Mode d'Emploi : Comment être ridicule ?

Lorsque j’émergeai de mon lit à sept heures, la première chose que je fis fut de me passer un bon coup d’eau sur le visage. Je m’étais couchée trop tard la veille à cause d’une soirée pyjama avec Evelynn Lovespell. Sur le coup, on s’était bien amusées mais là, tout de suite, je n’avais pas l’impression de pouvoir assumer cette quasi nuit-blanche. Je me sentais tellement claquée et j’avais cours à neuf heures, dans les serres. A vrai dire, j’hésitais presque à sécher ce cours que je ne trouvais pas si utile que cela, au final. Cela n’allait pas me tuer que de rater une séance à arracher des tiges de plantes hyper dangereuses, ou que savais-je encore.

Me ressuyant le visage avec une serviette, je passai vingt bonnes minutes sous la douche, m’apaisant avec une eau bien chaude. Dès le matin, cela aidait à avoir un peu plus la pêche. Une fois habillé, je me brossai les dents et m’attardai un peu sur mon maquillage du jour, abordant des tons pastels pour obtenir un résultat naturel. Une fois satisfaite, je quittai le miroir des yeux et attrapai rapidement ‒ sans trop regarder ‒ le premier serre-tête qui me passa sous la main. Un accessoire noir de jais, si je me souviens bien. Je l’enfilai en baillant une dernière fois avant de sortir de la salle de bain. Toutefois, ce que j’ignorais, c’était que j’avais pris le serre-tête d’une camarade et non pas le mien ; je ne le sus pas sur le coup mais sur ce même serre-tête étaient collées deux oreilles de lapin brillamment tissées.

La mine blasée, je quittai la salle commune de Gryffondor en saluant mes camarades sans trop d’entrain. Certains m’observaient avec un sourire malicieux sur les lèvres mais j’étais bien trop fatiguée pour chercher à comprendre plus loin. Ma douche ne faisait pas tant que cela effet, finalement. C’était limite si je ne trainais pas mon sac derrière moi lorsque je descendis d’étage en étage pour me diriger vers la Grande Salle. Et même là-bas, des rires se faisaient entendre partout autour de moi. Je fronçai les sourcils, un peu intriguée. Se foutaient-ils de moi ? Non, c’était débile de se moquer de quelqu’un parce qu’il avait la tête dans le cul. Cela arrivait à tout le monde, à cette heure-là. J’haussai les épaules, me disant que je me trompais sûrement. Ils rigolaient certainement d’un élève derrière moi, c’était plus logique.

Sans relever la tête une dernière fois, je pris mon petit déjeuner, savourant mes toasts et mon chocolat chaud avec plaisir. Je pris mon temps, ne repérant pas encore des têtes familières. Et quand, enfin, je décidai de quitter la pièce pour prendre un peu l’air avant de me rendre en Botanique, quelqu’un me tapota l’épaule. Je me retournai et un élève de Gryffondor m’accosta avec un sourire narquois sur les lèvres :
« Sympa ton style ! »
Déstabilisée, je mis un certain temps avant de répondre. Il parlait peut-être de mon maquillage, non ? Oui, c’était sûrement ça.
« Ah, merci. » Répondis-je, un peu gênée.
Je lui rendis son sourire et franchis le hall d’entrée avant d’emprunter les lourdes et épaisses grandes portes d’entrée. Un petit vent agréable m’accueillit, suivi de doux rayons de soleil chauffant. L’été demeurait présent et, à vrai dire, je n’étais pas pressée de l’arrivée de l’automne. Je traversai le parc en remettant bien mon sac sur les épaules, affrontant, encore une fois, des regards amusés vers moi.
« Mais merde, je n’ai rien mis de spécial sur moi que je sache… » marmonnai-je discrètement.
Très franchement, je ne comprenais pas pourquoi j’avais le sentiment que le monde s’attardait sur moi, aujourd’hui. Soit ils étaient bizarres ou soit je me faisais des films. Quoi qu’il en soit, je me posai contre un arbre, décidée à me poser confortablement face au soleil, en attendant que l’heure défile. De temps à autres, je jetais des petits regards furtifs autour de moi, devenant sans doute paranoïaque.

