Je m’étais égarée dans l’infinie contemplation de mon parchemin. Cela faisait deux bonnes heures que je luttais pour ne pas le déchirer, voire le brûler dans la cheminée. Pourquoi donc ma capacité de concentration était-elle inférieure à celle de mon chat ? Je regardai l’heure sur mon portable : 21 h 56. J’étais maudite. Il n’y avait pas d’autre explication. Deux mois de cours seulement et me voilà déjà à la ramasse. À mes yeux, le cours de Sortilèges était l’un des plus ardus. Il requérait beaucoup de technique et surtout de pratique. Non seulement, j’étais nulle en lancer de sort, mais pour couronner le tout, j’étais incapable de rédiger ne serait-ce qu’une demie-page à la fois – certains professeurs m’avaient d’ailleurs reproché mon manque de « sérieux » et de « rigueur » dans cette tâche.

Je retirai mes écouteurs de mes oreilles et me levai en m’étirant longuement. Je me massai péniblement le cou, puis la nuque. Je regardai avec curiosité autour de moi : dans la salle commune des Gryffondors, d’habitude si bondée et vivante, régnait un silence d’outre-tombe. Seul le feu qui crépitait dans l’âtre de la cheminée troublait cet ambiance morose. Deux camarades de ma maison étaient assises en tailleurs sur le tapis noir, s’afférant à une affaire plus que douteuse. Apparemment, l’écriture d’une lettre d’amour si j’en croyais leurs gloussements incontrôlés. Beurk ! Avec une expression de profond dégoût sur mon visage, je recentrai mon attention sur mon devoir. Je réfléchis un moment au fait de le terminer ou tout bonnement de l’abandonner. Et tandis que je pesais le pour et le contre, le portrait de la grosse Dame pivota pour laisser passer une élève.

C’était Owen, Gryffondor de septième année. Elle était juste… magnifique. Il n’y avait pas d’autre mot. Avec sa chevelure blonde éclatante qui tombait en boucles bien au-dessous de ses épaules, sa silhouette longiligne et sa démarche fière et assurée. Et surtout, ses grands yeux bleus qui faisaient ressortir son côté à la fois rusé et intimidant. Owen avait une présence écrasante, c’était le moins que l’on puisse dire. D’ailleurs, les deux pimbêches s’étaient immédiatement arrêtées de glousser à sa vue. D’un regard lourd de sens, elles se levèrent et s’éclipsèrent en direction de leur dortoir, prenant soin de prendre avec elles leur déclaration d’amour ou je ne sais quoi.

Je me retrouvai seule avec Owen. L’ambiance n’en était que plus… oppressante. Elle s’était assise sur le canapé central autour de la cheminée, un magazine sur les genoux, et m’ignorant tout bonnement. Je n’avais jamais entrepris de lui parler. Pourtant, par je ne sais qu’elle idée impulsive, je brisai le lourd silence environnant :

« Tu es Owen, c’est ça ? Moi, je suis Eliana Bradley, je suis en première année. »

Voyant que ladite Owen se retourna et me fixa curieusement, le tout sans piper mot, mais que j’avais retenu son attention, je poursuivis :

« Tu t’y connais en théorie des sortilèges ? »

Ladite Owen grimaça lorsque je me présentai. Elle s’appelait bien Owen, non ? Je savais que je ne pouvais pas me tromper. Partout où elle allait, Nyx ne passait pas inaperçue. Surtout dans notre salle commune, où elle avait pour habitude de s’assoir sur le canapé pourpre en face de la cheminée. Tout le monde savait que c’était là où elle venait se détendre à la fin d’une longue journée éreintante. D’autres septièmes années en faisaient tout autant, souhaitant profiter du charme et de la convivialité de la salle commune pour oublier les tracas de la vie - comme le fait de penser à leurs ASPICS en fin d’année.

« Euh… Nyx. Juste Nyx, ça sera amplement suffisant. » répondit-elle, sereine.

Bon, c’était un bon début. Au moins, nous pouvions nous permettre quelques familiarités. Je me rapprochai davantage du canapé dans lequel elle siégeait, ressentant beaucoup moins d’appréhension. Et enfin, je lui posai la question qui fâchait. Perplexe, elle me regarda comme si cela était évident. Qu’étais-je bête ! Bien-sûr qu’elle s’y connaissait en Sortilèges, et notamment dans les sorts les plus élémentaires ! Indirectement, ma question était : peux-tu m’aider en Sortilèges ?

Elle referma son magazine et se décala vers le côté droit du canapé, tapotant la place où elle était assise juste avant, m’invitant à y prendre place. Je lui souris timidement et m’exécutai, infiniment heureuse et soulagée de trouver une âme charitable. A croire que je commençais sérieusement à désespérer !

« Que veux-tu savoir ? Qu’est-ce que tu ne comprends pas ? » me questionna-t-elle.

« La semaine dernière, on a vu en cours de Sortilèges le sort de lévitation, le Wingardium Leviosa. J’arrive à le reproduire en cours, mais seulement sur des objets très légers comme des plumes, du papier ou du tissu, mais rien qui soit plus lourd. Bon, la pratique c’est bien une chose. Mais comme si ça ne suffisait pas, le prof nous demande de rédiger un essai sur l’histoire du sortilège, sa pratique et ses limites. Et il faut que ça tienne sur deux pages entières. »

Je soupirai. Ce devoir me tapait sur le système plus que ce que je ne pensais. Mais ce n’était pas une raison pour m’en plaindre autant auprès de Nyx. Elle avait la gentillesse de m’écouter et de m’aider un soir à plus de vingt-deux heures. Il fallait que j’y aille à l’essentiel :

« Bref… Je ne veux pas t’embêter avec mon histoire. En résumé, j’ai commencé les parties sur l’histoire du sortilège et sa pratique en générale. Mais c’est la partie sur ses limites qui me pose problème. Le prof nous a aidé en nous faisant savoir que le sort marchait sur des êtres vivants, mais pas de la même façon que sur des objets…. C’est là que je coince. Tu as déjà utilisé ce sortilège sur des personnes, des animaux ? »

Mes yeux parcourant mes maigres notes de cours et mon brouillon devoir, je repositionnai mon regard sur Nyx, les sourcils relevés, espérant bénéficier plus de son expérience personnelle que de théorie pure et dure.

HRP: