Les gens se plaignent souvent du temps qui passe. J’ai toujours pensé que l'incapacité de l'Humain à vivre au présent était une attitude de fuite. Nous anticipons l'avenir comme pour rêver d’un futur meilleur, ou nous nous rappelons le passé pour en extraire les meilleurs souvenirs. C'est que le présent nous afflige ; & nous regrettons de le voir échapper, avec un soupir : « Ah, non : reste encore un peu, profitons du moment, encore un peu. ». Que chacun examine ses pensées, il les trouvera toutes occupées au passé & à l'avenir. Nous ne préférons pas penser au présent ; et, quand nous y pensons, ce n'est que pour en prendre la lumière pour faire un bilan de notre passé & nous préparez à l'avenir. Le présent n'est pas notre fin, après tout : le passé & le présent sont nos moyens pour vivre ou nous sentir vivant dans mon cas ; notre fin, c’est l’avenir : les hommes sont tous condamnés à mort avec des sursis indéfinis disait Victor Hugo. Ainsi nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre & nous nous ne pensons pas à nous préparer à la mort, & nous y sommes terrifiés alors que nous ne connaissons pas le destin. Seul une personne fut face à son destin.
Seuls & prostrés, Franny repensait aux Nés-moldus dans les cachots, avec le strict minimum. Leur existence était même en-dessous de celle des animaux. Les mots de « Blablanipulateur » – ou Blackman de son nom – revenaient en sa mémoire comme un frisson. Voldemort lui-même ne la faisait pas autant chier, ou été aussi cruel !… Quoique. Quand, discrètement durant la nuit, elle allait voir les élèves sur leurs paillasses, un petit pincement au cœur venait. Mais ce n’était pas le pire dans l’histoire ! (Enfin, de tout ce qui se passait, ont ne sait pas vraiment ce qui était pire, ou s’il y avait une hiérarchie de l’horreur mangemort.) Il y avait des élèves qui avaient osés se donner corps & âmes à la cause des envahisseurs ; qui était le premier déjà ? Aucun souvenir, si ce n’est que c’était un garçon de seize ou dix-sept ans, & en plus à Serdaigle ; Rowena devait se retourner dans sa tombe. C‘est d’ailleurs avec une traitresse de Serdaigle que Franny avait rendez-vous. Il n’y avait qu’un seul endroit où l’on pouvait être tranquille à Poudlard, dorénavant : les extérieurs, près du lac. Elle attendait à l’ombre d’un chêne, pour que l’on puisse la voir, malgré le fait qu’elle soit translucide.
–Vous voilà, très chère ! dit Franny joyeusement, en apercevant Narcissa, avant de prendre un air sérieux, & de s’approcher d’elle. Les rencontres que nous faisons doivent rester le plus discrète possible ; nous jouons chacun notre place ici, alors voilà ce que tu va faire : tu t’adosse à cet arbre & fait donc mine de lire, pendant que moi, juste de l’autre côté, je te parlerais sans qu’on ne me voit.
Cette routine devient de plus en plus insoutenable et lassante à la fois. Alors que j’aperçois un Mangemort raccompagner un né-moldu jusqu’aux cachots, je ne peux m’empêcher d’arborer un air mélancolique. Cet élève privé de sa liberté à cause de son sang me rappelle à quel point il faut savoir apprécier les petites choses de la vie. J’ai tendance à être trop capricieuse et à attendre beaucoup trop de moi-même mais aujourd’hui, j’ai l’envie de faire une pause. Même une toute petite dans la journée, juste pour pouvoir oublier tout ce que j’ai fait depuis que Blackman est arrivé au pouvoir. Je crois que cela m’est vital. Mon éloignement avec mon père ne m’a pas fait du bien depuis toutes ces années mais là, maintenant, c’est pire que tout. Ma décision de jouer les agents-double m’a tout fait perdre, que ce soit lui ou mes amis. J’assume cette perte et j’ai très bien compris, depuis le tout début, que cette fameuse décision me mènerait à ça mais tout cela demeure difficile à supporter par moments. J’ai toujours bien caché mes états d’âme à tel point que tout le monde me croit véritablement du côté des Mangemorts. Il faut dire que paraître méprisante et indifférence, c’est dans ma Nature. J’ai toujours toisé les gens, j’ai toujours été silencieuse à propos de moi. Je n’arrive jamais à exprimer ce qui peut me perturber car, au fond, je n’aime pas faire ressurgir ce qui peut me rendre vulnérable.
