Une nouvelle semaine commençait en ce mois d’octobre. L’automne frappait rapidement les arbres en jaunissant les feuilles d’arbre et en les faisant tomber. L’eau du Lac se refroidissait et certaines espèces de poissons magiques émergeaient à cette période. On pouvait les voir depuis la salle commune de Serpentard ou depuis mes appartements. C’était un spectacle que j’appréciais beaucoup, notamment pendant que je m’attelais à la correction des copies. Ce matin, j’avais dû affronter les premiers changements climatiques en me rendant rapidement dans les serres de l’école pour récupérer un échantillon d’ingrédients végétaux que me réservait Gabrielle pour la fabrication de potions plus complexes destinées aux septième année. Et après une heure passée à se raconter nos anecdotes de jeunesse, j’étais revenue dans ma salle de cours pour surveiller la potion qui reposait calmement dans son chaudron, à côté de mon bureau. C’était là le sujet du jour…

Après avoir fait entrer les deuxième année, ce mercredi 11 octobre à dix heures, le calme dans lequel je me plongeais depuis toute à l’heure se brisa dans le grincement des chaises contre les dalles de pierre. Quand l’heure du début de cours arriva, je fermai la porte à l’aide s’un sort, empêchant tout retardataire d’entrer par n’importe quel moyen. Je détestais les personnes incapables d’être ponctuelles…
Calmement, je les observais tous de haut, jaugeant ces jeunots avant de prendre la parole, sans la moindre salutation, l’air fermé :

« Sortez vos affaires. Ne perdons pas de temps, aujourd’hui, vous n’aurez non pas deux heures de cours mais plus ou moins trois heures. Vous quitterez la salle à midi pour aller manger mais à treize heures, vous reviendrez, puisque la nouvelle potion que nous allons étudier nécessite beaucoup de temps pour mijoter, bien plus que celles que vous avez l’habitude de concocter. Rassurez-vous, vous pourrez vous rendre à votre cours de Botanique pour quatorze heures, je ne compte pas vous garder plus longtemps ! »

Normalement, à treize heures, j'avais cours avec les première année. Mais, exceptionnellement, j'avais décalé leur séance à un autre jour de la semaine pour concorder avec les secondes.

Je me tournai ensuite vers le chaudron que je venais de préparer, fis apparaître une petite fiole à l'aide de la magie et la remplis de sa substance d'un vert mélèze. Quelques bulles harmonieuses s'échappaient du chaudron, signifiant le succès de la potion. Une odeur d'ortie en émanait fortement.

Puis j'élevai la fiole de sorte à ce qu'il captive le regard de toute la promotion, m’attendant à quelques réactions de la part des élèves qui connaissaient déjà les composants de celle-ci voire même ses effets. Le nom de la potion parlait de lui-même mais dans l’idéal, je souhaitais une réponse plus détaillée. Certes, ils n’étaient âgés que de douze ans, toutefois, à leur âge, j’étais déjà capable de créer un Philtre de Paix bien meilleur que les cinquième année qui passaient leurs BUSEs. Je ne voulais que l’excellence et c’était durant cette période de leur scolarité qu’il fallait commencer à les cravacher pour qu’ils donnent leur maximum.

« Qui pourrait me dire de quoi il s'agit ? De quoi se compose principalement cette potion, pour ceux qui en auraient déjà entendu parler ? Et quels en sont les effets et dans quel cas l'utilise-t-on judicieusement ? Prenez un peu de temps pour réfléchir si cela peut vous éviter de sortir des âneries. »

En ce moment, j’entendais bien trop souvent des bêtises sortir des bouches de ceux qui pensaient en savoir un paquet sur les sujets abordés. Mais cela était excusable venant d’un élève de deuxième année, je devais bien le reconnaître. En revanche, en classe ASPIC, j’étais beaucoup moins clémente.

