Il observait au fond de la salle de classe les élèves se faire discrets derrière leurs livres ou faire démonstration de leur intelligence, parfois il faisait de même, se mettant sur le devant de la scène afin d'user de son QI bien développé, à qui il avait horreur de faire défaut.

Le savoir était la source de son bonheur, un besoin vital pour ce jeune homme pourtant pas si orgueilleux que ça, mais qui jouissait de tout compliment en rapport à cette qualité précieuse. Qualité ? Oui, mais qui pouvait s'avérer être aussi un défaut. Une personne ayant besoin d'une logique pour tout et n'importe quoi, ne sachant que rarement comprendre les choses les plus banales ou qui ne s'expliquent pas, n'est-ce pas usant au bout du compte pour les autres ? Mais qu'importe, Loki ne s'en excuserait surement pas, il était ainsi et s'assumait très bien.
Pourtant, cette assurance n'était pas visible sur son joli visage, sur lequel de grands yeux exprimaient beaucoup de fragilité, ou une crainte de tout, comme l'appel d'un besoin d'affection contrairement au marbre qui façonnait le reste de son visage, mais encore une fois un paradoxe venait face à ce semblant de besoin: L'horreur du toucher. Rien que serrer une main par politesse lui déplaisait et devoir se forcer à produire ce geste était comme une torture. Le toucher lui était désagréable et il avait trop peu confiance envers toutes personnes ou presque pour en user aisément, de plus il ne comprenait pas quel était ce besoin d'être tactile avec les autres...

Voilà un exemple d'attitude qui lui semblait si peu logique que c'en était presque idiot pour lui, ou bien un mystère qui lui était irritant de ne pouvoir l'élucider, il y avait aussi ces "titres" d'amitié que donnaient à leur entourage ceux avec un groupe d'amis bien rempli: pote, simple ami... meilleur ami. Il pourrait faire rouler ses yeux dans leur orbite s'il y repensait. Loki trouvait cela ridicule, comment pouvait-on noté un sentiment ? S'il n'était pas suffisamment pur au point de devoir être mesuré c'est alors qu'il était hypocrite, du moins, c'était sa manière de voir les choses à l'époque où il n'était qu'un adolescent, pour qui la vie sociale était une faiblesse. S'il n'y avait pas Naïa, sans doute ce problème aurait été un plus grand handicap encore... Mais sa jumelle le soutenait et le protégeait de ce qui lui faisait peur. Son contacte à elle, il l'aimait et quand une totale intimité leur était permise il ne s'empêchait pas de lui en réclamer. La vie de Loki serait vide sans elle, il la voyait comme l'être le plus précieux sur cette terre, celle sur qui il fallait veiller à tout prix. Malsain vous avez dit ? Peut-être, mais qu'importe, c'était ainsi qu'était fait le lien des jumeaux Rosenberg.

Et c'est justement elle que le jeune sorcier rejoignait au pas de course, après avoir fuit la discussion qu'une élève essayait d'entamer avec lui à la fin du cours, désirant surement mieux le connaître, mais qui en réponse se confrontait au silence, ou presque. D'une excuse peu persuasive il l'avait donc fuit, avant d'atteindre la bibliothèque à laquelle il devait rendre quelques oeuvres et où il devait rejoindre la belle, à qui il adressait un discret sourire au premier regard échangé. Sourire qui contrairement à d'habitude ne le lui était qu'à peine rendu, quelque chose n'allait visiblement pas et ça ne manquait pas de bien vite interpeller toute l'attention du jeune homme, qui aussitôt s'angoissait de ne rien savoir... Ils avaient pourtant pour habitude de tout se dire.

Inquiet, Loki tentait alors de lui arracher quelques réponses, mais ce n'était que de petits balbutiements qu'il recevait en retour, avant qu'un rendez-vous en salle commune de Serdaigle lui fut donné, pour la fin de journée.Autant dire que le jeune homme s'était posé de nombreuses questions durant la journée, lui lançant des regards inquiets durant le repas et le déconcentrant durant les cours restant, car même les études passaient après elle. Qu'est-ce qui pouvait autant tourmenter les pensées de sa jumelle ? Que lui cachait-elle ? Quelque chose la poussait peut-être à vouloir lui faire ses adieux ? Il en avait l'estomac noué à cette idée et son coeur s'éraflait, mais non... non, c'était impossible. Il avait confiance en elle et il savait que leur lien était aussi unique qu'indestructible. En tout cas, il y avait intérêt à ce que ça soit le cas.