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Admirer les collines qui entouraient le grand Lac Noir à cette heure-là constituait un spectacle grisant. Si je n'étais pas aussi lève-tard que cela, je profiterai sûrement de chaque matinée pour pouvoir contempler le paysage que nous offrait le parc. C'était une belle occasion pour me perdre dans toute cette immensité radieuse et de réveiller mon cerveau. J'assumais toujours pas cette fameuse soirée avec Evelynn et je me doutais bien que le cours de Botanique nécessiterait toute mon attention. Le pire serait sans doute cet après-midi avec trois heures de Métamorphose. J'adorais cette matière mais, très franchement, cela demandait une telle concentration que je n'étais pas certaine de pouvoir bien gérer aujourd'hui. Plaquant une main contre ma bouche, j'émis un léger bâillement avant de fermer doucement les yeux, profitant d'humer cette douce odeur d'herbe et de fleurs des alentours. Je n'entendais même plus la rumeur des conversations provenant des autres élèves. Il n'y avait plus que cette belle nature qui se confondait entre les chants des oiseaux ou le bourdonnement de certains insectes volants. J’aurais aimé piquer un somme, histoire de rattraper quelques minutes de sommeil, mais je n’étais pas certaine de me réveiller avant que mon cours matinal ne commence. Je ne ressentais guère l’envie de faire quoi que ce soit, que ce soit lire un livre ou étudier un peu. Non, je souhaitais juste un peu de tranquillité et, pour une fois, j’appréciais cette solitude qui me détendait. Si je ne m’étais pas encore précipitée dans mon lit après le cours de Métamorphose, peut-être que j’irai voir Louna.

Mais alors que je demeurais toujours paisible sous mon arbre, voilà qu’une voix drôlement familière me contraignit à rouvrir les yeux et à tourner la tête. Mes traits se durcirent, mes sourcils se froncèrent et je laissai échapper un fin soupir. Oh, pas elle.

Cela faisait longtemps que je n’avais pas vu sa grande et fine silhouette. Ashley Rosenbach avait redoublé suite à ses échecs aux BUSEs ‒ conséquences de son manque de sérieux et de son exclusion j’imagine ‒ donc elle ne suivait plus les mêmes cours que moi. Cela m’avait pas mal réjouie de l’apprendre. Cela m’évitait de la croiser trop souvent dans les couloirs et je me prenais moins la tête avec elle au beau milieu des cours. Elle avait la manie d’être particulièrement nonchalante avec le professeur Winslow et je ne me gênais jamais pour la tailler à ce sujet. Depuis cette rentrée, j’avais donc pris l’habitude de ne plus la voir à proximité et je le vivais parfaitement bien. Je pensais m’en être débarrassée pour un moment mais il fallait croire que le passé rattrape toujours le présent. Je la laissai s’approcher de moi, me demandant si j’allais réellement prendre le temps de me disputer avec elle, aujourd’hui.

« Ouais et je pense même que tu aurais pu faire durer l’attente en traçant ton chemin. » Répondis-je sans conviction.

Je me doutais bien qu’elle allait venir pour me faire chier. Elle ne savait faire que cela quand j’étais, bien qu’il n’était pas faux de dire que je le lui rendais plutôt bien. Elle en était même venue à un point où je m’étais mise en colère à son retour à Poudlard et que ma baguette en avait payé les frais. J’avais dû en racheter une nouvelle qui soit moins sensible à mes conflits intérieurs. Depuis, je n’avais plus rencontré le moindre problème. Mais se séparer d’un bout de bois qui nous suivi depuis le début de notre scolarité fait toujours un peu mal alors j’ai mis une certain temps à m’adapter à la nouvelle.
Ashley m’extirpa de mes pensées lorsqu’elle m’évoqua mon style. Je l’avais changé ? Elle avait de la merde dans les yeux, ouais. Je fis une drôle de tête, la regardant avec dégoût comme si elle avait de la morve coulant de son nez.

« Changé de style ? »

Non seulement elle n’avait rien d’autre à faire que de venir se présenter à moi et m’adresser la parole mais en plus, ses propos n’avaient aucun rapport avec la situation. La drogue cause beaucoup de troubles cérébraux, on dirait. Je continuais de la fixer étrangement tandis qu’elle en parlait de carottes, de concours de beauté et de lapin obèse.

