Liu xi poussa la porte de ses appartements en hâte, non sans avoir essuyé le regard désapprobateur de la dame du tableau lorsqu’elle donna son mot de passe toute essoufflée. Elle n’avait pas fière allure dans ses vêtements couverts d'une substance gluante et de ce qui ressemblait à du pollen. Ses mains étaient toutes boursouflées comme lorsqu'on soufflait dans un gant pour en faire un ballon, et sa peau la brûlait. Ce qui devait être une simple promenade de reconnaissance dans la forêt interdite s'était terminé en sprint vers le château après qu’elle eu croisé le chemin d’une plante explosive. L’herboriste lui avait trouvé un air de rafflesia, mais elle ne sentait rien de particulier. Elle s'apprêtait à passer son chemin lorsqu’un oiseau survola la fleur géante… celle-ci se contracta alors, puis projeta ce qui semblait être du pollen et une substance collante sur sa proie et aux environs… l’oiseau tomba droit en son cœur en poussant un cri. Liu Xi eu un petit cri de surprise et se recula rapidement, mais le mal était fait. Heureusement, elle portait un chapeau à large bord qui avait protégé son visage, et elle portait des vêtements longs. Seules ses mains étaient touchées. Sa peau bouillante, elle essaya de lancer un aguamenti pour nettoyer sa main gauche,mais elle s’en repantit aussitôt : l’eau coula le long de sa manche et fit pénétré la substance toxique jusqu'à son coude. Elle jura «ifrinn» !
Elle n’eut guère le loisir de chercher une meilleure idée : ses mains se mirent à enfler soudainement. Elle manqua même de faire tomber sa baguette, elle réussit à la rattraper tant bien que mal et à la faire rentrer dans sa manche. Ses articulations étaient complètement bloquées, impossible de plier les doigts.

La jeune femme soupira, elle n’avait plus qu'à garder les mains en l’air, ne pas toucher son visage et à faire les quelques kilomètres retour au pas de course. La douleur l’aiderait à se motiver… du moins c’est ce qu'elle pensait avant que la légère humidité due transpiration sur ses flancs permette à la toxine d’entrer en contact avec sa peau. Cette fois-ci, la brûlure était néanmoins plus légère, pas de quoi l'inquiéter. Mais par sécurité, elle préféra marcher… inutile de se précipiter, gonflée comme une baudruche, elle n’arriverait pas plus vite.

Maintenant qu’elle était arrivée à bon port, elle se dirigea prestement dans la salle de bain, poussant son chapeau dans la baignoire d’un mouvement de l’avant bras et laissa tomber sa baguette. Elle tenta d’ouvrir un robinet pour pouvoir tremper ses mains dans le lavabo… mais avec ses doigts gourds et rigides, elle échoua. Elle contempla ses vêtements, une tenue de sport très stretch et jura… elle ne voyait pas comment les retirer en ayant des planches en bois à la place des mains et sans que sa peau se retrouve en contact avec la substance toxique.

«Putain de bordel de merde, fait chier»

La seule décision possible et raisonnable était de se rendre à l’infirmerie. Elle détestait qu'on s’occupe d’elle lorsqu'elle était malade ou blessée. Se montrer en situation de faiblesse devant autrui. Être redevable. Avoir l’air fragile. Elle était forte et indépendante, pas une petite chose à protéger… mais à cet instant elle était surtout stupide. Et profondément agacée. Elle avait envie de se frapper la tête contre un mur mais ça n’arrangerait pas son cas. Aussi, elle prit son courage à deux mains et se dirigea vers l’infirmerie, espérant ne croiser aucun élève.

Elle arriva enfin devant la porte, essoufflée, son chignon à moitié défait et écroulé sur sa nuque, la douleur s'effaçant encore pour quelques que minutes derrière la colère, l'adrénaline et l’embarras. Sans plus attendre, elle appuya son coude sur la poignée et entra dans l'infirmerie, repoussant la porte de son postérieur avec un léger claquement… elle n’avait croisé personne dans les couloirs, il n’y avait plus qu’à espérer que ce soit la même chose ici.

D’une voix plus timide qu’elle l’aurait voulu, elle interpella Blake qui devait se trouver par là.
«Bonjour!» La vacuité de l’expression lui apparaissait toute entière aujourd'hui… mais sa contrariété ne la dispensait pas d'être polie. «Blake? Je crains de devoir vous importuner… vous feriez bien de vous équiper d’une paire de gants, si vous me permettez un conseil.» Elle devinait sa présence, mais elle ne le voyait pas. Autant qu’il soit au courant pour les gants, qu'il les prennent au passage et qu’on en finisse. La jeune femme avait envie de disparaître.

Liu Xi MacDougall attendit quelques instants, Blake était apparemment occupé avec une préparation un peu plus loin, elle ne le voyait pas mais elle pouvait l’entendre. C’était déjà un soulagement, il était dans son officine et elle n’aurait pas à revenir plus tard, se baladant les mains en l’air comme une Barbie en plastique à un autre moment de la journée. Sans compter que c’était tout de même assez douloureux. Mais elle était patiente, elle attendrait le temps qu’il faudra, elle saurait gérer la douleur. Elle précisa tout de même à Blake qu’il était nécessaire qu’il s’équipe, ce qui eu pour effet de le faire arriver rapidement. Etait-ce la curiosité ou l’inquiétude elle ne le saurait jamais… Ce qu’elle savait en revanche, c’est qu’elle avait très hâte d’en finir… Ce qui ne s’arrangea pas lorsque l’infirmier utilisa un ton moqueur pour lui demander ce qui lui était arrivée.

Elle blanchit légèrement, elle n’était pas seulement stupide et en position de faiblesse, visiblement elle était aussi ridicule… En colère contre elle-même de donner une si piètre image. Image qu’elle ne n’améliora probablement pas lorsqu’elle prit la parole, bien plus sérieuse qu’elle ne l’aurait du devant cette simple boutade. Blake essayait d’être agréable et de détendre l’atmosphère, mais elle était aussi raide qu’une corde d’archer prêt à tirer. « Je n’ai pas laissé traîner mes mains sur quoi que ce soit. En fait, je suis une victime collatérale qui s’est trouvé dans le même périmètre qu’une proie appétissante. »

Ce qui ne devait avoir aucun sens pour qui n’avait pas assisté à la scène, alors elle raconta sa mésaventure : « J’ai décidé d’occuper mes week-ends à recenser les plantes remarquables de la forêt interdite… Quelques unes sont répertoriées dans divers documents à la bibliothèque, mais il n’y a pas véritable d’index les reprenant toutes. Je suis plutôt bien couverte comme vous pouvez le constater, j’avais également un chapeau, pour éviter que la sève des arbres ne colle mes cheveux en tombant, ça arrive parfois. Mais je ne pouvais pas prévoir qu’en m’approchant de cette étrange plante que je n’avais jamais vu de ma vie, et encore, je me tenais à quelques mètres, dieu merci… Un oiseau la survolerait… Et qu’elle déciderait de l’attaquer avec cette sorte de sève ou de mucus ou de je ne sais quoi gluant rempli de pollen toxique. Il est tombé raide mort dans sa bouche. Moi j’ai reçu des projections… Je me suis immédiatement reculée. J’ai ressenti une brûlure vive, mais c’était encore gérable, j’ai voulu nettoyer ma main avec ma baguette, l’eau qui a également imprégné mon t-shirt à fait pénétrer la substance à travers jusqu’à mon coude … » dit-elle en désignant son bras gauche d’un signe de tête.


« J’ai voulu essayer de nouveau, mais mes mains ont enflé d’un coup, tout ce que j’ai pu faire c’est glisser ma baguette avec mes dents entre mon bras et ma manche et courir vers le château… Avant de devoir m’arrêter car même un petit point d’humidité de transpiration fait passer la substance. Je pense que je dois avoir quelques brûlures en dessous de mes vêtements. Du coup, je suis venue en marchant. Je me suis débarrassée de mon chapeau dans ma baignoire, j’espère pouvoir conserver un peu de substance pour la faire analyser. J’ai voulu ouvrir le robinet et prendre un bain, mais il m’est très vite apparu que sans pouvoir plier les doigts, ouvrir un robinet, c’est compliqué. Quant à retirer mes vêtements sans les tirebouchonner ou les retourner en contact avec ma peau n’en parlons pas. Je ne peux pas saisir ma baguette pour les nettoyer, et je ne sais même pas quel sort peut nettoyer ce genre de chose. Bref, je me suis dit que vous auriez sûrement la solution. »

Même si dans les faits, elle aurait préféré rentrer toute habillée dans un bain, souffrir quelques heures et gonfler de partout, attendre que ça passe et se soigner toute seule comme une grande. Et ne pas se montrer dans un tel état. Il y avait-il quelqu’un d’autre dans cette infirmerie ? Elle ne parvenait pas à voir et n’osait pas bouger. Elle poussa un soupir…et reporta son attention sur Blake. Elle savait qu'elle pouvait lui faire confiance. Et puis après tout, il l'avait vu couverte de poussière et autres résidus après son séjour à récurer les cuisines, couverte de sang à la ferme... Elle n'était plus à ça près.

