La pluie tombait depuis des heures. Ploc, ploc ... Plic ploc. Elle tombait sans relâche, sans même vouloir cesser un court instant son débit, son flot. Elle ne cessait pas, et se semblait tout de même pas vouloir se tarir, ralentir. Elle tombait furieusement, avec une ardeur que seul le mois d’octobre, en écosse, pouvait se permettre d'avoir. Elle tombait dru, vidant son trop plein sur le monde qui ne demandait qu'à ce qu'elle s'arrête. Comme une chaudière dont on viderait le contenu depuis le haut de sa fenêtre dans la rue. Des éclaboussures, de la boue. Le froid glacial qui nous trempait jusqu'aux os. La pluie tombait, faisant son boulot de pluie, arrosant de sa moiteur les vertes plaines, remplissant le lac qui menaçait de déborder. Elle tombait depuis une ou deux semaines, détrempant les carrelages, les dalles. Mouillant et arrosant copieusement l'herbe et rendant le terrain boueux, spongieux. Le ciel était d'un noir d'encre, presque effrayant et tant bien qu'on se serait cru vers la tombée du jour alors qu'il n'était qu'environ dix heures du matin. Les nuages roulaient bas, déversant leur eau glacée depuis un peu trop longtemps pour certains, mais juste assez pour laisser croire au rêve de l’été disparu, qui n'était désormais plus qu'un pâle souvenir oublié. Un vent pas des plus chauds s'amusait à tourbillonner, s'engouffrant sous les capes, les chandails, les polos. Il entrait dans les couloirs et faisait frissonner la plupart des gens. Ce n'était somme toute pas le meilleur des temps pour une balade en forêt. Mais soudainement, comme si l'on avait coupé le courant ou la valve, l'eau s'arrêta de tomber, donnant une joyeuse accalmie boueuse, répit agréable pour bien des gens qui finissaient malades, qui ayant attrapé un rhume, qui la grippe, qui une pneumonie à force de garder des vêtements détrempés dans des salles de cour glaciales.

Il avait donc cessé de pleuvoir, mais le temps ne se dégagea pas pour autant. il resta froid, amorphe, d'une platitude spodique, sans même un léger rayon de soleil pour venir égayer les cœurs et les esprits. Pourtant, bien des gens auraient cher donné pour pouvoir voire un rayon de lumière de l'astre diurne, quelque chose de réjouissant, qui donne lieu de cœur à la fête. Mais hélas, ce n'était pas pour bientôt. L’automne qui s'installait amenait la pluie, mais un jour, qui semblait affreusement lointain, le renouveau apporterait le soleil, la joie ainsi qu'une brise venue des confins du sud. La chaleur viendrait avec l'été, les cœurs seraient plus légers et après des examens laborieux qui donneraient des migraines et des cauchemars, ça serait le temps des vacances bien méritées. Mais pour le moment, il n'y avait que le début de l’automne, qui s'amusait à dissoudre le sol, et à noyer les pelouses autrefois vertes, disparue depuis bien longtemps dû à cette pluie torrentielle qui n'avait eu cesse de tomber. Quelques cadavres de fleurs, de feuilles jonchant le sol, semblaient vouloir continuer à disparaître, amenant une monotonie à l’endroit pourtant fort joli. Toute la nature semblait doucement se mourir après cet été mémorable, chaud et humide, il avait été savoureux. Tout devait, comme toujours, mourir pour renaître. Le renouveau. Peut-être était-ce une bonne chose, peut-être en était-ce une mauvaise. Mais pour le moment, rien ne semblait aller. Tout et rien à la fois. C’est pourquoi elle marchait, perdue dans ses pensées, aux côtés de son jumeau.

