Le Poudlard Express

L’année arrivait à son terme. L’été nous faisait face avec son soleil grandissant, fort et fier de nous éclairer. Les nuages ne pouvaient guère lutter contre cette joie. C’était une bonne journée apportant à la fois la tristesse et la bonne humeur. Les septième année devaient se tenir prêts à quitter ces lieux à tout jamais, tandis que nous, étions ravis de revoir nos familles. Accompagnée d’Aurora, je lui racontai encore une fois quelques souvenirs datant d’il y a quelques mois. Nous avions fait pas mal de bêtises durant cette année intensive en révisions. Notamment avec Nora et Maxime. Face à nos méfaits, ma meilleure amie ne put s’empêcher de rire en ajoutant que l’on avait vraiment peur de rien. A vrai dire, la menace d’un renvoi n’était pas inexistante, surtout avec des professeurs comme Burgess à la botte de la directrice. Cependant, je tâchais de rester aussi discrète que Sloane. Je ne comptais pas ralentir mes efforts, estimant que le labeur de James se devait d’être poursuivi. Mais il était vrai qu’au fur et à mesure du temps, nous prenions un poil plus de maturité. Je me demandais bien où cela nous mènerait ; je souhaitais cependant à tenir cette promesse faite à mon aîné.
Après m’être traînée jusqu’à la gare en compagnie de tout le monde, je fis glisser mes bagages sur le bord du train. Poudlard était désormais derrière moi et j’allais devoir accueillir le vent de Cardiff, d’ici la fin de la journée. Montant à mon tour, je tirai mes valises jusqu’au couloir étroit où des dizaines et des dizaines d’élèves essayaient durement de circuler. Une chaleur épouvantable nous tiraillait de tous les côtés. Je sentis presque une goutte perler le long de mon front. Je me demandais si nous allions vraiment parvenir à passer une journée sous une telle chaleur épouvantable. L’hiver n’était pas ce que je préférais mais pour une fois, je regrettais la froideur des glaçons. C’était sans compter ces fétides odeurs qui se dégageaient de ces personnes malpropres qui s’agitaient ici et là, à la recherche d’un endroit où s’installer. Vite, je n’attendis pas plus longtemps pour ouvrir un peu la fenêtre, histoire de répandre cette horreur ailleurs. Quand un groupe de Poufsouffle se retrouva enfin assis dans leur compartiment, je pus poursuivre ma route, toujours en tirant ardemment mes affaires derrière moi. Aurora me suivait et semblait également pester contre les conditions environnementales. Mais ce qui la préoccupait le plus était de retrouver sa petite sœur Knoxslay. Elle voulait s’assurer qu’elle ne raterait pas le train. Sur ce coup-là, je la trouvais un peu trop attentionnée envers une peste qui lui avait gâché la soirée du bal. Mais j’avais beau le lui dire, elle restait têtue. Je pris donc la décision d’aller nous chercher des places et de la prévenir quand j’aurai trouvé un compartiment libre. J’espérais tout simplement ne pas coltiner Knoxslay durant tout le trajet et qu’Aurora la laisserait bien vite vaquer à ses activités quand elle se serait assurée de sa présence.
Me faufilant parmi les nombreuses personnes debout, je balayais tristement le regard en constatant que les banquettes se remplissaient petit à petit. J’aurais dû me bouger plus tôt. Les premiers sont toujours les mieux servis. Pourtant, cela faisait trois ans que je me faisais avoir. J’aurais dû apprendre la leçon ! Mes pas me menèrent lentement vers l’arrière du Poudlard Express, dans les derniers wagons. Voilà que mon sourire s’agrandit : un compartiment libre s’offrait à moi. Sans plus attendre, j’accélérai la marche afin de ne pas me la faire happer avant. J’ouvris rapidement la porte coulissante et… constatai que je venais de commettre une erreur. Je n’avais pas vu, assis dans un coin, la silhouette fine de Lloyd. J’étais arrivée dans son dos et je n’avais vu que la banquette d’en face où il n’y avait encore personne pour le moment. Il attendait sûrement ses amis... dont ce déchet d’Anastasia qui faisait office de sa meilleure amie. Les paroles d’Ashley m’avaient profondément troublée ces derniers temps… Je me demandais s’il était digne de confiance. J’avais du mal à me convaincre que oui, surtout avec cette connasse de Rothschild à ses pattes. Je soupirai.