La plume qu'il tenait dans sa main se faisait broyer sous la nervosité qui le tiraillait. Il passait son temps à surveiller l'heure avec pour seule hâte: qu'elle avance plus vite et qu'il puisse enfin la retrouver et savoir ce qui se cachait derrière son silence, il avait tant l'envie de savoir, mais aussi si peur. C'était fou de s'angoisser autant pour ce qui serait peut-être si peu, mais il ne pouvait faire autrement. Il avait même eu l'envie d'user de magie pour que la journée se termine plus vite. Et quand ce fut enfin le cas, il n'avait pas perdu de temps avant d'entrer en salle commune. Il s'y installait avec un réel soulagement de la voir peu fréquentée à cet instant et c'est alors posé sur un fauteuil, nerveux, qu'il ne quittait pas l'entrée des yeux, impatient de voir Naïa passer les portes à son tour.

Il y a des vérités qui me plaisent et d'autres qui me dérangent. En général je ne prends que ce qui m'arrange et j'ignore le reste. C'est un peu facile me direz-vous et vous auriez certainement raison, mais pour être honnête, je m'en moque un peu, je fais ce que je veux et je n'ai de comptes à rendre à personne, sauf peut-être à mon frère, Loki. Depuis la soirée de "révisions" organisées par Tracy et January, une chose m'était apparue plus clairement. Voir Anthea dans cette robe et attirer autant l'attention m'avais fortement déplu, tout comme son baiser échangé avec Rioghbhardan. Elle m'avait expliqué par la suite, en tête à tête que ça n'avait aucune espèce d'importance pour elle, qu'elle n'éprouvait strictement rien pour Rio et qu'elle n'avait fait ça que pour rendre dingue Cissy. Pour être honnête, elle avait plutôt bien réussi son coup puisque j'avais dû tirer Anthea des pattes de Cissy qui était à deux doigts de lui en coller une. Ce soir là, elle m'avait offert un collier avec mon prénom, comme cadeau de Noël. Elle m'avait expliqué qu'elle l'avait depuis longtemps mais qu'elle n'avait pas trouvé le bon moment pour me l'offrir quand nous étions en couple. Aujourd'hui nous n'étions plus ensemble mais elle avait malgré tout tenu à ce que je l'ai. Le collier était assez simple, sans trop de chichi, mais l'attention était louable et le geste appréciable. Ca m'avais touché, il fallait bien l'admettre, surtout que je ne m'y attendais pas vraiment. Nous n'avions pas été ensemble très longtemps et j'avais mis fin à cette relation parce que je n'avais aucune envie de finir par avoir des sentiments pour elle. Moi, amoureuse, vous imaginez ? Moi pas du tout. Le problème dans cette histoire c'est que je n'ai peut-être pas rompu assez tôt dans notre relation et sans éprouver de réel sentiment amoureux à son égare, il n'en reste malgré tout que j'éprouve bien quelque chose : une sorte d'affection. Je ne peux nier que je la trouve totalement à tomber, avec ses magnifiques courbes parfaites, ses splendides yeux bleus et ses lèvres pulpeuses. J'ai plutôt passé d'agréables moments en sa compagnie et ils me manquent parfois, ce qui ne m'arrivent jamais. Je prends, je me sers et je jette, voilà mon mode opératoire. Peut-être que le problème vient du fait que nous n'étions pas allées au bout de notre relation et qu'il reste en moi comme un amer goût de relation incomplète, je ne sais pas. Ce qui est sûr, c'est que depuis cette soirée, j'y pense de plus en plus et comme on peut s'en douter, je déteste ça. Ca ne me ressemble pas et j'espère bien que ça me passera. En plus je trouve la situation tellement grotesque. Quand je vois Maël se comporter avec sa copine, ça me donne la nausée, il est hors de question que ça m'arrive un jour.

