Le ballet de la roche n'avait de cesse.

Au cœur de Poudlard, liant les entrailles de l'immense battisse, les escaliers ne s’ennuyaient assurément pas. A l'image des photographies, peintures et autres créations d'art, les paliers se relayaient, changeant de direction et malmenant les jonctions pour la déconfiture des moins a guéris. Il était fréquent d'être mis en retard, certain élèves étant coupés dans leur élan par la danse de roc et de marbre des escaliers. S'ils pouvaient parler, il serait sur de les entendre rire.. et c'était sûrement à cela que se rapportaient le crissement du roc et le grondement de la pierre, qui emplissaient la cage centrale de l’École de Sorcellerie...

A cela s'ajoutait, bien sur, le froissement de pied des élèves, tantôt pressés, tantôt lascifs, emplissant l’atmosphère de l’éclat des semelles sur le marbre, ou le glissement des hâtifs sur la chaussée...

Enfin, pour achever la tranquillité des lieux, le babillage incessant des œuvres qui garnissaient les colimaçons ne cessait qu'une fois le couvre feu observé. Les tableaux se renvoyaient sympathies sur grossièretés, allant au gré des goûts de chacun... Les protagonistes peints , pleins d'un entrain pas même atténué au fil des ans, devisaient sur l'actualité de l’École, s'offrant des airs de corneilles pour les plus curieux... Il fallait avouer, et Adam l'avait découvert bien malgré lui, qu'il était parfois plus rapide de demander à un tableau de transmettre un message à quelqu'un d'autre, par le truchement des cadres, que d'user d'un hiboux ou d'une note enchantée...

Adam, justement, qui était assis sur les plus hautes marches du plus haut escalier, dominait la cage centrale depuis son sommet. Là, tranquillement posé à l'image du rapace fièrement dressé sur l’emblème de sa maison, le jeune homme étudiait son ouvrage, se donnant des airs d'ermite timoré à la limite de l'isolement. Les sautes d'humeur de l'escalier qui le supportait depuis plus d'une demi-heure ne perturbaient en rien l'insatiable apprenti qui, stoïque, persistait à dévorer les pages noircies de caractères, encore vierges de son entendement.

Le Manuel Avancé de Runes Babyloniennes avait trouvé un fidèle adepte, et ce, depuis qu'il avait achevé son devoir sur l'introduction de l'ouvrage à la couverture oblitérée de runes magiques. Le double vélin de parchemin posé sagement à son côté en attestait d'ailleurs : Adam avait un peu outrepassé les limites de son sujet, mais l'histoire de ce genre de runes antédiluviennes était en somme toute fascinante !
Comment résumer cela en seulement un parchemin ?! Impossible, si ce n'était pour les affables bâcleurs qui pouvaient se sentir satisfait avec si peu de contenu... Peu lui importait, son devoir lui était relativement satisfaisant, cherchant tout de même au creux des pages qu'il parcourait un quelconque additif bienvenu.

Alors que de l’œil, l'adolescent scrutait les runes, tentant de percer leur mystère en se remémorant les bases lui étant inculquées, il traçait, de sa baguette, les mêmes caractères d'une écriture aérienne bleutée qui s'évaporait dans l'air à mesure que les arabesques se succédaient...

Oui, ici, il était agréable de lire, au cal...

...me.

« Salut ! » lança une voix à l'énergie palpable.

Le timbre aiguë du garçon qui se complaisait à perturber Adam couvrait aisément le grondement incessant des escaliers qui dansaient tout autour du duo. Serrant la mâchoire sous le coup de l'agacement, Adam tenta de faire bonne figure en levant les yeux vers son camarade. Ses chaussures à la semelle frottée attestaient de son goût pour la vadrouille, alors que sa robe au bas froissé prouvait qu'il s'était agité toute la matinée. Étrange constat pour une journée aussi statique que celle qu'ils partageaient. Avec autant de pluie au dehors, l'exercice était plutôt compromis. A mesure que le regard d'Adam remontait le cours du personnage qui lui faisait face, le Serdaigle inventoriait les éléments qui dessinaient le portrait de l'hyperactif qui semblait vibrer d'excitation. Trahi par le badge or et sang qui brillait sur sa poitrine, le Gryffondor n'en pouvait plus d'attendre la réponse de son – futur – comparse. Ses yeux brillaient d'une intensité électrique et le sourire qu'il arborait pétrifiait le sens social de l'aristocrate, qui, circonspect, haussa un sourcil.