« Mais je t’emmerde, lâchai-je, stupéfaite et incompréhensive. Puis, qu'est-ce que tu baves de carottes et de petite diète ? Je mange très bien chez moi ; c’est de la haute gastronomie équilibrée, pas comme dans tes quartiers douteux. Et quel est le rapport avec les lapins ? »

J’étais assez dédaigneuse mais il fallait bien avouer qu’elle faisait tout pour me chercher. Par quartiers douteux, j’entendais d’ailleurs par là le fait qu’elle devait sûrement fréquenter des coins où l’on ne croise que des drogués ou autres personnes effectuant divers trafics illicites. Je ne m’y connaissais pas du tout mais on en entendait parler lorsque des moldus venaient dans notre restaurant.

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Elle ne me manquait absolument pas. Le fait de ne pas l’avoir dans ma classe constituait une sorte de vacances scolaires durant lesquelles personnes ne me faisait chier. Je n’avais plus à devoir me salir les poings pour lui en foutre une et à ce qu’il paraît, elle avait déjà trouvé quelqu’un pour me remplacer. Je n’avais pas eu le nom de la fameuse personne mais je lui espérais bien du courage pour supporter une telle plaie. Par ailleurs, son absence au cœur de mon quotidien m’avait permis de dresser une solide barrière contre l’arrivée intempestive de certains souvenirs indésirables. Malheureusement, cette barrière venait de se briser rien qu’en la voyant m’approcher. L’image de ces affreux champignons magiques me revinrent en tête… Depuis cette soirée, je détestais les champignons et je faisais attention lorsque j’en voyais dans mes plats. Leur saveur était bonne mais je craignais une rechute. Je me souvenais encore de ce contact épouvantable que j’avais eu avec Ashley. J’avais complètement halluciné au point de la confondre avec Keagan. J’avais encore le goût de ses lèvres contre les miennes… un parfum sucré qui me provoquèrent de sales frissons. Si cela n’avait pas été d’elle dont il était question, j’aurais peut-être pu en faire un bon souvenir de soirée. Mais là, non, hors de question. Et plus j’observais sa tête, plus je repassais en boucle cette misérable scène. Heureusement qu’elle m’extirpa de mes pensées en abordant un sujet totalement à côté de la plaque. Cela eut le don de m’intriguer suffisamment pour me concentrer sur autre chose. Déjà, son rire m’insupportait. J’ignorais la raison pour laquelle elle se foutait de ma gueule mais si elle continuait ainsi sans raison, je finirai sans doute par régler mes comptes avec elle. Ne pouvait-elle pas s’atteler à une activité plus productive ? Et voilà qu’elle tentait de me faire croire que sa mère était chef pâtissière et qu’elle ne vivait pas dans des quartiers douteux.

« Des pâtisseries ? Je la voyais mieux dans la culture de marijuana. » Fis-je narquoisement.

Il était vrai qu’elle était plus fine que la moyenne et je m’étais parfois demandée si elle mangeait suffisamment ou si c’était son métabolisme qui était comme ça. Quoi qu’il en soit, je doutais vraiment de la véracité de ses propos même si ce n’était pas impossible. Je ne connaissais rien de sa vie, mis à part ce qu’en disaient les rumeurs. Je pouvais juste être certaine qu’elle fréquentait les milieux douteux mais pour ce qui était du métier de ses parents, je n’en avais aucune idée. Peut-être étaient-ils en difficulté, ce qui expliquerait la déviance dans laquelle Rosenbach était plongée depuis des années. Mais au fond de moi, je savais que je ne souhaitais pas la croire tout simplement par principe.

Toutefois, je dus revenir un peu sur mes propos lorsqu’elle sortit un emballage qui dissimulait des gâteaux et plus particulièrement des muffins. Elle les avait volés aux elfes de maison ou bien… ? Je m’en méfiais un peu même si, au fil des secondes, je commençais à penser qu’il s’agissait peut-être bien d’une création de sa mère. Contre tout attente, elle m’en fourra un dans la bouche sans même que je ne l’y autorise. Au départ, j’hésitai à le recracher ; on ne sait jamais ce qu’elle aurait pu mettre dedans. Je lui lançai un regard outré. Mais guidée par une intuition positive venue de nulle part, je finis par croquer dedans en laissant mes papilles tester la friandise…

C’était juste excellent. J’affichais un regard un peu hagard, visiblement surprise par le goût de ce muffin qui ressemblait pas mal à ceux de ma tante Alys. Bon, il y avait un petit mélange d’ingrédients que je ne reconnaissais pas encore ‒ certainement une saveur inventée ‒ mais c’était délectable. Le coulis de framboise était succulent… Je continuais de le mâcher tranquillement, ne sachant pas vraiment comment réagir face à cela. J’espérais juste que mon instinct n’ait pas eu tort de me faire manger ça, car je le sentais de loin le coup d’avoir mis une potion douteuse dedans.

