Les cours de défense contre les forces du mal venaient de se terminer. Céleste, n'ayant aucune envie de rester enfermée dans le château, bien que les lieux lui plaisent énormément, se rendait d'un pas léger aux trois balais.
Depuis l'époque de son adolescence, ce pub lui était très cher. L'ambiance y était magique et conviviale, les gens sympathiques, et l'endroit familial. Elle n'avait que de très bon souvenirs.

Combien de fois s'y était-elle rendue? Elle n'en savait rien, mais elle était sûre que cela faisait beaucoup. Lorsqu'elle était encore élève, elle et ses amis s'y rendaient tous les week-end soit pour faire la fête, soit pour simplement boire un verre après les cours, ou juste pour venir travailler et sortir du dortoir et de la bibliothèque. Elle y était venue seule aussi, pour échapper à la lourde ambiance des serpents et pour s'éloigner de ces vipères et autres boas. Non, vraiment, ce lieu c'était son paradis.

Parfois, alors qu'elle rêvait qu'elle retrouvait son frère, elle s'imaginait en sa compagnie, déambulant dans le parc de Poudlard, heureux. Assoiffés par leurs escapades, elle le conduirait ici, où ils prendraient un whisky feu bien mérité. Ils iraient s'asseoir à une tables et feraient une partie de bataille explosive comme au bon vieux temps. Hélas, ce n'était qu'un doux rêve. Jamais elle ne pourrait faire sortir son frère de Transylvanie, jamais elle ne pourrait l'amener à Poudlard, jamais ils ne pourraient se promener dans le parc, jamais ils ne viendraient ici. C'était tout simplement impossible.
Pourquoi était-ce donc arrivé? Qu'avaient-ils fait pour mériter un tel châtiment? Elle l'ignorait. Si seulement elle n'avait pas été si faible, si seulement elle n'avait pas été si lâche, si seulement elle avait réussi à s'en débarrasser...Loukas ne serait pas devenu ce qu'il est devenu, il n'aurait pas été mordu et aujourd'hui il serait avec Céleste en Angleterre et non pas perdu dieu seul sait où. Maudit soit ce jour, maudit soit les vampires et maudit son cette faiblesse!

La russe ressentit une boule dans la gorge, comme à chaque fois qu'elle repensait à son frère, et des larmes commencèrent à lui piquer les yeux. Non elle ne devait pas pleurer. Pas ici, pas aujourd'hui, pas maintenant. Elle pleurerait ce soir, dans son lit, s'il lui restait des larmes. Non, surtout pas, elle ne devait pas montrer sa faiblesse ici. Elle essuya ses yeux de rages et accéléra le pas. Il fallait qu'elle fasse descendre cette boule, il fallait qu'elle s'hydrate. Le village de Pré-au-Lard se fit en vue, elle doubla sa cadence. De ce fait, elle arriva très vite aux Trois Balais. Des élèves en sortaient, elle les salua d'un sourire, puis entra à son tour dans le commerce. Il était bondé. Il n'y avait pas une seule table de libre et le comptoir était à peine visible. Elle essaya tant bien que mal de se frayer un passage jusqu'à lui et finalement après une bonne minute de combat, arriva au comptoir où elle commanda un whisky feu.

Par la suite, elle chercha, non sans mal, une table à laquelle elle pourrait s'asseoir. Elle finis par en trouver une, dans le fond mais elle était prise par l'un de ses collègues : le professeur Londubat.
Céleste sourit. Enfin une connaissance et elle ne pensait pas que s'asseoir à sa table pourrait le déranger. De plus, au château, il était très gentils avec elle, mais ils n'avaient jamais échangés plus que quelques mots. Peut être était-ce l'occasion d'en savoir plus sur cet homme qui avait affronté le mal à l'état pur. En plus, à part Cassandra, elle n'avait pas beaucoup d'amis parmi ses collègues. Peut être arriverait-elle à le devenir avec le professeur de Botanique. Et peut-être pourrait-il l'aider dans ses recherches.