Pourtant, il y a des moments où j’ai envie de péter un câble. Il faut bien que j’exprime tout ce qui me monte à la tête, sinon c’est la névrose assurée. Et c’est pourquoi j’ai eu l’envie de voir la seule personne en qui je peux avoir confiance en ces temps troublés. La seule qui ne me jugerait pas, la seule qui ne dirait point mot puisqu’aucune manigance des Mangemorts ne fonctionnerait sur elle. On ne peut pas torturer un fantôme pour lui extirper des informations et c’est un des points forts de ce mode de vie.
Arrivant aux abords du Lac Noir, je me sens un peu moins enchaînée par le rôle que je suis censée jouer. Dehors, loin de cette pression, je me sens un peu plus posée et sereine. Je resserre ma main contre la lanière de mon sac de cours et m’approche du fameux chêne qui garde un banc à l’abri du soleil. Je sais qu’elle est là et je ne peux m’empêcher de sourire un peu en la voyant prendre un air joyeux. C’est assez étrange, tout de même, de garder une certaine bonne humeur pendant que les Mangemort assurent une cruelle dictature dans l’enceinte de Poudlard…
« Vous voilà, très chère ! » Me dit-elle.
Son enthousiasme m’adoucit d’autant plus et mon sourire se fait plus grand. Il me fait me sentir moins seule dans ce monde de fous. Et quand elle reprend son air sérieux, j’exécute ses consignes.
« Les rencontres que nous faisons doivent rester le plus discrète possible ; nous jouons chacun notre place ici, alors voilà ce que tu va faire : tu t’adosse à cet arbre & fait donc mine de lire, pendant que moi, juste de l’autre côté, je te parlerais sans qu’on ne me voit. ‒ D’accord. » Je réponds doucement.
Elle n’a pas tort. J’ouvre mon sac de cours et en sors mon livre d’Histoire de la Magie au chapitre des guerres de géant. C’est un chapitre que j’ai déjà lu plusieurs fois mais je m’en fiche. Je ne vais pas véritablement lire. Plus précisément, je vais le feuilleter tout en discutant avec cette charmante compagnie. Je jette un regard rapide aux alentours et lorsque je constate qu’il n’y a quasi personne qui soit trop près de nous, je reprends :
« Ça fait du bien de sortir de ce château… L’ambiance est de plus en plus étouffante. J’essaie de faire avec mais là, j’ai besoin de me tenir un peu loin de ça. Et vous, comment allez-vous, Franny ? »
« D’accord. » C'étaient les premières paroles que la demoiselle bleue venait de lui murmurer avant de s’asseoir seule sur le banc. Elle pensa avoir été un peu trop autoritaire sur le moment. Derrière l’arbre, en reposant sa tête dans le creux de ses bras alors que la Serdaigle de cinquième année commença à feuilleter son livre d’Histoire de la Magie, elle ne put cesser de penser à comment ce serait terminé la soirée s’ils n'avaient pas tenté de réveillé les habitants du château. Elle se serait sûrement terminée beaucoup mieux que ce qu'il en est en ce moment. Franny aurais sûrement passé la soirée à cacher quelques bandes d'étudiants Poufsouffle (elle était dans leur salle commune au moment du drame) dans la Salle sur Demande, elle leur aurait montré comment les fantômes savent être ingénieux, même si le chemin pour y aller aurait été tortueux. Seulement, elle ne savait pas si c'était le destin ou cette putain de foutu malchance, mais elle avait finis par se retrouver à nouveau dans une époque sombre, qui ne pourrait être que plus belle pour les eugénistes sorciers. « Ça fait du bien de sortir de ce château… L’ambiance est de plus en plus étouffante. J’essaie de faire avec mais là, j’ai besoin de me tenir un peu loin de ça. Et vous, comment allez-vous, Franny ? »
Elle venait de relever la tête vers le feuillage qui s’agitait dans le vent. C'était un après-midi & en plus, il était beau. – Ça ne va pas du tout, en fait… Soudain, elle prit une grande inspiration ; elle sentait qu’elle allait pleurer, mais elle préféra se retenir. Le fantôme réaffichait déjà un sourire sur ses lèvres, ce n’était pas pour elle qu’était vraiment cette réunion, mais pour Narcissa qui devait être plus que folle de tristesse, à force de devoir jouer les fausses traîtresses, & de se voir abandonnée par toute sa bande d’amis. – Tu peux me tutoyer, tu sais. C'est pas parce que je suis plus veille que… Enfin, fais comme tu veux. Pour te répondre, si ça ne tentait qu’à moi, j’peux te dire que j’aurais foutu quelques coups de pied au joli p’tit cul de Blackman dès son arrivée à Poudlard, la première fois. J’le sentais pas, & j’avais raison de pas l’aimer, comme beaucoup de monde ici… Rien que pour cette histoire de coup de pied, Franny ricana doucement, puis de se retenir encore. Pourtant, s’imaginer la scène lui fit laisser échapper un autre éclat de rire. – J'ai pas de chance d’être aussi consistante que Peeves ! On le voit pas souvent notre esprit frappeur, d’ailleurs. A-t-il peur ? A force de rire comme une folle, elle jeta un coup d’œil vers le parc, vérifiait n’avoir attiré personne justement, alors que ses paroles "Coup de pied au joli p’tit cul" la faisait toujours rire. – Bon, je présume que je vais devoir attendre longtemps avant de lui donner des baffes… Et toi ? Tu compte faire quelque chose contre ta situation ? dit-elle en tentant de se tourner discrètement pour la voir un peu mieux. Au fond d'elle, elle devait surement se demander quand est-ce que tout cela allait s'arrêter... Dommage pour elle, dans cet situation, on ne peut connaître le futur, & les personnes avec un tel don sont rares.
