« Morwen ! Tu ne sais pas où est Tracy ?
‒ Non, pourquoi ?
‒ Je ne la trouve pas… elle n’était pas dans notre salle commune ce matin, et je viens de finir mon petit-déjeuner et je ne l’ai pas vue non plus. Il faut que je lui montre quelque chose sur lequel je travaille depuis hier après-midi. J’ai raté le dîner exprès pour avoir plus de temps pour le finir. »

Mon amie affiche une drôle de grimace, me parait déstabilisée et hausse les épaules, me faisant comprendre qu’elle n’a rien de plus à dire. J’ignore à quoi elle pense mais elle me parait un peu bizarre. Je n’y prête pas vraiment attention, ma priorité étant de montrer à Tracy une nouvelle idée que je viens d’avoir au sujet d’une robe que je souhaite confectionner.

« Tu ne veux pas plutôt faire une partie d’échecs ? » Me demande-t-elle tout simplement, comme s’il était nécessaire de changer de sujet.
« Pas maintenant, non. Je veux vraiment lui montrer ça ‒ j’ouvre mon sac et lui montre une robe assez spéciale ‒. Je reviendrai après, promis ! »

C’est une promesse que je n’ai pas trop envie de tenir mais tant pis. Après tout, nous sommes devenues de bonnes potes depuis novembre, parce qu’elle aussi a décidé de trahir son entourage pour rejoindre Blackman. Enfin, c’est peut-être salaud de penser ça mais, d’un côté, elle n’a pas perdu grand-chose : Avoir cette conne de Gryffondor qui glousse sans cesse à côté de cet abruti de Bowman en guise d’aînée, ça ne doit pas être facile à vivre. En plus, elle s’habille trop mal à mon goût et n’a aucun charme particulier. Ca ne m’étonnerait pas qu’elle soit la tare de la famille des Llewellyn. En tout cas, Morwen est plus jolie même si sa mentalité ne vole pas haut non plus. Pour adhérer à Blackman, faut vraiment avoir un grain dans le cerveau. Mais je pourrais en dire également beaucoup au sujet de Bowman : en plus d’être con, il est très moche et il me fait pitié. J’ai encore en horreur le soir de la St-Valentin où l’on m’a fait boire un philtre d’amour pour que je tombe amoureuse de lui et vice versa. Ce déchet m’a embrassé à plusieurs reprises sans que je ne puisse reprendre mon libre arbitre… C’est juste dégoûtant. Je me suis sentie souillée et encore aujourd’hui, j’ai toujours du mal à passer à côté quand je vois sa gueule de minable.

Bref. Sur ces mauvaises pensées, je referme mon sac et quitte la Grande Salle d’un pas gracieux. Mais où peut bien-t-elle être à cette heure-ci ? D’habitude, je suis parmi les premières à descendre manger et elle finit toujours par me rejoindre, avant que Naïa n’arrive avec son frère Loki. D’ailleurs, je ne l’ai pas vue non plus, Naïa. Mais pour le moment, ce qui m’importe c’est de trouver Tracy pour avoir son avis sur l’une de mes fiertés du jour. Et il faut que je la trouve vite avant de m’agacer d’impatience.

Je sors du château avec la volonté de faire le tour du Parc ou du Lac avec l’espoir qu’elle y serait peut-être. Normalement, elle n’a pas cours à cette heure-ci. Je foule l’herbe, regardant ici et là, à la recherche de la fameuse silhouette que je connaissais tant. Le temps est d’ailleurs assez clément aujourd’hui et effectue très bien la transition d’hiver à printemps. C’est une météo idéale pour passer sa journée dehors, si seulement je pouvais trouver la petite Serdaigle ! Je presse mes pas jusqu’à atteindre le pont reliant Poudlard à la cabane du garde-chasse. De là, je profite du point de vue pour repérer ma cible mais le Lac n’est peuplé que de quelques bandes de gamins sans importance. Je retourne sur mes pas, de plus en plus impatiente, jusqu’à atteindre de nouveau le Hall de Poudlard. D’autres élèves empruntent le même chemin que moi, ayant eux-aussi fini leur petit déjeuner. Je jette un regard dans la Grande Salle et constate qu’elle n’y est toujours pas. Je remonte alors l’escalier menant au premier étage et me décide à me rendre à la bibliothèque. Peut-être qu’elle y serait pour réviser ses cours ? Ce n’est pas impossible.