Je suis à la Bibliothèque en train de faire mon devoir d'Astronomie. Cette matière a le don de me calmer et d'apaiser mes réflexions inutiles sur des sentiments à peine naissant, qui mourront dans l'oeuf assez rapidement, j'en fais la promesse. Loki vient de rendre des livres qu'il avait emprunté et finit par venir me rejoindre. Je ne m'en suis même pas vraiment rendu compte mais le sourire que je lui offris fut extrêmement loin de ce que je lui accorde en temps normal. J'étais un peu perdue dans mes pensées et surtout concentrée sur mon devoir, n'ai-je pas le droit d'avoir la tête ailleurs ? En temps normal si, mais pas avec Loki. Je vois de l'inquiétude dans son regard, il ne comprend pas. C'est mon frère tout craché et je ne peux pas lui en vouloir, je l'ai peut-être trop surprotégée, je ne sais pas. Il a bien dû mal à se faire à l'idée que parfois moi aussi je n'ai pas envie de faire d'efforts. Bon c'est peut-être un peu méchant, parce que ça signifierait que même avec lui je dois me forcer et ce n'est absolument pas vrai. Je suis fausse avec la terre entière, excepté lui. Alors c'est peut-être pour ça qu'aujourd'hui, je n'ai pas envie de lui offrir un sourire que je ne pense pas. Un sourire factice serait certainement la pire des trahisons que je pourrais lui faire. Il me pose des questions, j'y réponds à peine et je finis par me lasser de ce petit jeu alors je lui donne rendez-vous à la fin de la journée, dans notre salle commune. S'il veut des réponses, je lui en donnerais, mais pas maintenant. Il partit à un des cours que nous n'avions pas en commun et je finis mon devoir d'Astronomie. Je sentis son regard peser sur moi durant tout le repas du midi. Si ça n'avait pas été Loki, j'aurais certainement insulté la personne, trouvant tout cela fort désagréable. Je n'ai pas envie de parler, point, inutile d'insister sinon je m'énerve. Mais c'était Loki et je savais qu'il vivait dans une grande inquiétude en cet instant. Je n'aimais pas le voir ainsi et je me sentais coupable de lui faire vivre cet enfer, mais il était hors de question que j'aborde le problème qui me prenait la tête entre deux bouchées de purée, au milieu de nos camarades de maison. Ca pouvait attendre ce soir, il finirait par le comprendre.


Les deux heures suivantes, nous avions cours ensemble et je pouvais sans mal voir qu'il n'était absolument pas attentif au cours. Lui qui pourtant était si rigoureux et très studieux, cela me faisais presque mal au coeur de le savoir si tourmenté. Il ne devrait pas l'être autant, même s'il s'agissait de moi, ce n'était pas normal qu'il soit dans tous ses états juste parce que je ne lui avais pas offert le sourire qu'il méritait quand nous nous étions vu. Il se faisait trop de soucis pour moi, il ne supportait pas que j'aille mal ou que l'on se prenne la tête. Je ne pouvais pas lui en vouloir, je n'aimais pas ça non plus, mais il était évident que ce n'était pas normal. Nous étions fusionnel, peut-être un peu trop pour notre propre bien être. Mais nous n'avions que l'autre dans nos vies, puisque notre père avait décidé de nous trahir en épousant une vulgaire moldue, il n'incarnait plus rien à mes yeux, sauf la simple idée qu'il était mon géniteur. Après il y a avait bien la mère d'Edward, qui incarnait à mes yeux une mère de substitution, mais en dehors de la famille d'Edward et de Loki, je n'avais personne d'autres. Nous nous séparâmes de nouveau, nous promettant de nous revoir rapidement. Pour être honnête, je n'étais pas des plus emballée à l'idée de retourner dans ma salle commune et je trainais au maximum. Non pas que cela me déplaisais de revoir Loki mais je n'avais pas spécialement envie de parler d'Anthea. C'était tellement ridicule qu'en discuter durant des heures était totalement inutile. Mais bon, chose promise, chose due, me voilà donc remontant les marches jusqu'à la salle commune des Serdaigle. Je m'arrêtais quelques instants devant le tableau, respirant un grand coup. Peut-être aura-t-il oublié ? Peut-être sera-t-il occupé ailleurs .... Le tableau pivote et je pénètre dans la salle commune et la première personne que je vois, c'est Loki. Evidemment qu'il est là, comment cela pourrait-il en être autrement. Il a dû penser à cela toute la journée et il n'a aucune raison de rester avec des gens qu'ils n'aiment pas ou ne comprend pas. Alors oui, il était évident qu'il m'attendait de pied ferme et que je ne pourrais pas me faufiler discrètement jusqu'à mon dortoir. Alors j'esquisse un sourire et tout en jetant mon sac sur un côté, je me pose sur l'un des canapés de la salle, en face de l'âtre. Salut !! Lui dis-je en tentant d'y mettre tout l'entrain dont j'étais capable T'as passé une bonne journée ?