En temps normal, j’aurais complimenté le talent culinaire de la personne ayant fait la pâtisserie. Mais il s’agissait de Rosenbach. Je ne pouvais pas la complimenter, surtout pas devant son regard toujours aussi moqueur. Elle peut toujours courir. J’attendis sagement d’avaler le dernier morceau avant de faire mine de réfléchir, le tout en prenant un air professionnel :

« Mmh, ça peut aller. J’ai été un peu étonnée mais je dirais que j’ai déjà mangé beaucoup mieux que ça. Disons que ça passe pour un petit goûter pour les enfants. »

Je lui rendis son sourire. Dommage que sa mère ait engendré une fille aussi casse-couilles. Je n’avais vraiment rien à dire sur son muffin, c’était digne d’être en affiche dans la vitrine d’un restaurant. Je ne répondis rien à sa remarque quant à un futur régime : je ne me sentais absolument pas visée. Je m’alimentais bien et je faisais du sport fréquemment donc elle pouvait bien aller se faire foutre à ce sujet. Je me contentai de l’ignorer tout simplement. Elle avait même cessé de rire après cela, pour reprendre à propos du fameux lapin dont je ne comprenais pas la raison d’en discuter. Cela l’amusera ‒ une fois de plus ‒ mais je ne m’en préoccupai pas. Me référer à mon crâne ? Disait-elle ça dans le sens propre ou figuré ? Je réfléchis durant un instant, observai tout autour de moi à la recherche d’un lapin, puis constatai qu’il n’y avait rien. Quoi que… elle avait parlé de mon style toute à l’heure, non ? Mon style… Je jetai un autre regard à mes fringues : elles étaient normales. Non, vraiment, je savais pas de quoi elle parlait.

« Je sais pas ce que tu as fumé. Si tu m’interromps dans ma tranquillité, fais au moins en sorte que ça ait du sens. J’ai pas de temps pour les idioties, surtout quand elles viennent de toi. » Répondis-je, agacée.

Crâne... crâne... Merde, j'étais pourtant perspicace, d'habitude. Cela m'énervait de ne pas comprendre ses propos et j'avais le sentiment que ce qu'elle disait avec du sens. Depuis toute à l'heure, on me regardait bizarrement en lâchant des rires stupides...

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Sa génitrice ? Je fronçai les sourcils, suite à cette annonce. Elle venait de sous-entendre que sa mère ne possédait pas de plants de cannabis mais que sa génitrice si. Ce n’était pas la même chose, ces deux-là ? J’étais pas mal perplexe. A moins qu’elle ait deux mamans ? On m’avait parlé du mariage pour tous chez les moldus. Quelque chose du genre. Je ne savais pas comment elles pondaient leurs gosses dans ces cas-là, mais je supposais que seule l’une d’entre elle pouvait donner naissance à une fille. Peut-être qu’elle avouait que celle qui l’avait accouchée plantait du cannabis et que l’autre ‒ qui restait tout de même sa mère ‒ se contentait de faire des pâtisseries ? C’était assez inhabituel comme situation mais Ashley venait pas mal de m’intriguer sur ce coup-là. Je l’observai sans ne rien dire.