« En revanche, mes parents m’ont appris à être polie et à ne pas être désagréable avec les gens parce que je suis contrariée. Excusez-moi, je n’aime pas trop me retrouver à la place du patient. » dit-elle un sourire aux lèvres, essayant de se détendre un peu. Elle le laissa ausculter ses mains, tressaillant légèrement à son contact. Ce n’était pas tant la brûlure mordante qui lui donnait du fil à retordre. C’était plutôt la sensation de sa peau hyper tendue prête à se déchirer qui la faisait grincer des dents. Mais elle resta tranquille, attendant que l’infirmier fasse son examen, jetant de temps à autre des regards vers la porte légèrement inquiète.

« Vous avez beaucoup de patients ? On ne pourrait pas… verrouiller la porte et laisser les élèves souffrir dans d’atroces souffrances sur le palier le temps que je sois de nouveau présentable ? » demanda-t-elle en plaisantant… un peu. Elle n’était pas contre une cape d’invisibilité, là tout de suite, maintenant.

Liu Xi essaya de se redonner une contenance. Il fallait bien y passer, il fallait être raisonnable. Elle se détendit un peu. Blake n’y était pour rien, elle ne pouvait s’en prendre qu’à elle-même, ce qu’elle faisait très bien dans sa tête. Si seulement elle n’avait pas eu cours le lendemain, elle se serait terrée dans un coin et aura attendu que ça passe, douleur ou pas. Mais il fallait bien être opérationnelle. Elle ferait plus attention la prochaine fois, même si elle estimait avoir pris des précautions. C’est ce qui la rendait folle : elle n’avait pas fait preuve d’imprudence. Elle ne s’était pas surestimée, mais avait certainement sous-estimé le potentiel de nuisance de cette forêt…et tout son intérêt. Elle pouvait se reprocher une erreur de jugement mais guère plus. Elle laissa l’infirmier l’ausculter sans faire un mouvement, espérant qu’il trouve une solution à son problème, mais il ne lui donna pas plus d’information.

« Certes, certes mais vous n’y êtes pour rien…Disons que si je n’avais pas cours demain, vous ne m’auriez pas vu et que je me serais planquée dans un coin en attendant de pouvoir me soigner toute seule comme une grande dans imposer cette vision à qui que ce soit et en maudissant cette plante de malheur. Je déteste qu’on s’occupe de moi quand… » elle leva les yeux au ciel se moquant de son comportement stupide, et termina avec un sourire ironique : « j’en ai besoin finalement. Je n’aime pas avoir un public quand je suis en situation de faiblesse. Il faut cependant croire que je suis comme le reste du commun des mortels et que parfois, je ne peux pas m’en sortir toute seule. Mais je sais que je suis entre de bonnes mains» dit-elle finalement en riant légèrement. Elle appréciait l’infirmier, elle savait qu’il faisait du bon travail, et elle ne doutait pas instant qu’il ferait son possible pour rendre ce moment moins désagréable. Il fallait qu’elle se détende, être crispée et en colère n’arrangerait en rien son état. Elle se punissait d’autant plus en agissant de la sorte. A quoi servait-il de passer des heures à méditer si à la moindre contrariété ou à la moindre déconvenue, elle laissait son amour-propre prendre le dessus plutôt que de relativiser et d’essayer de revenir au calme. Elle était d’autant plus ridicule. Elle retint un soupire… Vraiment ? Il fallait qu’elle arrête. Et puis le ridicule ne tuait pas… n’est-ce pas ?

Blake plaisanta suite à sa remarque… Elle renchérit de bon cœur : « Je sais, je sais, je suis d’une bassesse sans nom… Que voulez-vous, je ne perds rien à essayer non ? Je n’avais pas beaucoup d’espoir ceci dit, vous êtes bien plus intègre que je ne le suis… Je ne peux vraiment pas vous soudoyer pour avoir ma petite chambre privée ? » dit-elle en lui faisant les yeux doux, un sourire taquin aux lèvres. Liu Xi savait pertinemment qu’elle n’avait aucune chance, mais elle était joueuse.
Elle observa Blake pendant qu’il tirait le rideau… ah oui c’était sûr que niveau intimité, on avait rarement fait mieux, le dérisoire rempart de tissus lui arracha un petit rire : « Mais vous êtes parfaitement équipé, rideau occultant avec isolation phonique maximale…. Nous sommes parés à toute éventualité, me voilà rassurée. »

Elle espérait que les élèves prendraient tout leur temps avant d’arriver. Elle n’avait aucune envie de les croiser ici, alors qu’elle était couverte de cette substance dégoûtante. Et gonflée comme une outre. Liu Xi avait bien conscience qu’elle avait le droit de ne pas être au top tout le temps. En plus c’était le week-end, il y avait même des gens qui choisissaient volontairement de porter des joggings informes lorsqu’ils étaient en repos. Le matin, avant les cours, elle travaillait dans les serres et les jardins en botte de pluie et tablier sans s’en émouvoir, puisque c’était une tenue appropriée aux circonstances. Elle n’était pas élégante quand elle courrait autour du lac. Mais elle avait beaucoup de mal à paraître dans un château sale, décoiffée et en piteux état. Elle voulait être irréprochable, pour elle-même et devant ses élèves. Elle était exigeante envers elle-même et envers les autres. Cela lui déplaisait au plus haut point de décevoir ses propres attentes.

Mais elle essaya de chasser ces pensées parasites et de se concentrer l’urgence du moment, dégonfler et bouger les doigts. Reprenant son sérieux, elle demanda à Blake : « Vous voyez ce que ça peut-être ? J’ai déjà eu des réactions à des plantes, mais jamais à ce point là je dois dire… ». Elle repassa la scène dans sa tête… Peut-être qu’il ne s’agissait ni de sève, ni de mucus, mais plutôt d’une sorte de venin ? Et le pollen ne servirait qu’à la reproduction de la plante au passage… Si cela lui demandait beaucoup d’énergie de cracher la substance, elle optimisait peut-être l’opération en faisant sa pollinisation en même temps ? Aussi, ce n’était pas le contact avec le pollen qui était douloureux, mais le venin. Ce qui expliquait que l’eau ait favorisé la propagation de la substance sur la peau. Ou alors, elle était complètement à côté de la plaque. Alors, elle préféra ne pas s’avancer plus dans sa réflexion et laisser à Blake à la sienne, sans l’influencer.

Lâcher-prise ? Oh mais Liu Xi y parvenait très bien, confortablement assise en tailleur à l’heure de la méditation. Pour le reste du temps, elle préférait largement avoir prise sur tout ce qui l’entourait et faire en sorte que les choses se passent au mieux. Il était rarement souhaitable de lâcher prise en toutes circonstances, mais elle voyait ce que Blake voulait dire. Une fois tombé dans la rivière, rien ne sert de nager à contre-courant, on sort plus vite en se laissant porter. C’était l’un des préceptes les plus connus du taoïsme. Et habituellement, elle arrivait plutôt bien à le mettre en pratique. Il était temps de se concentrer et de faire un effort. Il y avait des choses plus graves dans la vie. Et puis l’honneur était sauf, l’infirmerie était déserte pour l’instant.
La jeune femme acquiesça donc avec bonne grâce à la remarque de Blake: « Oups ! Je suis démasquée… Je plaide coupable, mais avec des circonstances atténuantes : je suis fille d’un médecin et d’une chirurgienne après tout ! » Bon, elle exagérait un peu. Si sa mère était imbuvable quand elle était malade, donnant des ordres comme au bloc pour qu’on la soigne selon ses directives, c’est-à-dire le moins possible, son père se transformait en un gamin capricieux demandant toute l’attention disponible. Même pour un simple rhume. Heureusement, il avait un excellent système immunitaire. Peut-être que Blake avait eu l’occasion de jouer les infirmiers dévoués pour Fergus ? Cette pensée l’amusait beaucoup.