Dès qu'elle en avait eu la délicieuse occasion, elle avait revêtu son écharpe, une tuque – bonnet - pour cacher ses oreilles et sa tête ainsi que des gants. Le tout à l'effigie de sa maison; vert et argent. Le même gris-argenté pur que ses yeux, ce qui était comme certains voulaient le dire; une coïncidence. Elle leva son regard vers le ciel, essayant de jouer à qui flancherait le premier. Elle perdit lamentablement. Elle tourna la tête vers son jumeau. Désespéré, vidé et seul; il ne cherchait que le silence, le calme et le frais. Une place où il sentait que la nature, le temps pouvait le comprendre. Froid, glacial, éphémère et trempé, mouillé. Comme un vide dans son cœur, dans son âme. Était-ce donc si difficile de vivre d’une autre condition, de devoir cacher sa nature par peur, essayant d'une façon bien dérisoire, comme une illusion vaine, de ne jamais se trouver sur le chemin de la pleine lune ? Hélas, il ne pouvait y échapper. Comme un mirage; une douce et amère hallucination. Jude retourna à ses pensées d’un temps ancien, vague souvenir d’une nuit sans précédent, cette première nuit magique, douce comme la soie, sucrée comme le miel. Et ça avait été avec lui, un magnifique ange déchu tombé du ciel par amour de la vie. Elle savait que ce n’était qu’une histoire de plus ou de moins, quelque chose condamné à ne jamais survivre, et elle ne s’en faisait guère. Elle l’acceptait avec le sourire. Pourtant, ils ne s’étaient pas reparlé depuis cette nuit-là, tout juste avant la fin du semestre. Elle haussa les épaules.

La jeune fille n’en pouvait plus de ce rôle. Épuisée, malade, affaiblie et terrorisée, elle ne souhaitait que tout cela cesse. Aujourd’hui, le temps était maussade, propice à bien des méfaits, ou bien au repentir. Marchant sans but dans le parc, elle rentra finalement dans le Château et fila sous la douche, bienheureuse douche chaude, bouillante, comme si la brûlure de l’eau pouvait effacer les cris de sa mémoire. Tous ceux qu’on avait torturés, parce qu’ils avaient intentés une rébellion. Jude les entendait encore hurler, dans sa tête, au détour d’un couloir, dans ses pensées. Dans ses cauchemars. Les cris s’insinuaient jusque dans les méandres de ses pensées quotidiennes, au milieu d’un rire, venant parfois la cueillir au milieu d’un repas, d’une conversation, repartant librement avec les nuages, s’effaçant dans la nuit. Elle sortit finalement de la douche, la peau brûlante, et sécha ses cheveux, son corps et s’habilla simplement en noir. Elle avait laissé Scorpius se faire torturer et ça, elle ne l’acceptait pas. Prenant au passage une bouteille de whisky pur-feu, elle la cacha dans un sac à sortilège d’extension indétectable et grimpa les vastes escaliers de Poudlard, se retrouvant à un étage précis. S’asseyant près de la Salle sur Demande, assise au sol, elle sortit la bouteille et lança un sortilège d’illusion pour qu’il ressemble à n’importe quelle bouteille autre que de l’alcool et, un livre sur les genoux, elle essayait de se concentrer sur autre chose, tout en buvant. Elle ne remarqua jamais le temps qui passa, jusqu’à ce que quelqu’un vienne s’asseoir à ses côtés. Chelsea ? Mais que faisait-elle ici, encore plus en sa compagnie ? Elle haussa un sourcil et lui fit un sourire enjôleur, un peu – beaucoup – éméchée par l’alcool. Et elle n’en était pas à la fin de sa bouteille.

- Salut, toi ! lâcha t-elle d’une voix mal assurée.

- Facile. C'juste à côté d’moi, chérie, babilla-t-elle d’une voix enjouée.