Bousculant quelques première année trop lents à mon goût, j’entre finalement dans ce repère où j’ai tant l’habitude d’y passer des heures sans m’ennuyer. Je fais vite fait le tour des rayons avant de faire le même constat que toute à l’heure. Toutefois, mes sourcils se froncent lorsqu’il me semble apercevoir Aniek de dos, sûrement en train de chercher un livre sur une étagère. Je m’approche d’elle, estimant que je n’ai rien à perdre à lui poser la question :

« Bonjour Aniek, fais-je en mesurant ma précipitation. Navrée de t’interrompre dans ton activité mais est-ce que tu aurais vu Tracy ? »

Tracy ? Where is she ?

Narcissa & Aniek

Nous demander un devoir en Histoire de la Magie, en moins de deux jours, c’était un peu cruel ! MAIS, en bonne maso que j’étais, j’adorais ressentir cette pression. Faire tout pour être la meilleure, donner le max pour y arriver et exceller… c’était parfait ! La bibliothèque était devenue mon repère depuis deux jours maintenant et je n’étais pas loin d’avoir fini ce fameux devoir qui était proche de l’excellence. En toute modestie bien sûr. Il manquait quelques détails, deux ou trois références mais j’étais plutôt satisfaite de moi. J’étais perfectionniste et je me donnais encore un jour pour peaufiner ce parchemin mais je m’en sortais très bien. Surtout avec tout ce que j’avais en tête en ce moment… Bref, pas de quoi s’ennuyer ! Et le boulot de préfète ne me laisser pas non plus en reste, croyez-moi.

Ce matin, la bibliothèque était plutôt calme. Enfin, par calme, je voulais dire qu’il n’y avait pas grand monde. Ce matin, l’information était passée parmi les préfets : Tracy avait été conduite aux cachots. L’explication s’était montrée très claire et j’étais partagée entre le dégoût de savoir ce qu’elle était réellement et l’agacement de ne pas m’en être rendue compte moi-même. C’était quoi cette idée de mentir à tous ? Bref, c’était avec cette petite pensée en tête que je tentais de poursuivre mon devoir, bien studieusement installée à l’une des tables, en retrait. Je mettais un point d’honneur à ce qu’on ne me dérange pas. Pour le moment.

Il me fallait plus d’informations… concernant mon devoir, bien sûr. A la recherche de certaines références, me voilà dans les rayons de la bibliothèque à trouver mon petit bonheur mon rendre quelque chose de parfait. Voyons voir… « Bonjour Aniek, navrée de t’interrompre dans ton activité mais est-ce que tu aurais vu Tracy ? » Je sursautai, ne m’attendant pas à ce que quelqu’un vienne me trouver en plein moment studieux. Et Breckenridge en plus… pffff, mon devoir n’allait pas avancer comme ça. Je me tournai alors vers elle, soupirant tout en roulant des yeux. « Ouais ouais bonjour… » Puis je remarquai qu’elle était loin d’être aussi assurée que d’habitude et je fronçai les sourcils, posant une main sur l’une des étagères en prenant conscience de sa question. Tracy… Ah ouais, ben elle pouvait la chercher longtemps ! « Vu, non, mais je sais où elle est. » Dis-je de façon assez neutre alors que je la fixai, n’ayant pas envie de tourner autour du pot. « Si tu veux la trouver, faut que tu rendes visite à nos chers amis sangs-de-bourbe… » Lançai-je avec une certaine ironie, ajoutant : « Il semblerait que la douce colombe soit en réalité un malheureux cafard. Poudlard nous en apprend tous les jours ! » Un petit rire sarcastique, et assez discret, s’échappa de ma bouche alors que je tentais encore une fois la provocation avec Narcissa. Je l’observai. Il y avait fort à parier que cette nouvelle m’en dévoile un peu plus sur elle… Cette interruption était peut-être ennuyeuse et assez déplacée concernant mon travail, mais elle serait peut-être révélatrice. J’en prenais mot et gardais mon esprit ouvert à toute éventuelle information. Autant pour moi que pour eux. Et les « eux » n’étaient sûrement pas ceux que n’importe qui pouvaient imaginer de ma part…

©BlackSun

« Ouais ouais bonjour… »

