusement j’ai peurrr que tu sois encorrre déçue, lui dis-je en soutenant son regard, cette école semble se complairrre année aprrrès année dans la médiocrrrité la plus totale. »

Je tique lorsqu’elle parle de son intérêt pour les poisons. Tout comme le reste de ma famille, Judith semble inconsciemment s’intéresser aux meilleurs moyens d’arriver à ses fins. Quoi de mieux qu’une fine potionniste dans nos rangs au moment venu ? Une sorcière capable de réaliser à la perfection le plus délicat des poisons, afin d’éliminer notre ennemi dans la plus grande des discrétions ? Il faudra que j’en parle à Finnbjörn une fois de retour à Notting Hill, il connaît encore plus notre sœur que moi et saura m’en apprendre davantage sur son niveau.

« J’imagine, lancé-je à ma cadette afin de rebondir sur sa tirade concernant les potions, j’espèrrrr que c’est un intérrrêt que tu continuerrras à chérrrirrr avec le temps. Il est toujourrrs utile de savoirrr manier l’arrrt des potions, et encorrre plus lorrrsqu’il s’agit de venirrr à bout des obstacles qui pourrrraient se hisser face à soi. »

Je m’interromps pour boire une gorgée d’hydromel tout en souriant à la petite Serdaigle. C’est ensuite à son tour de s’intéresser à mes intérêts et elle prend le temps de réfléchir avant de conclure à leur sujet. Son commentaire à propos de ma ressemblance avec Finnbjörn me fait rire et je hoche la tête avant de répondre :

Bien entendu sur le moment difficile de trouver des ressemblances entre Erin et moi, ou bien entre la Poufsouffle et Judith mais en creusant bien il n’est pas bien difficile de voir que la même flamme nous anime ; celle de la réussite et de l’ascension. Chez les Sørensen, il n’y a pas de perdant, ni de sorcier qui se contente du strict minimum. Nous sommes une famille de vainqueurs et même si nos moyens pour parvenir à nos fins diffèrent nous nous retrouvons tous sur ce point. Grand-Père doit certainement en être très fier, d’ailleurs. Tout comme mes parents, même s’ils m’ont toujours paru bien plus passifs et inintéressants que mon aïeul. C’est grâce à lui que j’ai pu développer tout mon potentiel et je ne pense pas pouvoir être parvenu à ce niveau si mon éducation avait été faite par Ævar et Ærin.

J’hoche la tête en entendant la réponse de mon interlocutrice à propos de l’enseignante de l’école. Inutile en effet d’attirer une attention qui serait plus délétère qu’autre chose. Judith est du genre à agir dans l’ombre, ça je l’ai bien compris. Une qualité qui fera probablement sa force au moment venu. J’allais reprendre la parole lorsqu’elle enchaîne immédiatement sur Poudlard et ses déceptions. Je l’écoute avec attention, me retrouvant grandement dans ses propos. Moi qui pensais avoir à faire à une école de haut standing où je trouverais des paires avec qui débattre, j’ai été bien déçu. Heureusement, j’ai su rebondir et me construire des relations utiles et j’espère que Judith en fera de même au lieu de suivre la voie des jumeaux. L’exaspération de Finn et d’Erin est bien trop palpable pour leur propre bien et je dois admettre en avoir plus qu’assez de les tirer de leurs galères régulières. Je ne compte plus les faux pas de ma sœur et je n’ai même plus la force d’espérer que ce soit à chaque fois le dernier lorsque j’interviens pour la sortir d’une situation délicate… Problème que je n’ai jamais rencontré jusqu’alors avec Judith.

« Je suis comme toi mais j’ai apprrris à fairrre avec, même si la compétition et le challenge me manquent, répondis-je après un petit temps de réflexion, difficile de s’épanouirrr complètement lorrrsque la stimulation intellectuelle est aussi basse… Néanmoins en cherrrchant bien l’on trrrouve encorrre quelques sorrrciers dignes d’intérrrêt et avec qu’il est intérrressant de discuter. Même s’ils sont rrrarrres, il faut bien l’admettrrre. »

Je ne peux compter que sur les doigts d’une main les véritables camarades intéressants que je retrouve dans mon cercle de connaissance. Avec le temps j’ai appris à m’y faire et à ne compter que sur mon intellect personnel mais j’admets que la compagnie d’un alter égo me manque parfois…

« J’espèrrre que le temps passerrra plus vite pourrr toi qu’il ne l’a fait pourrr moi, conclué-je en terminant mon hydromel, le temps peut parrrfois êtrrre long à Poudlarrrd, à attendrrre qu’il se passe quelque chose… »