« J’savais pas. Ca va, c’est pas trop dur de le vivre au milieu des autres ? »

Contre toute attente, je lui demandais cela comme si de rien était, oubliant que j’avais cette pourriture d’Ashley devant moi. Mais j’étais curieuse et rien n’éteignait mon envie d’en savoir plus au sujet des familles « étranges ». Nous en vînmes ensuite rapidement au sujet des muffins auquel mon avis s’était avéré assez sévère mais je ne souhaitais pas lui faire part de mes compliments. Cela ne servirait à rien, mis à part lui donner satisfaction. C’était con comme réaction. Mais on avait trop l’habitude de ne pas se blairer et de se lancer des piques, alors, forcément, on ne pouvait pas se permettre de se complimenter. C’était comme ça. En fait, ce qui venait de m’interpeller était le fait qu’Ashley ne s’était pas montrée trop agressive pour une fois. En y repensant, c’était moi qui avait lancé les hostilités, aujourd’hui. Mis à part pour le régime d’obèse ‒ qui était une attaque bien basse ‒ je n’y lisais pas vraiment de la méchanceté ou de la sournoiserie dans ses yeux. C’était comme si mon absence dans son quotidien l’avait… transformée ? Cette idée me ferait presque sourire. Ashley avait d’ailleurs vu juste quant au fait que je trouvais les muffins vraiment bons. Elle était dubitative et je savais qu’il était sans doute inutile de nier trop longtemps. Ce serait assez ridicule de ma part, autrement. Et le ridicule… j’avais l’impression qu’il me suivait depuis ce matin.

« Admettons qu’ils soient effectivement bons. Ta mère tient une boulangerie ? » Demandai-je, perplexe.

Non parce que j’avais du mal à concevoir l’idée qu’une femme qui s’attardant sur des bons gâteaux puisse laisser sa fille mal tourner. A moins que ça ne soit l’autre mère qui la pousse à commettre des méfaits comme la consommation de drogues ? Peut-être qu’Ashley ne se rendait donc pas compte du mal que cela pouvait lui faire, à elle et son entourage. Je fus frappée par cet instant d’illumination. Tout avait un sens, à présent. Dans ma tête, tout s’éclaircissait à son sujet. J’écarquillai les yeux durant une seconde, avant de me reprendre. Même si j’étais dans le bon, je ne pouvais rien faire pour elle. Nos relations demeureraient sans doute mauvaises jusqu’à la fin de nos jours. Au moins, cela nuancerait peut-être mon avis à son sujet… Je n’en savais que trop rien.

Je la scrutais sans discrétion pendant qu’elle tira une première latte de sa clope. Fumer dans le parc, vraiment ? Je soupirai. Mais bon, cela ne servait à rien de lui répéter la règle. Même moi, je ne les respectais pas avec Louna. Seulement, je ne pus m’empêcher de tirer une sale tronche lorsqu’elle me parla de costume intégral de lapin. J’ignorais ce qu’elle avait avec cet animal. C’était franchement saoulant à force. Néanmoins, je ne pus m’y attarder davantage, car elle parlait d’un petit quelque chose que je ne semblais pas avoir assumé.

« Bon, c’est quoi ton problème avec les lapins ? Demandai-je, sceptique et agacée à la fois. Je ne sais pas ce que tu as avec mon crâne d’ailleurs. Il va très bien, regarde ! »

Je le pointai du doigt en baissant légèrement la tête, jusqu’à ce que mon ombre ne dévoile quelque chose d’étrange. J’eus un mouvement de recul, avant de me tourner vers le soleil puis de re-baisser les yeux au sol. What ?! Sur ma tête, il y avait une sorte de… On aurait dit deux oreilles. Je portai ma main jusqu’à mon serre-tête et là, je pus sentir une des deux fameuses excroissances de mon accessoire. Mais que ? Aussitôt, je l’ôtai et, immédiatement, ma réaction fut sans appel.

« Oh putain… »

J’ignorai même la fumée qu’Ashley venait de me cracher à la gueule. Fumée qui sentait très bon, d’ailleurs. J’aimais bien celle de sa clope.

« Ne me dis pas que je me baladais avec ça depuis le début ? » L’interrogeai-je, carrément blasée.
Des oreilles de lapin… tu m’étonnes qu’elle se soit foutue de ma gueule, avec tous les autres.

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La harpie qui se tenait devant moi semblait un peu déconcertée par ma question pourtant toute simple. Peut-être ne voulait-elle pas que je m’engage sur ce terrain avec elle ? Enfin, ce serait con de m’avoir donné une information avant et ne pas l’assumer après. Mais finalement, le restant de sa phrase sembla me mener autre part que sur ma piste initiale. Je m’étais trompée ; elle n’avait pas deux mamans. Je fis comme si de rien était, peu désireuse de lui avouer que j’avais été à côté de la plaque. Ashley, adoptée ? Je ne l’aurais pas cru. Qui voudrait d’une chieuse déviante, puant la clope et étant insupportable ? C’était à croire qu’ils étaient masochistes, ses parents adoptifs.