Wouah, quel accueil, elle ferait une très aimable réceptionniste dans un hôtel austère et flippant. Si on l'embauchait ailleurs, on serait sûr qu'elle ferait fuir les clients. Je suis sûre que j’aurais reçu le même réaction aussi enchantée en allant voir Nathan. Pourtant, en même temps, je ne sais pas vraiment à quoi je m’étais attendue en venant la voir. Rouler des yeux, soupirer comme la personne la plus blasée du monde, c’est tout à fait son genre. Quoi que, je suis pas mal comme ça aussi, surtout quand on me dérange pendant que je travaille. Je pourrais la comprendre mais là, je n’en ai pas l’envie. Je suis assez pressée et je veux tout simplement mon information, alors, elle ferait mieux de se dépêcher. Elle fronce les sourcils, avant de poser une main sur l’étagère d’à côté et de me répondre sur un ton toujours aussi neutre qu’elle n’a pas vu Tracy mais qu’elle sait où elle est. Je l’écoute attentivement jusqu’à ce qu’elle me révèle l’endroit en question.

« Si tu veux la trouver, faut que tu rendes visite à nos chers amis sangs-de-bourbe… »

C’est quoi cette ironie ? J’espère bien qu’elle ne se fout pas de ma gueule car j’ai autre chose à faire. Qu’est-ce que Tracy foutrait là-bas, mis à part si elle est chargée de donner une corvée à un né-moldu ‒ et encore, c’est le job des Mangemorts, ça. Non, je ne vois pas pourquoi elle serait là-bas sachant que c’est interdit. Mais je crois que c’est la suite qui me surprend le plus.

« Il semblerait que la douce colombe soit en réalité un malheureux cafard. Poudlard nous en apprend tous les jours ! »

Aniek lâche son habituel petit rire sarcastique particulièrement insupportable tout en m’observant comme si elle cherchait une réaction de ma part. Il n'y a vraiment qu'elle pour se réjouir de ce genre de choses, c'est affligeant.

« Tu rigoles ?! » Je réponds avec autant de scepticisme que de stupéfaction.

Non, elle ne peut pas dire vrai… Tracy aurait rejoint les autres dans les cachots ? Cela me parait impossible. Elle est pourtant des leurs et a toujours promu des idées anti-moldus auprès de tout le monde. A moins qu’elle n’ait menti mais je refuse de le croire. Je l’aurais vu si elle jouait la comédie, car je sais bien cerner les gens, quand même. D’accord, j’avoue avoir toujours ressenti de la méfiance à son égard, ne sachant parfois pas sur quel pied danser avec elle mais de là à ce qu’elle soit véritablement une née-moldue, cela dépasse l’entendement.

Voyant que Aniek ne plaisante pas, je continue en tentant de mesurer mon ébahissement même si c’est difficile de ne pas se séparer de sa plus grande surprise. Ca craint, sérieux. Je ne m’y étais pas du tout attendue.

« Merde, j'peux pas le croire. On la voyait tous les jours, avec Naïa. »

D’un côté, cela me fait un peu chier qu’elle ne m’ait rien dit et que j’ai marché dans son mensonge. Mais pourquoi l’aurait-elle fait, alors que moi-même, je joue aussi bien la garce ? Punaise. Je n’aurais jamais pensé qu’elle était une aussi bonne actrice et manipulatrice. C’est à la fois encourageant de le savoir qu’assez déstabilisant. Je n’ai rien vu venir alors que je partageais mes repas avec elle, mes soirées dans la salle commune, des moments de couture dans les pièces inutilisées du château et j’en passe et des meilleures. Toutefois, ma plus grande question reste celle de savoir comment tout cela s’est déroulé.

Je m’assieds sur la chaise la plus proche et dépose mon sac sur la table d’à côté. Il me faut quelques secondes pour réfléchir à comment tout cela a pu bien arriver. Je sais pourtant que je ne trouverai pas la réponse toute seule et que c’est auprès d’Aniek que je vais devoir l’apprendre.

« Comment ça s’est passé ? Comment ils se sont rendus compte qu’elle n’était pas des nôtres ? » Demandé-je , curieuse et toujours prise de court par cette regrettable nouvelle.

Tracy ? Where is she ?

