Doux petits insectes… voilà qu’ils arpentaient paisiblement l’herbe fraiche, à la recherche d’un peu de nourriture qui les ferait tenir jusqu’à la fin de la journée. Les abeilles butinaient joyeusement les fleurs, les guêpes se tenaient à distance, peu agressives en cette saison et les papillons virevoltaient énergiquement autour des élèves de Poudlard. Toute cette petite faune profitait une dernière fois de leurs sorties avant que l'hiver ne pointe le bout de son nez d'ici deux mois. Cela faisait un moment déjà que l’on pouvait les apercevoir en cours de Botanique, dans les serres, se délectant d’une bonne température ambiante. D’ailleurs, des élèves de deuxième année venaient d’en sortir après deux heures intensives à étudier des plantes assez spéciales et malodorantes. Jayden était soulagé que sa journée se termine enfin. Il ne supportait vraiment pas la Botanique, c’était une matière qui l’ennuyait et dans laquelle il ne se sentait absolument pas en phase. Autant, il aimait bien les Potions et l’ambiance sombre et froide qui y régnait, autant la chaleur étouffante et la saleté de la terre ne lui plaisaient pas du tout.

Remettant son sac en place sur son épaule, il s’arrêta quelques temps au bord du Parc, sur un banc. Il avait toute l’après-midi devant lui et au lieu de s’embêter à la bibliothèque, le petit avait la possibilité de profiter du beau temps d'Octobre qui s’annonçait. D’ailleurs, il n’était que quinze heures et Jayden pensait déjà à avancer son devoir d’Histoire de la Magie, seul et en toute tranquillité. Ce n’était pas qu’il était un adepte de la solitude, car il aimait passer du temps avec ses copains mais parfois, s’épargner de discussions longues n’était pas de refus.

Il avait déjà sorti sa plume, son encre et un bout de parchemin lorsqu’il réfléchit à des idées pour le plan de son exposé. Cela ne devrait pas être une affaire trop longue puisqu’il était un élève brillant et attentif. Mais alors qu’il commençait déjà à écrire son introduction au sujet des trésors de Gobelins, une grosse tâche noire vint l’arrêter dans sa pleine inspiration. Il la fixa calmement avant de sourire machiavéliquement ; il n’aimait pas les imprévus. Et il aimait encore moins les mouches qu’il trouvait repoussantes. Il savait que sans elles, les excréments des animaux ne seraient pas consommées mais il prenait plaisir à les assommer ou à les tuer quand il en voyait une dans le coin. Une mouche sur des milliards, ce n’était rien…

BAM !

Sa main se referma contre le parchemin, formant un dôme au-dessus de la mouche qui était prisonnière. Le sourire de Jayden s’agrandit, content à l’idée d’imaginer la bestiole paniquer et privée d’oxygène. Il s’amusa ensuite à refermer sa poigne sur la mouche en la tenant fermement sans pour autant l’écraser. Non, sa mort n’avait pas encore sonné. Il se plaisait à penser qu’en une fraction de seconde, il pourrait mettre fin à l’existence de cet être minuscule. En une fraction de seconde, il pouvait décider de son droit de vie ou de mort. C’était excitant comme sensation. Il ne la lâchait pas des yeux tandis que sa victime bougeait les ailes et les pattes pour tenter de s’en sortir désespérément. Mais le prédateur ne la laisserait pas partir. Il savait qu’une mouche avait une vision quatre fois plus rapide que celle d’un humain et qu’il était difficile de les chopper d’un seul coup. En fait, il avait surtout eu de la chance. Peut-être avait-elle simplement décidé de se reposer sur son parchemin…

« Il ne fallait pas venir m’interrompre, c’est de ta faute. » Dit-t-il à voix basse à cette mouche, des idées saugrenues lui traversant l’esprit.

Jayden savait qu’il était stupide de parler à un insecte incapable de le comprendre mais c’était juste pour le plaisir de faire durer les choses. Il leva la mouche en direction du soleil pour mieux l’observer et il ne remarqua pas qu’il venait d’attirer l’attention de deux ou trois personnes qui se demandaient pourquoi il tendait le bras en regardant un truc presque invisible entre deux doigts.

Il trouvait cette mouche très repoussante. Du coup, il décida qu’elle n’avait pas le droit de vivre normalement. Juste pour le fun. Il approcha son autre main et commença à lui arracher les ailes. La mouche ne saignait pas, alors elle ne devait peut-être pas avoir mal, non ? Le Serpentard ne pouvait que le supposer et à vrai dire, il s’en fichait pas mal. Il déposa les ailes sur son parchemin avant de laisser la mouche se déplacer bêtement sur ce même support, incapable de prendre son envol. Parfois, il la renversait du bout du doigt pour l’observer, les pattes à l’air, en train d’essayer de se remettre à l’endroit.