« Désolée, je croyais que c’était libre. »

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Je haïssais cette coïncidence maladroite qui venait de me mettre un peu mal à l’aise face à la vue de Lloyd. Nos problèmes n’avaient pas été réglés. Nous étions toujours autour d’un conflit qui perdurait depuis bien trop longtemps. Ashley avait tenté de me faire comprendre qu’il était l’heure de laisser place au pardon mais je m’étais refusée de croire en ses paroles parce qu’elles émanaient de la bouche d’une fille que je ne portais dans mon cœur. Cependant, j’avais essayé de prendre un peu de recul. Un tout petit peu. Je pouvais désormais me poser, sans mépris, la question de savoir s’il était possible de lui faire confiance de nouveau. Je n’avais pas la réponse à cette interrogation mais le simple fait de me le demander montrait que je pouvais envisager cette possibilité.
A ma remarque, il m’invita à m’asseoir sur la banquette d’en face. Il ne me parut pas très assuré dans sa façon de le faire mais je pouvais le comprendre. Depuis l’épisode du Lac, nous nous étions perdus de vue. Ou du moins, j’avais tout fait pour l’ignorer. Il était normal qu’une certaine gêne s’instaure autour de nous. Cela ne me plaisait pas vraiment comme sensation mais c’était soit cela, soit un nouveau conflit. Actuellement, je ne pensais pas être d’humeur à m’embrouiller derechef. Ce fichu bal me trottait encore dans la tête alors je préférais ne pas m’emporter dans divers soucis à la fois.
Jetant un bref regard à la banquette, je ne savais pas si je faisais mieux de simplement m’en aller pour éviter une altercation. Mais où irais-je ? Squatter un groupe que je ne connaissais pas. C’était peut-être plus prudent que de m’approcher de Lloyd, non ? J’avais encore le souvenir de ce fameux coup de poing que je lui avais décroché. Sur le coup, cela m’avait permis d’évacuer ma colère. Cependant, m’étais-je sentie mieux ? J’avais tenu à le croire jusqu’à ce que j’eus cette conversation explosive avec Ashley. Au final, cela n’avait rien changé aux faits d’avoir fait ça. Si je trouvais que la violence était une solution face à la Rosenvache, elle ne m’avait rien apporté de particulier face à Lloyd. Je me souvenais encore de cette force qui m'avait submergée lorsque j'avais pris l'élan de m'en prendre à lui. Ma main était venue s'écraser contre son épiderme et je m'étais douloureusement heurté à son nez. Je n'avais rien dit par fierté, mais cela m'avait fait un peu mal quand même. Je n'étais pas face à la fragilité de la droguée mais face à quelqu'un qui avait l'expérience des coups. Les rumeurs à son sujet n'étaient pas fausses, j'en étais certaine. Et ces mêmes rumeurs me ralentissaient dans ma réflexion. Après cet acte de violence, j'étais simplement repartie sans lâcher le moindre mot. Il était fort possible qu'il m'ait dit quelque chose à cet instant-là mais je ne m'en souviens plus ou alors je l'avais sans doute ignoré, encore sous l'influence de mon courroux intérieur. Me remémorant de cet épisode mémorable , je pliai mon poing gauche, caressant inconsciemment et lentement mes phalanges repliées avec mon pouce.
Mon camarade ajouta que l’on tiendrait sûrement à trois ici. Je me demandais qui pouvait bien être cette fameuse personne. Son rat ? Non, cela me paraissait trop bête. Je pensai donc à l’hypothèse que cette garde d’Anastasia allait vraiment se ramener. Je ne me permis donc pas de m’asseoir immédiatement.
