Le vent ne témoignait d’aucune pitié, ce soir-là. En plus de l’atmosphère gelée qui avait régné tout au long de la journée, la nuit s’annonçait encore moins clémente en ce mois de janvier, qui annonçait la nouvelle année. Les fêtes du réveillon s’étaient d’ailleurs déroulées de façon bien trop bancales, sans que la joie ne se mêle à l’esprit de la tradition du vingt-cinq décembre. Les élèves auraient tant voulu rejoindre leur famille pour pouvoir souffler un peu et oublier l’ambiance sombre de l’école mais les Mangemorts continuaient de nous retenir au sein de ces murs. Personne n’était autorisé à quitter le château sauf en obtenant une autorisation spéciale du directeur Blackman. Le seul moyen de communication avec l’extérieur que nous possédions était celui des hiboux mais les courriers étaient strictement contrôlés à tel point que la censure était applicable en cas de lettres préjudiciables au régime actuel et que des sanctions pouvaient tomber, que ce soit du côté des étudiants ou celui du corps professoral. En tant que Directrice des Serpentard, on attendait de moi une coopération sans failles et c’était plus ou moins ce que je semblais leur apporter. Je respectais le règlement à la lettre, bien que je n’eus jamais fait de mal au moindre né-moldu passant par les couloirs. Je me contentais d’effectuer mon travail d’enseignante et de veiller à ce que mes élèves travaillent dans de bonnes conditions, en faisant abstraction de la situation chaotique durant mes cours. Je faisais comme si de rien était. Je ne donnais aucun avis sur l’ascension des forces du mal, me contentant de cravacher ces mêmes élèves pour qu’ils étudient et pratiquent leurs potions le mieux possible pour satisfaire mes grandes exigences. En d’autres termes, rien n’avait changé dans le contenu de mes leçons ou dans ma méthode.

Il était vrai que je n’avais jamais apprécié les moldus car ma famille avait toujours soutenu Lord Voldemort et ses partisans. Actuellement, ils étaient heureux de la situation à Poudlard et ma petite sœur, récemment convertie en Mangemort, me poussait à m’en réjouir. Je ne parvenais pas à leur faire comprendre que leurs idées étaient dépassées et j’avais toujours cette crainte d’être reniée. Même si les convictions fortes de mon meilleur ami Draco Malfoy et de Astoria ‒ paix à son âme ‒ me persuadaient que j’avais fait le bon choix en ne prônant pas la suprématie du sang-pur, j’étais tout de même tirée par deux camps à la fois. J’espérais alors fermement que tout se renverse ; que Blackman soit démis de ses fonctions, que l’ordre revienne et que ma sœur ouvre les yeux. La tâche semblait hélas impossible.

« Notre nouveau professeur de défense contre les forces du mal ne va pas tarder à arriver. Je vous charge de l’accueillir comme il se doit. » Fit la voix grave du directeur.

J’acquiesçai sans broncher, l’air sérieux et fermé. J’étais curieuse de connaître l’identité du Mangemort qui remplacerait Stanislas Breckenridge à ce poste. Peut-être le connaissais-je ? Peut-être que ma famille l’avait déjà fréquenté au Ministère ? C’était possible, après tout. Mais je savais déjà que la première impression ne serait pas positive. Laisser un toutou de Blackman enseigner une matière aussi profonde n’était clairement pas un bon signe et je craignais que son enseignement dépasse la légalité. Plus rien ne m’étonnait, après les coups de fouet que l’on assénait aux nés-moldus chaque semaine pour des raisons futiles. Qui sait s’il ne forcerait pas des jeunes enfants à employer des maléfices contre nos prisonniers ?

Sans grand enthousiasme, je quittai ma chaise, mon repas dans la Grande Salle étant fini. Les élèves étaient déjà remontés vers les escaliers menant aux étages supérieurs et bientôt, les nés-moldus viendraient manger les miettes restantes de nos assiettes. Comme d’habitude, je ne leur prêtai aucune attention, ne souhaitant pas que les Mangemorts n’y voient là un signe de compassion qui pourrait me causer des problèmes. Pourtant, je n’aimais pas cela du tout. Cette manière de traiter ces pauvres enfants était inacceptable.