Au moins autant que la réponse que lui fit l’infirmier quant à sa chambre… Vraiment, il doutait qu’elle ait les nerfs assez solides ? Ils avaient pourtant tous les deux vécus à proximité de champ de bataille, travaillaient avec des adolescents et savaient travailler en état de stress. Elle regarda autour d’elle l’infirmerie, qui était plutôt rangée et organisée, à moins qu’il cache bien son jeu, l’infirmier ne lui paraissait pas être un souillon : « Vous osez sous-estimer mes nerfs ? Tout ça parce que je réclame un peu d’intimité, vous allez me vexer, très cher ! » dit-elle en riant. « Je pourrais vous proposer ma propre chambre, si la votre est pire qu’un champ de bataille, la mienne est presque aussi épurée que celle d’un catalogue Ikea. Après tout les visites à domicile ne nécessitent pas d’installation : mais j’aurais mauvaise conscience de vous détourner de votre infirmerie. » dit-elle toujours taquine. Elle se doutait bien qu’il arrivait quelque fois à Blake de quitter ses locaux, mais au fond, il lui semblait être aussi acharné de travail qu’elle-même. Était-ce une conversation déplacée ? Après tout, elle ne faisait que plaisanter, et cela lui évitait de trop penser à sa situation totalement ridicule… Blake ne lui en voudrait probablement pas, après tout, il avait été le premier à lancer les hostilités et à en rire. Une autre question affleura à la surface de son esprit : aurait-elle osé cette remarque si son interlocuteur avait été moins charmant que l’infirmier ? Probablement pas. Mais c’était juste une plaisanterie, pas une invitation aussi décida-t-elle de ne pas y prêter attention plus avant et écouta la suite du plan. « ça peut fonctionner si tant est que j’arrive à attraper le draps. Auquel cas, je suis sûre que je peux faire mieux que 5 minutes, si personne ne me fait rire et que je n’oublie quand même pas de respirer » répondit-elle prenant un air outré. Elle réfléchit à la suite de la proposition… C’était effectivement tentant, mais cela risquait de susciter d’autant plus de rumeurs et de suppositions si quelqu’un venait à rentrer. Elle ignorait sincèrement ce qui était le pire : passer pour une imbécile incompétente, ou toute autre idée farfelue que pourrait trouver un élève. « Vous mettez mes pauvres nerfs fragiles à rude épreuve, je suis effectivement tentée… Mais je crois que l’imagination est pire que la vérité parfois. Je vais donc prendre sur moi et décliner votre offre généreuse, je crois que je ne suis pas prête à me retrouver au cœur d’une sordide rumeur. » dit-elle en riant, bien qu’elle ait dit le fond de sa pensée. Si un élève la voyait, elle le regretterait probablement, mais il fallait bien faire un choix. Elle détestait ce genre de situation. Mais elle ne voulait pas montrer son trouble à l’infirmier, aussi avait elle tranché aussi vite que possible, et en réfléchissant moins qu’à l’accoutumée. Elle ne pouvait tout de même pas passer le reste de la journée à déterminer ce qui serait le moins risqué.

Liu Xi laissa Blake l’examiner, espérant que ses observations seraient fructueuses… Quant à la plante, si elle était dans ce manuel, elle n’aurait aucun mal à la reconnaître ou à la dessiner, si elle avait des doigts fonctionnels. Elle était certes un peu abîmée mais elle n’était pas devenue stupide pour autant. Elle allait répliquer, quant elle se rappela sa résolution d’être agréable et de ne pas faire preuve de mauvaise humeur avec Blake, qui n’y était pour rien. Elle acquiesça simplement, attendant que l’infirmier revienne avec son matériel. Il n’était pas question qu’elle joue les femmes lunatiques, elle riait encore il y a deux minutes, elle devrait pouvoir trouver les ressources pour continuer sur cette voie.

Il posa le livre à proximité, l’objet semblait ravi d’être là et battait tout seul des pages. Cela lui faciliterait la tâche tant qu’elle ne pouvait pas plier les doigts. Elle laissa Blake tentait de remonter ses manches, mais ce n’était pas chose aisée, avec ses bras tous gonflés. C’était plus douloureux qu’autre chose, et il fallait se rendre à l’évidence : ça ne passerait pas. Pour la première fois, ce fut Blake qui semblait embarrassé. Liu Xi eu un petit rire amusé… Si elle avait été capable de s’appliquer les compresses elle-même, ou se déshabiller : Blake aurait tout ignoré de sa mésaventure. Quant à retirer son t-shirt sans regarder, c’était bien intentionné de sa part, mais cela présentait un danger un peu plus grand…il fallait savoir faire des sacrifices dans la vie. Et puis, l’infirmier avait du en voir d’autres des patients en petite tenue. Bon, le fait qu’ils soient collègues ajoutait certes un léger embarras, mais elle tâcherait de ne pas y penser. Après tout, c’était son travail, il était capable de faire la part des choses. Et surtout, elle commençait réellement à avoir mal. Plus vite elle dégonflerait et retrouverait l'usage de ses membres, mieux ce serait. Elle pourra disparaître de l'infirmerie avec ses brûlures, ses doutes et ses sous-vêtements et ne plus sortir de sa chambre jusqu'au lendemain. Cela valait bien un petit peu d'embarras.
La jeune femme répondit à Blake en plaisantant, espérant dissiper un peu le malaise : « Effectivement, c’est légèrement serré. N’allez pas croire que je veux vous offrir un strip-tease Blake, mais je préférerais que vous regardiez ce que vous faites : j’ai déjà des pattes d’éléphant, je ne tiens pas à ce que mon t-shirt rentre malencontreusement en contact avec mon visage et me transforme en créature hydrocéphale. Je m'en remets à votre professionnalisme: je suis de toute façon bien incapable de me sortir de se pétrin toute seule! »

Elle faillit ajouter, et je sais que vous n’y prendrez aucun plaisir, mais le but était de détendre l’atmosphère, pas d’en rajouter une couche… D’ailleurs, maintenant qu’elle y pensait… qu’avait-elle mis comme sous-vêtements* ce matin ? Elle essaya de s’en souvenir, étant soudainement moins sereine… Non tout allait bien, ce n’était certes pas des sous-vêtements adaptés au sport, après tout, il s’agissait d’une simple balade, c’était joli mais rien d’indécent. Si elle se rappelait bien, il s’agissait d’un soutien-gorge noir opaque – dieu merci -, avec liseré en dentelle assez simple. L’honneur était sauf. Enfin normalement.
D’ailleurs, elle se demandait comment l’infirmier comptait s’y prendre pour enlever ce maudit vêtement imbibé de produit toxique : un sortilège, des ciseaux ou une dextérité particulière quant au déshabillage ? Elle se tint immobile, elle saurait bien assez tôt. En attendant, elle se concentra sur le manuel :

6 : La magie, c’est vraiment fantastique, on se concentre très fort sur la plante qu’on veut et hop, le livre nous la trouve tout de suite « c’est celle-ci Blake » dit-elle en désignant la plante nommée nepenthes northiana sternutamentum.

2-4-5 : Brave livre, les plantes toxiques du Royaume-Uni, on devrait pouvoir trouver quelque chose rapidement.

1,3 : Le lichen et les mousses du Royaume-Uni, il va falloir se concentrer plus sur les plantes, et moins sur le déshabillage jeune fille !


*c’est le hasard qui a décidé ici

Blake avait un sourire particulièrement réconfortant, pas ce sourire forcé qu’affichait parfois les soignants, mélange de compassion, de pitié et de formalité. Malgré sa carrure de grizzli, cela lui donnait un air doux. Elle n’était qu’à moitié surprise d’entendre sa déclaration. Son père détestait soigner Mei, il était tout attentionné et tout dévoué, alors qu’elle n’attendait que de l’efficacité et une paix royale. Cela finissait toujours en dispute, aussi, envoyait-il quelqu’un d’autre au charbon, de préférence Liu Xi s’il l’estimait capable de suivre les ordres de sa mère. Fergus quant à lui était un véritable bébé, nécessitant une infirmière collée à lui pendant tout le processus. Un peu pesant, mais Liu Xi était très proche de son père, et elle se prêtait au jeu avec amusement, jouant les petites mamans… ce qui était une activité somme-toute payante, puisque généralement après ça, son père l’autorisait à défier les militaires de la base au Kung-Fu ou l’accompagnait dans de longues marches, délaissant ses patients le temps de s’occuper d’elle à son tour.
« Oulah… je suis sûre que vous vous y êtes collés parce que mon père s’est dégonflé et a prétexté une autre urgence ? C’est un spécialiste » dit-elle sur le ton de la confidence.

« J’espère qu’on vous a décerné une médaille après ça. Quand j’étais petite ou ados, c’était souvent moi la garde-malade. Cela évitait que mes parents s’étripent. Moi, j’ai appris à me taire, et à obéir. L’avantage, c’est que je fais des points de sutures de qualité. » ajouta-t-elle, compatissant au calvaire de son collègue. Elle avait tellement envie de plaire à ses parents, qu’elle était prête à les supporter même quand ils étaient absolument imbuvables. Et puis elle s’était rendu compte après observation que ce n’était pas si difficile de s’occuper de sa mère : il fallait travailler vite, bien sans faire d’erreur et disparaître aussi vite sans faire de remarque. Alors, on évitait les piques mécontentes, les commentaires désobligeants et les cours de médecine. La reconnaissance venait après, parfois avec quelques commentaires bienveillants pour s’améliorer. Même si Mei était désagréable pendant sa convalescence, elle avait grandement contribuée à rendre sa fille sûre d’elle et déterminée, fière de ses compétences. Elle l’avait toujours encouragée dans sa voie, bien qu’elle ne soit pas aussi prestigieuse que la chirurgie. L’important, c’était de viser l’excellence peu importe le domaine, les sutures, les plantes ou le tricot, il ne fallait désirer rien de moins que la perfection. « Enfin, effectivement, en comparaison, je suis tout à fait agréable » lui lança-t-elle avec un clin d’œil.