Elle s'avança, se faufilant parmi les tables, jusqu'au professeur. Se posant devant lui, elle sourit et demanda poliment :

La langue entre les dents, Neville tentait de mettre un point final à cette lettre qu'il trouvait, comme d'habitude, bien trop longue. Mais Luna se trouvait à l'autre bout du monde et lui donner des nouvelles prenait du temps ; autant tout raconter! Si sa syntaxe et son orthographe n'étaient pas parfaites, Neville mettait tout son coeur dans sa plume pour garder contact avec son amie de toujours et lui apporter les nouvelles du château. Quoi de mieux que les Trois Balais pour faire son petit travail écrit? Ce lieu, toujours plein de vie, l'inspirait toujours quand il s'agissait d'écrire à ses amis. Un bol de thé devant lui, accompagné d'une pâtisserie, il s'installait régulièrement à cette même table pendant une heure ou deux histoire d'en finir vite avec sa correspondance.

Il venait juste de mettre un point final à sa lettre pour Luna qu'une jeune femme entra dans son champ de vision. L'esprit encore plongé dans son récit, il leva les yeux et dut mettre trois bonnes secondes pour reconnaître Céleste, sa charmante collègue de Défense contre les Forces du Mal.

"Excusez-moi, pourrais-je m'asseoir avec vous? Il n'y a plus de place nulle part," lui demanda-t-elle avec un charmant sourire.

Neville hocha la tête, lui rendant un grand sourire, et roula son parchemin qu'il glissa dans sa sacoche couverte de traces de boue et de taches d'herbe.

"Comment allez-vous, Céleste?" demanda-t-il avant de boire une gorgée de thé.

Il avait trop peu l'occasion de discuter avec ses collègues, en dehors des heures de repas ; Neville était très lent à corriger ses copies, très précautionneux avec ses plantes et très grand dormeur, aussi ne lui restait-il que peu de temps pour créer des liens avec le reste des adultes résidant au château. Céleste, arrivée au début de l'année, l'intriguait au plus haut point ; elle était jeune - très jeune - et semblait déjà avoir vécu toute une longue vie qu'elle portait sur son dos. Il aurait aimé redevenir l'élève empoté de ses jeunes années, rien que le temps de se glisser à l'un des cours de la jeune femme et en apprendre plus sur elle et sa façon d'enseigner.

En ayant l'accord de son collègue, Céleste posa son verre sur la table et ses affaires dans un petit coin pour finir par s'asseoir en face de professeur de Botanique. Au passage, il rangea un parchemin dans son sac, maculé de boue traduisant ainsi son attachement à sa matière.

La botanique...voilà une matière que Céleste n'avait jamais vraiment apprécier, trouvant que cela ne remuait pas assez. Pourtant, elle estimait beaucoup ses professeurs et les personnes qui consacraient leur vie à cet art. Car oui, elle considérait les botanistes comme des artistes, des virtuoses de la nature. Ils pouvaient faire naître des plantes, en tuer et en transformer c'était surprenant. De plus, les plantes magiques servaient énormément dans la vie de tous les jours, peut être plus que la matière que Céleste enseignait. Céleste sourit à cette pensée. Seulement le professeur Londubat la sortit de ses pensées.


Céleste attendit la réponse de son collègue, mais ayant toujours sa boule au fond de la gorge, bu d'un traite la moitié de sa chope. La liqueur lui brûla légèrement la gorge mais cette faible chaleur s'estompa aussi rapidement. Seulement la boule ne partit pas, elle termina son verre.
Céleste avait honte de se comporter de la sorte, surtout devant un de ses collègues. En fait, depuis la disparition de Loukas, la Laskovick avait tendance à forcer sur la boisson de plus en plus souvent. C'était mal, très mal et elle le savait. Mais c'était plus fort qu'elle...peut être finirait-elle comme sa mère : alcoolique.