Narcissa & Aniek

Etre tranquille à la bibliothèque, bosser et ne pas se soucier du reste, c’était mon unique but de la matinée. Enfin, c’était sans compter l’incruste de Breckenridge qui cherchait cette malheureuse petite Bennett. Quelle tristesse, elle n’était sûrement pas prête de la revoir… Je voyais bien qu’elle ne comprenait pas à quoi je faisais allusion en lui disant d’aller rendre une petite visite aux sangs-de-bourbe pour la trouver et cela me fit rouler des yeux, un peu agacée d’être dérangée pour un sujet si peu important. Enfin, selon moi. Depuis que j’avais appris ce qu’était Tracy, toute sa trahison et ses mensonges, ça avait été radicale, l’estime que j’avais pour elle s’était envolé en même temps que sa dignité. Je lui expliquai rapidement de façon sarcastique la nouvelle condition de son amie, prenant soin de me montrer infâme, comme à mon habitude, histoire de ne pas faillir à l’image que je devais continuer d’arborer. Bon, mes idées sur les nés-moldus restaient bien évidemment les mêmes mais, disons que je mettais petit à petit de l’eau dans mon vin avec l’aide de Snow. Enfin, croyez-moi, je le faisais uniquement pour lui, et pour Hunter et Chleo, le reste ne m’importait pas le moins du monde. Et l’affection pour ceux aux cachots n’était pas encore à un niveau convenable… ça m’allait très bien, je ne cherchais en aucun cas à les aimer. Je les tolérais, c’était déjà bien nan ?! Enfin, je restais tout de même camper sur mes positions : le mieux serait qu’ils soient loin de Poudlard. Mais ce n’était plus la priorité à l’heure actuelle !

« Tu rigoles ?! » Je la fixai quelques secondes, haussant les sourcils en affichant une expression neutre, voire blasée, finissant par me montrer du doigt en lui disant d’un ton détaché : « J’ai l’air de rigoler ? ». Aucune raison que je plaisante avec elle sur ce genre de sujet, j’avais d’autres chats à fouetter plutôt que de perdre mon temps avec ça ! Je ne dis rien d’autre, ma remarque voulait tout dire et j’espérais qu’elle comprenne que ça ne m’importait peu. Bien au contraire, je considérais que le résultat était bien mérité !

« Merde, j'peux pas le croire. On la voyait tous les jours, avec Naïa. » Et alors, qu’est-ce que je m’en foutais de leur quotidien ?! Je ne pouvais cacher mon air blasé, posant un livre qui me semblait intéressant sur la table à côté, là où je travaillais… avant qu’elle vienne me faire part de ses états d’âme. Est-ce que j’avais envie de l’écouter ? Non. De plaindre Tracy ? Encore moins, alors pourquoi restait-elle là à me dire ça ? Elle le savait, que je n’étais pas non plus l’âme la plus charitable et la personne la plus à l’écoute qui soit. Tout le monde le savait ! Et encore heureux, les gens qui chouinaient et la faiblesse, ça me donnait la nausée. Je pouvais l’accepter que de la part de mes proches, et il était évident qu’elle n’en faisait pas partie. Je ne répondis rien tout en continuant à regarder les livres qui pourraient m’aider pour mon devoir, lui tournant presque le dos. Je finis alors par remarquer que Breckenridge venait de s’assoir sur une chaise près de la table où j’étudiais. Je basculai légèrement la tête en arrière de lassitude, fermant une microseconde les yeux, face à une bibliothèque, finissant enfin par me tourner quand l’aiglonne reprit la parole. Elle était vraiment tenace celle-là !

« Comment ça s’est passé ? Comment ils se sont rendus compte qu’elle n’était pas des nôtres ? » On était d’accord qu’elle ne me lâcherait pas tant que je ne lui en aurai pas dit plus ?! Quelle plaie, c’était loin d’être le programme ambitieux de ma matinée ! Je pris un bouquin, le déposai sur la table sur l’autre et me laissai tomber sur ma chaise, regardant de façon ennuyée la jeune fille juste devant moi avant de chuchoter. « Du Veritaserum. » Mes doigts se mirent à tapoter sur la table en espérant qu’elle soit satisfaite avec ça mais ce ne fut malheureusement pas le cas. Soupirant, je me sentis obligée d’ajouter, toujours à mi-voix : « Les Mangemorts l’ont passée au Veritaserum, sûrement parce qu’ils la suspectaient de je-ne-sais-quelle-connerie, tu dois être plus au courant que moi sur des actions douteuses…. » Dis-je en haussant les sourcils avant de continuer : « Quoiqu’il en soit, elle a balancé des infos plutôt croustillantes, la concernant et d’autres petites choses. Et la voilà maintenant à profiter de la douce chaleur des cachots. Qu’elle ne se plaigne pas, elle a réussi à gagner six mois… en perdant sa dignité, pauvre petite… » Dis-je d’un air faussement compatissant. Je m’en foutais, ne vous méprenez pas, mais je cherchais surtout, encore et toujours, à provoquer l’aiglonne devant moi. Parce que je me méfiais toujours et qu’il était toujours important de connaître ses adversaires. Et je prenais ça encore plus au pied de la lettre en sachant ce qui se trâmait pour ma part.