Sa réponse m’inquiète un peu. Je n’ai jamais pas souvent vu Franny ne pas aller bien, justement. Ou alors, elle le cachait très bien. Je me retiens de regarder en arrière pour la regarder, me souvenant que je ne dois pas attirer l’attention. Le ton de sa voix me parait aussi mélancolique que la mine que j’affichais toute à l’heure. Je me demande bien ce qui peut la rendre aussi peu joyeuse.
« Tu peux me tutoyer, tu sais. C'est pas parce que je suis plus veille que… Enfin, fais comme tu veux. Pour te répondre, si ça ne tentait qu’à moi, j’peux te dire que j’aurais foutu quelques coups de pied au joli p’tit cul de Blackman dès son arrivée à Poudlard, la première fois. J’le sentais pas, & j’avais raison de pas l’aimer, comme beaucoup de monde ici… » Dit-elle en ricanant, avant de laisser échapper un éclat de rire.
« Ne parle pas de vieillesse, voyons. Tu es très bien comme ça, dis-je avec amusement. C’est vrai que Blackman en aurait eu bien besoin des coups de pied et même plus ! Je me demande comment il était lors de sa scolarité. »
La tutoyer ne me dérange pas. En fait, cela m’est égal. C’est juste que l’on m’a toujours appris à respecter les adultes en les vouvoyant et que j’ai assimilé ces manières mais je peux effectivement la tutoyer après toutes ces années. Je la connais depuis ma première année à Poudlard et c’est elle qui m’a appris beaucoup de choses au sujet de la mort ou de la vie des fantômes, notamment lorsque j’ai eu la naïveté de lui demander si je pouvais revoir ma mère de cette façon. J’ai pensé que je pouvais résoudre certains problèmes en lui reparlant, ou même me sentir un peu plus aimée. Mais bon, j’ai bien vite appris à m’aimer moi-même pour compenser ça. C’est un peu étrange comme concept mais ne compter que sur soi, c’est la clé pour réussir et ne pas être déçu.
« J'ai pas de chance d’être aussi consistante que Peeves ! On le voit pas souvent notre esprit frappeur, d’ailleurs. A-t-il peur ? »
J’hausse les épaules. A vrai dire, je n’ai jamais eu de problème avec Peeves. Il ne me trouve pas drôle et je ne prends pas la peine de m’énerver face à ces conneries. Par conséquent, il s’est vite lassé de me faire chier.
« Je n’ai pas fait attention. Mais ce serait le comble qu’il ait peur… D’habitude, c’est lui la terreur de Poudlard. » Je réponds en ricanant à mon tour.
Il est vrai que je ne serais pas contre un peu de chamboulement de la part de cet esprit frappeur pour en faire baver aux Mangemorts et à leurs partisans. Bon, je risquerais sûrement d’y passer aussi si cela devait arriver mais, très franchement, ce n’est rien face à ce que je vis avec cette solitude qui ne me lâche plus. D’habitude, cette même solitude est ma meilleure amie mais, aujourd’hui, elle est juste un peu trop collante.
« Bon, je présume que je vais devoir attendre longtemps avant de lui donner des baffes… Et toi ? Tu compte faire quelque chose contre ta situation ? »
Cette question me brusque un peu et pourtant, elle me la pose sur un ton assez détaché. Faire quelque chose contre ma situation… cela me semble un peu impossible pour le moment. Je fronce légèrement des sourcils, pensive, les yeux quittant mon livre pour balayer le ciel bleu.