EXORDIUM.

Alors que Jayden étudiait le comportement de la mouche, un autre garçon finit par se rapprocher de son banc, assez furieux. Il ne le remarqua pas aux premiers abords mais sa voix très forte le contraignit à devoir lever la tête.

« T'es complètement malade! Pauvre mouche! Tu penses quoi, qu'elle ne ressent rien? C'est pas parce qu'elle est minuscule qu'elle n'a pas la moindre sensation! »

Le deuxième année n’aurait jamais pensé qu’on puisse le gronder pour avoir fait du mal à une mouche. D’habitude, les gens se fichent bien de ces choses répugnantes et dans le monde des moldus, beaucoup de moyens sont vendus dans les commerces pour s’en débarrasser ; des bandes collantes pour ne plus qu’elles partent, des tape-mouches ou encore des espèces de raquettes qui les électrocutent et les brûlent. Son père en avait un et Jayden avait toujours été amusé de voir des petits insectes fumer comme si on en faisait un barbecue. Il ne ressentait pas de remord tout simplement parce que ce n’était que de petits insectes qui se reproduisaient par centaines et parce qu’ils étaient minuscules. La petitesse signifiait pour lui qu’ils étaient peu importants. Certes, chaque insecte avait son utilité mais dans la petite vie de Jayden, cette utilité était moindre. Tous les gamins de son âge se moquaient bien d’écraser une fourmi alors lorsque ce fameux Gryffondor vint vers lui pour lui faire la leçon, le Serpentard ne put s’empêcher d’esquisser un sourire. Il ne le faisait pas souvent mais aujourd’hui, la situation était assez comique. C’était surtout l’accent bizarre de ce type qui le faisait marrer... Il avait dû tendre un peu l’oreille pour saisir l’anglais de cet élève. Peut-être venait-il d’Irlande ?

« Mais c’est qu’une mouche, tu sais. Pourquoi tu t’excites comme ça ? » Demanda-t-il le plus naturellement du monde.

Cette réponse ne parut pas plaire à cet inconnu dont le visage venait de bouillir de rage. Jayden était vraiment pris de court mais il resta calme, ne comprenant pas l’origine de cette colère démesurée. Ses iris bleus se dirigèrent par la suite vers une forme massive qui se tenait sur l’épaule du fou furieux ; c’était une araignée et pas n’importe laquelle ! Jayden aimait beaucoup les araignées. C’étaient les petites créatures auxquelles il ne faisait jamais de mal puisqu’il les trouvait fascinantes. Sa sœur, en revanche, n’avait franchement pas l’air de les apprécier et il s’amusait à en laisser quelques-unes se balader près d’elle quand il en avait l’occasion. Mais, malheureusement, il ne put détailler l’animal de plus près puisque le Gryffondor n’en avait pas terminé avec lui. Sérieusement, qu’il se mêle de ses affaires !

« Je vais t'arracher un bras moi et on verra comment tu te sentiras après! Et si je te jetais dans le lac noir après, question de voir comment tu t'en sortirais. Je pourrais me marrer de te voir couler comme une brique parce que t'es incapable de nager avec un seul bras. »

Son ton mauvais ne plut pas à Jayden mais son accent assez particulier compensait son air présomptueux et lui conférait un caractère plutôt cocasse. Notre héros décida de ne pas le prendre vraiment au sérieux. Si ça se trouve, ce garçon se moquait tout simplement de lui. Il était plus âgé que lui d’au moins deux ans et ce n’était pas la première fois qu’un élève cherchait à lui faire une farce juste parce qu’il était encore jeune. Mais bon, à en juger son faciès, cette pulsion d’agressivité avait l’air bien sincère… Jayden finit par froncer les sourcils, perplexe et agacé à la fois. Il garda tout de même son calme, comme il savait si bien le faire.

« Tu me fais pas peur, alors ça ne sert à rien de me menacer. C’est bon quoi. C’est pas comme si je l’avais mise au micro-onde, ta mouche ! Là, on aurait pu dire que j’étais méchant. »

Et comme si ce n’était pas suffisant, il refusa de s’en aller et tira sa baguette. Le Serpentard eut un bref mouvement de recul, ne s’attendant pas à être attaqué aussi vite. Il allait mettre la main sur la sienne quand un Accio fut lancé pour déplacer la mouche. Jayden se détendit devant la réussite d’un sortilège qui ne visait en rien à le nuire. Il ne put toutefois pas s’empêcher d’en rajouter une couche pour embêter ce pseudo-justicier.