Jayden aimait bien les Potions, même si ce n’était pas sa matière préférée. En première année, il avait eu beaucoup de difficulté à gérer dans ce domaine parce que toucher aux ustensiles similaires à ceux des cuisiniers et manipuler des ingrédients, ce n’était vraiment pas son truc. Il n’y connaissait rien et il avait dû compter sur l’aide précieuse de Zach pour qu’il lui donne des tuyaux. Depuis, il s’en sortait plutôt bien même si ce n’était pas la matière dans laquelle il excellent le plus. Disons qu’il était plutôt bon élève. Il faisait tout pour réussir au maximum mais c’était avant tout en Métamorphose, au Quidditch et en Défense contre les forces du Mal qu’il tenait tant à briller. Ce matin-là, il était de bonne humeur et c’est en prenant de l’avance qu’il se rendit dans les couloirs des cachots, muni de son manuel de préparations de Potions. Il aimait cette tranquillité qui régnait dans ces lieux sombres mais, malheureusement, le silence fut brutalement brisé par les éclats de voix émanant d’une fille qui approchait aussi de l’endroit. Il n’eut même pas besoin de lever l’œil tant il reconnaissait cette tonalité assez insupportable : Joanne Griffith. Avant même d’aller en cours, elle se sentait obligée de l’ouvrir pour parler à ses petits amis et poser des questions stupides. Jayden n’avait strictement rien contre elle mais elle avait le don de l’énerver juste en ouvrant la bouche. C’était comme ça… c’était physique. Et pourtant, il savait que ce n’était pas une fille méchante.

Lorsque tout le monde entra en salle de classe, ils furent accueilli assez froidement par le professeur Burgess. Comme à son habitude, notre héros avait l’impression qu’elle tenait absolument à leur montrer qu’elle leur était supérieure. C’était un sentiment que Jayden connaissait ; lui aussi, il aimait toiser les gens. Il l’écouta prendre la parole, leur avouant qu’il ne finirait pas le cours de manière habituelle. La potion qu’ils concocteraient seraient plus longue à fabriquer, donc il était nécessaire de repasser dans cette salle après le repas du midi. Jayden n’en pensa rien, n’étant pas particulièrement dérangé par cette nouvelle. Il se contenta de bien positionner son parchemin, son encrier et sa plume de manière bien carrée, bien organisée. Quand il releva de nouveau les yeux vers le professeur, cette dernière tenait une étrange fiole au contenu vert. Du chaudron témoin, il y avait des bulles qui s’en échappaient et je compris enfin d’où venait cette odeur de végétal… d’orties. Le Serpentard avait déjà lu un truc à ce propos dans le manuel, vers le début des premières pages… Mais il ne se rappelait plus des détails.

Avec un fin soupir, il se résigna à écouter le moulin à paroles qu’était Joanne. Il fallait tout le temps qu’elle parle comme si c’était un besoin vital… Il ne comprenait pas pourquoi elle était comme ça. En tout cas, elle devait sûrement avoir raison dans ses réponses, même si elle se mettait à raconter sa vie inutilement. Qu’est-ce qu’on s’en fichait de savoir qu’il fallait mettre un ruban sur la brûlure d’une ortie ? Jayden l’observa d’une façon étrange, comme si elle venait d’une autre planète.

Comme à son habitude, la jeune Griffith fut la première à lever la main pour répondre à mes questions. Elle était dotée d’une grande vivacité d’esprit et d’une spontanéité qui me rappelaient parfois ma fille. Elle aussi savait beaucoup de choses et aimait bien le dire à voix haute quand elle prenait confiance mais à la différence de la Gryffondor, elle ne se perdait pas en détails inutiles. C’était l’une des particularités de cette élève qui m’agaçait un peu, puisque le hors-sujet ne m’intéressait nullement. Cependant, d’un autre côté, j’étais plutôt contente d’avoir une élève enthousiaste à l’idée de participer et c’était une volonté que je ne retrouvais pas souvent chez d’autres.