Jude prit la bouteille à ses côtés et la lui tendit avec un clin d’œil en lui assurant que ça n’était pas exactement du jus de citrouille. Quoique, si, c’en était. Mélangé à de la vodka, donc la jeune fille se demanda un instant si on pouvait toujours considérer cela comme du jus de citrouille. Songeuse, elle se mit à y réfléchir sérieusement. Théoriquement, en partie, c’en était. Ça en avait la couleur, et ça y ressemblait fortement, jusqu’à ce que l’on s’attarde à l’odeur et au goût. Enfin bref. Elle fourra la bouteille dans la main de la Gryffondor avec un sourire malicieux et, fouilla dans son sac, à la recherche de sa seconde bouteille, mais se rendit compte qu’elle n’en avait pas. Ou plus. Elle ne savait plus, son esprit trop barbouillé par l’alcool. Elle aurait aimé pouvoir faire apparaître une autre bouteille, par contre. Ou de la nourriture. Selon la deuxième loi de Gamp sur la métamorphose élémentaire, toute nourriture ou breuvage ne pouvait être transformé. Donc, rien ne pouvait popper du vide sans rien. Même saoule, elle se souvenait de cette notion élémentaire de magie. Allez savoir comment, par contre.
Elle referma bruyamment son livre, ayant enfin une camarade de jeu et prit la main de Chelsea en se levant, faisant disparaître ce qu’elle lisait auparavant en le fourrant dans son sac. Prenant une bouteille dans sa main et la main de la jeune fille toujours dans la sienne, elle pensa à une pièce comfortable, avec des fauteuils moelleux, un tapis soyeux, une cheminée où un feu flambait et se dit que de l’alcool et de la nourriture de plus aurait été souhaitable, mais fallait faire avec ce qu’elles avaient. La pièce avait des tons neutres, ni rouge ni vert, mais plutôt dans les tons crème, quelque chose de pâle, d’invitant. Entrant dans la pièce, la porte se referma sur elles et Jude en profita pour balancer ses bottes d’un coup de pied, et déposant ses choses par terre, elle lâcha la main de sa partenaire pour enlever un des chandails qu’elle portait, la laissant soudainement plus à l’aise. Elle avait toujours un autre chandail plus léger en dessous du pull qu’elle avait porté, car bon, fallait se l’avouer, on gelait dans ce foutu château. Mais, l’alcool et la chaleur du feu aidant, elle se sentait désormais assez à l’aise pour enlever une couche ou deux de vêtements.

Elle reprit la main chaude de la jeune fille dans la sienne et alla jusqu’au sofa, dans lequel elle tomba doucement, un peu mollement, et mit ses pieds sur l’accoudoir, la tête sur l’un des sièges. Une bouteille à la main, elle se releva un peu pour boire, puis elle se recoucha, laissant une main qui tenait la bouteille pendre le long du sofa vers le plancher, et l’autre sur son ventre. Elle se sentait à l’aise, et sourit à la jeune fille.

- On est mieux ici, au chaud et loin des regards, han?

Ses yeux brillèrent et elle se releva soudain, se retourna et s’assit face à la jeune Gryffondor. Elle la fixa dans les yeux, et lui trouva un air absolument magique, magnifique. Les joues rougies par l’alcool, les yeux flamboyants, les lèvres un peu bombées et légèrement humides par la gorgée qu’elle venait de prendre. Splendide, vraiment. Jude leva la main pour replacer une mèche de cheveux derrière l’oreille de la jeune rouge et or et prit une autre gorgée, avant de finalement laisser sa tête retomber sur les genoux de sa compagne du soir.

- On t’a déjà dit que t’es vraiment, vraiment belle, toi? Sérieusement, je crois que j’t’embrasserais, lâcha-t-elle dans un éclat de rire.

Était-elle sérieuse ? Elle ne le savait pas. Les yeux fermés, savourant la sensation vague que tout tournait, qu’elle était presque joyeuse. Presque. En bonne compagnie, bien éméchée, elle pouvait oublier un peu de ses soucis. Le temps filait et elle ne se souciait de plus rien à cet instant, sauf celui du corps chaud sur lequel elle reposait, et du fait que cette fille était incroyablement jolie. C’était une illusion de bien-être, une fausse joie, un semblant de perfection. Elle aurait voulu que cela dure. Alors elle en profitait, et respirait cette odeur qui emplissait ses poumons. Un mélange d’alcool et d’elle ne savait trop quoi. En se levant pour reprendre un peu d’alcool à même la bouteille, ses lèvres contre le goulot et avalant avec délectation le breuvage divin, elle se colla à la jeune fille, corps contre corps, la tête posée contre sa poitrine tandis qu’elle l’étendait doucement contre le sofa sur toute sa longueur. Là, au creux des bras de sa compagne de beuverie, elle se sentait bien, rassurée. Ses yeux tombèrent dans ceux de la Gryffondor et elle sourit doucement lorsque ses yeux tombèrent sur les lèvres de la rouge et or.