« Quand tu veux parler de « trois », j’imagine que tu veux parler de ta meilleure amie ? » Fis-je sans pouvoir me débarrasser de mon mépris vis-à-vis de la blonde dans mes propos.
C’était plus fort que moi. Je la détestais encore plus qu’Ashley. Elle était tout simplement mauvaise, fermée d’esprit et complètement stupide. Je me demandais bien comment quelqu’un comme Lloyd pouvait encore la fréquenter. Je ne le portais plus dans mon cœur depuis des lustres mais je ne le savais pas si salaud au point de se la coltiner en guise d’amie. J’adressai un regard neutre à celui-ci ; je le jaugeai sans vraiment lui en donner l’impression. Je me perdais dans des pensées qui s’entremêlaient. J’avais même perdu son rat de vue et, sur le coup, je ne m’étais pas encore rendue compte de son faible état.

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J’ignorais s’il m’en voulait beaucoup ou non. A vrai dire, je ne parvenais pas à lire grand-chose sur son visage. J’avais peur que mon analyse soit erronée à cause du jugement que je me faisais de lui. Tout de même, est-ce que je me fichais de ce qu’il pensait, finalement ? J’aimais croire que non. Cependant, je commençais un peu à me sentir étrange à son égard. Une sorte de culpabilité désirait me gêner. Seulement, j’étais une fille combattive ; je gardai la tête haute et je le toisai. Hélas, cela ne m’empêchait guère de me sentir un peu mal à l’aise, surtout en repensant au coup de poing que je lui avais mis. Par conséquent, je n’avais pas particulièrement l’envie de connaître ses états d’âme vis-à-vis de cette journée-là, à la fois par crainte de culpabiliser encore plus et par envie de… fuir une nouvelle fois. Je ne me sentais pas prête de changer. Ou du moins, je ne le voulais peut-être pas maintenant. Je n’en savais rien. Lorsque je le regardais, mes idées s’embrouillaient. Notre enfance joyeuse se mêlait à notre adolescence tenue à distance à Poudlard. Pourtant, il a changé, Phoebe... Enfin, c’est Ashley qui le dit, toutefois…
Il finit par répondre à ma question sur un ton neutre, hochant la tête négativement. Il ne laissait transparaître aucune autre émotion, comme s’il refermait le livre ouvert de son esprit. J’ignorais ce qu’il avait derrière la tête. Peut-être exerçait-il le même travail sur lui-même que moi ? Il semblait directement plus mature mais il était possible que tout cela ne soit qu’une simple façade. Lloyd ne parlait pas d’Anastasia mais de son rat. Je me souvenais qu’il s’appelait Robin et je baissai les yeux vers l’animal. Le rongeur affichait une bien maigre mine assez épouvantable. Je fronçai les sourcils, intriguée par son comportement assez frêle. Il me paraissait fragile, terne, déprimé et presque mourant. Cette vue me fit légèrement frissonner d’effroi. Je me demandais s’il tiendrait l’été avec une telle posture maladive. Il me faisais pitié et si je le pouvais, je l’aurais confié à quelqu’un s’y connaissant en créatures. Après, Robin était peut-être atteint par la vieillesse et il n’y avait donc plus rien à faire ?
Ma réflexion fut vite interrompue par la voix de mon interlocuteur. Je soutins son regard, abordant une expression faciale aussi neutre que la sienne. Une lourde dualité nous opposait. Elle était pesante mais il était impossible de nous en débarrasser. Il disait qu’il ne ferait pas preuve de sarcasme parce qu’il n’en avait pas l’envie. Cela confirma donc mes pensées. Lui aussi était lassé par nos tensions. Je le lâchai du regard pour jeter un coup d’œil aux extérieurs qui commençaient à défiler. Le Poudlard Express venait de partir en direction de Londres. Puis, je me tournai vers le compartiment d’à côté. A en entendre les plaintes des élèves, il n’y avait quasiment plus de places libres à moins de venir squatter un compartiment déjà occupé. J’avais le choix entre rester ici ou subir la chaleur forte en compagnie de parfaits inconnus. Ce n’était pas une décision bien facile. Retrouvant les prunelles de Lloyd, il ajouta : « Parlons bien, parlons mieux alors ? ». Je me méfiais un peu, durant quelques secondes. Était-ce une nouvelle invitation sincère sans l’affreuse présence d’Anastasia ? Il fallait croire que oui, sinon elle serait déjà venue. Après avoir hésité, je finis par tirer mes valises, entrant dans le compartiment.