En tout cas, ses premières réponses étaient bonnes même si elle hésitait sur son utilité et elle n’avait pas été idiote en constatant que les premiers chapitres du manuel étaient généralement ceux que l’on étudiait en premier. Mais bon, il pouvait m’arriver d’échanger quelques chapitres parce que certains étaient plus complexes que d’autres à aborder. Ceci dit, je pus la gratifier d’un petit compliment tout en gardant un air neutre :

« C’est bien ça, miss Griffith, même si on se passera très bien de vos anecdotes. Ce sera cinq points pour Gryffondor. »

Je fis une courte pause avant de reprendre aussitôt en vidant le contenu de la fiole témoin dans le chaudron. Puis, je la fis disparaître.

« Je rajouterais simplement qu’il y a une subtilité entre le fait de la boire et de l’appliquer sur la peau. Si on la buvait entièrement, notre corps entier enflerait. Généralement, on l’emploie donc en l’appliquant directement sur la peau. Quant à son utilité, outre le fait d’en faire l’objet d’une mauvaise plaisanterie, elle est notamment reconnue dans le milieu médical puisque cette même potion constitue la base de son antidote qui est le Philtre Dégonflant ou aussi connu sous l’appellation de Gorgée de Désenflage. Leur concoction est donc assez particulière puisqu’il faut fabriquer la potion d’Enflure en amont. Mais chaque chose en son temps, nous apprendrons la composition de l’antidote pendant que vos chaudrons mijoteront. »

Je m’interrompis quelques temps, avant de reprendre :

« La potion d’Enflure a été inventée par Gregory le Hautain en 1191. Pour la petite histoire, ce potionniste a réussi à infiltrer la cour du Roi Cœur de Lion en le manipulant à l’aide de l’une de ses inventions : la pommade pommadante Gregory. Cette pommade lui a permis de faire croire au Roi qu’il était son meilleur ami et il a donc pu faire fortune de cette manière. Mais il a également profité de ses talents pour créer une potion d’enflure qui visait à faire accuser un noble de la cour de sorcellerie, tout simplement parce que ce dernier avait découvert son secret. »

Je leur laissai un peu plus de deux minutes pour qu’ils puissent bien prendre en notes ces explications. Même si ce genre de détails n’aurait aucun impact sur leur partie pratique, je tenais à ce que les élèves aient un minimum de culture sur l’origine des potions qu’ils étudiaient. Il était important que ces connaissances ne se perdent pas, qu’ils le veuillent ou non.

« Bien, si personne n’a de questions, ne perdez pas de temps. Suivez bien les consignes de votre manuel et ne soyez pas maladroits dans la manipulation des ingrédients ! Une simple erreur suffit à faire des catastrophes. »

J’avais d’ailleurs pris des précautions au cas où un élève recevrait un peu de potion sur lui. Dans une des poches intérieures de ma cape, j’avais disposé plusieurs fioles de la Goutte de Désenflage.

Pratique:

Joanne reprit sa place sur son siège après avoir donné la réponse sur la potion. Elle venait de faire gagner cinq points à sa maison alors elle était plutôt contente. Quant à ses anecdotes... et bien elle voulait bien faire un effort pour essayer de ne pas trop s'éloigner du sujet mais c'était difficile. Elle avait tant de choses à dire et puis c'était utile de savoir comment soigner une brûlure d'ortie !

La prof expliqua un peu plus en détail le point sur lequel elle n'avait pas été très sûre dans sa réponse. Si elle comprenait bien, mieux valait éviter de boire cette potion sous peine de se transformer en ballon géant. Jo tenta de prendre des notes aussi vite qu'elle put mais elle n'était pas encore très habituée au maniement de la plume. Ça aurait été plus facile si elle avait pu se servir d'un stylo bille !