« Tu vas lui lancer un Reparo pour lui recoller les ailes ? »

EXORDIUM.

Jayden trouvait les défenseurs des animaux globalement ennuyants. La cause était intéressante pour ceux qui se désintéressaient du genre humain mais il trouvait qu’il y avait encore trop de personnes extrémistes dans ce mouvement. Des personnes qui étaient tout simplement trop idiotes pour vouloir consommer de la viande, se servir de ce qu’ils produisent ‒ le miel des abeilles, par exemple ‒ ou encore qui n’iraient jamais écraser un moustique entre deux mains pendant un soir d’été. Jayden, lui, n’avait pas vécu dans un milieu tel que celui-là. Chez les Rosenbach, on se fichait bien des animaux même si on allait pas jusqu’à vouloir maltraiter les plus grosses bêtes. Sa mère n’avait jamais cherché à devenir vegan et elle lui disait que ce n’était pas bon pour le corps de ne pas consommer de la viande et que pas mal de femmes avaient changé de régime suite à des soucis de santé. Jayden y croyait naturellement et, de toute manière, il ne pouvait concevoir sa vie sans un minimum de viande. Il n’en mangeait pas non plus tous les jours mais deux ou trois fois dans la semaine et c’était la ration qu’il lui fallait pour bien grandir.

Il avait donc face à lui quelqu’un de plutôt agressif et de très protecteur même envers les mouches. Cela le désarçonna un peu au départ mais il ne tarda pas à en devenir agacé. S’exciter pour si peu de choses, c’était ennuyant pour le garçon. Ne pouvait-il donc pas se détendre et contenir sa colère ? S’il n’aimait pas ce spectacle, il n’avait qu’à pas regarder et tracer son chemin. Des mouches, il y en avait des milliers, si ce n’est plus !

« Ah ouais ? C'est qu'une mouche ? Et toi, t'es quoi ? Un ignoble nain de jardin sans la moindre compassion. Ce serait pas grave si je t'attachais à une grosse pierre après t'avoir pétrifié et te laissais couler dans le fond du lac noir. Après tout, t'es qu'un gamin, pourquoi on s’exciterait pour ton sors ? »

Il bouillonnait de rage et c’était à se demander comment il pouvait s’énerver autant pour un petit truc noir doté d’ailes. Peu de choses énervait Jayden ; le désordre, qu’on le prenne en pitié ou qu’on le sous-estime. Parce que lui, se sentait en tout point supérieur à la plupart des élèves de l’école. Il n’avait que douze ans mais il se considérait comme un génie à l’intelligence supérieure. En tout cas, se faire traiter de nain de jardin n’était pas pour lui plaire mais il mettait ça sur le compte de la colère du crétin, donc il n’y avait pas à s’énerver pour si peu. A la place, Jayden préféra lui répondre simplement.

« Sans la moindre compassion ? T’y vas un peu fort. C’est vrai que je m’en fiche totalement de cette mouche mais c’est idiot de généraliser. Et puis, si tu me laissais couler dans le fond du Lac Noir, tu aurais de gros problèmes. Ce serait dommage que tu sois à Azkaban pendant que des animaux souffrent, non ? » Dit-il avec un brin de provocation et un air hautain.

Tout d’abord, il n’imaginait pas ce type tuer des gens. Après tout, il ne vaudrait pas mieux qu’un meurtrier et il aurait ça sur sa conscience. Jayden connaissait très bien la culpabilité d’un homme ayant commis une lourde faute. Son père avait fait de la prison avant même qu’il ne soit né et cette expérience avait laissé des traces. Le garçon essayait de ne pas trop y penser quand il était à Poudlard, excluant son paternel de sa vie du mieux qu’il le pouvait puisqu’il ne l’aimait pas.

« Je vais te mettre au mirco-onde moi ! »

Jayden s’esclaffa sans pouvoir se retenir. Il finit par se reprendre, presque gêné d’avoir manqué de respect en rigolant de l’accent de ce type. Il ne répondit rien, se contentant de le voir récupérer la mouche à l’aide d’un Accio. Pour taquiner un peu plus le Gryffondor, Jayden lui demanda s’il comptait recoller ses ailes à l’aide d’un Reparo. C’était un peu un remède absurde mais la magie était capable de faire beaucoup de bonnes choses alors le petit pensait bien qu’il était peut-être possible de lui recoller ses ailes, même s’il lui posait la question sur un air narquois. Mais comme il s’y attendait, son interlocuteur ne s’en amusa pas et il lui jeta un regard noir..