Vif, le garçon aux cheveux en bataille s'empara du livre d'Adam qui, prit au dépourvu, lui abandonna son ouvrage. Fauché par une nouvelle surprise, il subit la poigne ferme de l’énergumène, jusqu'à se retrouver débout, volant déjà à la suite du garçon. Embarqué dans les dédales du château, Adam jeta un léger coup d’œil en arrière, voyait les runes qu'il avait tracé dans l'air s’évanouir sous le coup de l'abandon. C'est alors que le moulin à parole reprit son monologue, sans sembler s'inquiéter des réponses de celui qu'il tractait. Le bruit des pas de courses des deux élèves résonnaient dans les couloirs, mais le timbre de l'inconnu semblait capable de percer le plus épais des brouhahas.


- Tu sais qu'il est plus que temps qu'on fasse connaissance ? Tu passes ton temps fourré dans un livre

- Mais je...

Les couloirs défilaient sous les yeux d'Adam, impuissant soumis à la force de cette tornade vivante invivable, qui n'attendit pas la fin de la phrase de sa victime.

- Tu n'as pas envie de t'amuser parfois ? lança t'il, échauffant les oreilles d'Adam

- C'est très amusant les li...

- Tu n'es pas très loquace tu sais ? Enchaîna sans vergogne le rustre

- Si tu daignait me lai...

- Chaque fois que j'ai essayé de te parler, c'était comme discuter avec une de ces armures qui sont exposées dans les couloirs.


Coïncidence parfaite, une de ces fameuses armures se laissa dépasser par le duo, protestant devant l'allure des élèves d'un caquètement métallique. Déjà Adam sentait l'agacement percer son flegme alors que ses tympans se vrillaient des dires de son impoli tortionnaire. « Va t'il jamais se taire à la fin?! » se laissa t'il penser, faute de parler.


- On a partagé un compartiment lors de notre premier voyage en train vers Poudlard, tu le savais au moins ?

- Qu.. ?!

- Oh comme je suis mal élevé, je ne me suis même pas présenté ! Moi c'est Perrin O'Riordàn, mais dit seulement Perrin. Et toi ? Allez traîne pas, on a plein de choses à voi..

- BON CA SUFFIT ! s'insurgea le Sang Pur.

Renversant la situation et arrêtant le dit-Perrin dans son élan, Adam campa fermement ses pieds dans le sol. Se souvenant qu'il avait sa baguette en main, il la pointa par réflexe vers son vis à vis, une lueur bleu pénétrante luisant à son bout. Reprenant son sang froid et son souffle, il énonça alors, avec un calme froid :

- Déjà, bonjour.

Perrin semblait prit entre deux feux, d'un côté l'envie de poursuivre sa course folle dans le labyrintesque fortin, de l'autre, le désir d'enfin écouter son camarade.

- Je connais ton nom, Sieur O'Riordän, on partage certaines classes ensemble, d'ailleurs jolie métamorphose de ta fougère en plume si je puis me permettre.

Du bout des doigts Adam sentait le bras de Perrin vibrer d'une énergie qu'il ne semblait pouvoir contenir. Saisi par autant de vitalité, Adam dut bien avouer que le personnage qu'il avait devant lui était plus stupéfiant qu'un baril de cocaïne pure. Haussant à nouveau sa baguette, indiquant qu'il n'avait pas fini, coupant le Gryffondor dans sa volonté d'ouvrir la bouche, le Serdaigle profita de son inertie pour poursuivre :

- Pour le Poudlard Express je dois t'avouer que je ne me souviens pas. Je devais sûrement lire...

Perrin leva les yeux au ciel sous le coup de l'argument, mais conserva ses lèvres scellées. Rendue bleue par l'effort.

- Je suis Adam Cale d'ailleurs, et aussi surprit par cette situation que par...toi, et bien, enchanté.

Lâchant l'avant bras de Perrin, Adam s'attendait à le voir s'évaporer une fois relâché. Aussi tendit il sa main ouverte pour serrer cele du tempétueux sorcier.

- Oh. Et les livres sont, amusants. Très amusant. En parlant de ça... Rends-moi-mon-Manuel-Avancé-de-Runes-Babyloniennes. sentenca t'il en un souffle, avant de reprendre. Et je veux bien te suivre, mais on est pas obligé de cavaler comme des énergumènes sans tête, d'ailleurs.

Malgré le flegme qui avait reprit ses accents sur le visage de l’aristocratique apprenti, Adam devait bien avouer que comme expérience sociale, Perrin était inespéré, et fascinant.. quoi qu'un peu rude.