L’allure droite et mesurée, je m’approchai du hall d’entrée où un homme grand, aux cheveux bruns et portant une paire de lunettes croisa mon regard. Il ne m’inspirait pas confiance au vu des préjugés que je lui portais quant à son allégeance à Blackman. Pourtant, son visage n’était pas marqué par les mêmes traits rudes et presque cruels que l’on pouvait percevoir sur le faciès de ses partisans. C’était à croire que le diable savait se montrer sous un beau jour… Je le dévisageai neutralement, lui tendant une main.

« Bonsoir, dis-je sur un ton cordial. Je me présente : Morgana Burgess, Directrice de Serpentard et professeur de Potions. Ravie de faire votre connaissance. »

Je n’étais pas certaine que « ravie » soit l’adjectif le plus adéquat mais je me devais de me montrer un minimum coopérative et courtoise pour que la transition du poste se déroule bien. Je pouvais déjà avancer que cela ne plairait pas à Stanislas que d’être éjecté du métier ainsi mais il avait défié l’autorité dominante en refusant de reprendre son boulot tant que les Mangemorts pulluleraient encore le château. Je pouvais comprendre ses positions mais laisser des élèves apprendre auprès d’un adepte des forces du mal, je n’étais pas sûre que cela soit une bonne idée.

« Je vais vous accompagner jusqu’à votre bureau. Si vous avez la moindre question, n’hésitez pas. » Terminai-je sur un air impassible, presque sans chaleur.

Il semble que mon interlocutrice, enfin, la chargée de l'accueil vienne enfin à ma connaissance. Ce qui me perturbait le plus, c'était de ne plus ressentir comme cette chaleur que l'on ressentait du temps de ma jeunesse, celle qui faisait de Poudlard un lieu si unique, si agréable, comme un foyer. Mon interlocutrice se présente, une jolie femme si l'on peut dire, qui enseigne non seulement comme professeur de potions, mais qui est aussi la directrice de Serpentard. Pour tout dire, cette maison ne m'avait jamais clairement inspirée la plus grande sympathie. Serpentard était l'emblème même de la cruauté basique et des morveux fiers d'êtres de parfaits petits sang-purs. Quelle connerie quand on y pensait. Redressant mes lunettes, je tente un léger sourire avant de lui rendre son salut qui était illustré par une bonne vieille poignée de main. Dommage que l'accueil semblait un peu froid lui aussi, au moins, on m'avait trouvé et on allait enfin m'indiquer le lieu de mon enseignement. Bien que je ne m'attendais pas à trouver beaucoup de choses intéressantes sous le joug de Blackman, je ne pouvais m'empêcher d'être déçu de ne pas retrouver cette insufflation d'antan qui aurait pu égayer mes vieux os et qui m'aurait très certainement fait revivre des souvenirs aussi doux que le miel. Ces chères années à Poudlard avaient été les plus belles, même si l'état d'être un parfait étranger en terme de sociabilité n'était qu'un effet mineur, je conservais ces précieux moments enfouis à jamais. Heureusement que les pensines existaient aussi.

- "Steven White, ancien libraire. Je suis content que vous soyiez là pour m'accueillir."

D'après ce que je savais, beaucoup d'élèves vivaient comme des chiens dans les couloirs, certains s'entassaient, espéraient de la nourriture et étaient privés de cours. Une immondice. Mais je devais me rappeler certaines obligations qui se devaient d'être observées ici-même. Les faux-semblants se doivent de jouer leurs rôles après tout. Il semblait vraiment y'avoir une différence d'égard vis à vis des élèves, une honte. Dumbledore n'aurait jamais, de son vivant, accepté une chose pareille dans son école. Mais les années avaient passées et elles m'avaient rattrapées aussi. Les gens avaient changé, et la période dans laquelle nous vivions n'était clairement pas propice aux valeurs qui font de ce monde quelque chose de meilleur. Je me met à la suivre, et je ne peux m'empêcher de voir ce qui se passent. Des élèves sont délaissés, oubliés, laissés à leur propre sort. D'une voix légèrement haute, je reprend la discussion.

- "Je me demande quelle est l'utilité de laisser ces enfants à la porte du savoir et de la chaleur de leurs salles communes."