Le né-moldu se contenta de sourire, puis, il l’observa en train de la soigner et la réconforter, avant de la poser sur ses cheveux. Le deuxième année aurait bien voulu connaître le nom de ce sortilège. Cela devait être pratique pour faire du mal à une personne que l’on appréciait pas pour ensuite la soigner et pour ensuite lui refaire du mal. Cette idée tordue lui traversait l’esprit mais cela ne restait qu’une idée. Il était trop jeune pour mettre en application ce genre d’actes horribles, même s’il commençait déjà avec les petits insectes.

« Tu crois vraiment que tu lui rendras service en la laissant vivre comme ça ? Moi, j’ai fait ça pour rire. Mais je crois qu’il vaudrait mieux que tu l’achèves si tu tiens vraiment au bien être des insectes. Elle ne tiendra pas des jours comme ça. Elle pourrait connaître une mort encore plus atroce, sans pouvoir se défendre. » Demanda-t-il, cette fois-ci avec sérieux et un air un peu effrayant en prononçant sa dernière phrase.

EXORDIUM.

« Pour avoir des ennuis, faudrait déjà qu'on apprenne que je sois le responsable de ta disparition soudaine. Désolé de te le faire remarquer, mais tu n'auras pas la possibilité de plaider ma responsabilité vu l'état dans lequel tu seras... »

C’est dingue comment il ne paraissait pas menaçant aux yeux de Jayden. Si, au départ, cela l’ennuyait totalement, désormais, il trouvait amusant d’entendre de tels propos en provenance d’un gars déjà incapable de faire du mal à une mouche. Pour le petit garçon, ce Gryffondor n’était pas crédible et il savait très bien qu’il ne lui arriverait rien d’aussi mortel. Il avait beau vouloir exprimer sa colère contre ce qu’avait fait le deuxième année, ce dernier ne le fuirait pas pour autant. Il était le genre de sangsue qui pouvait bien vite taper sur le système et il tenait cela d’Ashley, la plus insupportable des emmerdeuses selon certaines sources. Jayden n’atteignait évidemment pas son niveau mais il avait tout de même le don d’être énervant quand il s’y mettait ou quand on le cherchait. Et en l’occurrence, cet amoureux des mouches l’avait interrompu dans son activité et s’était permis de se mêler de ses affaires au lieu des siennes.

Jetant un regard en arrière en direction du Lac, le sourire malsain du Serpentard s’agrandit. Il se tourna ensuite vers son interlocuteur, un vilain air espiègle se traçant sur son visage.

« Eh bien, fais-le. Mais il y aura des témoins, tu as mal choisi ton jour. »

Et quand bien même le lion menacerait de le noyer un autre jour, cela ne lui donnerait pas plus de crédit. Pas avec cet accent, en tout cas. Jayden fit mine de s’étirer, comme si la situation le blasait plus qu’autre chose. Il n’avait pas hâte de reprendre son devoir d’Histoire de la Magie, préférant s’amuser un petit peu plus avec ce défenseur de la Nature. D’ailleurs, il lui fit part du fait qu’il aurait pu être bien plus méchant en enfermant la mouche dans un micro-onde et l’autre garçon avait vite répondu de façon agressive. Cela l’avait bien fait rire. Il ne savait pas si celui-là savait vraiment ce qu’était un micro-onde mais c’était bien trop petit pour y enfermer un humain. En tout cas, imaginer la mouche finir brûlée à l’intérieur était assez drôle pour lui. Et pour augmenter les effets de brûlures, il pourrait aussi tremper la bestiole dans de l’eau pour qu’elle prenne encore plus les radiations ! A cette pensée, il secoua légèrement la tête. Bon, il ne fallait peut-être pas exagérer. La petite chose ne méritait pas un traitement aussi cruel...

D’ailleurs, il prit au sérieux la question de l’achever au lieu de la laisser vivre sans ailes. C’était quand même pas très sympathique de la relâcher au milieu d’éventuels prédateurs qui n’attendaient que le moment propice pour gober une mouche. Jayden s’en fichait bien mais il se mettait un peu à la place de ce Gryffondor et s’il avait été comme lui, il aurait pris la décision de mettre fin à sa vie. Ne quittant pas les cheveux du jeune homme des yeux, il attendit sa réponse qui, comme il s’en doutait, était bien loin d’être en phase avec sa suggestion.