Voilà que le moment le plus amusant arrivait, autrement dit, la partie pratique ! Joanne rouvrit son manuel à la bonne page et regarda la recette. Il y avait des ingrédients un peu dégoûtants mais c'était comme ça ! Il fallait ce qu'il fallait pour pouvoir faire de la magie !

Prenant son mortier devant elle, Joanne y ajouta deux cuillères d'orties séchées. Il y avait moins de risques de brûlures vue que les feuilles étaient séchées mais mieux valait être prudent. Elle ajouta trois yeux de poissons avec un petite grimace parce que ça sentait fort puis écrasa le tout avec son pilon. Un des yeux de poisson glissa sous son pilon et fut projeté sur Jayden.

"Oh... pardon, je le reprends." dit-elle simplement en récupérant son œil pour le remettre dans son mortier.

Une fois qu'elle eut obtenu une poudre relativement fine, elle ajouta deux mesures du résultat dans son chaudron avant de le faire chauffer pendant vingt secondes en espérant que la flamme soit "moyenne" et pas trop forte. Ce n'était pas facile d'évaluer si un feu était doux ou moyen. Un feu fort c'était plus facile, ça faisait de grosses flammes et c'était plus drôle. Elle prit sa baguette et l'agita au-dessus du contenu.

Ça semblait plutôt facile jusqu'ici. Maintenant il allait falloir attendre un bout de temps avant de voir le résultat et la patience n'était pas trop son point fort.

1-2-3 : La potion bouillonne tranquillement. Plus qu'à attendre la seconde étape.
4-5 : La potion bouillonne tranquillement mais elle semble un peu foncée. Peut-être qu'elle l'a fait un peu trop chauffer.
6 : La potion fait de grosses bulles qui laissent échapper une forte odeur nauséabonde quand elles éclatent à la surface. Bizarre.

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'Le Hasard' : 3

Comme toute la classe s’y attendait, Joanne venait de faire gagner dix points à sa maison et ce n’était certainement pas Jayden qui allait sauter de joie pour ça. Il n’avait pas très envie de participer en sachant qu’il n’en savait rien et que de lever la main pour ne pas dire quelque chose d’utile énerverait plus l’enseignante qu’autre chose. Il se contenta donc de saisir sa plume et de la tremper dans son encrier, avant de prendre en note toutes les explications à connaître au sujet de la potion d’enflure. Celle-ci était plutôt particulière puisqu’elle n’avait pas vraiment de vraie utilité mis à part pour concocter son antidote. Jayden supposait que cela devait fonctionner de la même manière qu’un vaccin moldu : on y intégrait le venin d’une espèce pour en faire son remède. En tout cas, ils connaîtraient la composition de l’antidote plus tard dans l’heure.

Après avoir tout recopié proprement en soulignant les mots-clés, il fut temps pour les élèves de commencer à préparer la fameuse potion. Notre héros ouvrit son manuel à la bonne page et jeta un œil à la recette. A première vue, elle ne paraissait pas compliquée mais il allait rester attentif à la moindre étape pour ne pas tout faire capoter. Comme venait de le dire le professeur Burgess, la maladresse n’avait pas sa place et une simple erreur pouvait mener à la catastrophe. Il comptait alors obtenir une très bonne note comme à chaque fois et il espérait bien, de cette manière, gonfler le sablier de sa maison qui en avait pas mal besoin ces temps-ci.

Il plaça son petit chaudron au-dessus du bruloir et étala tous ses ustensiles à côté pour mieux s’y retrouver. Il quitta ensuite sa place pour recueillir les ingrédients qu’il ne possédait pas dans le placard, puis il revint s’installer. Il remonta ses manches et se motiva à commencer sa préparation. Il remplit son chaudron d’eau et ajouta deux cuillerées d’orties séchées dans le mortier, suivi de trois yeux de poissons. Ce n’était franchement pas appétissant tout cela… Il se demandait bien quel goût pouvait avoir la potion d’enflure et à quel point la menthe pouvait camoufler la touche de poisson. A l’aide du pilon, il commença à écraser ce mélange étrange et poisseux. La magie l’étonnait toujours ; elle pouvait transformer quelque chose de solide en un résultat poudreux assez incroyable. Mais alors qu’il venait d’aplatir complètement ses yeux avec rigueur, quelque chose le frappa en plein front. Le petit choc ne fut pas douloureux mais plutôt surprenant et Jayden fronça les sourcils en apercevant un œil de poisson retomber sur sa paillasse. Lorsqu’il releva les yeux, Joanne était parvenue jusqu’à sa hauteur pour reprendre l’ingrédient.