©BlackSun

Evidemment qu’elle ne rigolait pas en m’annonçant cela mais ça n’a pas été simple d’encaisser la nouvelle alors que j’étais ravie à l’idée de lui montrer ma nouvelle création. A pointer son doigt sur elle-même et en me tirant son habituelle expression de neutralité made by Frowein, je me doute qu’elle n’a pas raconté de conneries. A sa question, je ne réponds rien, préférant enchaîner. Pourtant, j’aurais tellement aimé que cela ne soit qu’une mauvaise plaisanterie, quitte à ce que cela me fasse passer pour une idiote. Je soupire d’agacement, lui faisant comprendre que ce n’était juste pas concevable que Tracy nous ait trahis. C’est autant une bonne qu’une terrible nouvelle. Je crois que ce qui me frustre aussi, c’est de sentir le sarcasme et l’air détaché de la Serpentard, comme si elle tenait un trophée entre les mains. C’est horripilant et si je pouvais ne pas jouer les hypocrites, je lui aurais déjà aboyé à la gueule. Quoi que, ce serait l’amuser davantage. J’oublie qu’avec elle, la colère devient vite un signe d’abdication. Elle n’est pas Ashley avec laquelle je peux défouler mon courroux et lui foutre des patates. Quoi que… Je serais curieuse de voir ce que cela donne une Aniek battue. Enfin bref… l’heure n’est pas venue de me comporter méchamment avec elle. Elle n’est pas la pire ordure du château, de toute façon.

Après m’être installée près de sa table, j’ai fini par lui demander plus de détails. Cela devait certainement la rendre heureuse que de raconter les déboires d’une née-moldue. Je la regarde prendre un livre et le déposer sur la table avant de se glisser sur sa propre chaise. Dans un chuchotement, elle me fait comprendre que les Mangemorts se sont servis de Veritaserum pour faire cracher le morceau à mon amie. Durant une fraction de seconde, mes yeux tombèrent sur ses doigts qui pianotèrent sur la table, avant que je ne me plonge à nouveau dans ses prunelles espiègles, lui demandant indirectement la suite.

« Les Mangemorts l’ont passée au Veritaserum, sûrement parce qu’ils la suspectaient de je-ne-sais-quelle-connerie, tu dois être plus au courant que moi sur des actions douteuses….
‒ Mouais. »

Plus au courant qu’elle ? Je ne réagis pas plus que cela mais je dois avouer que je ne vois pas ce qu’elle aurait pu faire de douteux. Tracy s’est montrée irréprochable en compagnie de moi et Naïa. On était toujours là, en train de cracher sur tout le monde, à nous réjouir du sort des nés-moldus. Du moins, je pensais que j’étais la seule à faire semblant mais apparemment pas. Alors, je dois avouer que je suis autant ignorante qu’Aniek sur cette question. A moins que… A moins qu’elle n’ait parlé à Elijah ? Serait-il possible que cela soit lié à lui ? On sait tous qu’il a de mauvaises fréquentations comme cette Mandragoran. Tracy m’aurait-elle caché quelque chose à ce sujet ? Je tente de me rappeler de tout ce qu’elle a pu me dire le jour où j’ai fabriqué mon cardigan et elle son écharpe mais je ne trouve rien d’intéressant ou de curieux dans ces souvenirs… Non, elle a vraiment bien joué son jeu auprès de nous. Peut-être l’ai-je parfois surpris en train de prononcer le nom de « né-moldus » au lieu de « sang-de-bourbe » mais c’est tout.