« Laisse tomber. » Me contentai-je de dire.

Elle m’avait intriguée et ma curiosité demeurait toujours mais qu’elle soit adoptée me paraissait moins banal que d’avoir deux mamans. Et puis, je n’étais pas sûre qu’elle veuille m’en dire plus, au final. Bon, ce n’était pas comme si je m’intéressais à elle un peu plus de vingt secondes. En revanche, je devais bien avouer que les muffins valaient le coup et, visiblement, sa mère ‒ non-biologique du coup ‒ tenait une pâtisserie. A Londres. Je n’avais jamais trop visité le quartier moldu londonien puisque je venais du Pays de Galles mais savoir qu’Ashley avait une mère exerçant une profession tout à fait normale sonnait un peu étrange pour moi. Je crois bien que j’étais à la fois moins méprisante envers elle et déçue de savoir que je n’aurais pas l’occasion de la traiter d’éleveuse de canabis en compagnie de ses parents. C’était toujours amusant de la faire chier comme ça.

« Mmh, Londres… En tout cas, elle n’est certainement pas meilleure que ma tante Alys. Elle est imbattable au niveau des pâtisseries, que ça soit des pâtisseries moldues ou sorcières ! Le professeur Winslow les adore. »

Une petite pique lancée présomptueusement dans sa gueule parce qu’elle était prête à sauter dans le pieux du professeur de sortilèges. Lui et ma tante partageaient une relation amicale de longue date. Depuis leur scolarité à Poudlard, même. Je m’étais un jour demandée s’il y avait eu quelque chose entre eux mais Alys m’avait simplement dit non en détournant bien vite son regard. Faute de confirmation, je partais du principe qu’ils étaient juste des amis !

Bref. Peu après ce petit débat sur les pâtisseries, voilà que je venais de découvrir la raison des moqueries à mon égard. Non mais sérieux ; comment avais-je pu ne pas m’en rendre compte plus tôt ? Maintenant que j’y pensais, c’était vrai que ce machin était plus lourd qu’un serre-tête normal. Je crois que j’avais trop la tête dans le cul ce matin pour faire la différence. Ceci dit, cela n’empêcha pas l’autre imbécile de me narguer.

« Nan, tu peux te la carrer où je pense, ta médaille. » Fis-je un peu farouchement.

C’est bon, me sentir ridicule à cause de ces oreilles, c’était déjà suffisamment chiant ! Je repensais à tous ces regards depuis ce matin ; tu m’étonnes qu’ils s’étaient bien foutus de ma gueule. A leur place, j’aurais fait la même chose. Furieusement, j’enlevai l’accessoire et observai un nouveau muffin qu’elle levait bien haut, tel un trophée. Je n’en voulais pas de son foutu gâteau, même s’il était très bon. Et voilà qu’elle continuait son petit manège de « Foèbeuh Llewegremlins », face auquel je tirai une mine désintéressée, blasée et du style « Ouais ouais, très drôle… »

« Sympa, mais j’ai pas besoin de ta bénédiction. Tu me porterais malheur. »

Elle semblait ne pas trop m’entendre puisqu’elle me balança des grains de poudre blanche sucrée. Je dressai mes deux mains devant mon visage pour ne pas en recevoir sur la figure.

« Hé, dégage ! M’touche pas ! » Criai-je.

Elle ne me touchait pas vraiment mais c’était une manière de signaler mon mécontentement. Je secouai ma tenue pour m’en débarrasser et c’était sans compter mes pauvres cheveux qui devaient être ensevelis ‒ bon, j’exagère. Tandis qu’elle continuait sa cérémonie minable sur un air solennel, je me penchai de sorte à faire tomber en cascade ma chevelure devant moi. J’agitai un peu la tête, enlevai les résidus visibles avant de relever brusquement la tête, mes longs cheveux fouettant volontairement la tronche de cette morue.

Je me tournai ensuite vers elle, le regard rude et elle choisit ce moment-là pour me tendre un pseudo-microphone qui n’était autre que son muffin. Je crois qu’elle m’avait posté une question. Je n’avais pas trop fait gaffe, trop préoccupée à me ‘nettoyer’ mais elle voulait entendre mes soi-disant ressentis. S'il y avait bien un truc que je détestais, c'était que les gens que j'aimais peu se foutent de moi. Et là, j'allais me montrer beaucoup moins gentille.