« Je n’en sais rien, Franny… Il n’y a aucune opportunité pour que j’agisse contre ce camp-là, pour le moment. La dernière rébellion a été ratée, dans la Grande Salle. Les rebelles ont très mal joué leur coup, c’était lamentable de leur part. Ils ont raté la plupart de leurs sortilèges, c’était à croire qu’ils n’ont rien appris de leurs cours. Très sincèrement, je crois que je suis bien partie pour être bloquée dans cette situation pour un bail… »
Leurs vies étaient vraiment pitoyables, c'était sur ! Il suffisait à peine de regarder autour d’elles, sous cet arbre à tenter de décompresser toutes les deux pour comprendre qu’elles n’étaient pas dans leur état normal. En tout cas, il y en avait bien une qui avait l'air de s'amuser de leur malheureuse situation. En même temps, Narcissa ne pouvait pas lui en vouloir… Elle venait de lui raconter son envie secrète (et collective) de la rencontre de son pied avec le postérieur du directeur, puis Peeves, & ce qu’elle comptait faire. « Je n’en sais rien, Franny… Il n’y a aucune opportunité pour que j’agisse contre ce camp-là, pour le moment. La dernière rébellion a été ratée, dans la Grande Salle. Les rebelles ont très mal joué leur coup, c’était lamentable de leur part. Ils ont raté la plupart de leurs sortilèges, c’était à croire qu’ils n’ont rien appris de leurs cours. Très sincèrement, je crois que je suis bien partie pour être bloquée dans cette situation pour un bail… » A ses mots, j'arque un sourcils, l’imaginant au travers de l’arbre, avec un petit sourire. Le vent souffle alors de nouveau & c'est le souvenir de cette rébellion tuée dans l’œuf qui revint dans la mémoire. – Tu sais, un Cracmol Italien que j’ai connu dans les années 30 avait un roman, Le Seigneur des anneaux où une phrase m’avait marquée : « Il y a toujours de l’espoir. » dis-je. Finalement, ce n'est pas le meilleur exemple du moment, mais tant qu’à faire… Il y eut un petit silence, avant que je ne reprenne. – Bien, ce n'est rien de grave si tu es dans cette mauvaise passe : nous sommes là pour décompresser. Tu sais, je souris le plus souvent parce que c’est ma manière à moi de narguer les mangemorts. Franny me leva alors pour s'installer plus confortablement. Elle se serait bien allongé pour faire une sieste, elle. – C'est tout, puis-je vraiment faire grand-chose de plus ? Je prévois, quand même, d’aider nos amis qui résistent. Je ne sais pas ce que je pourrais bien faire, mais si j’ai décidé de rester sur Terre, c’est parce que je comptais bien faire quelque chose de ma mort. En fait, elle savait surtout que j'avais beaucoup trop peur de la mort & que je disais sûrement n'importe quoi pour trouver une bonne excuse. – En y repensant, je te revois, en première année, toute timide devant un fantôme, à me parler de ta mère. Et pauvre de moi, t’annoncer tristement qu’être un fantôme, c’est un choix qui se fait avant la mort… Au fait, comment vont tes notes ? Mieux valait ne pas parler de la famille, dorénavant.
Sérieusement, je me demande comment on peut prétendre suivre des cours dans notre prestigieuse académie alors que l’on est pas capables de désarmer un seul opposant ? Du côté des rebelles, il n’y a clairement pas de compétence et cela craint pour les semaines à venir. Je trouve ça hallucinant que les crétins qui croient à la théorie du sang-pur soient bien plus fichus de savoir désarmer les rebelles qu’eux-mêmes. Il y a un véritablement un problème quelque part mais quand on regarde la tronche des logisticiens, je me dis que ce n’est peut-être pas si étonnant que cela. Shiver, De Baskerville… que des crétins, des cancres sans aucun talent. Qu’ils se tiennent derrière, pour une fois, et qu’ils laissent faire les personnes plus douées !
« Tu sais, un Cracmol Italien que j’ai connu dans les années 30 avait un roman, Le Seigneur des anneaux où une phrase m’avait marquée : « Il y a toujours de l’espoir. »
Je ne sais pas pourquoi mais cela me semble assez surréaliste, ce qu’elle dit. De l’espoir. J’ai du mal à le voir. Mais bon, je sais que rien est impossible malgré tout, si on s’en donne les moyens. Et les moyens, ce n’est pas ça qui manque à cette école.