« D’accord. »
Je pris mes affaires dans mes bras, les supportant avec force avant de les repousser dans le porte-bagages. Ce serait au moins un poids à ne plus me soucier. Je m'installai ensuite en face de lui. Mes yeux affrontaient de nouveau les siens. Cela faisait si longtemps que je ne m’étais pas assise à ses côtés sans avoir le désir de me tirer le plus vite possible. Je n’avais plus jamais fait attention à ses iris océan. Plutôt hypnotisant pour un crétin. Cela me rappela certains souvenirs d’enfance que je tentai bien vite d’estomper. A la place, je me préoccupai de nouveau de son rat.
« Hum...Qu’est-ce qu’il a ? »

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Nous faisions comme si de rien était. De toute façon, je ne voyais pas de quelle autre manière nous pouvions parler calmement et sans se prendre la tête. Considérant l'impulsivité de Lloyd, il risquerait de s'énerver. Et moi aussi. Or, je n’avais pas envie de me poser ici pour me donner un mal de crâne. La chaleur se suffisait à elle-même pour m’irriter. Alors pour lancer la conversation, je m’étais tournée vers son rat dont la santé m’apparaissait bien comme inquiétante. J’avais posé la question sur un ton qui ne traduisait rien de particulier. Toujours neutre. Mais oui, cela me perturbait de savoir Robin affaibli de la sorte. J’aimais bien les animaux. Peut-être pas autant que Louna mais le voir dans cet état me faisait de la peine. Je n’étais pas assez paranoïaque pour penser que Lloyd avait pu lui faire du mal. C’est pourquoi je lui avais demandé plus d’informations. Et puis, cela détournerait l’attention vis-à-vis de l’autre fois. Je sentais, qu’au bout d’un moment, que j’allais regretter d’être restée ici mais tant pis. Voyons cela comme une sorte de seconde chance que je lui offrais de me montrer qu’il n’était plus la personne que je pensais qu’il était.
Il marqua une légère pause avant de me répondre, peut-être perplexe par ma façon d’entreprendre la discussion. Confus, je dirais. Il hésita avant de me dire qu’il n’avait aucune idée de ce qu’il était arrivé à son compagnon. Visiblement, cela était tout récent, puisque Robin s’était bien tenu au château. Je fronçai davantage mes sourcils, trouvant l’histoire assez étrange. Mais oui, il était possible qu’il ait mal digéré quelque chose. Les rats étaient bien connus pour manger tout et n’importe quoi.
« Mmh, okay. Peut-être que du Ratconfortant ou un autre médicament pourrait l’aider. » Dis-je à tout hasard.
Je n’en savais rien. J’étais bonne en cours de soins aux créatures magiques mais cela s’arrêtait là. En vérité, je savais surtout soigner mon petit hibou mais pas les autres animaux. Tristesse. En tout cas, je sentais bien que Lloyd était préoccupé par son état mais qu’il tentait de ne pas le montrer. Peut-être par fierté ou bien parce que j’étais là. Je jetai un bref coup d’œil à la fenêtre, percevant les dernières traces du Lac Noir. C’était beau de voir ces paysages en été, lumineux, verdoyants et splendides. Ils allaient me manquer pour deux mois. Enfin, je n’étais pas mécontente de rentrer chez moi, évidemment. Mais oui, sur le coup, l’absence de Poudlard me manquerait d’un certain côté.