Sur une voix fausse bien sur, le ton était légèrement neutre. Comme si j'énonçais un léger sarcasme vis à vis de cette mesure idiote qui visait à exclure et à accroitre le sentiment de rejet et de colère des élèves étant à Poudlard. J'attendais une réponse de cette femme qui était la directrice de Serpentard, je ne connaissais pas le dossier de cette dénommée "Morgana Burgess" mais je ferais en sorte de savoir si je peux m'en faire une alliée ou une ennemie. La vision de ce "apartheid" magique était un crève-cœur, littéralement. Je n'étais pas connu habituellement pour ma compassion, mais des enfants méritaient mieux que ce genre de traitements. Mon dernier propos n'avait aucun parti pris, il n'était qu'une question employée sur le ton de l'étonnement. Une stupéfaction qui ne pourrait pas me couter chère après tout, j'avais le droit de poser des questions.

- "Y'a t'il des petites choses que je dois savoir avant de prendre mes fonctions au sein de l'établissement ?"

« Steven White, ancien libraire. Je suis content que vous soyez là pour m'accueillir. »

Ainsi donc, on avait recruté un libraire pour enseigner la défense contre les forces du mal ? Cette annonce me laissait sceptique. Je fronçais doucement les sourcils, pensant qu’il aurait sûrement mieux fait de postuler pour l’Histoire de la Magie. Certes, la théorie était importante pour connaître un maximum de choses sur les créatures funestes à affronter mais il n’y avait pas que cela. Si l’on se contentait de vouloir apprendre des choses en se tenant loin des aventures, les livres étaient faits pour cela. Je me souvenais, durant ma scolarité, que cette matière avait été l’une des favorites et que j’avais eu un professeur anciennement membre de la brigade de la Police magique. C’était un homme de carrure qui ne craignait rien et qui avait de nombreuses fois fait face à la mort. Une sorte de Maugrey Fol’œil en quelque sorte. Et récemment, le directeur adjoint du bureau des aurors, Stanislas Breckenridge, avait pris le poste jusqu’à ce que le château ne soit entre les mains de ces tyrans. Il était clair que j’avais hâte de revoir mon collègue ; il était compétent et surtout, je le considérais presque comme un ami. J’avais été là lors de la mort de sa femme. J’avais dû m’occuper d’elle alors que je n’étais qu’une stagiaire à Ste Mangouste… et j’avais été également présente pour soigner sa fille, Narcissa, quand elle était malade et que j’avais pu décrocher un poste de guérisseur.

« Je vous en prie » Fis-je sans me détacher de ma méfiance.

Tandis que nous montions les premières marches de pierre du Hall en direction des escaliers mouvants, je jetai un bref coup d’œil au félin bien loti sur le bras gauche de son maître. Il me rappelait beaucoup Onix, mon propre chat. Tous deux toisaient les gens, se pensaient supérieurs et, avant tout, dégageaient calmement une intelligence peu commune pour des animaux. J’en venais à croire que je ne serais même pas étonnée si le mien détenait certains dons magiques.

« Je me demande quelle est l'utilité de laisser ces enfants à la porte du savoir et de la chaleur de leurs salles communes. »

D’une voix haute, il interrompit mes pensées, faisant balader mon esprit entre la pensée des chats en tant que compagnons domestiques et la vie dure que menait les enfants de moldus dans les cachots. Je me demandais dans quel but me disait-il cela. Je ne réagis pas, ou du moins, je demeurai neutre, à la quête des bons mots à employer. Il n’y avait pourtant nul doute que Blackman choisissait ses nouveaux subordonnés en fonction de leur opinion sur la situation actuelle et il n’avait aucun intérêt à s’allier à une personne exprimant des doutes vis-à-vis de son règlement. Alors pourquoi cet ancien libraire me parlait-il de l’utilité de laisser ces élèves dans les cachots comme de misérables insectes ? Souhaitait-il peut-être me tester à ce sujet ? Je devais bien remarquer que son sarcasme ne me disait rien qui vaille. C’était comme si la dictature infâme de ce château lui plaisait, même si ses mots pouvaient porter à confusion. En bref, il m’était difficile de bien le cerner en me fiant juste au timbre de sa voix. Mais je suivais ma première impression ; celle qu’il se moquait bien de ces nés-moldus et qu’il préférerait les laisser mourir de faim.

« Le Directeur vous a sûrement parlé de cette utilité, j’imagine. Sinon, vous ne seriez pas ici. » Répondis-je, sur la défensive.