« Quoiqu’il en soit, elle a balancé des infos plutôt croustillantes, la concernant et d’autres petites choses. Et la voilà maintenant à profiter de la douce chaleur des cachots. Qu’elle ne se plaigne pas, elle a réussi à gagner six mois… en perdant sa dignité, pauvre petite… »

Son faux air empathique me donne envie de lui vomir dessus et il ne faut pas être voyant pour deviner qu’elle s’éclate à me jauger et voir ce que ses annonces me font. Mais de toute façon, je ne compte pas lui donner satisfaction. Je ne vais pas pleurer la disparition de Tracy parce que je suis désolée pour elle, certes, mais je n’ai jamais laissé mes émotions me submerger. J’ai toujours fini par les enfouir avant même qu’elles ne veulent me bouleverser. C’est ce que mon père m’a appris à faire depuis toute petite et c’est sûrement l’une des seules choses qu’il a bien daigné à m’apprendre, lui qui était trop souvent absent pour moi.

Je prends une inspiration, baissant les yeux vers le livre qu’elle venait de poser. Le coude gauche posé sur la table, la main relevée, j’y penche ma tête et je prends le temps de réfléchir quelques secondes à la manière d’appréhender tout cela. Je ne peux pas lui répondre avant d’avoir mis au clair mes idées.

« C’est clair que maintenant, aucun des deux partis ne voudra d’elle. Elle sera vue comme une traîtresse dans tous les cas. » Je lui réponds, pensive et enfouissant au mieux ma stupéfaction toujours présente.

Au moins, je peux me dire que j’ai eu raison de ne pas lui faire entièrement confiance, à Tracy. Si je lui avais révélé mes véritables intentions, j’aurais pu y passer… C’est une mince consolation, on va dire. Je peux rester la Narcissa infecte dont j’ai revêtu la cape depuis des mois.

« Ca craint… Si ça se trouve, elle n’est pas la seule à avoir fait ça. D’autres pourraient toujours courir… Tiens, d’ailleurs, tu te méfies toujours de moi ? » J’ajoute avec assurance, en la regardant droit dans les yeux.

On en apprend de nouvelles chaque jour. Et il arrivera un temps où ce sera sûrement à mon tour de montrer qui je suis. Mais je ne serai pas aussi imprudente que mon amie. J’ai plutôt bien joué mon coup. Il n’y a qu’Ashley qui sache tout et Aimie a pu décoder ma lettre mais notre relation est tellement dégradée depuis ce temps qu’elle ne sera pas un élément qui puisse me nuire.

Tracy ? Where is she ?

Narcissa & Aniek

Ma tranquillité, Breckenridge n’avait pas l’air de vouloir me la laisser. Alors plus vite je répondrai à ses questions plus vite je serai débarrassée, nan ? Livre attrapé et retour à ma place, je regardai d’un œil las l’aiglonne qui voulait avoir plus de réponses. Evidemment qu’elle était sûrement plus au courant que moi sur les actions douteuses de Tracy, et après tout je m’en foutais royalement ! Je lui expliquai juste qu’elle avait eu l’air de sortir des infos intéressantes pour les Mangemorts et bam ! aux cachots la gamine ! Alors prendre un petit air ironique, c’était facile, mais supporter la présence de la Serdaigle, ça devenait chiant, parce que je ne voyais pas ce qu’elle pouvait attendre plus de moi. Le silence me laissa croire qu’elle avait ce qu’elle voulait et qu’elle allait partir mais… je crois que j’étais bien trop optimiste.

« C’est clair que maintenant, aucun des deux partis ne voudra d’elle. Elle sera vue comme une traîtresse dans tous les cas. »

Je haussai simplement les épaules. Oui, une traîtresse, rien d’autres, mais pour ce que ça m’emportait… « Ouais, probablement… » Dis-je machinalement alors que je tournais les pages de mon livre pour lui montrer que j’avais d’autres chats à fouetter que me préoccuper de la nouvelle condition de cette cachotière.

« Ca craint… Si ça se trouve, elle n’est pas la seule à avoir fait ça. D’autres pourraient toujours courir… Tiens, d’ailleurs, tu te méfies toujours de moi ? »

Intéressée, mon regard se leva vers elle. Je fronçai légèrement les sourcils, suspicieuse, avant de poser ma plume, de m’installer bien au fond de ma chaise et de croiser les bras, la regardant avec insistance. « Peut-être que tu le sais, si d’autres traîtres traînent… » Lui lançai-je tout en la confrontant du regard de façon neutre mais laissant planer la réponse à sa question. Toujours impassible, au bout de quelques secondes sans la lâcher du regard, j’affirmai : « Toujours. Pourquoi ? Ton petit coeur est blessé que je me méfie ? » Un petite sarcastique apparut sur mes lèvres alors que je la jaugeais du regard, la provoquant et me disant que je pourrais peut-être en apprendre plus que je le pensais. Tracy, Narcissa… un lien actuel ou juste une grosse blague qu’elle devra assumer ? Mon humeur joueuse venait de faire son apparition et Breckenridge tombait à pic. De toute façon, elle l’avait attisée, alors tant pis pour elle, ce sera ma distraction et ma pause dans mes devoirs.