« Oh... pardon, je le reprends. »

Il ne répondit rien à haute voix, laissant échapper un simple « Pff. », en la regardant partir avec une expression mauvaise sur le visage. S’il avait pu, il lui aurait dit de faire plus attention mais il ne voulait pas attirer l’attention de la prof sur lui et risquer de se faire gronder pour peu de choses. Qu’est-ce qu’elle était maladroite et idiote celle-là ! Ce n’était pas compliqué de bien écraser ces yeux de poisson, lui-même l’ayant fait de façon adroite. Et elle s'excusait comme si c'était tout à fait normal de se tromper et d'en foutre partout autour d'elle ! Il secoua la tête, chassant cette fille de ses pensées avant de s’y remettre sérieusement. Avec une serviette qu’il utilisait pour nettoyer d’éventuelles éclaboussures, il se ressuya le front.

Une fois qu’il eut accompli les premières étapes, il agita sa baguette.

3,4,5 : La potion bouillonne tranquillement. Plus qu'à attendre la seconde étape.
2,6 : La potion bouillonne tranquillement mais elle semble un peu foncée. Peut-être qu'il l'a fait un peu trop chauffée.
1 : La potion fait de grosses bulles qui laissent échapper une forte odeur nauséabonde quand elles éclatent à la surface. Bizarre.

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'Le Hasard' : 3

Dans l’ensemble, la première partie de cette séance s’était plutôt bien déroulée. Les élèves n’avaient pas commis de catastrophes, ni énormément d’erreurs, ce qui m’apportait un bilan positif pour ce premier trimestre. La classe était demeurée calme, seuls les chaudrons bouillonnant brisant l’harmonie de ce silence. J’avais, pour ma part, entrepris de commencer la préparation de deux potions différentes pour la préparation de mes prochains cours mais je levais tout de même l’œil assez souvent pour surveiller les deuxième année et vérifier qu’ils ne se mettaient pas à enfler. Cela devait être une expérience assez désagréable pour ces jeunes et même si je les avais prévenus de faire attention, je n’étais jamais à l’abri d’une bêtise. Déjà que leurs aînés n’étaient pas doués…
A mi-chemin de leur préparation, j’étais passé entre les rangs pour inspecter le travail de tous. Dans l’ensemble, j’avais plutôt été satisfaite et personne ne me donna l’occasion d’élever la voix. J’avais simplement pu donner quelques conseils pour mieux harmoniser la mixture de quelques-uns mais, autrement, ils ne rencontraient pas de problème compliqué et particulier.

« C’est un très bon début, miss Griffith. » Fis-je à la jeune Gryffondor sur un ton encourageant.
Il en fut de même pour son voisin, ainsi que le jeune Serpentard nommé Rosenbach qui était devant elle. Il était moins optimiste que sa camarade mais il n’en était pas moins concentré, si ce n’était plus. Au moins, il avait le mérite d’être bien plus douée que sa grande sœur en cinquième année ‒ enfin, il me semblait bien qu’ils l’étaient.

J’avais fini de faire le tour des rangs au bout d’une dizaine de minutes et il restait encore un peu plus d’une heure avant qu’ils ne puissent partir manger. Pendant que leurs potions mijotaient, ils ne se contenteraient pas d’observer bêtement le plafond ou les murs puisque j’avais un autre travail à leur confier pour que le temps restant leur soit productif.