Autrement dit, il n’avait pas à jouer à ce petit jeu avec moi parce que je devinais qu’il était aussi saint que ses petits camarades devenus Mangemorts. Cette allure droite qu’il arborait, sa tenue bien propre et ses lunettes de rat de bibliothèque n’allaient pas me tromper. Les plus maniaques pouvaient être les plus grands psychopathes de la terre. Depuis toute jeune, j’avais toujours pensé que les anciens Serdaigle étaient même les plus bizarres de ce monde… des personnes trop enfermées dans leur monde et qui percevaient les choses différemment. Ce n’était pas négatif en soi mais cela pouvait le devenir. J’ignorais de quelle maison il en sortait mais qu’il soit un ancien bleu et bronze ne me surprendrait pas.

Tout en lui répondant cela, j’étais restée impassible, insensible à son sarcasme. De toute façon, j’étais certes loin d’aimer les moldus ‒ayant eu une éducation pro-Voldemort ‒ mais je pensais qu’il y avait d’autres manières plus correctes de se tenir loin de ces personnes sans magie. Il aurait été mieux d’exclure les nés-moldus du château et de les éloigner de notre univers plutôt que de les asservir comme s’ils n’étaient que de pauvres elfes de maison sans dignité.

« Y'a t'il des petites choses que je dois savoir avant de prendre mes fonctions au sein de l'établissement ? »

Nous venions d’atteindre le premier étage. Il y avait encore un peu de chemin à faire, ce qui signifiait que j’avais du temps pour répondre à ses questions et veiller à ce qu’il s’intègre bien. Hélas, je devais le faire en prenant compte des nouvelles règles.

« Si je ne me trompe pas, on vous a déjà soumis le nouveau règlement sous les yeux, n’est-ce pas ? Prenez garde, certains élèves s’amusent à l’enfreindre alors n’hésitez pas à sévir s’il le faut et à ouvrir l’oeil. Ils sont ingénieux pour la plupart. Et concernant votre matière, les élèves de toutes les promotions ont un retard énorme par rapport à leur programme. L’enseignant qui a remplacé Breckenridge temporairement n’était pas vraiment à la hauteur. Vous allez sûrement devoir augmenter la cadence pour rattraper ça… » Dis-je sur un air un peu moins distant mais le regard pétillant de curiosité.

Je souhaitais vraiment savoir comment il s’en sortirait et comment il se montrerait tortionnaire avec les rebelles. Cela confirmerait davantage ma théorie qu’il n’était peut-être qu’une ordure parmi tant d’autres.

Elle est froide, froide et terriblement glaciale. Glaciale comme les lacs de Russie, comme le lac Baïkal, et pourtant, on pourrait croire, qu'à travers sa beauté vivifiante qu'une chaleur pouvait se révéler sous ses meilleurs auspices, mais je me fourvoyais de toute évidence. Pour le moment, elle ne voulait pas montrer le meilleur d'elle-même, très bien, nous verrons cela au fur et à mesure que le temps passerait. Elle fit une légère référence à Blackman, bien sur que je le connaissais, bien que je savais ce qu'il incarnait désormais. Il était le nouveau "héros" du monde la Magie après tout, après avoir réussit nombre de coups d'éclats, il avait maintenant cette charge d'éduquer les plus jeunes sous sa coupe et selon ses bons auspices, et fort heureusement, j'étais un de ses hommes de main les plus fidèles, dirons-nous d'une certaine manière. Anubis miaula doucement tandis que la jeune femme continuait de plus belle à parler de sa voix aussi glaciale que les icebergs qui peuplent les cercles polaires. Elle me parle de ma matière, avec un léger sourire, je m'attends presque à ce que la tâche soit insurmontable, surtout connaissant mon passif. Je préfère faire tout de même attention aux prochains évènements, et surtout, faire très attention à ne pas attirer l'attention de Blackman.

- "Je l'ai eu en effet et je dois dire que cela m'a étonné en tout points. Mais faisons fi de cela et avançons, j'ai de nombreuses questions et je pense qu'en tant que collègue, vous aurez les réponses. Je mettrais les bouchées doubles avec les élèves, et je ne ferais preuve d'aucune pitié pour les cancres de tout poils. Je crois que les prochaines semaines vont être très tendues pour les jeunes sorciers dans ma matière. Dois-je espérer l'arrivée de mes créatures pour apprendre la pratique à mes élèves ? J'ai passée une commande de quelques bestioles et elle ne devrait pas tarder ..."