« Ferme ta gueule, Rosentroll. » Tranchai-je très sèchement, le visage déformé telle une prédatrice sur le point de bouffer sa proie.

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C’était sans doute une lutte sans fin entre celle qui possédait le meilleur membre de la famille pâtissier. Elle sous-entendait que Winslow trouverait les créations de sa mère bien mieux que celles de ma tante. J’en doutais fortement. Certes, elle avait du talent pour faire de bons muffins mais ma famille avait vécu dans le milieu de la haute gastronomie alors il y avait tout de même un écart entre les deux. J’étais d’ailleurs très fière d’en faire partie. On m’apprenait beaucoup de choses depuis mon enfance et cela me servirait plus tard pour faire de merveilleux petits plats. Je n’avais pas pour ambition de reprendre le restaurant des Llewellyn ‒ ça, c’était pour l’un de mes grands frères ‒ mais cela ne m’empêcherait pas de m’en faire une passion plus tard, en plus du dessin et de l’écriture.

« Ca, c’est ce que tu crois. » Me contentai-je de dire avec un air de défi.

Rosenbach pouvait bien dire ce qu’elle voulait, moi, je ne la croyais pas. Elle commença ensuite à m’agacer plus que tout en me prenant pour une imbécile. D’accord, je n’avais pas remarqué que je portais des oreilles de lapin mais ce n’était pas une raison pour me faire chier avec sa poudre blanche à gâteaux. J’en avais reçu un peu partout sur mes magnifiques cheveux et je lui lançai un gros regard blasé pour lui montrer toute ma pensée. Après une autre pique, elle lâcha prise en m’accusant d’être susceptible. Peut-être. C’était même possible mais elle n’avait qu’à pas me chercher aussi. Le pire, c’était qu’elle se pensait drôle. Enfin, je me doutais bien que son but n’était pas de me faire rire non plus… à quoi je m’attendais de sa part, aussi ? A ce qu’elle soit sympathique et qu’on mange tous ses muffins en dansant, un bras sous l’autre ?

En quelques secondes, mon humeur était devenue encore plus massacrante à un tel point que je lui avais dit très rageusement de la fermer. Malheureusement, cela était trop lui demandé puisqu’évidemment, Ashley n’obéissait pas à ce type d’ordre. Elle était bien trop entêtée, rebelle et indépendante pour cela. Je ne m’étais pas attendue à ce qu’elle ne dise plus rien et reparte bredouille mais qu’elle cesse au moins de faire l’andouille. A la place, elle approcha son muffin contre mes lèves pour me forcer à le manger comme l’autre. J’eus un bref mouvement de recul, prenant un air agacé. « Hééé ! » C’était sans compter son ton pervers et malsain quand elle me demanda de l’avaler. Et puis cette idée de faire le petit train… C’était malaisant. J’avais l’image en tête ; Ashley me fourrant le muffin dans la bouche en criant des « tchou tchou »… Par Merlin…. Non. Je ne voulais pas de ça. Le muffin était sûrement aussi bon que le premier mais je ne voulais pas lui faire ce plaisir, en plus qu’elle me l’enfonce avec ce sourire sadique. Cela me rappelait cette horrible nuit d’été, au campement, quand je l’avais prise pour Keagan. Je vous laisse imaginer la tronche que j’ai pris quand je me suis rendue compte que ce n’était pas le beau Poufsouffle que j’avais en face de moi mais cette gueule de vipère droguée !

« Garde-le, ton muffin. Je n’en veux pas ! Et le sucre permet de mieux réfléchir, ça te ferait pas de mal, ma vieille. »

Et pour souligner son manque d’intelligence, je venais de lever le serre-tête en forme de lapin pour le lui mettre sur le crâne. Puis, je m’éloignai doucement d’elle, fuyant la vue de cet horrible muffin qui menaçait d’entrer de force dans mon estomac. Ashley était un petit peu plus belle comme ça, au moins ! Cela détendit un peu mes traits durant le temps où j’ajoutai sur un ton lassé :

« C'est cadeau et je le reprendrai pas. Ca te rend un peu plus crédible, incroyable. »

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