Lorsque Blake enchaîna sur sa réputation, elle sentit son sourire un poil plus moqueur qu’auparavant. Elle avait du mal l’imaginer se soucier des quelques rumeurs, et elle l’enviait d’être capable de détachement. Elle avait moins de mal à accepter que l’on colporte des informations plus ou moins véridiques à son sujet que des rumeurs montées de toute pièce. On pouvait toujours dire la vérité qu’en elle existait, rétablir les faits. Mais quand il n’y avait qu’un tissu de mensonge, il devenait difficile de prouver qui était dans son bon droit. Elle hocha subrepticement la tête… Avant de rire à la proposition de l’infirmier. Elle aurait pu se lancer dans une grande imitation de son jeu de séductrice, mais il fallait se rendre à l’évidence, ses bras gonflés et ses cheveux en bataille ne joueraient pas en sa faveur et la farce aurait juste l’air ridicule. Elle se contenta de planter ses yeux noirs dans ceux de Blake, un sourire au coin des lèvres, avant de lui demander d’une voix chaude et profonde : « Oh, et quels services voulez-vous donc me proposer cher Monsieur Lennox ? ». Il était évident qu’avec une note de ce type sur la porte, la nature des services pouvaient amener à bien des suppositions, l’urgence médicale n’étant pas nécessairement en tête de liste. « Je ne crois pas qu’il soit très avisé de laisser ce genre de note. Vous en dites trop ou pas assez » dit-elle avec un air malicieux « Un laconique ‘’parti consulté en urgence, revient dès que possible.’’ me semble largement suffisant…et peut-être un peu moins évocateur. » Liu Xi avait eu régulièrement recours à ce genre de note sur sa porte. « Mais votre technique est intéressante, si jamais je dois rouvrir une herboristerie un jour j’y penserais, certains pourraient se découvrir une nouvelle passion pour la médecine au naturel. Que pensez-vous de ‘’partie prodiguer un massage en urgence, de retour dès que le patient est soulagé ?’’, peut-être pas assez dans la suggestion ? » demanda-t-elle amusée.
En réalité, Liu Xi prodiguait rarement des massages à ses patients, sauf urgence et incapacité d’un patient régulier à se déplacer. Un vieillard veuf et coincé au lit par exemple. SI une application nécessitait un massage, elle leur en faisait certes la démonstration pour leur expliquer, et les laissaient ensuite réaliser le soin. La jeune femme se dit qu’elle était peut-être effectivement légèrement obsédée par l’idée d’autonomie, même pour les autres. « Oh mais vous êtes libres de vos choix, c'est juste que ma vengeance sera terrible et que vous avez intérêt à courir plus vite que moi, si ceux-ci n’étaient pas avisés ! » dit-elle en plaisantant à son tour.

Ces plaisanteries avait permis à Liu Xi de se détendre, de lâcher prise sur la situation et d’accepter de ne pas pouvoir toujours tout contrôlé. Ce n’était pas une posture souhaitable à la base, mais la conversation était agréable, sa gêne s’était un peu dissipée. Elle appréciait que Blake soit parvenue à la faire rire d’elle-même plutôt de dramatisé, mais surtout il avait rit avec elle, sans méchanceté, et sans perdre de vue le travail à accomplir. La douleur n’avait pas disparue pour autant, mais sa crispation et sa mauvaise humeur s’étaient estompées, ce qui rendait la consultation moins pénible psychologiquement. Aussi, quand Blake annonça une seconde mauvaise nouvelle, elle fronça légèrement les sourcils avant de les relâcher en un sourire : « Si j’étais de mauvaise foi quant à ma responsabilité dans cette fâcheuse issue, je vous demanderai de m’accompagner dans une virée shopping pour remplacer ce t-shirt tout neuf… Mais comme vous êtes particulièrement prévenant et que vous voulez m’éviter un visage totalement déformé, je vais être bonne joueuse. Ne vous inquiétez pas, faites ce que vous avez à faire.»

La jeune femme ne bougea pas lorsque son vêtement tomba au sol, la température de la pièce était agréable et elle se sentait finalement un peu plus à l’aise, le tissu n’irritant plus sa peau. Elle continua à parcourir le livre, quand Blake s’occupa de poser les compresses fraîches. Les brûlures la lancèrent soudain violemment sous la surprise du choc thermique avant d’être apaisées. Liu Xi était parcourue de frisson, sa peau constellée de chair de poule. Il n’avait pas plaisanté avec la glace. Elle espérait simplement que…hum cela ne se voyait pas trop à travers ses sous-vêtements. L’idée l’embarrassa immédiatement, mais elle lutta pour ne rien afficher et surtout ne pas baisser les yeux pour vérifier, puisque c’était le meilleur moyen d’attirer l’attention… Heureusement, Blake ne s’attarda pas et se rendit dans son officine. Cela lui laisserait le temps de se pencher sur sa lecture.

Elle visualisa de nouveau la plante, de sa racine à ses feuilles, puis son corps ventru et sa bouche ourlée, coiffée d’une sorte de feuille faisant office. Sans s’aventurer dans les mouvements qu’elle avait esquissé. Une simple description physique de la plante. Cette fois-ci, la manœuvre fonctionna. Elle interpelle Blake « c’est celle-ci ! Nepenthes northiana sternutamentum. » Il s’agissait d’une variété magique de la plante classique, qui avait comme particularité de pouvoir projeter une sorte de venin collant pour pétrifier ses proies, tout en lançant son pollen. La manœuvre lui demandant beaucoup d’énergie, elle n’avait pas trop de le droit à l’erreur, autant faire d’une pierre deux coups. A priori, son venin n’étaient pas toxique pour les autres plantes, mais mortelles pour les petits animaux… Et apparemment corrosif pour les plus gros.

Le Hasard:

La jeune femme rit de bon cœur… Il était difficile d’un vouloir à quelqu’un comme Fergus. Il était farceur certes, mais il avait le cœur sur la main et était prêt à tout pour sa famille et ses amis. Même occasionnellement à se dévouer et à soigner son épouse. Mais s’il pouvait se décharger de la corvée sur une bonne âme, après tout, autant conserver la paix dans son ménage n’est-ce pas ? Pauvre Blake… heureusement, il ne semblait pas en garder un souvenir traumatisant et plaisantait quant aux manières peu orthodoxes du père MacDougall. Quant à sa remarque concernant sa mauvaise humeur quelques instants auparavant, Liu Xi décida de ne pas s’en formaliser. Effectivement, elle était insupportable lorsqu’elle laissait la nervosité la gagner, autant rester humble : « Il faut bien que ces longues heures de méditation finissent par porter leurs fruits… Et puis, je l’avoue sans regrets : vous me faites rire, ce qui facilite grandement les choses. » Elle jeta cependant un œil à la porte, au cas-où. Elle n’était pas à l’abri d’une rechute en cas d’entrée impromptue et indésirable.

L’infirmier continua sur sa lancée, la chambrant gentiment… Un massage ? Puisque c’était si gentiment proposé, cela serait totalement impoli de refuser. Une offre si généreuse, on pouvait difficilement passer à côté quand on était aussi poli et bien élevé que la jeune femme. « Oh mais j’ignorais que le massage pouvait faire partie du package » dit-elle en observant ses mains d’un œil expert… Compte tenu de sa musculature et de la largeur de ses mains, elle ne doutait pas un seul instant qu’il battait à plate couture la plupart des soins prodigués par les masseuses des instituts de beauté. Selon Liu Xi, ces dernières papouillaient plus qu’elles ne massaient. La jeune femme avait presque renoncé à trouver le Saint Graal du massage à Londres et profitait de ses vacances en Chine pour faire le plein de détente et de pouces fermement enfoncés dans ses muscles. Mais le professeur avait néanmoins craqué pour une nuit dans un luxueux hôtel juste avant la rentrée, avait joué les divas à l’accueil du spa pour demander quelqu’un de compétent et aux mains sûres pour se refaire une beauté après ce séjour en forêt. Et pour essayer de se détendre et de repartir toute neuve à Poudlard. « J’essaierais de penser à avoir des courbatures ou des contractures dès que j’aurais dégonflé, monsieur l’infirmier ». dit-elle en lui faisant les yeux doux tout en essayant de ne pas rire. Ce qui était somme toute compliqué dans de telles circonstances… Elle n’était pas vraiment en position de roucouler ou de faire du charme à qui que ce soit.