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Je scrute avec attention le visage de ma sœur lorsque nous évoquons brièvement l’année à venir et la discrétion dont il faudra faire preuve. Elle reste tout aussi impassible que d’habitude et je détourne le regard. Se doute-t-elle de quelque chose ? Jusqu’à quand Grand-Père souhaitera-t-il la maintenir dans l’ombre concernant nos affaires familiales ? Je n’en ai pas la moindre idée aussi préféré-je ne pas m’aventurer sur ce terrain. Si Judith doit apprendre certaines choses, elle le fera en temps et en heure et non pas au détour d’une conversation futile dans un café de ce type. Même si j’apprécie le standing de ce lieu je ne me risquerais jamais à confier des informations capitales concernant notre famille à quelqu’un dans un endroit pareil. Malgré toutes les protections magiques possibles, une oreille traînante reste toujours possible et je n’ai pas envie de tout compromettre. Je fais confiance à ma famille concernant l’implication de ma sœur et j’imagine qu’elle finira par en apprendre plus lorsque le moment sera venu. D’après les dernières discussions que nous avons eues, Grand-Père, Finnbjörn et moi-même, Judith devrait trouver rapidement sa place au cours de l’année. Je demanderai tout de même à l’occasion à mon frère s’il lui a confié certaines choses de son côté. Il est bien plus impulsif et moins réfléchi que moi et je l’imagine bien adopter son air de conspirateur pour lâcher des brides d’informations à notre benjamine. Je me retiens de lever les yeux au ciel en imaginant pareille scène et je me reconcentre sur notre discussion. J’esquisse un sourire en entendant les plaintes de Judith à propos du niveau de l’école et je hoche la tête tout en adoptant un air blasé :

« Je peux facilement l’imaginer, lui dis-je tout en triturant le bord de mon livre, j’aimerrrais te dirrre que Poudlarrrd écrrrrème ses étudiants en fonction de leurrrs perrrforrmances au fil des années mais ce n’est pas le cas. Cette école n’a visiblement aucune notion de l’excellence ou de comment y parrrvenirrr. C’est malheurrreux mais l’on s’y fait. »

Tout comme moi ma sœur semble être le genre de sorcière suffisamment compétente pour continuer de s’instruire de son côté et ne pas se laisser entraîner par la nullité ambiante. Erin est assez forte dans ce domaine malheureusement elle met rarement son intelligence à profit concernant les cours, préférant se balader dans le château en grommelant en norvégien à qui voulait l’entendre. Quant à Finnbjörn… Mon frère est loin d’être stupide malheureusement il se laisse bien trop souvent emporter et ne parvint pas à faire la part des choses.

« Je veux bien te crrroirrre, lui répondis-je à propos des potionnistes, perrrsonnellement je serrrai bien incapable de concocter corrrectement ne serrrait-ce qu’un antidote d’un de tes poisons. Heurrreusement, j’ose espérrrer que tu ne les testerrras pas surrr moi ! »

Je ne réagis pas au commentaire de Judith sur notre fratrie, ne souhaite pas entrer aujourd’hui dans la lutte qui l’opposait à Erin. J’imagine que tout ce qui compose notre sœur doit la rebuter aux vues de leurs différences de caractère plus que flagrantes néanmoins je ne me sens pas prêt pour tout ça actuellement. Bien entendu je n’hésiterais pas à m’interposer désormais si Erin s’amusait à reprendre ses petits jeux de torture tant physique que psychologique sur notre cadette ; je n’ai aucune envie de laisser entrevoir l’image d’une famille non soudée aux yeux de tous. J’imagine d’ailleurs qu’il n’y a pas seulement concernant Judith qu’il faudra que je surveille Erin cette année…

Lorsque ma sœur relance la discussion concernant l’attente à Poudlard je me contente de lui offrir un sourire énigmatique. Comme je l’ai déjà dit, ce n’est pas le genre d’endroits propices aux révélations et je préfère suivre les ordres de Grand-Père. Si Judith est aussi intelligente qu’elle n’en a l’air, elle comprendra tout rapidement d’elle-même. Je repousse mon verre désormais vide et hoche positivement la tête tandis qu’elle me propose de rentrer à Notting Hill. En effet l’heure du repas approche à grand pas et je dois admettre que mon estomac commence également à se faire entendre. J’attrape mon paquet et resserre ma cape autour de mes épaules avant de me diriger vers la sortie en compagnie de ma sœur. J’ai hâte de pouvoir discuter à nouveau avec elle… Une fois qu’elle en saura plus.