Le chaudron en étain est posé sur sa flamme portative. Assis sur le rebord de la fenêtre poussiéreuse du quatrième étage, j'attends que le liquide lisse prenne une teinte nacrée. La potion ne doit pas bouillir, ce qui exige de surveiller la cuisson. Je me pince la lèvre en regardant au-dehors. J'aperçois une silhouette blonde assise sur un banc du parc. En dépit du temps maussade et de la réjection que cela m'inspire, elle a l'air à son aise. Mon attention se porte sur mes bocaux d'ingrédients. Je fixe les étiquettes des bocaux vides pour les enregistrer. Je devais faire mes réserves. La prochaine visite de Pré-au-Lard n'était pas programmée avant plusieurs semaines et je ne pouvais me permettre de mettre de côté la préparation et conception de potions existantes et innovantes. Avec l'attentat annoncé par le Directeur en début du mois, nous devions nous attendre à être prêts en toute circonstance. J'avais commencé à prévoir des réserves, commencé à me balader dans les couloirs armés de diverses potions, au cas où. Je ne critiquais pas les méthodes du Directeur, personnellement. Halloween n'avait pas forcément été un bon souvenir, mais j'étais pratiquement sûr qu'il s'agissait d'une illusion - ça s'était confirmé avec mon transplanage raté. La Bal de la Saint-Valentin n'était pas totalement un fiasco. Accompagné de Tracy, j'avais réussi à atteindre mes objectifs en imposant subtilement et naturellement une proximité, une intimité et une zone de confiance. Elle devait se mettre en tête que se rapprocher de moi était synonyme de protection. Instinctivement. Naturellement.
Depuis l'envoi de mon géniteur à Azkaban, je n'avais pas forcément bonne réputation. Ma famille et moi - autrement dit, Mère et moi - n'avions jamais été désagréable envers les nés-moldus et sorciers de sang-mêlé. L'un comme l'autre, nous ne faisions pas la différence, nous les laissions vivre leur vie sans nous en soucier. Mais Anatole Sevenoaks était un homme désespéré qui, pour racheter son appartenance à la famille Sevenoaks et après ses bavures, avait agi sans penser. Ce n'était pas notre mode opératoire, à Mère et moi. Mais à présent, nous en subissions les conséquences. Mon dossier avait toujours été blanc comme neige. Mon attitude avait toujours été exemplaire, bien qu'un peu solitaire et tourné vers des objectifs bien au-delà de la conscience d'un garçon normalement âgé de dix-sept ans. J'avais de l'ambition. L'ambition d'être davantage que ce que me proposait l'enseignement sur ces bancs scolaires. L'ambition d'être davantage que ce qui a déjà existé jusqu'à aujourd'hui. Et je ne pouvais permettre que des soupçons entravent mes plans. Je ne pouvais me permettre qu'on doute de mon idéologie, qu'on doute de mon bon sens. Depuis que j'arpente ces murs, les deux questions que je posais à tout individu de tout âge, de toute classe, de tout rang et de tout sang étaient : qu'est-ce qui te différencie des autres ? pour connaître ses passions, ses loisirs, son univers. Et quelles sont tes ambitions ? qui définit les objectifs, la force mentale de l'individu et mon intérêt à me lier avec lui, ou non. En général, personne n'y échappe, quand je me prends d'intérêt ...

Le liquide se colore de nacré sous mes yeux et la flamme s'évapore en un coup de baguette. La potion doit reposer vingt-quatre heure avant de pouvoir passer à l'étape suivante. Je range mon laboratoire dans sa cachette, me saisis de trois bocaux vides laissés sur le bureau et quitte cette salle vide.
« Bonjour Andrea, tu es venu admirer mes frasques ? » Je souris poliment, l'air avenant. Ma grosse cape en fourrure sur les épaules, je ne me rends compte que l'air est frais seulement lorsque je reste immobile. Alors j'avance encore. Mon regard est fixé sur elle, mais je m'en détache pour fixer le sol, à la recherche d'une plante spécifique qui était nommée sur mon bocal. Du Livèche. Ingrédient entrant en composition dans la préparation de philtre de confusion. Je n'en vois pas à nos pieds, mais je ne perds pas espoir pour autant. « Bonjour Mélusine. » Je ne suis pas venu admirer ses idioties, non. Je suis venu renforcer notre lien bien candide et, faisant d'une pierre deux coups, ma récolte pour quelques litres supplémentaires de potions, philtres et gaz d'attaque et de défense. « Non. Ce n'est pas vraiment mon genre. » Je grimace légèrement et mon visage finit par lui offrir un mince sourire. Je change la position de mes mains sur les bocaux qui me glissaient des doigts millimètre après millimètre.