« Ce que deviendra cette mouche ne te regarde pas. Tu as fait assez de tord dans sa vie comme ça. » Dit-il sur un ton accusateur et haineux.

Jayden ne réagit pas de suite à cette réponse. Il avait raison de lui dire ça mais on ne pouvait plus rien faire pour elle, maintenant. Le mieux était de la tuer et hésiter ne servait à rien. Il écouta la suite :

« D'ailleurs, quel est ton nom, tortionnaire de créatures sans défense? De quel droit tu lui as fait subir une telle sentence? Elle t'avait fait quoi pour mériter d'être dépouiller de ses ailes? Si tu étais jaloux de sa capacité à voler, tu sais qu'il existe des balais pour ça? Sinon, on peut s'arranger. Je te lance de la tour d'astronomie pour voir si t'arrive à voler sans... »

Tortionnaire de créatures sans défense ? C’était un surnom qu’il trouvait marrant même s’il ne se considérait pas comme un tortionnaire. Pour lui, s’amuser avec un petit insecte, cela n’avait rien d’incroyable ou de scandaleux. A l’école primaire, tous les enfants de son âge le faisait. Lors de randonnées, on prenait des insectes dans sa main et on la gardait bien fermée pendant des heures en espérant l’emporter à la maison. Sauf que, au chemin du retour, la bestiole était déjà morte d’asphyxie. Il y avait eu d’autres cas qui aurait fait dresser les cheveux du Gryffondor en l’air ; un jour, on avait arrosé toute une fourmilière avec de l’eau, en noyant ses locataires dans des éclats de rire. Franchement, en y repensant, Jayden aurait bien voulu embarquer ce petit crétin dans son école pour lui montrer qu’il n’y avait rien d’anormal à enlever les ailes d’une mouche.

« Ouh la, c’est quoi cet interrogatoire ? Je ne répondrai pas sans la présence de mon avocat. C’est comme ça qu’on dit, hein ? »

Il lui sourit avant de se reprendre :

« Plus sérieusement. Je m’appelle Jayden Rosenbach. Et quant à mon droit, ben, c’est pas interdit par le règlement de l’école et cette mouche n’avait qu’à pas m’interrompre pendant que je faisais mon devoir d’Histoire de la Magie. Elle s’est posée sur mon parchemin et je ne suis pas jaloux de ses ailes. Pour ce qui est me jeter de la tour, c’est que des mots. Je le vois bien que t’en es pas capable, au fond ! »

EXORDIUM.

La réponse de Jayden quant aux témoins près du lac sembla déstabiliser le Gryffondor durant un instant. Ou du moins cela l’agaçait ou le frustrait. Le Serpentard en était satisfait et plus cela avançait, plus il prenait goût à ce petit jeu. Pourtant, il était face à quelqu’un de plus âgé que lui mais il sentait qu’il n’aurait rien à craindre auprès de lui. Il avait connu pire, à l’école moldue. Les personnes aux intentions très mauvaises et qui pouvaient lui faire du mal, il savait les reconnaître. On l’avait insulté, frappé, bizuté mais il s’en était toujours sorti comme un chat retombant sur ses pattes. Il avait même obtenu vengeance en utilisant la magie. Oui, la douleur, il l’avait parfois subie mais cela l’avait rendu plus fort et moins craintif. Son père l’avait déjà battu quand il faisait des bêtises ou quand celui-ci était tout simplement saoul ou drogué ‒ voire les deux. Les coups et les bleus, il connaissait. Qu’est-ce que cela pouvait donc bien lui faire qu’un Gryffondor taillé comme une brindille le menace de le jeter dans l’eau ? Il n’y croyait pas un mot. La seule crédible que lui montrait son interlocuteur, c’était sa colère vis-à-vis du sort de cette satanée mouche. Il ne voyait pas le mal dans son regard et cela le confortait dans l’idée qu’il n’avait pas à prendre cette conversation au sérieux. D’ici quelques minutes, leurs chemins risqueraient de se séparer donc un peu d’amusement n’était pas de refus, non ?

« Qui a dit que je le ferais maintenant? Je peux très bien le faire plus tard, quand il fera noir, pas de témoin, personne... » Avait-il répondu sur un air moins rassuré.