Céleste se frappa mentalement. Non! Surtout. Jamais elle ne ressemblerait à sa mère. Jamais. Effaçant cette mauvaise pensée de sa tête, elle se reconcentra sur les faits présents. Un élément dans la phrase de Neville fit mouche, le vous. La jeune Russe avait tendance à tutoyer tout le monde, excepter les éléments perturbateurs ou la directrice. C'était une mauvaise habitude qu'elle avait pris dans sa jeunesse, pas si lointaine, et qu'il lui était restée. Réciproquement, elle n'aimait pas qu'on la vouvoie, à part peut être ses élèves, elle trouvait que cela lui donnait dix ans de plus. Et comme tout le monde le sais, les femmes détestent qu'on les vieillissent.


C'était vrai que par le passé sa manie de tutoyer les gens directement lui avait joué des tours, préférant éviter de se faire traiter d'impertinente et d'impolie, elle prit l'habitude de demander l'autorisation. Mais parfois, cela était encore plus mal vue. Soit ils prenaient ça pour une tentative de drague non discrète, soit ils n'appréciaient pas, soit tout simplement ils voulaient se donner de l'importance par le vouvoiement et ainsi flatter leur ego. Là, ce n'était rien de tout cela. Céleste voulait juste briser les convenances et rendre leur conversation naissante plus conviviale.

"J'ai connu mieux, et vous Neville?"

Neville poussa un long soupir en s'accoudant sur la table, posa ses mains de chaque côté de son bol de thé pour les réchauffer et adressa un sourire à sa collègue. La vérité était qu'il était exténué ; les gelées avaient détruit la moitié de ses plantations de mandragores et il faisait un nombre incalculable d'heures supplémentaires pour essayer de sauver quelques racines. Plusieurs élèves essayaient également de tester son autorité, il en avait même trouvé deux après le couvre-feu qui se roulaient sous les établis en se roulant des galoches... Mais il n'eut pas le temps de décider s'il allait répondre sincèrement à Céleste ou s'il allait lui dire poliment que oui, tout allait bien. Elle l'interrompit avant me^me qu'il n'ouvre la bouche.

"Par contre, si cela ne vous dérange pas, j'aimerais que vous me tutoyiez... Je ne suis tout de même pas si vieille! Et pourrais-je en faire de même? C'est une habitude que j'ai prise... tutoyer les gens... Seulement parfois ça dérange, alors je préfère vous demander l'autorisation."

Neville laissa quelques éclats de rire s'échapper de sa gorge et hocha de nouveau la tête.

"Bien entendu, il n'y a aucun problème. Je préfère, d'ailleurs, à Poudlard il n'y a que la directrice que je vouvoie, et c'est un vieux reste de mes propres années d'études dont je n'arrive pas à me défaire!"

Il avala une longue gorgée de thé. Minerva McGonagall était quelqu'un qu'il admirait beaucoup, ça se voyait dès qu'il parlait d'elle, il relevait la tête, bombait le torse et ses yeux brillaient d'une flamme presque adorative. Cette sorcière lui avait fait confiance pendant des années - dès qu'il avait fait partie de l'AD, en fait - et avait réussi à lui donner sa chance là où beaucoup l'auraient jugé trop empoté. Être à son service dans son école était un honneur, Neville en faisait son devoir et sa chance.

"Alors, quelles misères t'ont fait nos petits trolls ces derniers jours? Je ne sais pas pour toi, mais je les ai trouvés excités comme des Vaudelunes!"

Si seulement il n’y avait que leurs petits trolls qui lui avaient fait des misères, elle ne serait pas dans un tel état de fatigue. Non, c’était encore et toujours son frère qui la torturait. Son absence, le fait qu’il répondait plus et qu’il avait tout bonnement disparu commençait à peser sur Céleste. Elle ne dormait presque plus, elle passait son temps à imaginer le pire des scénarios et autres. Ce rajoutait à cette inquiétude les petits clashes entre elle et certaines de ses élèves, dans ses meilleures jours elle n’en aurait cure, mais elle était à bout, et de ce fait perdait bien plus vite patience qu’à son habitude. Mais que répondre à Neville ? La vérité ou minimisé le problème ? Ne supportant pas le fait de se faire plaindre, elle décida de minimisé le problème et de rester vague sur la disparition de son frère.

