Vous savez dans la vie, y’a des hauts et des bas. Genre, il y a ses jours où vous vous réveillez d’une humeur aussi radieuse que le soleil qui bénis votre existence et d’autres ou vous avez plutôt l’impression de traîner votre corps sans âme dans un dédale de tristesse comateuse. Vous avez l’irrésistible envie de vous mettre en PLS et pleurer sur votre vie, donc pour garder un minimum de dignité vous vous roulez en boule dans une couverture et vous défoncez la gueule à votre régime en vous goinfrant de chocolat.
Awa, lui, gère la chose autrement.
L’ennui est crime, et la vie est un casse du siècle. Un putain de piment rouge.
Chante Fauve. Mais surtout que la dépression est une vielle ennemie de son père, et on invite pas les ennemis à regarder des vidéo de chats mignons en graillant du nutella à la cuillère. Non, on les tient à distance. Alors ce soir, il se fit belle. Il étira de longs traits noirs au dessus de ses yeux, glissa un peu de rouge sur ses lèvres et sortit, bien décidé à se faire payer des verres par quelques beaux spécimens de pigeons.
Le crépuscule peignait encore le ciel de couleur chaude lorsque le jeune androgyne traversa Pré-au-Lard lorsqu’une boutique encore ouverte attira son attention. Zonko, la fameuse boutique de farce et attrape, il avait acheté quelque trucs auparavant mais ça faisait un moment qu’il n’y avait pas fait un tour...
C’est avec le sac à main plein de feux d’artifices qu’il ressortit. Pourquoi ? C’est une bonne question. Quand il sentait que la dépression pointait le bout de son nez il avait ce réflexe instinctif et absurde de se faire plaisir. Avec n’importe quoi, si il avait envie d’un truc...il le faisait. Ça lui donnait la sensation qu’il avait son bonheur sous contrôle.
C’est donc avec un fardeau considérable d’idée folle qu’il entra dans la taverne. Il traversa la foule attroupée en cette belle soirée, et sentit quelque regard se poser sur lui. La tête haute et un sourire mutin aux lèvres, il s’installa au bar et attendit tranquillement. Bientôt un homme d’une vingtaine d’années vint lui offrir une bière au beurre, il accepta l’alcool avec joie. Ils discutèrent pendant une petite demi-heure avant qu’Awa commence à subtilement faire comprendre qu’il n’était pas vraiment une donzelle. Lorsque son fournisseur actuel de bière finit par comprendre, il s’embourba dans des excuses, prétextant un rendez vous, il s’enfuit la queue entre les jambes. Awa sourit tranquillement, et finit sa bière. Quelque instant plus tard un autre homme se trouva chanceux d’avoir enfin trouver une jeune femme à saouler. Et rebelote... Trois ou quatre chopes plus tard, Awa se sentait déjà un peu saoul. En réalité il avait l’alcool facile et n’était pas vraiment difficile à rendre hors-service.
Il lui était de plus en plus difficile d’afficher un sourire cordial qui était tout de même la clé de sa stratégie, en plus le gars en face de lui ne faisait rien pour arranger les choses. Sa bouche ne se fermait jamais, il blablatait atrocement. Et Awa n’était même pas sûr de se souvenir de quoi il était question, il se contentait de hocher la tête et sourire au bon moment comme dans un jeu de rythme. Au moins cet homme avait le don d’empiler les verres devant Awa.
« J’ai un pénis. » Awa avait finit par cracquer lorsque l’homme lui montra ses photos de vacances. L’homme arrêta sa chope à mi chemin, comme geler sur place.
« Pardon ? »
« J’ai un pénis, je suis un mec ..euh, tu veux que je te fasse un dessin ? » Awa se saisit d’un stylo dans son sac et de le premier papier qu’il lui tombait sous la main, en l’occurrence c’était le ticket de caisse des feux d’artifices de chez Zonko. Sous les yeux effaré du jeune homme, il dessina grossièrement une verge sur la feuille avant de le fourrer entre ses mains –la feuille hein, pas le ..bref- et lui fit signe de décamper.
« Aller ouste. »
Penaud, l’homme repartit avec le ticket de caisse décorer d’un phallus. Awa enfoui son visage dans ses bras en baîllant et observa la salle, lorsqu’une touffe de cheveux coloré piqua sa curiosité...