On aurait dit qu’il était sur le point de raconter une histoire effrayante mais ce qu’il ignorait, c’était qu’il parlait à un gamin futé qui aimait avoir réponse à tout. En l’occurrence, ce n’était pas bien difficile de lui répondre tant il manquait de réalisme sur le contexte de ce qu’il avançait.

« Mais quand il fera noir, je serai sûrement dans ma salle commune, moi. Tu voudrais le mot de passe, peut-être, pour venir me chercher ? » Demanda-t-il avec sarcasme tout en affichant un faux air angélique.

Il espérait bien l’énerver encore plus avec cette réplique provocatrice mais en même temps, il ne voulait pas non plus le mettre à bout. Ce ne serait pas drôle et puis, au fond, ce n’était qu’un pauvre Gryffondor paumé dans sa vie et idiot comme le restant des gens de sa maison. Il ne fallait pas lui en demander beaucoup. Jayden se disait qu’il ferait d’ailleurs mieux de s’occuper de sa petite bestiole sans ailes au lieu de l’engueuler pour un rien. Oui, pour un rien. Parce que, de toute évidence, cela ne l’empêcherait pas de recommencer. Personne ne lui dicterait quoi faire ici mis à part le personnel de l’école pour qui il ressentait du respect pour leur autorité. Mais un élève ? Non.
Il avait fini par révéler son patronyme quand on le lui demanda. Cela ne lui posait pas de problème de le lui dire, il n’avait rien à cacher. Mais son nom de famille ne parut pas inconnu au quatrième année qui semblait, d’un coup, curieux.

« T'es relié à Ashley Rosenbach? »

Jayden hocha positivement la tête.

« C’est ma demi-sœur. »

A vrai dire, ils se ressemblaient physiquement donc ce n’était pas difficile de faire le lien. L’an dernier, beaucoup avaient fait le rapprochement entre eux quelques jours après sa répartition à Serpentard. Il avait donc mené une enquête pour savoir s’il s’agissait d’une coïncidence ou non. Il avait étudié Ashley de près comme de loin, notant toute sorte d’anecdotes ou d’informations qu’il recueillait à son sujet. Au final, il s’était avéré qu’elle était bel et bien de sa famille. Ils s’entendaient relativement bien même si Ashley aimait beaucoup l’envoyer balader. Elle devait sûrement cacher ses véritables sentiments à son égard derrière cette allure décontractée et pseudo-négligente.

« Comment tu sais que j'en suis pas capable? Tu me connais même pas! Tu sais même pas mon nom! »

C’était drôle comme réplique. Il n’aimait pas être sous-estimé, celui-là. Jayden le suivit du regard, tous les deux observant ensuite la tour d’Astronomie. Il se demandait bien où il voulait en venir…

« De toute manière, je suis persuadé que tu serais même pas capable d'aller là-haut et de tenir tout près du bord! »

Jayden plissa les yeux et évalua la hauteur de la tour. Pas capable ? Mmh… Avec un balai, si. Il aimait bien le Quidditch et les hauteurs qui lui procuraient une sensation de liberté.

« Avec un balai, je pourrais. Mais en ce qui te concerne, je ne crois pas que tu en serais capable et j’ai pas besoin de ton nom pour le deviner. Je crois que je vais t’appeler « Pets Nerd », ça te va bien. » Dit-il, insolent.

Son camarade n’allait pas apprécier mais tant pis. C’était pourtant un beau surnom qui lui allait comme un gant. Il ne fallait pas être un fanatique des animaux à ce point-là ! Le regard qu’il jeta à Jayden fut rempli d’éclairs. On aurait dit que Zeus allait frapper avec sa foudre. Cela aurait pu calmer n’importe quel gosse de douze ans mais il en fallait plus pour notre héros.

« Il faut être lâche pour tuer un autre être vivant alors non, je ne te jetterais pas de la tour d'astronomie ou dans la lac parce que moi, contrairement à toi, j'ai une âme. Mais ça ne m'empêcherait pas de te faire regretter ce que tu as fait. Détruire une vie par simple plaisir c'est dégueulasse. »

Il était furieux et il prenait à cœur une histoire qui, aux yeux du Serpentard, n’avait rien de bien sérieux. S’énerver pour un petit amas de molécules noires, c’était certainement démesuré comme réaction.

« Punaise, mais détends-toi. C’est pas la fin du monde ! Tu n’as qu’à aller dans les serres, il y en a plein, des mouches. Tu remplaceras celle-là sur ta tête et terminé. » Lui suggéra-t-il, en soupirant d'ennui.

EXORDIUM.