« Ce lac éveillera toujours ma curiosité » La rêveuse se tourne vers l'étendue scintillante devant nos yeux et je reste silencieux devant la magnificence de ces lieux. J'en suis conscient, évidemment, même si j'ai appris à ne pas montrer mes émotions. Mère est une femme insondable et puissante et elle était évidemment mon modèle d'impassibilité. Ne pas montrer sa surprise, ne pas montrer sa fragilité, ne pas montrer sa joie ou refréner sa jubilation. Tout se perdait en moi et je filtrais ce que je voulais partager avec mes interlocuteurs. Ici, j’acquiesce. Je suis d'accord. La beauté des lieux m'a toujours conquis, dans le fond, mais je ne me permettais pas de divaguer sur de tels détails du décor. Seules importaient les actions, le cadre pouvait s'effacer ... « Que me vaut ta venue ? » Je n'aime pas forcément qu'on me questionne sur mes activités. Mais si elle possède un peu de jugeote, elle peut remarquer que je ne suis pas venu les mains vides. De notre expérience, elle peut également en déduire que je n'avais jamais vraiment de raisons de venir la trouver. Je n'entrais pas souvent en contact avec elle et il s'agissait plus souvent de coïncidence. Nous nous rencontrions là car nous avions tous les deux quelque chose d'important à faire autour de ce lac. Et ça vaut peut-être la peine d'ouvrir la conversation ... À moins que ça ne soit que le prologue d'un piège que j'instaure sur le moment, mais vous en conviendrez que je ne l'énoncerai dans ce cas pas, ou du moins, pas en totalité ... « Si je peux te donner un conseil pour t'éviter de suer, tu as une baguette magique. » Sous-entendu, qu'elle n'était pas obligé de courir après une feuille de papier emportée par le vent, alors qu'elle pouvait simplement lancer un sortilège d'attraction pour le récupérer sans risque ni difficulté. Maintenant, si elle aimait l'exercice physique et le stress de récupérer son document en piteux état, libre court à elle de faire son sport quotidien ...

Mot d'amûr :

Je ne sais pas vraiment ce que je vais faire d'elle. Vraiment pas. Je ne comprends pas vraiment l'énergie qu'elle dégage et autant, son caractère naïf et spectacteur me désole, autant je comprends que quand elle veut obtenir quelque chose, elle l'obtient. Persévérante, je me dis qu'elle a peut-être besoin d'un coup de pouce, d'un coup de main pour s'épanouir et nous montrer - me montrer - qu'elle est capable de se rendre utile, de nous étonner, de contourner tout ce qu'elle a été jusque-là. Mon esprit vagabonde alors que la blonde se dessine petit à petit en approchant, et je la vois s'affairer. Elle est jolie, nulle doute, mais sur le moment, je trouve simplement son comportement un peu stupide. Si elle veut courir, qu'elle court. Si elle veut tenter de sauver ses possessions sans qu'il ne leur arrive quoique ce soit, qu'elle utilise la magie pour les récupérer sans dommage. Les deux ensemble, c'était simplement idiot, c'était simplement oublié sa nature, et ce n'est pas comme ça, dans le fond, qu'elle me convaincra qu'elle ira loin dans la vie. Je sais que certaines personnes se contentent de peu, mais j'encourage vivement la curiosité. J'encourage vivement la découverte et l'apprentissage de nouveaux sujets que l'on ne trouve pas forcément intéressant ou fascinant au premier abord. Nous sommes jeunes, mais nous sommes l'avenir. Dehors, nous savons que ça ne va pas être facile, qu'il va falloir se battre pour une position, pour des responsabilités, pour de la justice ou pour faire valoir notre avis, alors autant s'armer. S'armer de savoir, s'armer de possibilités, s'armer de qualités et d'aptitudes dans un monde où il faut savoir se mettre en valeur, comprendre pour exister et s'allier avec les bonnes personnes pour avancer loin. En septièmes années, nous approchions de l'heure fatidique où il sera temps pour nous de