Nous continuons à avancer dans les longs couloirs froids et dénués de vie de Poudlard. Oui, la belle époque avait disparue, comme si tout ce qui avait été si vivant, si joyeux, si agréable s'était éteinte à jamais. Quelle tristesse me direz-vous, mais on ne peut décemment pas arrêter le temps qui passe et qui dévore les choses censées être intemporelles, tout change, et malheureusement, pas de la meilleure des façons. Elle me parle de l'ingénuité des élèves, tant mieux, peut-être que nous assisterons à des échanges intéressants avec des personnes intellectuellement intéressantes peut-être, ce qui me changerait de la plupart des partisans de Blackman entre autres.

- "Que dois-je savoir de Breckenridge ? On m'a dit qu'il avait été suspendu mais sans me donner de détails sur les programmes qu'il avait préparé, ni sur ce qui fut étudié. Vous me voyez donc, Gros Jean comme devant, sans informations et sans base pour élaborer mes cours."

Anubis lorgnait de ses yeux sublimes mon interlocutrice, comme pour la jauger. Pour tout dire, Anubis n'aimait pas le changement, et il n'aimait clairement pas être dérangé en permanence par les blablas des humains qu'il trouvait "ennuyeux" pour la plupart du temps. Grâce à un sortilège de Locomotor, mes bagages me suivent, soulevés dans les airs, ce qui évite bien entendu, de se casser le dos péniblement.

Il me répondit qu’il avait effectivement pris connaissance du règlement et que cela l’avait étonné. Je me demandais bien en quoi. Son contact n’était autre que Blackman, à quoi s’attendait-il ? Mmh, peut-être à des règles encore plus sadiques. Cela ne me surprendrait pas. Là où je trouvais que l’excès était présent, d’autres extrémistes ne trouverait pas cela suffisant. Et c’était sûrement le cas de ce fameux Steven White. Il m’assura qu’il allait s’exécuter de manière rapide et efficace sans faire preuve de pitié pour les tire-au-flanc. Au moins, je reconnaissais qu’il sortait du lot par rapport à certains collègues. Je leur reprochais souvent d’être trop laxistes à un tel point où les élèves ressentaient moins la barrière dressée entre eux et l’enseignant. Pour ma part, je ne me relâchais que très rarement ; en général, j’étais plus détendue devant un élève que je connaissais depuis son enfance parce que j’avais été son médecin traitant ou tout simplement devant un élève brillant en Potions. En somme, pas n’importe qui.

« A votre place, je n’attendrai pas. Le plus tôt sera le mieux pour les plonger dans la pratique, ils ont eu assez de retard comme ça. Le professeur Breckenridge les entraînait notamment aux sorts de défense et d’attaque à l’aide de mannequins-cibles ou en formant des binômes pour les former aux duels. »

Autrement dit, il n’avait pas forcément besoin de ses créatures dans l’immédiat pour enseigner quoi que ce soit aux élèves. Evidemment, c’était bien mieux d’avoir en face de soi la véritable créature à combattre mais ce ne serait qu’une perte de temps que d’attendre la réception de sa commande.
Plus nous avancions dans le couloir et plus la fraicheur de la nuit se faisait ressentir. Un vitrail en particulier n’avait pas été refermé correctement et je m’en chargeai directement à l’aide de ma baguette. Dans un petit claquement, il se referma et je rangeai ma brindille dans une des poches intérieures de ma cape. Pendant ce temps, le professeur White venait de reprendre la parole en me demandant davantage d’informations sur Stanislas, ainsi que le programme à suivre. Il fallait croire que son recrutement n’avait pas été très bien encadré… Je ne connaissais pas par cœur l’intégralité des cours de défense contre les forces du mal alors je ne pouvais pas les lui indiquer très clairement, mais je pouvais bien faire l’effort de l’aider tout de même.