J’entendis un soupir. Lloyd ramena de nouveau mon attention vers lui. Il ne m’observait plus, concentré sur la vue du plafond puis, à son tour, par ce qu’il se passait dehors. Les BUSEs ? Un excellent choix de sujet qui nous touchait tous actuellement. Pour ma part, je n’étais pas sûre du tout d’avoir réussi l’Histoire de la Magie, la Divination et l’Astronomie. Enfin rectification : j’avais forcément raté la Divination et l’histoire. Mais bon, ce n’était pas dramatique. Je n’avais jamais eu l’intention de poursuivre ces matières par la suite. Mes ambitions se réduisaient au monde du Quidditch ou bien celui des sortilèges et enchantements. J’avais tout de même une légère préférence pour la magie mais rien était encore décidé. Le dernier cours de Potions que j’avais suivi en compagnie de Joy Lancer m’avait permis d’y penser plus sérieusement, cependant, je me voyais encore douter entre les deux vocations. Je verrai bien l’an prochain.
« Ca va. Je ne m’étais pas attendue à briller en Divination ou en Histoire mais j’ai donné mon max en Sortilèges et en Métamorphose. Ca a plutôt bien plu. Je crois aussi que la Défense contre les forces du mal, je me suis plutôt bien débrouillée. Et toi ? »

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J’avais raconté le déroulement de mes examens avec un peu trop d’aisance et d’hypocrisie. Cela ne me ressemblait pas et cela me déplaisait. Pourtant, il n’y avait pas d’autre manière d’aborder Lloyd sans briser les verres. Enfin, je me demandais s’il m’écoutait vraiment. Peut-être n’était-ce qu’une impression mais j’avais le sentiment de parler un peu dans le vide, comme si quelque chose venait de le déconnecter de la réalité. Il m’observait mais rien ne se reflétait dans ses prunelles… mis à part la même lassitude que toute à l’heure. Le même mal aise. C’était comme s’il était en transe pour une raison que j’ignorais. Peut-être que ce que tu dis ne l’intéresse pas… Les BUSEs… wouaw, quel sujet ! En même temps, c’était lui qui m’avait proposé d’en parler. Il ne pouvait s’en prendre qu’à lui-même. Bon, je faisais preuve de mauvaise foi puisque je n’étais pas non plus décidée à converser de manière sérieuse, mais bon.
Robin n’était désormais plus au cœur du sujet. Lloyd m’avait rendue perplexe en s’excusant. Pardon pour quoi ? Il devenait étrange. Je ne le repris pas mais je le sentais tout de même perdu dans ses pensées. Et son comportement devint bien plus intriguant lorsqu’il répéta le mot « moi » cinq fois, comme s’il avait totalement déconné. J’écarquillai doucement les yeux, affichant un air ahuri. Cela sonnait un peu trouble de l’identité, non ? Bref. Il finit par m’avouer qu’il avait réussi l’épreuve de Sortilèges, de Potions et de Défense contre les Forces du Mal. Alors, il était bon élève ? Remarque, je ne l’avais jamais connu cancre non plus mais je ne m’attendais pas à ce qu’il soit si confiant dans les matières principales. En tout cas, il avait raison : la moyenne, ça suffisait amplement. Les professeurs ne pensaient pas de cette façon mais il fallait bien avouer qu’il n’était pas toujours simple de décrocher des Efforts Exceptionnels.
« Oui, je vois. Tant qu’on passe en sixième année dans les matières qu’on aime bien, c’est cool. » Répondis-je, toujours avec neutralité.