Les branches des arbres se faisaient bousculer avec de moins en moins de douceur par le vent qui devenait fougueux, suite à une longue accalmie qui avait pourtant duré une bonne partie de la journée, les quelques chants des volatiles disparaissaient alors, laissant aux ouïe le plaisir d'entendre le souffle du ciel. Pour beaucoup ce son avait des effets apaisants et c'était le cas pour le jeune Loki en général, dont le regard traversait la fenêtre se trouvant dans son dos, mais ce jour-là, à cet instant, ce n'était pas le cas, pour la simple raison que rien ne pouvait l'apaiser hormis peut-être Naïa. Tout dépendait de ce que cette dernière avait en tête. Dans sa tension palpable le jeune homme laissait les questions fuser encore et toujours dans sa tête, il cherchait mais n'arrivait pas à comprendre ce qui avait bien pu pousser sa chère soeur à se confondre dans le silence. Pour lui cela n'avait aucune raison d'être, c'était même pleinement anormal, ça sortait bien trop de leur façon d'être ensemble pour que ça n'inquiète pas outre mesure ce sorcier en besoin relativement fréquent d'être rassuré et soutenu par Naïa. Bien loin d'être idiot, il se doutait que ces dépendances devaient être comme des fardeaux pesants sur les épaules de sa jumelle et cela en ajoutait à la culpabilité qu'il lui arrivait de ressentir chaque fois qu'il repensait à leur mère, il n'en parlait jamais, mais il était comme évident pour lui que s'il n'avait pas été là, alors Norah serait toujours de ce monde et il s'en voulait Loki, oui, il s'en voulait. Et à chacun de leur anniversaire, cette douleur se reflétait à travers ses iris bleutés, bien plus que les autres jours. Son absence décuplait ces envies d'être couvé, mais être un poids pour sa soeur ne l'enchantait pas plus et à cet instant, le jeune homme ne pouvait s'empêcher de s'imaginer que la cause du problème que Naïa taisait était celui là, que c'était lui, cette fameuse cause. Peut-être craignait-elle de blesser son jumeau, il la savait consciente de ses troubles, même ceux les plus profonds, c'était même la seule à les connaître vraiment, alors s'il était le poids dont elle voudrait se débarrasser elle préférerait sans doute y aller en douceur avec lui. En la poussant à s'ouvrir n'avait il pas poussé le sort à s'abattre bien plus vite sur lui ?

Des idées telles que celle là, plus horribles les unes que les autres harcelaient ses songes durant toute l'attente imposée par la belle, bien moins logiques et terre-à-terre que celles qu'il chérissait pourtant, il en avait les yeux écarquillés qui fixaient le tapis face à lui, tout raide sur son siège, les mains enfoncées dans son manteau étiré par ses bras si tendus, les muscles contractés en réponse au frisson qui venait de le parcourir. Poussé par l'anxiété il n'arrivait pas à penser au moins pire, mais bien tout le contraire. Ses muscles n'arrivèrent qu'à se détendre que lorsque des bruits de pas familiers raisonnèrent dans la salle commune presque déserte. Loki relevait alors rapidement le menton pour voir sa soeur s'approcher, reprenant une grosse bouffée d'air avant de retrouver une position plus habituelle. "Salut !!" Le ton enjoué de sa jumelle n'apaisait guère le jeune sorcier, même s'il préférait ça à un air dramatique, car il ne pouvait s'imaginer que Naïa se mettrait à jouer avec lui comme elle le faisait à la perfection avec tout autre. A vrai dire il aimait ça chez elle, ce talent pour s'adapter à toute situation, avoir constamment le répondant qu'il faut et cette force de caractère était exemplaire pour lui. Il ne se sentait jamais plus à l'aise que lorsqu'elle était à ses côtés, comme s'il était protégé de tout rien que grâce à sa présence. Lui avait la patience pour contrôler la flamme de sa soeur tandis qu'elle avait la force. Et elle savait se jouer des autres sans trop faire d'efforts, tandis que si lui était calculateur c'était seulement grâce à sa froideur qui le rendait facilement peu prévisible. Cela le rendait certes dangereux, mais il admirait l'audace de sa jumelle, peut-être aurait-il voulu lui ressembler aussi sur ce point là.