« Je n’ai pas eu l’occasion d’échanger avec Breckenridge depuis un moment. Depuis qu’il s’est isolé dans ses appartements, pour être plus précise. Je ne pourrais donc rien vous dire de l’étendue de son travail avec certitude mais je ne crois pas me tromper en vous affirmant qu’il a sûrement laissé des indications à ce sujet dans son bureau. De toute manière, il suit forcément les programmes établis par l’Académie des Examinateurs Magiques. Il avait d'ailleurs une façon bien rude d’inculquer ses préceptes aux élèves, puisqu’il souhaitait les préparer à toute éventualité. »

Une façon que je saluais avec respect, bien sûr. Parvenant jusqu’au bout du couloir de cette aile droite, nous nous immobilisâmes devant une grande porte aux motifs somptueux, symbolisant les goûts décoratifs de l’ancien professeur de DCFM. D’un bref de signe de tête, j’invitai White à ouvrir la porte. Au moment où il poserait la main sur la poignée, la magie utilisée par Breckenridge pour décorer son bureau et son entrée disparaîtrait pour laisser libre court au nouveau propriétaire. C’était une transition intéressante. J’entrai à sa suite, ses bagages continuant de s’élever en hauteur tout en poursuivant son chemin en douceur après nous. Je laissai le temps à mon interlocuteur de se familiariser avec la pièce, avant de reprendre la parole calmement.

« Les traces écrites des cours doivent sûrement reposer au fond des tiroirs. Et n’oubliez pas non plus qu’il vous est possible de consulter les dossiers de vos élèves. Ils doivent être dans un des placards du fond, je suppose. »

Froide, si froide et pourtant, on aurait cru qu'elle jouait un jeu. Mais ce n'était pas un jeu, Poudlard avait changé, en mal oui. Ce n'était pourtant que la simple réalité des choses. Tout avait changé, et il fallait s'en accommoder. Je relève un sourcil avant de fixer d'un air légèrement surpris mon interlocutrice suivant ses propos sur les élèves. Ils connaissaient la pratique ? Peut-être qu'il y'avait quelques prodiges de la baguette, cela ne les sauveraient pas s'ils devaient réfléchir à des possibilités. Oui, il y'avait bon nombre de possibilités et le monde de la Magie n'offrait jamais de seconde chance au cas où l'on commet une erreur. Il fallait les former intelligemment et non pas sans réflexion. D'une traite et sans ton dans la voix, je me met à formuler une banalité, somme toute logique devant le fait accompli. Mes premières informations m'avaient été clairement fournies au compte-goutte, sans vraiment me renseigner sur les tenants et les aboutissants du programme précédent, mais après tout, je pouvais très bien me situer en fonction des années et des différents types de créatures dangereuses.

- "Il ne me reste donc qu'à détruire et sélectionner le meilleur pour rebâtir."

Légère pensée philosophique sur la manière de préparer mes cours, après tout, à Poudlard, tous les professeurs de Défense contre les forces du Mal avaient emprunté un chemin sinueux et chaotique. Mais cela ne m'arrivera pas. Du moins, je l'espère. Puis, nous arrivâmes enfin devant la porte de ma salle de classe. Elle était enchantée pour se décorer dans la moindre mesure à mes propres pensées. Une fois que j'aurai posé ma main, le décor se plantera. Je pris une légère inspiration et je posais la main sur la poignée avant d'ouvrir la porte.
Un somptueux décor de style Victorien apparut. Un âtre avec une cheminée sculptée, un lustre assez antique au plafond. Des livres par centaines sur les murs, tous traitant de la défense contre les forces du mal, les dérivés et autres protections magiques. Les bancs et les tables des élèves étaient en rangs, comme toujours, et le bureau du professeur trônait au fond de la pièce. Quelques mannequins et différents aquariums avec des créatures magiques aussi dangereuses que paisibles. Non loin de la table du professeur, une table vide sur laquelle je poserai les quelques trophées de ma vie passée. C'était une salle d'étude à l'ancienne dirons-nous, où le savoir se doit d'être parfaitement transmis. Une véritable salle de travail des plus studieuses, avec une légère touche de classe.

- "Comme je le souhaitais. Parfait."

