Un sentiment de profonde incertitude régnait sur toute l'école. Depuis les récents événements, l'horreur qu'avaient vécu les élèves de Poudlard, c'était comme si quelque chose s'était éteint. Les voix, d'abord, puis l'entrain, la confiance, les rires. Beaucoup tentaient de continuer à vivre comme si rien ne s'était passé, comme si la situation n'était que provisoire, et que bientôt, tout serait oublié, tout se serait arrangé. Mais dans tous les esprits, un sentiment de peur mêlé de désespoir était présent. Tous avaient perdu quelque chose ce soir là. Des rêves, de l'espoir, des camarades, parfois. Et si d'autres semblaient ne pas être touchés par ce qui était arrivé, la plupart tentaient simplement de l'oublier. Terry n'était pas certain de ce qu'il ressentait. Il savait que les choses seraient différentes à présent. Qu'une nouvelle ère était en marche et que tout ce qu'il avait autrefois tenu pour acquis était probablement en train de lui filer entre les doigts. Lui qui semblait toujours si détaché, si loin des réalités du monde, si enfermé dans son propre microcosme et trop occupé à se préoccuper de sa personne, il était en réalité profondément perdu. Lui, ne s'était pas battu. Il s'était caché. Il avait sauvé sa peau. Il n'avait rien fait pour protéger le château, ni ses élèves, ni encore moins ses amis. Ce qui lui avait paru être la réaction la plus naturelle du monde le plongeait, avec le recul, dans le remord. Il regrettait de ne pas avoir agi, et de s'être dérobé au regard des autres. Aujourd'hui, outre sa culpabilité, il était inquiet. Inquiet que l'on apprenne ce qu'il avait fait ce soir-là, pendant la bataille. Personne ne l'avait vu. Personne ne savait pour qui il avait pris parti. Quels avaient été ses choix, ses décisions. En vérité il n'en avait prise aucune. Il s'était contenté de fuir. Et à cette heure, il était terrifié à l'idée qu'on le considère comme un lâche.

Pour lui plus rien n'avait de sens. Il ne s'était jamais intéressé de près à cette ségrégation qui s'était peu à peu installée sous l'influence de Blackman, entre les nés-moldus et les sorciers de sang-pur. Il en entendait parler chaque jour, mais il n'y avait jamais prêté une grande attention. Toute cette effervescence, tous ces discours sur l'importance du sang chez les sorciers, la vraie valeur de chacun d'entre eux, leur légitimité... il avait choisi de fermer les yeux devant toute cette agitation et de se concentrer seulement sur la seule chose qui l'avait intéressé depuis aussi loin qu'il s'en souvenait : sa réussite, ses exploits. Le monde pouvait bien brûler, lui, considérait qu'il devait avant tout se préoccuper de lui. Sa réaction le soir de la bataille n'était donc pas étonnante de sa part. Il avait agi par égoïsme. Ni plus ni moins. Et quand il repensait à ce que Poudlard venait de vivre, il pensait instantanément à sa mère. Elle, qui avait toujours soutenu la supériorité des sang-pur, vanté à longueur de journée la pureté du sang de sa famille, déversé des flots de paroles sur l'importance que chacun de ses enfants devrait accorder à leur héritage... Quand son père feignait d'écouter en ne quittant des yeux son journal, Terry tentait de se dérober à l'influence de sa mère, qui de plus en plus, ressemblait à une insupportable fanatique, l'esprit dévoré par des idéaux absurdes. Elle fréquentait des sorciers importants, représentait auprès d'eux la parole de son mari, la célébrité et la richesse qu'il incarnait, et se laissait berner par leur discour. Terry savait qu'elle était une admiratrice de Blackman. Il savait ce qu'elle attendait de lui. C'était peut-être aussi pour cette raison, qu'il s'était caché. Pour ne pas être reconnu par ses partisans le soir de l'attaque. Pour ne pas être enrôlé à son tour.