©BlackSun

J’ai bien l’air de l’emmerder, celle-là. D’un côté, c’est assez délectable de la voir tourner ses pages en tentant de se concentrer sur autre chose que moi mais ce n’est pas ce genre de signes qui me fera m’en aller. Après tout, je n’ai jamais eu la moindre gêne dans mes actes alors je prendrai le temps qu’il me faudra pour mettre un terme à cette conversation. Elle semble toutefois de mon avis lorsque je lui dis que Tracy sera confrontée aux deux camps à la fois. Et je suppose que peu de personne ne l’aidera dans ce genre de moments. Je dois dire qu’à leur place, je n’aurais pas non plus aimé voir quelqu’un échapper à la misère pendant que moi je trimais depuis un bail. Mais, de ma position actuelle, je m’en fiche. Pour moi, elle a eu raison d’avoir agi en sa propre faveur et j’imagine que je n’aurais pas non plus accepter de faire des corvées avec les autres nés-moldus si j’en étais une et que j’avais la possibilité de lâcher un mensonge comme le sien.

Réussissant à faire lever les yeux de la Serpentard vers moi, je patiente calmement et contrôle mon envie de sourire méchamment. Elle me fixe comme si elle me jaugeait ‒ ce qui est fidèle à son comportement habituel ‒ et elle finit par me répondre, bien assise au fond de sa chaise.

« Peut-être que tu le sais, si d’autres traîtres traînent… »

J’hausse les épaules comme si je savais peut-être quelque chose mais que je ne lui dirais pas. C’est plutôt drôle de jouer à ce jeu avec elle, de bluffer et de voir si elle va tomber dedans ou pas. Non, sérieusement, la vérité est que j’ignore totalement qui peut bien être un traître ici. Je crois que j’ai trop bien joué mon rôle d’infiltré à un tel point que je n’ai eu aucune occasion de pouvoir exercer ma fonction d’agent-double et c’est bien ça le véritable problème. Je ne sais rien de ce qui peut éventuellement se tramer contre Blackman. A l’heure actuelle, c’est comme si j’étais une adolescente qui deviendrait un jour un Mangemort après avoir fait ses preuves. Et plus le temps passe, plus il va falloir que je me démène pour trouver un moyen de me tirer de ce guêpier… même une simple information en faveur du camp des « gentils » serait bien vu pour que je puisse faire un jour mon comeback vers eux. Pour le moment, ce n’est pas gagné, c’est certain.

« Toujours. Pourquoi ? Ton petit coeur est blessé que je me méfie ? » Elle finit par dire après un moment d’impassibilité.

Je n’ai que faire de son sarcasme. J’ai su au moment même de lui poser la question que la réponse serait celle-ci. Sinon, elle ne me parlerait pas comme si elle se doutait que je préparais quelque chose de bizarre. Mais bon, je dois dire qu’avoir ce genre de conversation me plait. Cela me fera oublier ma tristesse vis-à-vis de Tracy… J’ai encore du mal à le croire, d’ailleurs.

« Ouais, tellement blessé que j’en ai des nausées le soir et que je dégueule tout en pensant à toi. » Je réponds sans retenir un ricanement.

Honnêtement, je m’en fiche bien qu’elle se méfie de moi tant qu’elle ne vient pas foutre en l’air toute ma couverture en commençant à émettre des soupçons à droite et à gauche. Elle pourrait d’ailleurs très bien le faire mais il lui faudrait une preuve. Et je ne compte pas lui en laisser une seule.

« Plus sérieusement, je demandais ça juste par curiosité et je dois avouer que ce ne serait pas drôle si toi et Nathan vous vous mettiez à me faire confiance. Plus personne ne m'emmerde en ce moment, c'est à croire que je fais fuir les ennuis alors savoir que j'ai toujours mes deux horribles petites épines préférées qui veulent me planter le pied, c'est réconfortant. »

Je ne la lâche pas du regard, me plaisant pleinement dans notre dualité.