« En attendant que vos potions bouillissent, une partie de la classe triera des véracrasses et d’autres des œufs de Runespoor en fonction de leur couleur. Les plus foncés sont les plus efficaces. Faîtes toutefois très attention, ils sont fragiles et doivent être manipulés avec beaucoup de délicatesse. Une seule erreur et je peux vous assurer que vous le regretterez. »

Voilà qui devrait leur mettre suffisamment de pression pour qu’ils s’appliquent. Je tenais à ce qu’ils apprennent assez tôt à faire le tri parmi les œufs de Runespoor pour différencier celles qui contenaient une forte puissance magique et celles qui étaient les moins efficaces.

A l’aide de ma baguette, je fis parvenir les ingrédients et des bocaux vides sur la paillasse de chacun. Quand ils auraient terminé, un autre travail les attendrait : un petit sujet d’argumentation sur vingt centimètres de parchemin à propos des effets de l’une des potions vues depuis le début de l’année, comme celle qui faisait repousser les cheveux ou encore celle qui soulageait des crampes. Puis, lorsqu’ils auraient terminé, ils pourraient prendre leur repas du midi, avant de revenir ici vers treize heures pour continuer la deuxième partie de la potion d’Enflure.

Deuxième partie:

La prof venait de l'encourager en regardant le résultat de son début de potion. Fière d'elle, Joanne afficha un grand sourire. Elle avait déjà hâte de faire la seconde partie de la recette mais il allait falloir attendre un peu. C'était long d'attendre. Elle aurait voulu le faire tout de suite ! Mais elle n'avait pas le choix alors elle prit son mal en patience. C'était tellement drôle d'être une sorcière ! Agiter une baguette en prononçant des formules magiques, faire des potions et voler sur un balai ! Le rêve total !

Visiblement Jayden aussi avait réussi sa potion et beaucoup d'autres également. Elle était plutôt facile en fait. Comme ce n'était pas encore l'heure d'aller manger, la prof leur donna un autre travail. Joanne se retrouva en face de longs vers gluants qui produisaient une substance dégueulasse à chacune de ses extrémités. La petite galloise en attrapa un par un bout et l'examina d'un air intéressé avant de le poser dans le récipient adéquat. Elle continua avec les autres veracrasses jusqu'à les avoir tous triés.

La suite fut beaucoup moins drôle et mais Joanne s'appliqua tout de même à décrire par écrit comme elle pouvait la potion qui soulageait les crampes. Elle essaya d'écrire un peu gros pour que les vingts centimètres de rédaction arrivent plus vite mais en fait elle les dépassa largement car, comme à son habitude, elle dévia un peu du sujet. C'était parce qu'elle connaissait aussi d'autres façons de soulager les crampes alors il fallait bien qu'elle l'explique aussi !

L'heure de manger arriva enfin et Joanne partit dans le couloir comme une fusée. Plus vite elle mangeait, plus vite elle reviendrait finir sa potion ! Et c'est d'ailleurs Joanne qui fit la première à arriver en classe à treize heures tapantes. Elle se précipita pour regarder au-dessus de son chaudron et constata qu'elle continuait de mijoter tranquillement. Elle se retroussa les manches et attaqua la seconde partie.

Elle jeta dans son chaudron un foie de chauve-souris puis remua délicatement quatre fois dans le sens des aiguilles d'une montre. Elle fit chauffer à feu doux pendant trente secondes puis agita sa baguette, impatiente de voir le résultat.

1-2-3-4 : La potion bouillonne tranquillement. Elle semble avoir la bonne couleur.
5 : La potion semble un peu foncée. Peut-être qu'elle l'a fait un peu trop chauffer.
6 : Sa mixture fait de grosses bulles qui laissent échapper une forte odeur nauséabonde quand elles éclatent, postillonnant des gouttes de potion d'enflure partout sur ses voisins. Qu'est-ce qu'elle a fait de travers ?