Elle hoche la tête quant à la proposition de Blake, effectivement, il vaut mieux qu’il évite les pancartes de ce genre s’il veut montrer son sérieux… Mais Liu Xi ne doutait pas que les adolescents apprécieraient bien plus le ton drôle et mordant de leur infirmier que ses indications cryptiques. « Avec plaisir, je vous nommerais responsable de la communication et de la stratégie marketing. Et en échange, je me charge de nimber votre infirmerie de mystère. » dit-elle en prenant son ton de femme d’affaires. « Cela me donnera l’occasion de m’en approcher régulièrement, pas en tant que patiente, je vous aime bien ne vous y méprenez-pas » s’empressa-t-elle d’ajouter « mais je préfère jouer les infirmières moi aussi. Vous aurez peut-être besoin de mettre en place une cellule de crise quand viendra le temps de la grippe. Je crains qu’administrer des sirops pour la toux me manque un peu quand l’hiver viendra. » conspira-t-elle sur le ton de la plaisanterie… Cependant, cela cachait tout de même un fond de vérité. Enseigner ne lui déplaisait pas, mais elle se sentait tout de même moins utile qu’en soignant des gens. Surtout que ses élèves étaient loin de tous se passionner pour sa matière. Elle pouvait le comprendre, à côté d’un cours de sortilèges qui se souciait des plantes ? Il fallait qu’elle s’habitue à ses nouvelles fonctions, à se fixer de nouveaux objectifs. A accepter l’imperfection des élèves et surtout de son propre manque d’expérience dans l’enseignement. Elle avait encore besoin d’apprendre. Elle évita de se plonger dans ses pensées, ce n’était pas très poli pour Blake qui faisait preuve d’une grande patience avec elle et faisait en sorte de la soigner au mieux… Apparemment le menacer ne se faisait pas non plus… Une menace, tout de suite les grands mots, c’était un simple avertissement, rien de plus. Mais s’il le prenait ainsi et qu’il ripostait… Elle ne serait pas en reste, elle lui rappela avec un sourire en coin, elle était plutôt maline en fait… « Ce qui pourrait me rendre très nerveuse et très grincheuse, je ne suis pas sûre que vous soyez gagnant dans cette histoire. » Alors certes, il pouvait essayer de la faire patienter, la malmener et ne prendre aucune précaution pour la soigner… Mais d’une parte, elle doutait fortement qu’il soit le genre de personne à faire volontairement mal à qui que ce soit, et d’autre part, elle n’était pas particulièrement douillette et elle ferait tout son possible pour cacher son mal. A moins qu’elle n’opte réellement pour une tactique des plus agaçantes : chouiner à chaque contact. Heureusement, ni l’un ni l’autre ne songeait réellement à faire prendre un tel tournant à cette entrevue. Ce serait pénible pour tout le monde.

Et en parlant de pénibilité, elle n’était pas spécialement à l’aise couverte de compresse dans cette infirmerie. Cependant, la morsure du froid apaisait ses brûlures, et c’est avec un soulagement non feint qu’elle trouva la responsable de ses malheurs dans le livre de l’infirmier. Il s’en empara pour préparer ses remèdes, et elle n’avait qu’une hâte, c’était de retrouver son aspect habituel. Elle se sentait un peu stupide d’attacher plus d’importance à avoir l’air en pleine forme que de chasser la douleur, mais elle pouvait prendre cette dernière pour elle et en faire abstraction un certain temps. Elle n’avait aucune prise sur le regard des gens et sur l’impression durable qui s’imprimerait dans leur cerveau. Elle attendit patiemment le retour de Blake, essayant de calmer son esprit. Tout ça serait bientôt fini. Elle retournerait dans ses appartements et pourrait consigner ses découvertes lors de cette promenade dans son grimoire et ne plus reparaître avant le lendemain. Retourner dans ses appartements… elle jeta un regard désespéré à son t-shirt dans la poubelle. Elle n’avait pas sa baguette. Où diable allait-elle trouver un vêtement pour traverser les couloirs ? Elle n’allait pas se promener en soutien-gorge dans toute l’école. Elle pourrait peut-être emprunter un vêtement abandonné ici, ou un linge quelconque ? Peut-être que l’infirmier pourrait lancer un accio sur ses vêtements ? Si elle se souvenait bien, il y avait un sweatshirt sur la chaise de son bureau, cela suffirait peut-être comme indication. Son intense réflexion fut interrompue par le retour de Blake, lui expliquant la suite des opérations.

« Parfait… avec tout ça je devrais retrouver ma peau de bébé » dit-elle autant pour se donner espoir que pour encourager Blake. Avant qu’il ne se lance dans les grandes manœuvres, la jeune femme prit une grand inspiration, faisant monter ses épaules jusqu’à ses oreilles et les laissant retomber de tout leur poids pour les détendre. Son chignon finit totalement de dégringoler dans la manœuvre, retombant dans son dos… Eux au moins étaient toujours soyeux et réchauffaient un peu ses omoplates. « Je suis prête ». dit-elle doucement. « Votre livre à l’air d’être très complet, vous pensez que je peux le trouver à la bibliothèque ? » demanda-t-elle pour occuper son esprit. Après tout, si elle voulait répertorier toutes les espèces présentes dans la forêt interdite, ce genre d’ouvrage pourrait grandement l’aider et lui éviter de faire des recherches éparpillées dans plein de documents.

Liu Xi acquiesçât dans un sourire, elle imaginait bien Blake en tant que boute-en-train de service. Et en cela il devait bien s’entendre avec Fergus qui n’en loupait pas une. Il n’était sérieux qui si la situation l’exigeait vraiment à tout prix. Il adorait faire le clown et son challenge quotidien était de réussir à dérider Mei, ce qui n’était pas une mince affaire. Blake semblait être d’un autre genre, mais c’était appréciable. Cela facilitait grandement l’échange, la confiance. La jeune femme se sentait bien en sa présence, comme si tout cela n’était finalement pas si grave.

Elle n’est pas peu fière de le faire rire aux éclats à son tour… Elle ne s’attendait pas à un tel succès, et encore moins à ce qu’il ne se dédise pas. Peut-être était-ce vraiment ce qu’on appelait ‘’saisir une opportunité’’. La suite de ses propos l’étonne un peu… Lui mettre la pression ? Non, ce n’était qu’une simple plaisanterie, pas de quoi s’inquiéter. Elle plaisanta avec douceur « Oh, je ne voudrais pas que vous soyez sous pression, vous allez être tendu, ce qui n’est pas idéal pour réaliser un massage. Et puis, un massage ne peut pas réellement être mauvais, c’est comme le chocolat… » inefficace, ennuyeux, maladroit oui, mais vraiment mauvais, il fallait le vouloir. Un chocolat pouvait être de mauvaise qualité, mais rarement à vomir ! « Mais si vraiment cela peut vous rassurer, je pourrais vous guider, je ne peux pas prétendre être kiné, mais je me débrouille » ajouta-t-elle avec un sourire malicieux. Elle n’était pas une spécialiste des massages médicaux pointus, mais elle connaissait bien ceux qui s’appliquaient à la médecine chinoise et aux affections courantes. Et puis surtout, elle trouvait réellement cela agréable de prodiguer un massage à quelqu’un, cela lui procurait une sensation de relaxation presque similaire à celui d’en recevoir. Cela nécessitait de s’oublier totalement tout en concentrant son attention tout entière au corps de l’autre, à ses maux. Une sorte d’hyperconscience, une connexion particulière avec une autre personne, intime et se passant de mot. C’était plus simple qu’une conversation et tout aussi productif. Et dans le cas de Liu Xi bien plus révélateur.

La jeune femme se sépara de son ton blagueur l’espace d’un instant. Est-ce que Blake venait d’accepter à demi-mot qu’elle vienne lui tenir compagnie dans l’infirmerie ? Pour travailler ? Elle ressentit un vif soulagement, mais surtout une grande reconnaissance. L’enseignement ne lui déplaisait pas, mais elle n’avait pas encore pris ses marques, pas encore trouvé sa place. Elle ne se sentait pas réellement utile. Soigner des gens avaient toujours été au centre de sa vie, et pouvoir ne serait-ce qu’une fois de temps en temps renouer avec sa vocation, en avoir la possibilité… Oui, elle se sentait plus légère. « Je vous remercie. Je saurais faire bon usage de ce rapide laps de temps » dit-elle avec un sourire reconnaissant. L’infirmier avait-il compris à quel point s’était important pour elle ? Après tout, il était le mieux placé pour cela.