Alors que le serveur passa près de leur table, elle commanda un thé comme son collègue, histoire d’arrêter l’alcool. Il fallait qu’elle arrête de forcer dessus sinon elle deviendrait comme sa mère. Et ca, c’était la dernière chose qu’elle voulait. Lorsqu’on lui amena son thé, elle en but une gorgée immédiatement sans attendre. Même si cela lui brûla un peu la gorge, elle en rebut une seconde ; la boule commença à disparaître petit à petit. Elle détendait. Peut être avait-elle fait le mauvais choix en buvant du whisky pur feu pour oublier, le thé ferait mieux l’affaire. Elle mit cette possibilité de côté et regarderait dès son retour, si elle n’avait pas de thé dans ses placards. Sortant de ses réflexions, elle se concentra de nouveau sur son collègue.


Peut être était-ce le prestige de la guerre, ou le fait qu’il savait s’imposé du fait de sa grande expérience dans l’enseignement, elle n’en savait rien mais elle était curieuse d’en apprendre plus sur lui. Elle le respectait énormément et puis, il l’intriguait. Pourquoi avoir choisi l’enseignement alors qu’il aurait pu devenir autre chose ?

Spoiler:

"Excités et arrogants. Ils m’ont pas spécialement fait de misères tu sais, mais bon ils s’amusent à nous pousser à bout, surtout une en particulier, Naïa Rosenberg, je ne sais pas si tu as des soucis avec elle, mais dans mon cour, elle se déchaîne. Je ne supporte pas ces mentalités…je les trouve malsaines. Enfin."


Neville acquiesça lentement, les yeux fermés, comme pour insister sur le fait qu'il était d'accord avec sa collègue. Enfin, il n'avait pas de problèmes particuliers avec des élèves, généralement ses cours se passaient plutôt bien, mais il était tout à fait de l'avis de Céleste quant aux mentalités de certaines élèves ; elles étaient malsaines et dérangeantes.

Interrompu par le serveur, le temps que sa collègue passe sa commande, il prit le temps d'observer la jeune femme. Car jeune, elle l'était. Élégante, souriante, très jolie, elle semblait cependant toujours fatiguée, comme si elle ne dormait pas suffisamment, et son regard était sans cesse assombri par quelque chose qui semblait la poursuivre. De toute évidence, c'était une femme qui avait déjà vécu beaucoup de choses, choses qui l'avaient sans doute amenée à exceller en Défense Contre les Forces du Mal. Donc, quand on suivait ces pensées, des choses qui avaient un lien avec les Forces du Mal.

Mais elle lui ôta bien vite ces considérations de la tête.

Et toi alors, ces petits trolls t’ont-ils fait des misères ? Ils semblent plus calme avec toi, ils ont l’air de plus te respecter. Aller, avoue, quel est ton secret ?

Neville sourit, se sentit rougir un peu et fit un vague signe de la main, comme pour dire qu'il ne méritait pas ces compliments. Lui-même se demandait encore comment il faisait pour rester à son poste année après année!

"Pas de secret, juste beaucoup d'étonnement, pour être honnête. Je ne pensais absolument pas être le genre de personne à devenir enseignant. Peut-être que c'est l'ambiance des serres qui les endort, la Botanique est loin d'être une matière qui déchaîne les passions!"

Il but une gorgée de thé en souriant, un regard amusé sur le visage.

"Mais c'est vrai que certains d'entre eux m'inquiètent. Je sais pas, je pensais qu'après la guerre les gens tenteraient d'élever leurs enfants dans une tolérance minimale des autres, ou qu'ils leurs apprendraient, en tous cas, à masquer les pensées trop extrêmes. Mais il y en a beaucoup qui portent leurs opinions comme des étendards dont il faut être fier, et ça m'inquiète. Ca m'inquiète beaucoup. Qu'en penses-tu, toi? Après tout, tu enseignes la matière qui permet le mieux de faire la différence entre le bien et le mal, tu dois avoir une opinion bien à toi sur la chose, non?"

Neville n'avait pas encore parlé à sa collègue de son envie de recréer l'A.D., mais il commençait à se dire que ce petit verre après le travail serait une excellente opportunité pour lui en toucher deux mots.