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'Le Hasard' : 1

Jayden avait réussi la première partie de sa potion et, à vrai dire, il accueillit ce résultat avec satisfaction. Il n’était pas excellent non plus en la matière, alors voir que son chaudron était pour le moment parfait ne pouvait que le réjouir. Les efforts de Zach pour l’aider à comprendre comment bien réussir avaient payé leurs fruits et il lui en était intérieurement reconnaissant bien qu’il savait que ce succès, il le devait à lui-même, ses entraînements et son talent. Jetant un coup d’œil au plan de travail de ses autres camarades, il fut déçu de constater qu’il n’était pas le seul à y être parvenu et il y avait notamment Joanne qui s’en tirait bien, même si elle n’avait pas été capable de maîtriser son œil de poisson, tout à l’heure. Il les quitta ensuite du regard, reprenant son air hautain après avoir obtenu un compliment de la part de la professeure et il écouta la suite des choses à faire. Apparemment, il faudrait trier des Véracrasse ou des œufs de Runespoor. Pourquoi pas, si cela pouvait leur apprendre à utiliser les bons et rejeter les mauvais. Mais il la soupçonna de leur donner ce travail à faire uniquement parce qu’elle n’avait rien d’autre à leur confier. Il fallait se le dire : cet exercice ressemblait plus à une retenue que l’on donnerait à quelqu’un pour lui faire perdre son temps… Cependant, il fut quand même heureux de faire partie de ceux qui trieraient les œufs ; ils étaient moins dégoûtants que les véracrasses.

La tâche ne fut pas bien dure mais assez longue et parfois, il hésitait entre conserver un œuf parmi les plus efficaces ou bien le mettre de côté tout simplement parce que sa couleur n’était ni trop claire, ni trop foncée. Dans le doute, il le mettait sur la touche. Plus il triait et plus il se disait que le métier de potionniste ne devait pas être de tout repos quand on était contraint de faire attention à quels ingrédients utiliser et lesquels s’en débarrasser. Il fallait penser à beaucoup trop de choses à la fois…
Une fois cet exercice terminé, toute la classe dut s’atteler à l’écriture d’un sujet d’argumentation et celui de Jayden traitait de la potion qui soulageait des crampes. Il en connaissait par cœur la théorie grâce à Zach. Il se souvenait de leurs heures passées à décortiquer les potions de l’année mais celle-là n’avait rien d’excitant, quand même. Il fit de son mieux pour atteindre les vingt centimètres de parchemin, sans dépasser, sans écrire gros et sans faire de ratures. Il se remémorait aisément de la voix du Serdaigle lui citant les effets, donc normalement, tout y était.

Vers midi, il prit son repas tranquillement avec Anthony ‒ après s’être fait envoyé balader par sa demi-sœur ‒ et il attendit patiemment que treize heures n’arrivent pour retourner aux cachots. C’était assez particulier aujourd’hui, mais cela ne le dérangeait pas. Joanne fut la première à franchir la porte, comme d’habitude, et elle avait encore plus d’énergie que ce matin…
Jayden, quant à lui, retrouva aussi sa potion et il la touilla un peu pour en vérifier sa texture puis y ajouta son foie de chauve-souris avant de remélanger comme le préconisait la consigne du livre. Il fit chauffer le tout à feu doux et agita sa baguette.


2,3,4,5 : La potion est parfaite, que ce soit au niveau de la couleur, de la texture et de l'odeur. Les orties sentent bon !
6 : Il y a sûrement un petit problème. Peut-être que Jayden a un peu trop chauffé la potion ?
1 : C'est dommage, il était si bien parti... Maintenant, c'est clair que c'est devenu n'importe quoi. Jayden n'y comprend rien... De grosses bulles repoussantes ressortent du chaudron et l'odeur du foie prend le dessus sur celle des orties.

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'Le Hasard' : 5