Elle le laissa continuer les soins, restant parfaitement immobile pendant l’application. Ce n’était pas particulièrement agréable, mais elle était capable de rester stoïque : savoir que moins elle s’agiterait plus vite elle serait remise sur pied lui suffisait à prendre son mal en patience. L’ouvrage de Blake intriguait Liu Xi, grande lectrice et elle ne manquerait pas de venir harceler la bibliothécaire. « Je vais demander à la bibliothécaire, je n’ai pas encore reconstitué ma propre bibliothèque alors je passe pas mal de temps dans ses locaux. Mais dans tous les cas, je mettrais la main dessus !» dit-elle en prenant soin de bien mémoriser la référence. Elle le commanderait sans états d’âme si ce n’était pas le cas. Elle finirait de toute façon par monopoliser l’exemplaire de la bibliothèque si elle ne le faisait pas.

L’infirmier en profite pour préparer ses remèdes, tout en l’interrogeant… Est-ce qu’elle se fait à sa nouvelle vie ? A-t-elle vraiment le choix ? Elle n’est pas malheureuse, mais elle n’est pas encore tout à fait adaptée. Le plus difficile finalement, c’est de ne pas être libre de ses mouvements, de ne pas pouvoir s’échapper de Poudlard en dehors des sorties autorisées à Pré-au-Lard. C’est une jolie ville, elle y a ses ruches, mais cela lui rappelle également de mauvais souvenir. Difficile de se sentir totalement à l’aise dans un village qui accueillit parfois un peu trop vite à son goût les Mangemorts. Tous ne l’ont pas fait de gaité de cœur, elle en avait bien conscience, mais c’était encore trop frais pour qu’elle ait réellement envie d’y passer du temps. C’était pourtant l’occasion rêvée pour enfin pouvoir téléphoner à sa famille. Un autre mauvais côté du château : bon dieu ce qu’internet et les mails pouvaient lui manquer. Les hiboux étaient bien trop lents à son goût et elle rechignait à en faire usage trop souvent, trouvant cela un peu cruel de leur faire parcourir de telles distances pour obtenir des nouvelles déjà périmées. « Cela demande une certaine adaptation, pour être honnête, je cherche encore un peu mes marques. Je crois que je dois en savoir à peu près autant sur ce château qu’une première année. Mais cela à aussi son charme, c’est un endroit surprenant. » Liu Xi n’aimait pas se plaindre, c’était difficile pour elle de se livrer, même à quelqu’un d’aussi fiable que Blake. Mais elle essaierait de livrer un peu le fond de sa pensée, ça ne pouvait pas faire de mal. « Je dois avouer que ne plus pouvoir communiquer facilement avec ma famille m’inquiète un peu. » beaucoup, énormément. Que se passerait-il s’ils avaient besoin d’elle ? Elle ne le saurait que des semaines après.
« Et je n’ai aucune expérience dans l’enseignement, je suis plutôt une éternelle étudiante, qui va se promener en forêt pour en apprendre plus sur ce qui s’y trouve. J’espère être à la hauteur de ce nouveau challenge… En commençant par ne pas vous envoyez un élève toutes les semaines. » avoua la jeune femme, incapable de masquer un rougissement de honte. Dès son premier cours avec les secondes années, Joanne avait fini à l’infirmerie. C’était indigne d’un professeur, surtout pour une école prestigieuse comme celle-ci. Avant de perdre totalement ses moyens, elle décida de changer de direction.

Il y avait aussi de bon côté à être ici. « Mais il y a des bonnes surprises! Je découvre la magie sous un autre angle, c'est une chance de pouvoir avoir un oeil neuf sur les choses et j’ai beaucoup plus de temps libre… Les serres ont toujours été bien entretenues, et la température constante rend les choses d’autant plus faciles. J’ai préparé les terrains pour quelques plantations de mon cru, sans magie, mais ça n’a rien à voir avec le rythme de la Sylve ! Même avec les corrections et la préparation des cours, j’ai largement le temps de faire du sport, de courir, de m’entraîner, de tester ma nouvelle ép… »

Elle s’interrompt en entendant la porte s’ouvrir. La décontraction dont elle a fait preuve jusque-là semble s’envoler comme par magie et l’ensemble de son corps se tend. Elle n’a vraiment pas envie de faire démonstration de son incompétence devant un élève une fois de plus. Alors, elle espère vraiment pouvoir faire étalage de ses dons de camouflage et que sa présence ici passe inaperçue.

2-6 : Blake ne se laisse pas perturber par l’entrée de l’élève et ne bouge pas. Parfait, Liu Xi a parfaitement le temps de se positionner correctement sur sa chaise pour être masquée par sa corpulence et ne pas apparaître quand il ouvrira le rideau pour s’occuper de l’élève. Simple et efficace.

1-4 : Blake se retourne légèrement pour voir qui entre, et malheureusement, comme Liu Xi tente de se déplacer pour ne plus être visible, au même moment, c'est l'inverse qui se produit. Espérons qu’il n’ait aperçu que sa tête et pas ses sous-vêtements. Mon dieu quelle horreur… Elle retient une moue contrariée, se fait toute petite et espère que l’élève ne soit pas spécialement perspicace ou bavard. Pourvu qu’il n’en ait pas pour longtemps et qu’on en finisse. Un petit coup d'oubliettes pour préserver sa dignité n'est probablement pas envisageable...?

3-5 : Dans un mouvement de panique, Liu Xi essaye de déplacer sa chaise discrètement mais avec les mains et les bras couverts de compresse, tout ne se passe pas comme prévu. La jeune femme se vautre à moitié, faisant un bouquant d’enfer. Elle se prend dans le rideau, et se rattrape de justesse sur Blake « Mo Chreach! » . Génial, en soutien-gorge, maladroite et totalement ridicule. Devant un élève. Elle en pleurerait si elle n’était pas déjà suffisamment embarrassée comme ça ! Elle se rassoit sur sa chaise, rouge comme une pivoine et grommelant entre ses dents. Elle se lance dans une contemplation très concentrée du sol. Que Blake aille s’occuper de l’élève, elle ne veut croiser le regard de personne, là tout de suite, maintenant.

Liu Xi observa l’infirmier et le gratifia d’un sourire un coin… Elle voyait parfaitement ce qu’il venait de faire, très bien elle avait commencé à retourner la situation à son avantage, et à son tour, il retombait sur ses pattes. C’était bien joué. « C’est parfait alors, vous aurez une pancarte toute trouvée pour votre porte ‘’en formation’’, on ne pourra pas douter de votre sérieux avec ça ! Restera à trouver un créneau. » dit-elle amusée. Après tout, s’il tenait réellement à prendre un cours, elle ne voyait aucun inconvénient à le lui donner, elle avait eu des cobayes bien moins agréables. Elle se sentit un peu embarrassée d’avoir ce genre de pensée dans un moment si peu opportun, mais en même temps, avec une telle discussion, il était difficile d’y échapper. Et c’était somme toute réflexion tout à fait objective. Un peu trop même peut-être. Il y avait sûrement des choses un peu plus urgentes que de laisser son esprit traîner sur son collègue. Heureusement, cette image fugace de mains et d’huile de massage laissa place à un sujet plus sérieux. Elle était ravie d’être acceptée en renfort à l’infirmerie. Cela lui enlever un poids des épaules, de savoir qu’elle pourrait toujours trouver refuge dans un lieu où elle avait sa place, où ses mains étaient fiables, où elle savait comment se comporter et comment agir. Un endroit où tout n’était pas à apprendre. Liu Xi aimait apprendre. Elle voulait être irréprochable, et elle finirait par y parvenir, elle espérait que ce soit rapide. Elle ne voulait pas que les élèves pâtissent de ses tâtonnements et échecs.


La jeune femme nota dans un coin de sa tête de faire une visite à la bibliothèque ou une commande chez le libraire. Blake la questionna alors qu’il appliquait ses différentes compresses. Cela occuperait son esprit, la douleur n’était pas insupportable, mais moins elle y pensait, plus vite le temps passerait n’est-ce-pas ? Cela étonnait beaucoup de mondes, qu’elle n’ait jamais mis les pieds à Poudlard pour ses études, mais elle n’avait jamais regretté. Elle aurait détesté être séparée de ses parents. Et elle se serait coupée d’expériences magnifiques et formatrices. Évidemment, chaque médaille avait son revers, l’utilisation d’un sortilège n’étant pas forcément ce qui lui venait en premier dans son quotidien. Mais maintenant qu’elle enseignait ici, elle se créait de nouveaux réflexes, c’était essentiel si elle voulait être une bonne professeure. Les élèves étudiaient la magie avant tout. Mais elle ne blâmait pas ceux qui aimaient aussi faire les choses à la main. Si quand elle avait un public, la jeune femme utilisait sa baguette, elle ne pouvait s’empêcher en dehors des cours de mettre ses mains dans la terre et de faire travailler ses doigts. Cette relation aux plantes était importante pour elle.