A l'heure actuelle, ce qui le troublait le plus, c'étaient ces nouvelles règles, instaurées par le nouveau directeur. Plus de Quidditch. Les équipes décimées. De très bons joueurs, emprisonnés dans les cachots, réduits en esclavage. Et Callie. La propre capitaine de l'équipe de Poufsouffle. Quand Terry apprit qu'elle faisait partie de ces élèves que l'on avait envoyés en quarantaine, il eut une pensée émue. Mais très vite, c'est ce qui allait advenir de lui qui l'avait assailli. Au début, il s'était dit, naïvement, que cela pourrait représenter une belle opportunité pour lui de prendre la tête de l'équipe, de devenir capitaine, enfin ! Comme il avait toujours prétendu être auprès de son père ! Mais non. Il avait rapidement déchanté. Le Quidditch, était devenu clandestin. Les matchs... Annulés eux aussi. Et ç'avait été un coup de massue pour lui. Le sport, il ne vivait que pour cela. Les cours avaient toujours été secondaires. La seule chose qui le faisait se lever le matin, c'était la perspective de pouvoir, en fin de journée, aller sur le terrain, monter sur un balais, et s'entraîner des heures durant. Aujourd'hui il n'était plus sûr. Depuis l'attaque, il n'était pas sorti, il n'était pas retourné sur le terrain. Il n'osait simplement pas. Comment allait-on le traiter, s'il enfreignait les règles ? Mais au fond, il bouillait de rage et d'impatience.

Chose inhabituelle, il avait pris le chemin de la bibliothèque. Après tout, comment occuper son temps autrement qu'en étudiant, à présent ? Son enthousiasme habituel avait cédé place à une mine morose, qu'il n'arborait pourtant jamais. En traînant des pieds, il était allé s'asseoir dans un coin, avait ouvert un livre de Potions, et tentait de se concentrer sur sa prochaine leçon. Mais il ne pouvait pas chasser toutes ses pensées de sa tête. Malgré le filtrage du courrier effectué par la nouvelle direction, il avait pu recevoir une lettre de sa mère. Elle était au courant de tout. Bien sûr. Et elle l'intimait de se joindre à Blackman. Elle le lui ordonnait. Priait pour sa santé. Lui envoyait son amour, amour que Terry n'avait jamais ressenti venant d'elle. Il était indécis. La lettre, froissée dans sa poche, semblait l'appeler. Une attraction presque magnétique s'exerçait sur le parchemin. Il s'en saisit, la ressortit, et parcourut de nouveau les lignes dérangeantes. Mais c'est alors qu'on l'appela. Naïa. Naïa Rosenberg. Terry releva la tête. Elle souriait. Il l'avait toujours trouvée très belle, et malgré son état d'esprit actuel, il ne put s'empêcher de lui rendre un sourire béât. « Salut Naïa. » Il tenta de rester discret, au milieu de tous ces élèves qui travaillaient dans le calme. Il se plongeait dans le regard azur de la jeune fille en face de lui, en oubliant ce qui le tracassait. Elle avait toujours eu cette sorte de pouvoir sur lui. Elle arrivait à l'influencer comme personne d'autre ne pouvait le faire. C'était comme si elle arrivait à le sonder juste en le regardant, et Terry, n'y opposait jamais aucune résistance.« Tu... Je vais bien... je crois. J'ai...» Il s'empressa de remettre la lettre de sa mère dans sa poche. Naïa avait toujours insinué qu'elle éprouvait... une sorte de respect pour Angela Miller, et avec tout ce qui se passait, Terry n'avait pas envie qu'elle tombe sur un mot venant de sa part. La discrétion du geste n'était pas assurée, mais il regarda de nouveau Naïa d'un air légèrement maladroit. Il savait, qu'elle avait remarqué cette lettre. Il tenta de détourner son attention. « Et toi tu... tu vas bien ? Tu n'as pas été blessée ? » Terry n'avait eu aucune nouvelle d'elle. Il n'avait aucune idée de ce qui lui était arrivé, de son côté. Malgré la légère méfiance qu'il éprouvait concernant sa camarade, sa fascination et son intérêt pour elle ne purent l'empêcher de s'inquiéter de son état.