Mes valises entrent dans la salle, direction le petit escalier qui mène à mon bureau personnel à l'arrière-fond de la classe. Je reporte mon regard sur Burgess, ma nouvelle collègue qui a eu la "joie" dirons-nous, de m'accompagner jusqu'à ma salle, me faisant au passage, un petit rappel sur les dossiers des élèves que j'aurai très prochainement dans cette salle de classe. Avec un petit sourire, je lui rend un salut poli. La salle d'études était parfaite, propre, nette, et à mon gout. Ce n'était pas du luxe, mais j'aimais énormément cet aspect de travail avec une part de rétro.

- "Je vous remercie de m'avoir montré le chemin, et de m'avoir aiguillé. J'espère que vous viendrez boire le thé avec moi un de ces jours."

« Il ne me reste donc qu'à détruire et sélectionner le meilleur pour rebâtir. »

Qu’il fasse comme bon lui semblait, cela m’était un peu égal. De toute façon, il était désormais dans le corps professoral, alors, il était libre de ses propres méthodes. Tant qu’il n’était ni trop laxiste, ni trop tortionnaire comme ses comparses les Mangemorts, cela n’attirerait pas mon attention sur la question. J’hochai vaguement la tête avant de le laisser enchaîner à propos de sa commande de créatures. Ce n’est qu’après avoir répondu à sa question que je lui indiquai l’entrée de son nouveau bureau. Je demeurai attentive aux changements de décors qui s’opéraient, par curiosité. Et je ne fus pas déçue, au contraire. C’était assez surprenant. Le style plutôt sombre de Stanislas avait laissé place à quelque chose de plus antique et les images horribles de détraqueurs aspirant l’âme des élèves avaient disparu pour un genre somptueux, dans la continuité de la mode Victorienne. Je devais avouer que c’était original et que ce n’était ni un décor que je trouvais désagréable, ni dans lequel je n’étais pas à l’aise. Cela me rappelait le manoir familial…

Je levai les yeux vers ce fameux lustre qui nous éclairait de façon puissante vers cette grande bibliothèque qui regorgeait de centaines de livres. Il y avait ici l’attirail parfait du libraire. Au moins, je pouvais être certaine qu’il n’avait pas usurpé son ancienne profession. Différents aquariums et des mannequins d’entraînement demeuraient à leur emplacement et les pupitres également.
Pendant que je lui livrais les informations au sujet des dossiers des élèves, mon regard balaya rapidement les différents trophées qui trônaient sur une table vide. Les placards en question que j’évoquais et qui contenaient tout ce qu’il fallait savoir n’avaient pas encore changé de place. En tout cas, je pouvais d’ores et déjà imaginé la surprise des élèves quand ils viendraient en cours de défense contre les forces du mal, dès le lendemain.

Nous nous approchâmes du petit escalier qui menait à son bureau personnel et ce fut ici que je stoppai mon avancée. D’un fin sourire, il reprit la parole :

« Je vous remercie de m'avoir montré le chemin, et de m'avoir aiguillé. J'espère que vous viendrez boire le thé avec moi un de ces jours. »

Son salut se fit d’une manière presque chaleureuse qui me fit douter durant l’espace d’un instant. Quant à boire le thé en sa compagnie, je devais bien avouer que je trouvais cela ironique de passer du temps avec une personne approuvant ce qu’il se passait ici. Mais je n’avais pas l’intention de créer volontairement un clivage dans le personnel ‒ cela n’apporterait rien de bon ‒ et tant qu’il restait un minimum respectable à mon égard, alors, je n’allais rendre concrète la méfiance et l’hostilité que je ressentais à son arrivée. Du moins pour l’instant. J’hochai une nouvelle fois la tête, cette fois-ci avec plus de conviction.

« Je vous en prie. Ce sera avec plaisir. »

Nous verrons bien ce que cela donnerait. Je n’avais pas l’envie de trop m’avancer sur ce sujet et peut-être qu’effectivement, le temps d’une tasse de thé me permettrait de façonner un avis un peu plus objectif sur la question, bien que je sois tout de même convaincue qu’être embauché par Blackman en personne restait assez louche.

« Sur ce, je vous souhaite une bonne soirée, professeur White. » Conclus-je sur un toujours aussi calme mais moins froid que toute à l’heure.

Je me retournai par la suite, le laissant vaquer à ses nouvelles occupations tandis que, moi, la direction des cachots m’attendait. Avec assurance, je traversai la salle de classe nouvellement transformée et refermai la porte derrière moi.

{FIN du RP}