« Effectivement… Je suis restée avec mes parents jusqu’à mes 17 ans, je suivais les cours avec mes camarades moldus, vous savez comment c’est, en général quelques heures par jour. Et après, j’avais une sorte de précepteur sorcier qui venait m’enseigner sa matière de prédilection. Le reste du temps, j’étais fourré dans les pattes des jardiniers, herboristes, chamanes et autres infirmiers. Une vie très différente de celles des élèves ici. J’étais beaucoup plus libre. » Beaucoup plus seule aussi. Elle n’avait eu que peu de camarades sorciers pendant son adolescence, et même par la suite. Elle n’en tirait aucune tristesse. C’était une vie différente, une vie qu’elle adorait. Mais elle n’avait jamais fait partie d’une communauté. Peut-être cela lui aurait-il plu ? Peut-être aurait-elle fait des choix différents. Elle n’avait pas de regret, mais des interrogations. Et l’une d’entre-elle revenait souvent depuis qu’elle était à Londres… « Mais je ne n’aurais jamais la chance de pouvoir répondre à cette question qui permet de nouer connaissance à tout le Royaume-Uni : et vous étiez dans quelle maison ?! Je n’en sais fichtre rien.»dit-elle en souriant.

Les paroles de Blake la rassurèrent, elle doutait que ce soit la stricte vérité, mais l’intention était louable. « Je me demande qui a eu l’idée de créer des escaliers dotés d’une volonté propre. Quelqu’un qui avait envie de fournir une excuse solide aux élèves retardataires peut-être ? En tout cas, c’est étrangement ingénieux. » papota-t-elle gaiment. « En tout cas, ça me rassure… Moi qui pensais jusque-là avoir un bon sens de l’orientation, je venais à douter ! » ajouta-t-elle en riant. « Ce n’est pas trop étrange de revenir sur les lieux de votre adolescence ?! » s'enquit-elle à son tour.

Si elle appréciait les merveilles de Poudlard, elle ne reniait pas pour autant la technologie moldue… Loin de là ! L’aspect instantané des choses lui manquait. Elle voulait pouvoir être rassurée quant à la situation de ses parents à la minute. Pas avoir des semaines de retard sur les nouvelles ou sur leur position. « J’ai pris mon portable avec moi, j’ai l’espoir qu’il fonctionne peut-être à Pré-au-Lard…Je n’avais jamais prêté attention à lui lors de mes précédentes visites là-bas, alors je ne sais pas si c’est hors technologie comme ici. » Et si ça l’était, elle envisageait de faire un petit transplanage express le temps d’envoyer une floppée de SMS. Ce n’était pas bien mais, c’était important pour elle.
L’infirmier lui sourit, amène, quand elle évoqua avec embarras ses mésaventures en cours. Il venait à sa rescousse, c’était gentil de sa part. Peut-être qu’elle s’en faisait trop, peut-être qu’elle n’était pas si mauvaise que ça. Peut-être que tâtonner était normal. N’empêche : elle n’aimait pas cela.

« Oui, il faudra bien ! Je manque un peu de patience je crois… Je vais essayer d’en cultiver. » Elle réfléchit un instant, il n’était pas réellement retors. Ils étaient venus à sa convocation, s’étaient défendus certes, mais n’avaient pas contesté, du moins en sa présence, la punition… Ils n’avaient pas fait de vague au cours suivant, la petite Shynnagh était même venue proposer son aide pour rattraper les choses, bref, retors n’étaient pas vraiment le mot… « Je crois qu’ils sont surtout encore très…petits ? Immatures ? Ils ne sont pas méchants, mais ils agissent avant de penser. Et ils sont plein d’énergie pour se chamailler… On pourrait alimenter une centrale électrique, mais comme ici on n’en a pas vraiment besoin, autant qu’ils la consacrent au désherbage » dit-elle malicieusement. Les élèves étaient peut-être retors, mais Liu Xi n’était pas en reste. Elle pouvait déployer des trésors d’imagination et de pédagogie pour expliquer et réexpliquer les choses et essayer d’intéresser les élèves, mais elle ne comptait pas dilapider son énergie pour la discipline. Quitte à ne pas être très populaire.

Malheureusement, les choses ne pouvaient pas rester aussi légères éternellement… Un élève venait de rentrer, le rideau laisse apercevoir Liu en petite tenue… La jeune femme n’a qu’une envie : se terrer dans un trou. Quel dommage, il n’y en a pas à proximité. Elle avait raison dès le début : c’était une mauvaise idée. Et il aurait fallu verrouiller les portes. Il aurait fallu ne jamais se trouver là. Elle sent des sueurs froides l’envahir… Heureusement, l’élève semble aussi mal à l’aise qu’elle et détourne immédiatement les yeux, Blake referma le rideau, elle contempla ses chaussures. Cette journée finira-t-elle un jour ? En l’espace d’un instant, elle semblait avoir oublié que jusque-là la conversation avait été agréable et ne songeait qu’à une chose : s’enfuir. Evidement, cela serait totalement contreproductif, aussi elle resta sur sa chaise, immobile, frissonnante, se concentrant sur les bienfaits de ses compresses. Bientôt elle se sentirait mieux, et tout ça ne serait qu’un vilain souvenir. Et si des rumeurs apparaissaient, peut-être arriverait-elle à faire la sourde oreille. Mais elle ne pouvait rien contre elles. Le professeur aurait du pouvoir en faire abstraction, advienne que pourra et passer à autre chose, mais cela se rajoutait à la liste des choses qui la décevaient chez elle-même.

Après s’être occupé de son patient, l’infirmier revint vers elle pour continuer les applications. Le froid de la compresse avait déjà apaisé ses brûlures, et la camomille avait commencé à faire effet. Il n’était pas encore question de gesticuler en tout sens, mais ses articulations avaient considérablement dégonflées. Elle pianota dans l’air du bout des doigts avec soulagement. C’était encore un peu tendu et douloureux, mais elle était de nouveau mobile. Tout ça serait bientôt fini, encore un peu d’arnica et d’argile, et il n’y paraîtrait plus ! Restait à régler un léger problème… elle interrogea Blake à voix basse, au cas où quelqu’un serait encore dans les parages…
« Euh… Auriez-vous la possibilité d’accio un t-shirt pour moi ? Ou peut-être que quelqu’un à oublier un vêtement ici que je pourrais emprunter ? Sinon, je vous piquerais une taie d’oreiller le temps de traverser le couloir…Je ne voudrais pas faire ma diva, mais je crois que j’ai montré mes sous-vêtements à assez de personne aujourd’hui .»

« Effectivement, je pense que la discipline ne va pas paraître suffisamment sérieuse pour trouver grâce aux yeux de la direction. Et puis en même temps… peut-être est-ce mieux qu’elle ne soit pas sollicitée sur ce dossier. Vous aurez peut-être un moment d’accalmie qui ne tombe pas pendant mes cours. » répondit-elle sur un ton très administratif. Si elle faisait une mauvaise professeur, elle pourrait toujours se reconvertir. Et puis, surtout, cela lui permettait de ne pas donner trop d’importance à ce badinage, il n’était pas question de forcer la main à l’infirmier si tout ça ne s’agissait que d’un stratagème pour qu’elle évite de se comporter en mégère angoissée.
Blake ne semblait pas spécialement étonné de découvrir que la jeune femme a eu une éducation un peu atypique, il faut dire qu’il est bien placé pour voir à quoi ressemble la vie sur le terrain : « Oui c’est ça. Même si parfois, j’ai l’impression de manquer quelques codes du monde magique, je ne regrette pas d’avoir choisi ce chemin. Je pars du principe qu’on passe sa vie à apprendre, d’ici quelques temps, j’espère pouvoir me fondre dans le paysage de Poudlard ! » . La jeune femme était brillante dans son domaine, très travailleuse, pas faussement modeste, mais pas imbue d’elle-même pour autant. Elle avouait humblement manquer de connaissances en sortilège, elle en ressentait une certaine gêne, presque une honte, mais elle avait travaillé dur dès son arrivée à Poudlard pour faire de l’usage de sa nouvelle baguette un réflexe. Ce qu’elle n’avait pas appris adolescente, elle l’apprendrait maintenant. Quoi de mieux qu’une école pour cela ? En observant les autres professeurs, les élèves, en fouinant dans la bibliothèque, elle parviendrait à s’améliorer, encore et encore. Elle rit quant à la proposition de l’infirmier… il plaisantait n’est-ce pas ? Il ne comptait pas réellement organiser un hold-up dans le bureau du directeur ? « Vous songez sérieusement à voler…ou disons à emprunter quelque chose dans le bureau du directeur sans sa permission ? Enfin, je veux dire qu’on pourrait peut-être lui demander… » Il dirait sûrement oui, ce n’étais pas une requête saugrenue, plus une recherche d’intégration finalement. Se rendant compte de son ton un peu trop sérieux, l’herboriste reprit avec un petit sourire contrit « Excusez-moi, je crois que je ne suis pas une personne très… amusante n’est-ce pas ? Demander la permission, c’est d’un rasoir. »

