Rhea ferma son grimoire de Métamorphose non sans marquer sa page. Devant elle, s'étalait une large page de parchemin, première d'une petite pile de deux autres pages griffonnées recto-verso. Elle reboucha précautionneusement ses encriers et nettoya ses plumes avec un mouchoir déjà noir d'encre. En rangeant ses affaires, la jeune fille prit soin de glisser dans une pochette son devoir achevé pour que les angles ne se cornent pas. Dans son sac, tout était parfaitement en ordre, ses grimoires étaient rangés par tailles. Entre chacun d'entre eux, il y avait une pochette de couleur différente qui contenait les devoirs à rendre ou les notes prisent en cours. Dans la poche sur le devant du sac, se trouvait deux plumes, deux encriers et l'étui de sa baguette. Elle hissa le tout sur son épaule, non sans perdre un peu l'équilibre puis se dirigea vers le dortoir des filles pour déposer ses affaires. Un coup d'oeil à la montre de sa voisine de lit lui apprit qu'il était 19h passé. Il ne lui restait qu'une seule petite heure avant d'aller manger. Pourtant il fallait absolument qu'elle refasse sa couleur. Les racines de ses cheveux n'avaient pas repoussé mais sa dernière création tenait mal. A peine posée deux jours auparavant, elle avait disparu de certaines de ses mèches, laissant apparaître par endroit la couleur naturelle de Rhea. Et cela était absolument insupportable. Elle devait avoir raté la base de la potion pour qu'elle glisse ainsi après un petit shampoing. Sans être catastrophique pour son image - après tout de nombres sorcières n'étaient prêtes à assumer une couleur capillaire extravagante que quelques heures - c'était tout de même dérangeant. Il faudrait qu'elle revoit la recette rapidement.

Un peu morose sous les effets conjoints de cette teinture ratée et la nuit tombante, Rhea entreprit de se diriger vers la salle de bains des filles. Elle prit une serviette propre dans sa malle, une bouteille de gel douche et une fiole de shampoing. Dans sa table de nuit, elle sélectionna deux autres mixtures: la première incolore et poisseuse, la seconde d'une douce couleur mauve qui tourbillonnait, lançant des éclairs cotonneux argentés. Sur le point de partir, elle aperçut un Sorcière Hebdo, posé nonchalamment sur le matelas d'une condisciple. Fidèle à ses habitudes, Rhea ne s'embarrassa pas de politesse et ajouta le magasine à son butin.

Il n'y avait pas grand monde dans la Salle de Bains. A cette heure-ci, les Gryffondors se détendaient quelques parts dans Poudlard ou finissaient leurs devoirs. Une fille terminait de ses maquiller et elle ne fit aucun commentaire sur le magasine volé. Sans doute n'en était-elle pas la propriétaire. Rhea posa ses affaires à côté de sa cabine. Après une toilette prise à grand renfort d'eau brûlante, la jeune fille versa la potion poisseuse sur ses cheveux. Aussitôt, l'eau se colora en bleu et les cheveux de la jeune fille dégorgèrent, vomissant leur teinture magique sur les pieds de la jeune fille. Lorsque Rhea sortit enfin de la cabine, vingt bonne minutes plus tard, elle portait sa serviette blanche enroulée autour de son corps, coincée sous ses aisselles et dévoilant une bonne moitié de ses cuisses. De toutes façons personne n'était là pour lui faire remarquer sa tenue indécente. Seule dans la grande salle de bains, Rhea se sécha les cheveux avec une autre serviette oubliée, au mépris de toute hygiène. De toutes façons, elle venait de s'asseoir au milieu des cabines, directement sur le sol, ses fesses seulement protégées du carrelage par sa serviette pelucheuse. Mais cela ne semblait pas déranger Rhea outre mesure qui tranquillement démêlait ses cheveux. Elle ouvrit ensuite la fiole argentée et déversa le liquide sur chacune de ses mèches. Quand l'opération fut enfin terminée, il faisait nuit dans la Salle de Bains et Rhea commençait à douter qu'il reste quoique ce soit dans la Grande Salle quand elle arriverait enfin.
De toutes façons, il fallait au moins vingt autre minutes pour que la couleur prenne et un autre lavage pour retirer le surplus. Rhea prit donc son mal en patience et commença à feuilleter le Sorcière Hebdo posé sur ses genoux.

Sans s'en rendre compte, Rhea avait semé à elle seule la zizanie dans la salle de bains. La cabine qu'elle avait utilisé avait été repeinte en bleue, du sol aux parois. Le couloir central est constellé de ses bouteilles de toutes tailles; le moindre lavabo sec avait été gavé de vêtements; sa brosse à cheveux balancée on ne sait comment pointait ses picots vers le plafond comme les dents d'un piège à loup. Elle, si ordonnée avec son espace privé, n'avait aucun respect pour celui qu'elle partageait avec ses congénères.