Il ne la lâchait plus des yeux, son regard insistant laissant ressentir son impatience d'enfin obtenir les réponses qu'il avait désiré tout au long de l'après-midi. Cependant, il ne disait rien, la laissant s'installer et sans doute un peu plus de temps pour se faire à l'idée. Peut-être grâce à l'instinct fraternel il ressentait que la future discussion à venir lui pesait aussi et la peur qui ne le quittait pas le poussait à user de ce qui lui restait de patience. De nouveau elle s'exprimait "T'as passé une bonne journée ?" et enfin il répondait. "Le début de journée était assez agréable, les nouvelles leçons concernant les forces du mal étaient particulièrement captivantes. Mais l'après-midi était assez... désastreux, moralement." Avec elle, il était de toute évidence bien plus ouvert, s'exprimant avec moins de retenue, de pudeur. Malgré ses aveux son air n'était en rien rancunier, c'était un ton sur la confidence, comme toujours, rien qui ne sortait de l'habitude, mais la tension du jeune homme restait palpable. Et sa patience atteignait sa fin, alors il ne se retenait plus, posant sa question sans chercher à tourner autour du pot, sans pour autant chercher à y faire entendre quelconques reproches. "Qu'est-ce qu'il c'est passé Naïa ? Est-ce que tu as quelque chose à m'avouer ? Ou à m'annoncer ?" A cet instant, son appréhension se décuplait surement...

Ce n'était pas dans mes habitudes, mais je n'avais aucune envie d'être là. Pourtant le "là" signifiait être avec Loki, le seul être sur terre que j'aimais et que je protégerais jusqu'à mon dernier souffle. Mais malgré toute mon affection pour lui, je préférerais faire tout autre chose que d'avoir cette discussion. Je savais que ça n'allait pas lui plaire, alors qu'il n'y avait aucune raison que ça ne lui plaise pas, que j'allais devoir le rassurer et que je devrais passer le reste de ma soirée à me racheter pour l'avoir blessé involontairement. Et rien que l'idée d'une telle soirée me donnait la nausée. J'aime Loki, du plus profond de mon être, mais nous ne devrions pas vivre cela, ce n'est pas normal. Pourtant, son inquiétude et sa jalousie me plaisaient, c'était évident, mais pas tout le temps. Et aujourd'hui, ça m'agaçait plus qu'autre chose. Pourtant je pris sur moi et je décidais d'arrêter mon errance pour prendre le chemin de ma salle commune. Je connaissais suffisamment mon frère pour savoir qu'il m'attendrait de pied ferme dans notre salle commune et qu'il serait seul. Et j'avais raison. Quand je pénétrais dans la salle, il était là, attendant patiemment que je daigne franchir le pas de la porte. Son regard était posé sur moi, en attente de réponses. Il avait passé toute sa journée à penser à tout cela, juste à cause d'un sourire que je ne lui avais pas offert. N'est-ce pas cher payé ? Pourtant je fis comme si tout allait bien et je vins m'installer à ses côtés. Je n'aime pas jouer la comédie et certainement pas avec lui, mais aujourd'hui il m'y obligeait. J'avais l'impression de le trahir en faisant cela, mais avais-je vraiment le choix ? Si je ne le faisais pas, les conséquences sur lui seraient encore pire. Je le connaissais que trop bien pour savoir que pour le bien de tout le monde, je devais rester souriante et faire comme si ce sourire absent n'avait jamais existé. "Le début de journée était assez agréable, les nouvelles leçons concernant les forces du mal étaient particulièrement captivantes. Mais l'après-midi était assez... désastreux, moralement." Un simple sourire absent et c'était la guerre civile dans la tête de mon frère. Je le sais fragile, mais pas à ce point là. Non en fait je mens, je sais qu'il est fragile, surtout quand il s'agit de moi. Il est capable de tout supporter, tant que ça ne vient pas de moi. Et c'est aussi beau qu'effrayant. Parce que je pourrais le conduire à la mort, si je le voulais. Mais ce serait certainement la seule mort que je ne souhaiterais pas être la coupable. Je tente de garder le sourire, au début en tout cas, mais il ne reste pas indéfiniment sur mes lèvres. Je ne peux pas sourire alors qu'il m'annonce que son après midi a été désastreux, en sachant que c'est entièrement de ma faute. Désastreux moralement parlant. C'est un peu poussé, si vous voulez mon avis, mais comment le lui faire comprendre sans le vexer ? Tu ne crois pas que tu en fais un peu trop ? Que tu exagères ? Tout ça parce que captivée par mon devoir, je ne t'ai pas offert le sourire que tu attendais ... que tu méritais ? Lui dis-je sans prendre de gants. J'aurais dû essayé de tourner ma phrase différemment, essayer de lui faire comprendre qu'il se fait des idées pour rien, qu'il en fait trop. Mais non, j'en suis incapable. Avec quelqu'un d'autre, j'aurais clairement dit qu'il me faisait chier et que j'ai le droit de ne pas avoir envie de lui sourire. Que je suis libre de faire la tête si l'envie m'en prend et que je n'ai pas à subir une scène le soir venu. Mais ce n'est pas n'importe qui, alors je fais des efforts, même si la délicatesse n'est toujours pas au rendez-vous, au moins je ne l'agresse pas et je ne cherche pas non plus à le blesser. J'aimerais juste qu'il se détende un peu et qu'il réalise qu'il dramatise un peu trop.