plier bagages et de rejoindre nos demeures familiales pour commencer une nouvelle vie. Autant vous avouer que j'avais hâte. Autant vous avouer même que je trouvais le temps long. Malgré la beauté du paysage, malgré l'histoire de ces murs, malgré les connaissances supplémentaires que m'apportent professeurs, bibliothèques et cours particuliers, je ne peux m'empêcher de rêver de plus, de rêver plus grand, de rêver plus coloré. J'avais des projets à mettre en place que ces quatre murs et que le corps professoral m'empêchait de réaliser. J'avais de grands projets qui ne pouvaient atteindre et j'attendais simplement que les ASPICS ne confirment que ce que les BUSES m'avaient déjà apportées avant de m'y attabler. Corps et âme. « je prends en compte ton conseil ... mais dans certaines circonstances, il est parfois nécessaire d'être agile de son corps » Je hausse un sourcil et garde mon air fermé, même si celui-ci s'adoucit doucement en fixant les traits de la jeune ingénue. « J'en déduis simplement que ces parchemins n'étaient pas réellement important pour toi pour courir le risque de les abîmer. » Je souris de cette simple remarque, dans la lignée de la première. En soi, c'est vrai qu'un sortilège de dégorgement ou un ventilateur magique aurait pu sécher les notes rapidement, mais sans nulle doute ces dernières auront été à moitié effacées. La magie était un tel acte du quotidien que je pensais toujours à l'optimisation de tout notre travail par étapes, petit à petit, discrètement.

Je pose un par un les verres vides ornés de l'étiquette et laisse mon regard glisser sur les fleurs et arbustes printaniers qui étaient en fleurs autour de nous. Enfin. « tu veux peut être de l'aide ? » Mon regard azur se pose à nouveau sur la demoiselle et la jauge du regard. La préparation délicate de potions commence à la récolte des ingrédients. Est-ce que je pouvais lui faire confiance pour ce travail minime, mais absolument consciencieux ? Non, mais pourquoi ne pas prendre le risque, et je trierai sa récolte ensuite ? Si je lui indiquais en bon professeur à reconnaître une plante en particulier, peut-être pourrait-elle me faire gagner du temps et de l'énergie pour que je puisse le consacrer à autre chose ? Certainement. Et des choses à faire, j'en avais. De toutes sortes et de tout genre, j'avais besoin de terminer mon devoir d'histoire de la magie, de m'entraîner sur ce sortilège de défense contre les forces du mal qui me résistait pour je-ne-sais-quelle-raison, d'avancer dans ma thèse sur la magie de l'amour vue à travers l'arithmancie, et réfléchir calmement à toute cette situation dans laquelle je m'étais embarquée avec Tracy. Mes paupières se closent un instant et je cède au risque d'un travail mal effectué. « Ce serait avec plaisir. Tu te débrouilles en botanique ? Je fais des réserves pour ma préparation de potions personnelles. Achillea ptarmica, Cochlearia officinalis, Valeriana officinalis ou Corydalis te disent quelque chose ? » Simple question théorique, que je sache ou non si je dois les lui montrer dans un premier temps. Certains élèves en doutaient peut-être, ou ne s'étaient jamais posé la question, mais les abords de Poudlard étaient riches en flore. Certains ingrédients utilisés pouvaient être trouvés à l'orée du bois, à proximité du lac ou dans la petite vallée autour du stade de quidditch. Je ne prenais pas souvent l'air, à vrai dire, mais la récolte de ces ingrédients divers me forçait à prendre un peu l'air. Je n'admirais pas pour autant pendant de longues minutes silencieuses le Château et ses environs, mais je prenais plaisir à me couper des autres élèves pour réfléchir en silence, surtout lorsque le beau temps revenait et que les premières fleurs commençaient à éclore, mais que le vent soufflait fort et que certaines averses tombaient dru sur toute la région.