Il faut croire qu’un séjour dans les cachots n’avait pas éradiqué toutes mes mauvaises habitudes. Au contraire j’avais l’impression que cela les boostaient. J’étais d’autant plus chiante, je cherchais d’autant plus la merde. Je ne savais pas si je devais en être fière, puisqu’après tout je m’étais ma vie en danger en quelque sorte. C’est à croire que je cherchais à me faire tuer.
Là en cet instant je tentais un truc risqué aussi. Emmerder
Fursy pouvait s’avérer dangereux même si au vu de la situation actuelle il s’était peut-être adoucie, bien que je ne l’imaginais pas devenir doux comme un agneau. Bien que cela lui irait bien. A vrai dire, il ressemblait un peu à un agneau avec ses yeux luisants comme des billes et sa voix braillarde. Suffisait de lui mettre des bigoudis dans les cheveux et la ressemblance était parfaite (
ou pas, mais on va faire comme si). C’était trop mignon à imaginer, un
agneau de Fursy.
Alors évidemment, avec tout ce qui est mignon, je fis une tentative de meurtre. Bon par contre faut croire que se laisser lourdement tomber sur la personne n’était pas suffisant pour la tuer, va falloir que je revois mes plans. Mais bon avec un peu de chance je réussirais à le faire se suicider tellement je le ferais chier.
«
T'es obèse, sérieux. J'suis sûr qu'tu m'as pété un truc. »
«
Pauv’ bébé. »
J’y croyais à moitié à son truc d’os pété. Comme si j’avais assez de poids pour casser l’os d’un mec. D’une meuf ça pourrait encore, si elle avait une corpulence inférieure à la mienne et si elle ne mangeait pas assez de produits laitiers, nos amis pour la vie. Certainement les seuls vrais amis que j’ai d’ailleurs.
Quoi ? Non, bien sûr que non
Fursy n’était pas mon ami.
Sloane non plus d’ailleurs. Quelle idée ! C’pas comme si on se voyait quelque fois pour faire des conneries ou simplement trainer ensemble.
Oh, une petite minute...
Alors je tentais de me faire pardonner en lui proposant une berceuse tout à fait agréable à entendre, tandis que
Fursy faisait ce qu’il semblait être des sortes de caresses dans les cheveux après avoir ramener la couverture sur moi. Cela ne me déplaisait pas. Cela ne me plaisait pas non plus forcément. Je n’étais pas quelqu’un de très câlineuse, mais suivant les personnes je me laissais faire. Quant à la couverture, je n’étais pas spécialement du genre frileuse. J’avais rarement froid, même si je devais avouer que l’humidité des cachots n’était pas spécialement agréable pour pouvoir dormir.
Mais c’est que le petit
Fursy se mettait à devenir mignon comme un agneau ! C’est clair que les cachots avaient un effet fort sur le petit serdaigle. Bonne ou mauvaise chose ? Je ne saurais le dire, mais je ne me priverai pas de le charrier là-dessus.
«
Ils ont dû dire « crispante », t'as juste mal compris. »
«
C’est mal la jalousie tu sais ! »
Bien évidemment que ma voix était très lyrique. Tseuh, il se permettait de douter des performances de mes cordes vocales ! N’importe quoi ! Ca puait la jalousie sur 100 mètres – si on oubliait le fait que je n’étais même pas à 20 cm de lui.
C’est alors qu’il se mit à se plaindre de ma présence sur lui. Je n’en fus pas vexée, après tout, c’était légitime. Au contraire cela m’amusa d’autant plus. De toute façon, il avait très certainement plus de force que moi, alors s’il voulait me dégager, il y arriverait sans problème. Alors c’était que dans le fond je ne le gênais pas plus que ça – du moins pour le moment.
«
Hm, non, j’ai déjà fais chier Winslow hier soir. Quant à Sloane elle est pas marrante. Du coup j’me cherche d’autres victimes. Je me dois de tenir un programme t’vois. »
C’est clair que ce n’est pas la première insomnie que je me tape, et dans ces moments-là j’aimais bien avoir quelqu’un pour me soutenir – de force – dans mon calvaire. Le pauvre
Winslow a certainement regretté le fait de m’avoir autorisé à venir dans son lit quand je le voulais. Quant à
Sloane, elle se permettait de me foutre son pied dans ma face quand je commençais à devenir chiante, histoire de m’assommer.
«
Et puis ça f’sait longtemps qu’on s’était pas vu, fallait pas que tu m’oublis quand même ! T’imagines ! Un monde sans moi ! »
Je me doutais très bien de sa réaction. Après tout, il était prévisible dans un sens. Il allait certainement dire qu’un monde sans moi était un vrai petit paradis ou quelque chose dans le même genre. Pour me briser le cœur ! Ah bah oui, j’avais un cœur tout de même ! Et il s’apprêtait à me le briser !
Alors hop, ni une ni deux, je plaquais ma main contre sa bouche pour l’empêcher de répliquer.
«
Shhhhh ! » poursuivis-je alors. «
Je sais, ce serait horrible. Tu serais triste et malheureux. Mais ne t’inquiètes pas mon petit agneau, je ne partirai jamais ! »
Autant dire que là il avait des raisons d’être triste et malheureux. Maiiiis je préférais largement me dire qu’il était au comble du bonheur ! Sans oublier que j’avais réussi à placer son petit (et nouveau) surnom qui lui allait si bien. « Petit agneau », ou encore « petite brebis », il y avait tellement de blagues possibles et merdiques à faire par rapport à ces surnoms.
J’étais certaine qu’il allait apprécier. Pour une fois que je me montrais affective – bien que cela soit pour du foutage de gueule et pour emmerder le monde – il n’allait pas s’en plaindre ! Enfin, si, je supposais qu’il allait s’en plaindre. Cependant on ne pouvait pas dire qu’il puisse y faire grand-chose.