Ce qui expliquait d’ailleurs, qu’elle ne soit pas une grande amatrice des retards et de tout ce qui pouvait contrevenir au règlement. Liu Xi avait l’habitude de jouer selon les règles, ou de les contourner si cela était vraiment nécessaire plutôt que de les braver de front. Evidement, certains élèves n’étaient pas de cet avis, mais c’était de leur âge après tout…et de celui de Blake visiblement. Même si elle avait évolué, vieilli, Liu Xi estimait qu’une partie d’elle était tout de même restée fidèle à l’adolescente et à l’enfant qu’elle était. Si elle devait se rencontrer plus jeune, elle espérait ne pas se décevoir. Est-ce que si elle rencontrait des camarades de cette époque, elle aurait encore des choses à leur dire ? Elle n’avait pas eu l’occasion de créer des amitiés très durables. Elle correspondait toujours avec certains collègues et professeurs mais elle les avait rencontré plus tard, quand elle avait elle-même choisit le temps qu’elle passerait à un endroit. Cela devait être plaisant de rencontrer régulièrement des visages connus, pouvoir plaisanter sur sa jeunesse. La solitude ne pesait pas souvent à la jeune femme, mais dans des moments comme celui-ci, elle savait qu’elle manquait quelque chose. « Et maintenant, c’est à vous de faire tourner en bourrique les élèves ou vice-versa ! » dit-elle enjouée. Elle n’avait pas de mal à imaginer les trois garçons en train de faire les quatre cents coups dans Poudlard… Cela devait leur rappeler des souvenirs à ne pas partager avec les élèves.

Ont-ils eu eux aussi leur lot de punition pour entrée par effraction dans le bureau du directeur par exemple ? Elle n’est pas sûre de vouloir savoir la réponse, mais la nature des punitions pourrait l’intéresser. Après tout, on n’a jamais trop d’idée en réserve. Bien sûr, il y a de quoi faire dans un jardin, mais Liu Xi était persuadée qu’une menace bien formulée était parfois toute aussi efficace qu’une punition. « Entre autres supplices raffinés oui, autant qu’ils me rendent services ! » dit-elle malicieusement avec que sa bonne humeur s’évapore avec l’arrivée d’un nouveau patient.

L’infirmier avait fait de son mieux pour refermer le rideau au plus vite, mais le mal était fait. Le professeur n’avait plus qu’à compter sur la discrétion de son élève et sur son embarras pour éviter que les rumeurs se répandent. Autant dire qu’elle pouvait se mettre à attendre la venue du père Noël ou de gagner au loto sans y avoir joué. Elle soupira, inutile de s’appesantir sur le sujet. Blake avait la délicatesse de faire comme si de rien était, et sa guérison progressait à vue d’œil, autant se concentrer sur le positif, n’est-ce-pas ? Et puis, bonne nouvelle, il ne faudrait pas qu’elle pavane en taie d’oreiller dans tout le couloir, c’est avec un vrai un soulagement qu’elle répondit par l’affirmative à Blake « ça sera parfait, je vous la rapporte très vite, ça serait dommage que vous soyez le patient zéro de la prochaine épidémie de rhume !» Il faudrait juste faire abstraction du fait que sortir en portant le vêtement de l’infirmier dans le couloir pourrait soulever son lot de question, mais la jeune femme avait fini par renoncer à sa belle image. Il fallait être réaliste : c’était fichu de toute façon. « Vous me sauvez la mise deux fois aujourd’hui. Je vous remercie.» dit-elle le plus sincèrement du monde. C’était peut-être son travail, mais il l’avait fait avec sérieux et humanité. Bien sûr, elle espérait ne plus jamais mettre les pieds de ce côté du rideau, mais l’infirmier avait su faire en sorte que les soins soient moins pénibles que prévus.

La jeune femme sourit… Heureusement que les élèves étaient un peu en forme de temps en temps, à leur âge, le contraire c’est un peu triste. « Les braves gamins ! » C’était gentil à eux de leur laisser un peu de temps libre pour vaquer à des occupations qui ne consistaient pas à leur rappeler de ne pas toucher des plantes toxiques. Et elle savait de quoi elle parlait en la matière… elle se trouvait à l’infirmerie après tout.
Blake semblait comprendre son envie de s’intégrer au château… Mais pour elle, c’était bien plus facile de survivre dans une forêt sans autres humains que de devoir faire attention à son comportement avec d’autres humains. Dans la nature, elle avait juste à être elle-même, à prendre en compte son environnement et cela suffisait à survivre. Bon, peut-être pas, cela demandait de savoir construire un abri, pêcher ou chasser, faire de la cueillette, mais pour ça, elle pouvait compter sur elle-même. Pas besoin d’anticiper les réactions des autres personnes, de donner une image, de tenir un rang. « Oh la forêt me parait moins hostile qu’une pièce remplie de visages encore inconnus » dit-elle sur le ton de la plaisanterie. « Mais aujourd’hui elle n’a pas été aussi amicale que ça, il va falloir que je me repose un peu plus sur mes semblables je crois… ».

L’herboriste était un peu embarrassée d’avoir laissé apparaître aussi clairement, l’un de ses traits de caractères les plus prononcés : son besoin viscérale de faire les choses de la bonne manière, selon les règles. De ne pas sortir du rang. D’être bien élevée et discrète. Elle n’en avait pas honte, mais elle savait que l’image qu’elle renvoyait n’était pas très intéressante. Qui s’intéressait aux gens qui ne faisaient pas de vague et se mêlaient du mieux possible au décor ? Malgré cela, elle ne prit pas mal les rires de Blake. Contrairement à elle, il était direct et sans fards, elle sentait qu’il n’y avait là rien de méchant. Elle rougit légèrement, avant de plaisanter à son tour de bonne grâce : « Je ferais une bien mauvaise élève de Poudlard pas vrai ? Heureusement, que j’ai de bons informateurs et que je connais quand même un peu les petits secrets du château afin de ne pas mourir idiote et naïve à tout jamais. Mais j’apprécie que vous ne vous rendiez pas coupable de vol pour moi !»

La jeune femme retint de justesse un haussement de sourcil étonné ‘’Bubu’’ ?! C’est ainsi qu’il surnommait le professeur Burgess ?! Comment pouvait-on affubler une personne aussi majestueuse et charismatique d’un surnom aussi enfantin ?! « Je pense qu’un peu de fermeté ne peut pas leur nuire…Et je suis sûre qu’ils se tiennent suffisamment à carreau pendant son cours pour ne pas finir ici. Mais c’est vrai qu’elle est impressionnante.» Si son étonnement ne transparaissait pas, son admiration, elle, était palpable. Liu Xi espérait être un jour aussi bonne enseignante que la professeur de potion. Mais elle en était malheureusement bien loin ! Pour autant, elle ne comptait pas se laisser faire, et même si elle n’était pas impressionnante, elle se ferait respecter coûte que coûte, quitte à leur refiler des punitions peu ragoûtantes. Quand on jouait, il fallait accepter de perdre ! Malheureusement, elle n’eut guère le loisir de plaisanter plus longtemps à ce sujet… Être prise en flagrant délit de quasi-nudité était probablement l’une des pires choses qu’il pouvait arriver à n’importe qui non ? L’élève l’ayant surprise dans cette tenue n’avait pas fait de commentaire, pas plus que Blake… Elle accepta avec un soulagement évident la veste qu’il lui proposait « Je ne suis pas spécialement frileuse non plus, mais disons que j’apprécierais d’être couverte pour la grande traversée du couloir. » Malgré son petit gabarit qui lui donnait parfois l’air d’un petit être fragile, Liu Xi était plutôt résistante, elle avait vécu dans des conditions difficiles, dans des locaux sans chauffages ou au contraire très chauds, et sa température corporelle se régulait très bien toute seule. Elle ne tombait pas facilement malade… Mais elle était vulnérable au regard des autres. Tout le monde avait ses failles n’est-ce pas ?

Elle était maintenant en meilleure forme et prête à reprendre la direction de ses quartiers… Et à se remettre de ses émotions. Mais Blake lui offrit une plaisanterie supplémentaire pour la route. Elle lui lança un sourire malicieux… Vraiment, il s’imaginait qu’elle avait besoin d’une excuse. Elle n’était peut être pas prête à entrer par effraction dans le bureau du directeur, mais elle ne verrait pas d’inconvénient à pousser la porte de l’infirmerie si l’envie de le revoir lui prenait. Aussi, elle lui répondit sur le même ton blagueur. « Si vous estimez qu’il me faut une excuse, ne vous en faites pas, j’en trouverai une qui ne vous donne pas de travail supplémentaire. » Avant de quitter l'infirmerie, elle lui serra la main et le gratifia de son plus grand sourire... Peut-être pas le plus beau, elle devait être encore passablement rougie par les différents cataplasmes et complètement décoiffée, mais le plus sincère.