« Mouais. »
Un petit silence règne avant qu’elle ne reprenne en me disant que ce n’est pas grave que je sois dans cette mauvaise passe et que je pouvais profiter de cet instant pour décompresser. Selon elle, le sourire était la meilleure façon de narguer les Mangemorts. Je ne peux m’empêcher de sourire un peu face à cette annonce. C’est pas mal candide de sa part de dire ça. Je vois les choses d’une façon un peu plus sombre et je doute qu’un simple sourire parvienne à résoudre mes problèmes. Je suis sans doute trop terre à terre… Après tout, je ne suis pas à Serdaigle pour rien. Dans cette maison, nous avons pris l’habitude d’agir en fonction d’une réflexion qui nous semble logique et nous planifions, calculons tout pour nous sortir d’un guêpier. Chez des maisons comme Poufsouffle et Gryffondor, les élèves ont une meilleure tendance à agir par instinct ou tout simplement en croyant à des valeurs comme l’espoir, la joie, l’amitié, le soutien… Je me demande bien comment ils peuvent autant y croire avec conviction. Sans doute suis-je encore trop immature pour le comprendre...
« Au moins, tu peux être sûre de pouvoir les narguer sans en subir les conséquences. » Je réponds en tentant de prendre un air un peu relax pour dissimuler mon appréhension.
« C'est tout, puis-je vraiment faire grand-chose de plus ? Je prévois, quand même, d’aider nos amis qui résistent. Je ne sais pas ce que je pourrais bien faire, mais si j’ai décidé de rester sur Terre, c’est parce que je comptais bien faire quelque chose de ma mort. »
Quelque chose de sa mort… Oui, elle m’a expliqué qu’à l’approche de la mort, nous pouvions faire un choix : celui de rejoindre le royaume des morts ou bien de rester à l’état de fantôme, bloqué entre deux plans d’existence. C’est assez compliqué comme concept mais elle m’a dit qu’il fallait vraiment le vouloir pour faire le second choix. Je crois que Nick-Quasi-Sans-Tête l’a fait parce qu’il avait peur de mourir, au même titre que Franny. Cette dernière peut bien trouver des excuses mais je me tiens surtout à ce fait.
« Franny, s’il se passe quelque chose qui puisse renverser cette tyrannie absurde, peux-tu me promettre de me mettre sur le coup si cette rébellion tient bel et bien la route et qu’elle a une chance de porter ses fruits ? »
Il faut dire que c’est tout de même mon but en tant qu’agent double : apporter un soutien aux opposants de Blackman en leur faisant profiter de ma position. Après qu’elle m’ait répondu, je la laisse enchaîner sur autre chose.
« En y repensant, je te revois, en première année, toute timide devant un fantôme, à me parler de ta mère. Et pauvre de moi, t’annoncer tristement qu’être un fantôme, c’est un choix qui se fait avant la mort… Au fait, comment vont tes notes ? »
Je suis un peu prise au dépourvue par ce sujet et je suis d’autant plus surprise qu’elle ait carrément changé de conversation en me posant une question à côté de la plaque. Mais je ne lui en veux pas d’évoquer ma mère. Après tout, elle est morte lorsque je n’avais que deux ans et je n’en ai gardé que quelques flashs de souvenirs. Je n’ai pas vraiment ressenti tout son amour maternel même si je sais qu’elle devait être une femme formidable. Je lui porte une certaine affection, d’ailleurs, mais ma douleur n’est pas la même que celle que subit un enfant ou un adolescent qui vient de perdre sa mère en sachant qu’il a été éduqué par celle-ci. Du coup, ce sujet n’est pas un terrain si épineux qu’on peut le croire, pour moi.
« C’est vrai que j’aurais bien voulu faire sa connaissance. Elle était Auror, comme mon père. J’imagine que quand on fait ce boulot, on se résout à penser que la mort peut roder de très près à tout instant. Elle a peut-être accepté l'idée de mourir avant même que cela n'arrive. Enfin bref... niveau notes, mmh, je suis toujours régulière. Je dois sûrement être la première de ma promotion, comme toujours ! »
J’ai dit cela en lâchant un petit rire satisfait. Avoir les meilleures notes de l’école fait partie des loisirs qui me prend le plus de temps. Je suis un vrai rat de bibliothèque à la vie sociale assez pourrie mais je ne cours pas après ça. Quand j’étais encore amie avec Zach, Anthea et Aimie, le simple fait de les fréquenter autour d’un livre, d’une séance de couture ou d’une partie d’échec suffisait à me faire me sentir vivre.
« Je ne laisserai personne me vaincre, j’ai toujours été comme ça. »
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