J’ai toujours apprécié le principe même du cours de Runes. Ce n’est pas ma matière préférée mais c’est une option qui mérite d’être suivie de près. Elle se base sur les fondements même de la magie et son usage, bien qu’ancien, demeure toujours efficace. Cela fait deux ans que je travaille cette matière du mieux que je le peux et, à vrai dire, je n’ai jamais rencontré la moindre difficulté. Aussi, face à ce nouveau visage qui nous fait face, n’apparaît sur le mien aucune appréhension ou moindre trace de stress. Une fois de plus, je réussirai mes examens de manière brillante, comme toujours. Je passe mes journées à étudier, complexifiant mes recherches pour qu’elles soient plus développées que les notions vues en cours. Après, il est évident que certaines matières m’intéressent un petit peu plus que d’autres comme l’Histoire de la Magie ou la Défense contre les Forces du Mal. Néanmoins, les runes montrent également leur lot d’intérêt et je n’ai éprouvé aucun ennui à la lecture de grimoires que mon père et ma tante possèdent dans notre grande bibliothèque familiale.

J’aperçois les autres élèves arriver derrière moi. Ces idiots ne comprennent rien à la plupart des cours et ils osent sur peupler cette option ? Désolant. Qu’ils s’en tiennent à la Divination, cet art nébuleux qui n’a rien de fiable. En compagnie de ma meilleure amie Anthea, je m’installe à une table, au deuxième rang. Le manuel scolaire est déjà posé sur notre table et sans même avoir l’aval de notre professeur, je commence à le re-feuilleter, comme je le faisais déjà l’an dernier, ainsi qu’en troisième année. Les pages n’ont pas bougé, je le sais. Mais je ne suis jamais lassée par la relecture de points importants, ni même par le fait de tourner simplement ces belles pages parfumées de neuf. Mon amour pour les livres est sûrement une part de moi qui me rend si incomprise et, à vrai dire, je n’ai que faire de l’avis pitoyable des autres. Je ne compte que sur moi-même.

Quelques instants plus tard, le sourire niais du professeur McMorgan se dessine et il introduit son cours. Tout en feuilletant le livre, le coude posé sur la table et ma main soutenant ma tête penchée sur le côté droit, j’écoute ce qu’il dit. Je sais faire deux choses à la fois donc cela m’arrange plutôt bien. Il nous annonce les bienfaits des Runes quand elles sont bien utilisées en alliance avec des sortilèges. C’est sans doute ce côté-là qui est tant fascinant. Les possibilités peuvent être gargantuesques et en devenir un expert peut promettre de belles formes de magie. Néanmoins, le danger n’est pas inexistant et il déclare que l’effet inverse peut être dévastateur. Mais cela, c’est évident, je le sais déjà. Ce qui m’intéresse le plus, c’est cette fameuse rune sur laquelle je viens de tomber en tournant les pages.
Je relève ma tête, déposant le long de mon bras sur la table, comme si j’avais découvert quelque chose.

Othalaz… page 37.

Othalaz symbolise l’héritage de nos ancêtres, le patrimoine spirituel qu’ils nous ont légués. Othalaz renforce aussi nos liens avec les autres membres de notre groupe ou de notre famille en général. Dans sa valeur Divinatoire, elle annonce la découverte de ses racines, ou de sa véritable famille. […] Enfin elle peut aussi annoncer que nous allons recevoir quelque chose qui nous est dû.

Je pense à mon père, actuel professeur de défense contre les forces du mal. Nos liens sont tendus. Il ne m’aime pas, il est distant, froid et cynique avec moi. Je le lui rends plutôt bien. Mon sarcasme, je l’utilise pour le piquer. Il a toujours privilégié son travail à sa situation personnelle et quand bien même il m’a promis de s’occuper de moi, je ne vois là, depuis la rentrée, qu’une promesse qui n’a nulle valeur ou nulle intention d’être respectée. Néanmoins…

Je lève la main avec une grande détermination perceptible sur mon visage. Aucun signe de ce que je compte faire ou ai l’idée de faire.

« Professeur, jusqu’à quelle mesure peut-on employer les runes dans le but de changer une situation ? Leur influence n’est pas que physique mais elle peut être mentale. Couplée à la magie, quelles sont les limites et les possibilités ? »

Je suis pressée. L’idée me vient à la vitesse de la lumière.

Un malheureux petit point en moins pour avoir ouvert le livre sans sa permission ? J’ai envie de ricaner devant tant de rigidité. Allons bon, je n’ai perturbé le cours de personne à ce que je sache. Toutefois, je me retiens de répondre quelque chose, sinon cela ne ferait que retarder la réponse que je quémande tant. Je me contente d’observer calmement son air sévère, ne m’attardant pas plus que cela quant à son agacement. Il reprend ensuite la parole pour me livrer son point de vue des choses quant à mes interrogations, après m’avoir attribué cinq points. J’hausse les sourcils, étonnée mais tout de même ravie au fond de moi, même si je ne le montre pas. Cinq points de gagné, au total. Il faut croire que je m’y prends toujours bien pour poser des questions pertinentes.

Faisant régner un petit suspens, l'expert sort ses lunettes et me scrute. Les runes n’ont de limites que celles imposées par leur nombre, notre imagination, notre morale et la loi. Leurs possibilités demeurent tout de même incommensurables. Toutefois, elles doivent être utilisées à bon escients et non pas pour faire le mal. Je me doute bien que blesser une personne n’est pas la finalité de ces petites pierres mais est-ce que changer mon père lui causerait du mal ? Je ne crois pas. Au contraire, cela le transformerait en quelqu’un de plus correct et de plus paternel.

Je le suis des yeux tandis qu’il se lève, les mains dans son dos.

La suite de ses paroles s’avère remplie de sagesse. Je comprends que le terme « changer » est risqué et sans doute peu adéquat. Forcer une personne, c’est comme le soumettre au sortilège de l’Imperium. Or, je ne tiens pas à l’emprisonner dans une magie malsaine, ni même gâcher mon avenir brillant à Azkaban. Je demeure donc attentive à ce mot : « influencer ». La solution que je cherche se cache sûrement derrière cela. Je me mordille doucement la lèvre inférieure, pensive tout en ne lâchant pas l’enseignant de mes iris océan. Sa carrure sévère ne m’impressionne pas mais elle me montre au moins que le sérieux dont il fait preuve n’est pas là pour une raison futile. Il considère ce genre de choses avec beaucoup de précaution, comme on peut s’y attendre de tout professeur. Dans l’ensemble, je dirais que ses explications me conviennent et j’hoche la tête positivement lorsqu’il me demande si cela m’a satisfait.

« Je pense que je n’ai rien à ajouter, professeur. » Affirmé-je sur un ton calme.

Je l’observe encore pendant quelques secondes avant de baisser lentement les yeux vers le nom de ‘Othalaz’ sur la page ouverte de mon manuel. Cette réflexion me semble importante pour ce que j’envisage de faire.

Influencer mon père, hein…

Je trouverai comment faire pour lui montrer ce fameux droit chemin. Pour cela, j’allais devoir encore plus étudier les runes de manière approfondie pour ne pas commettre d’erreurs. Je ris intérieurement de moi-même à l’idée de savoir que j’ose fournir tant d’efforts pour un adepte du Ministère qui ne pense qu’au travail et qui voit le mal partout et pourtant, je ne peux guère m’empêcher de vouloir le faire. C’est plus fort que moi. Il faut que j’essaie.