Sirana se baladait dans le château, les mains dans les poches. Le dîner allait être posé dans moins d'une petite heure, mais elle n'avait pas faim. Elle préférait s'abandonner à une petite promenade nocturne, comme elle les aimait, profitant du temps qui la séparait du couvre-feu. Les autres élèves de son âge préféraient sans doute étudier ou passer du temps entre eux, mais Sirana appréciait le fait de se retrouver seule, après le coucher de soleil, déambulant dans le château. Cette grande bâtisse l'avait toujours impressionné, et même après toutes les fois où elle en avait parcouru les moindres recoins, il ne cessait de l'étonner.
C'est donc les yeux remplis d'étoiles qu'elle progressait dans les couloirs de Poudlard.
La 6ème année se décida à rejoindre sa salle commune, puis regarda sa montre, qui indiquait 20h. Elle soupira et passa une main dans ses cheveux ; bien que ce n'était pas la première fois qu'elle manquait l'heure du dîner, cette non-gestion du temps chez elle l'exaspérait toujours. Si on pouvait qualifier Sirana en un seul mot, ce serait sans doute "tête-en-l'air", d'après elle, même si on pourrait y ajouter plusieurs autres adjectifs, celui-là était en tête de la liste.
D'une démarche gracieuse et rythmée qui lui était propre, elle regagna sa salle commune, en se hâtant légèrement. Durant sa longue marche, elle avait plusieurs fois ressenti une envie pressante, et la proximité de la Salle Commune de Gryffondor ne faisait que l'accroître. Très peu élégant, n'est-ce pas ?

Lorsqu'elle fut aux portes de la Salle Commune, elle prononça le mot de passe en chuchotant - ce qui n'était pas forcément nécessaire, mais elle aimait conserver cette notion de "secret" -, avant de pénétrer dans la salle. Certains élèves étaient attroupés autour de la table basse en face de la cheminée, où crépitait un grand feu. Ils semblaient captivés par quelque chose. Sirana s'approcha de quelques pas et se pencha légèrement vers la source de leur attention : un autre article de Journal dans la "Gazette du sorcier". La jeune sorcière sourit légèrement, puis tourna les talons et se dirigea vers le dortoir des filles. Lorsqu'elle ouvrit celui-ci, la première chose qui lui vint à l'esprit en voyant l'état bordélique de la pièce était : "Il faudrait peut-être que je me bouge à ranger."En effet, malgré que son lit et ceux de ses colocataires de chambres soient fait, le bazar qui régnait dans la chambre était infernale : des livres étaient entassés les uns sur les autres un peu partout sur le sol ; des parchemins froissés et tâchés de café trônaient ; des sous-vêtements sales étaient accrochés aux poignées des fenêtres ; ... En bref, il faudrait plus d'une journée pour décrire ce carnage. Sirana arqua un sourcil. Après mur réflexion, elle haussa les épaules et sortit de la chambre comme si de rien était, et regagna la salle de bain de la Salle Commune, toujours les mains dans les poches.

Elle ne prit pas la peine de toquer pour savoir s'il y avait quelqu'un, et ne remarqua même pas le bazar de la salle. Elle s'assit sur le rebord d'un lavabo, joignit ses genoux, les entoura de ses bras et posa sa tête dessus. L'année venait à peine de commencer qu'elle était déjà épuisée. Pourtant, elle n'avait pas tant que ça de devoirs pour l'instant, mais la perspective de leur arrivée la laissait las et morose. 

Le sommeil commençait à gagner la jeune fille qui, la veille, n'avait pas dormi : elle avait passé sa soirée à essayer de toucher le feu de la salle commune, comme à son habitude. Si quelqu'un l'avait vu, il l'aurait pris pour une attardée mentale bonne pour St. - Mangouste... Elle s'était d'ailleurs brûlé le doigt cette nuit-là mais, étrange comme elle était, elle n'avait même pas pris la peine de se soigner : résultat, son index était enflammé et gonflé comme un ballon.

Elle commençait à tanguer, ne tenant plus sur place, quand tout à coup, elle s'écroula sur une pile de vêtement dans le lavabo, dans un bruit sourd. Ses bottes tombèrent au sol dans un fracas qui la réveilla aussitôt en sursaut Ce déséquilibre la fit tomber au sol, sur le dos, et elle poussa un cri de stupeur et de douleur. Elle souffla, et se frotta les yeux, irritée. N'était-il pas possible de dormir tranquille, ici ? Lorsqu'elle recouvrit la vue, ses globes oculaires sortirent de leurs orbites : elle découvrit le bazar monstre de la salle de bain des Gryffondors. On aurait dit qu'il y avait eu une pyjama party ! C'était pas possible ! Même elle, la fille la plus bordélique au monde, ne créerait pas autant de bazar dans un endroit public ! 

Des bruits de pas résonnèrent soudain dans la salle. Sirana se figea. Elle n'était pas seule. La légèreté des pas laissait deviner la nature de l'intrus : une jeune fille. La 6eme année se leva lentement, son chignon complètement défait par sa chute, et s'approcha de la source des pas, quand elle se retrouva face à une fille plus petite qu'elle de taille, aux cheveux bleus et une serviette enroulée autour du corps. Elle soupira de soulagement. Sirana pensait que c'était encore les 5ème années qui s'étaient introduit dans les dortoirs des filles pour y exercer toutes leurs mauvais tours de passe-passe ridicules, ou pour épier des filles en train de se pomponner le matin.

Elle croisa les bras sur sa poitrine et bailla. La fille à la chevelure bleue ne l'avait toujours pas remarqué.

Sirana toussa doucement, le regard inexpressif.