C’est un réveil doux qui me lève. Le beau croassement de mon corbeau qui campe derrière la fenêtre me fait ouvrir un œil, puis l’autre. Je souris en le voyant en train de déguster les derniers restes d’une pauvre musaraigne qui n’a pas dû être très maline. Fier et beau de par sa belle stature, il m’observe fièrement, souhaitant sûrement me dire bonjour. J’ouvre le carreau et le laisse entrer. De toute manière, les filles qui peuplent ma chambre sont toujours en train de dormir et elles ne seront pas contre l’arrivée de mon cher Nox. Lui seul est mon ami fidèle, en ce moment. J’ai pris une décision importante, il y a quelques temps. Quelques jours, même. Nous sommes au début du mois de novembre et les conséquences de la dernière bataille font toujours aussi mal. J’ai trahi les miens dans le but de me rapprocher de nos ennemis. Je l’ai fait au beau milieu d’une majorité d’élèves et de professeurs qui ont appris avec consternation que Poudlard changerait désormais ses règles. Les nés-moldus ont été enfermés dans les cachots, surveillés par des groupes de Mangemorts et peut-être même la professeure de Potions qui sillonne ces lieux tous les jours. Je sais qu’il n’y a toutefois pas que les enfants de moldus qui y sont enfermés. Je sais qu’il y a quelqu’un d’autre qui vit dans une cellule à part…
Tu sais que s’il se rebelle un peu trop, on te chargera de le calmer, Narcissa… et de la plus forte des manières. Cette phrase raisonne en moi comme un écho malsain. Un écho nauséabond qui me donne envie de vomir et qui m’horripile. J’ai acquiescé lorsque j’ai entendu un de mes pseudo nouveaux « amis » me dire ceci. Au fond, j’ai juste eu l’envie de mettre mon poing dans la gueule de cette personne mais je n’ai rien fait et j’ai juste hoché la tête en guise de réponse.
Mes doigts froids caressent le magnifique plumage de mon noble animal. Lui seul me comprend, aujourd’hui. Lui, il ne m’insultera pas comme l’ont fait Aimie et Anthea. Je comprends leurs positions qui sont tout à fait légitimes, mais cela me fait mal. Cependant, je ne peux que rester stoïque quand je les croise. Nox le sait plus que tout. Il ressent les difficultés que je traverse mais il semble me faire comprendre que j’ai bien agi et que je dois continuer sur cette voie pour que je puisse être utile plus tard.
Je dépose un petit baiser sur sa tête, auquel il me répond par un aimable croassement. Je lui souris avant d’attraper un paquet de friandises pour volatiles qui traîne dans un sac. Je sais qu’il les aime beaucoup. J’agite le sachet et fais tomber quelques graines de ce mélange un peu sucré. La main tendue vers le corbeau, celui-ci n’attend pas plus de dix secondes pour tout décortiquer et avaler. Suite à cela, il me pince doucement l’index avec son bec en guise de remerciement. Puis, il déploie gracieusement ses ailes avant de prendre un sublime envol léger. Je le reverrai sûrement ce soir, lorsqu’il sera revenu de sa promenade journalière et de sa chasse…
Une heure se passe entre le moment où je descends prendre mon petit déjeuner et celui où je décide de rendre visite à mon père, dans sa geôle. Je prends avec moi une assiette contenant quelques toasts et une tasse de café. Je n’ai pas voulu l’affronter depuis que j’ai annoncé mon allégeance à Blackman. Cependant, je sais qu’il arrive un temps où il n’est plus question de l’ignorer et puis, je dois bien avouer que je ressens une petite envie de voir comment il se tient. Bien qu’il n’ait jamais été le père parfait, je ne peux m’empêcher de m’inquiéter de son état. Je sais que les conditions dans lesquelles il vit désormais sont vraiment déplorables. Cela me sidère qu’un homme de sa grandeur soit traité ainsi mais on m’a dit qu’il a refusé de continuer l’enseignement et que, en guise de punition, il resterait là, isolé de tous. Les seules visites qu’il reçoit sont celles venant des Mangemorts qui le font sortir à l’heure du dîner.
Je n’ai peut-être pas le droit d’aller le voir autant que je le voudrais mais j’ai dit aux autres que j’essaierai de le convaincre de se rallier à notre cause. Je sais pourtant que c’est inutile et qu’il ne changera jamais d’avis. Je devrai tout de même essayer de le faire, ne serait-ce que pour renforcer ce sentiment de trahison qui me permettra de bien tenir ma couverture. Si jamais on l’interroge à mon sujet, on ne saura rien mis à part que j’ai bel et bien changé de camp.
Arpentant les couloirs froids des cachots, mes pas raisonnent contre le sol de pierres. Ici, les dégâts de la récente bataille laissent encore leurs marques mais il semble que les sortilèges de réparation lancés par les enseignants ont tout de même fait leur effet. Mon regard s’attarde sur une dalle anormalement proéminante, avant que je ne tourne à un angle pour me diriger vers les cachots de l’aile Est. A l’opposé de ma position, il y a le couloir des nés-moldus auquel personne n’a accès sous peine d’enfreindre le règlement. J’entends quelques murmures en provenance de là-bas mais je n’y prête pas attention. Je ne peux rien faire pour eux, en ce moment.
Au fur et à mesure de mon avancée, je sens mon cœur s’alourdir et une certaine nervosité s’installer au plus profond de mon être. Je s ais qu’il entend mes pas et sa silhouette ne tarde pas à se dessiner dans mon champ de vision. Il se tient debout derrière ses barreaux, son regard affrontant le mien avec dureté. Si j’ai l’habitude de son attitude hautaine à mon égard, je devine que cette fois-ci, ses prunelles traduisent quelque chose de plus intense et de plus rude à encaisser. J’y lis la colère, la déception et l’incompréhension à la fois. Peut-être même de la haine. Moi, je décide de rester inébranlable, neutre dans mon expression, souhaitant paraître indifférente. Il ne doit rien voir qui puisse me trahir et ça marche. Il lâche une phrase qui lance les hostilités et pourtant, je n’ai pas l’intention de jouer à ce petit jeu pour commencer.
« Bonjour, papa. » Dis-je avec calme.
Par le léger petit espace entre le sol et les barreaux, je parviens à lui glisser promptement son assiette. Il m’a l’air bien affaibli, ce qui est étrange pour moi, qui l’a toujours vu sous un jour fort et incassable. Moralement tout comme physiquement, ce n'est vraiment pas ça, aujourd'hui...
« Je suis toujours ta fille, bien que tu n’aies quasiment jamais fait d'efforts pour que je me sente comme telle. Mais quoi qu’il en soit, je ne suis pas venue pour reparler de mon enfance à moitié négligée. » Poursuivé-je avec un petit air de reproche.
Une pause. Il faut que je réfléchisse à un moyen d’amener le sujet principal de manière crédible. Je connais déjà sa réponse mais je dois jouer mon rôle.
« Je suis simplement venue pour te parler de ce qu’il s’est passé. Je sais que tu as toujours haï ces gens-là mais tu te leurres sur leur compte. »