"Qu'est-ce qu'il c'est passé Naïa ? Est-ce que tu as quelque chose à m'avouer ? Ou à m'annoncer ?" Il ne pliera pas, il n'oubliera pas, il va continuer jusqu'à obtenir les réponses à ses questions. Mais si moi je n'ai pas envie de lui en parler ? Si j'estime que je ne suis pas prête ? ou alors que ce n'est pas le lieu adéquat ? Pourquoi devrais-je obligatoirement m'ouvrir tout le temps ? Tout lui dire ? Lui révéler la moindre de mes pensées ? Je sais que ça l'angoisse de ne pas savoir ce qu'il se passe dans ma tête, mais n'est-ce pas de l'ordre du privé ? Au delà de potentiels secrets que je pourrais avoir pour lui, c'est surtout le droit à avoir une vie privée, qui ne le regarde pas. Mais bien entendu, lui expliquer cela serait comme lui annoncer que je ne l'aime plus et que je ne veux plus lui parler. Ca aurait exactement le même effet, l'effet d'une bombe dans son existence. Il est évident que je ne peux pas lui dire ça, que je n'ai aucun secret pour lui - ce qui en soit est vrai - et que je n'aspire pas à avoir une vie privée qui ne le regarde pas. Je sais qu'il ne m'empêchera pas d'avoir une vie si je le souhaite et bien souvent je ne lui demande pas son avis, mais il est évident que ça le peine tout ça. Il a l'impression qu'il est mis de côté, qu'il ne compte pas, que je n'éprouve plus autant d'attention à son égare qu'avant. Alors que c'est faux, totalement faux même. Je soupire, je sais d'avance que ça ne servira à rien de lutter, que je vais le blesser plus qu'il ne le mérite et que s'il s'inquiète, c'est en grande partie pour moi. Même si, on est bien d'accord, je ne lui ai rien demandé. J'arrête de le regarder, je suis énervée et quand je suis énervée et frustrée, je n'éprouve qu'une seule envie, fuir le plus loin possible. Je croise les bras, il n'y a plus de sourire sur mon visage. Qu'est-ce qu'il veut que je lui dise ? Comme si c'était facile à avouer à haute voix. Cela donne trop d'importance au trouble que je ressens et je déteste ça. Mais peut-être qu'en lui parlant, ce trouble va se dissiper et je me rendrais compte qu'il n'avait juste pas lieu d'être. Rien ... Arrête d'angoisser comme ça Loki, tu vas te faire un ulcère inutilement ... J'ai ... Commençais-je par lui dire, plus pour qu'il se calme qu'autre chose. Vous allez me dire qu'il est plutôt calme là, mais moi je parle du trouble intérieur qui l'agite. J'ai le droit d'avoir quelques préoccupations ... C'est humain, on en a tous. La terre n'arrête pas de tourner à cause de ça. Première étape lui faire réaliser que je suis humaine, malgré tout, et que j'ai le droit de me poser des questions dans la vie. Mais j'aimerais surtout qu'il comprenne que ses questions ne remettent pas en cause ce que je peux ressentir à son égare et ça, ce sera certainement le plus dur.