Tout comme lui, j’avais décidé d’admirer une nouvelle fois la vue du paysage. Je n’allais pas non plus le regarder, lui, pendant une éternité. Il prit d’ailleurs ses aises sur la banquette, la tête contre le mur et observant défiler les nombreux arbres. Nous étions dans une région forestière où le Lac n’était désormais plus. Une minute passa, puis deux sans que l’on ne parle. Lorsque je tournai de nouveau la tête vers le compartiment, Lloyd venait de sortir un paquet de dragées surprises de bertie crochue. Cela éveilla ma faim et je dus lutter ardemment pour ne pas que mon ventre gargouille. Toujours avec hypocrisie et un tout petit sourire qu’identifiai difficilement, il me tendit quelques dragées aux couleurs variées. Il me disait cela avec un autre air que celui de la lassitude. Il paraissait un peu plus détendu. Alors je ne pus réprimer un tout petit sourire, moi non plus. Mais un tout petit, hein ! Le genre de sourire qui n’apparaît que durant une fraction de seconde.
« Merci. »
J’en mis deux dans ma bouche. Je les suçotai, les mâchai. Le mélange de la fraise avec le caramel me rappela bien des souvenirs. Une fois de plus, mes pensées m’emmenèrent bien loin. Au-delà de ce pays, au-delà de ce climat chaud et de ces tensions nuisibles. Je pouvais apercevoir le décor gallois, au centre-ville de Cardiff. Tout me paraissait si grand, autrefois. Je n’étais qu’une petite pousse, une adorable fillette, tenant la main à un garçon du même âge que moi. J’étais très heureuse de l’avoir connu et je sautillais en sa compagnie, même si cela l’embêtait de se montrer ainsi avec une fille. Il tirait une sale grimace à l’idée que je le balade dans le parc de la capitale, mais cela me faisait bien rire.
« Tu feras du balai avec moi demain, Lloyd ?
‒ Si seulement tu arrêtes de courir partout. Je suis pas ton chien, grommela-t-il, gêné.
‒ Mais non, tu n’es pas mon chien ! Tu es le meilleur des garçons. Tiens, prends des dragées, je te les donne ! » Avais-je répondu, en lui tendant quelques friandises.
La suite n’eut pas lieu. Un tourbillon de mauvaises pensées venaient de balayer ce vieux et confortable souvenir dans lequel je venais de m’immerger. Cela remontait à si longtemps… mais maintenant, c’était terminé. Jamais la complicité ne sera entièrement retrouvée, c’était certain. Lorsque j’affrontai la réalité, Lloyd se tenait toujours à la même place. Je ne savais pas s’il m’avait dit quelque chose mais un affreux sentiment indescriptible venait de s’en prendre à moi. C’était dingue comment de simples bonbons avaient pu susciter en moi une réminiscence pareille.
« Euh… Fraise et caramel. Et toi ? »

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Lloyd répondit avec plus d’aise que toute à l’heure. Je ne savais pas ce qu’il lui avait donné tant confiance mais je voyais cela comme un effort qu’il faisait pour ne pas poursuivre la conversation sur un ton monotone. Un meilleur karma, hein. Je n’avais jamais cru à ces choses-là. C’était bien trop mystique, bien plus que la magie. Mais si cela existait vraiment, alors le sien ne devait pas être bien haut après ce qu’il m’avait… N’y pense plus. Je dérivais, je me laissais entraîner. Il ne fallait pas. Repousse donc ces souvenirs pour plus tard, Phoebe. Oui, c’était ce que je devais faire.
Je l’observai fouiller dans son sachet de friandises, piochant au hasard les dragées pour plus de surprise et de fun. Je retrouvais chez lui cet aspect enfantin et joueur dont il avait toujours été doté même s’il avait toujours préféré s’amuser avec les garçons plutôt que les filles, à l’époque. Nous étions amoureux ‒ ou du moins amoureux selon la définition d’un môme ‒ mais nous avions chacun notre cercle d’amis. Pendant que je rigolais en compagnie de cette peste d’Anastasia, il jouait avec d’autres gamins qu’il connaissait. Il ne venait pas souvent à Cardiff car il vivait au nord-est de l’Angleterre mais nous avions tout de même partagé bien des souvenirs. Il nous arrivait aussi de nous envoyer du courrier.
Lorsque je le voyais manger des dragées avec si bon cœur et avec un air presque malicieux à l’idée de connaître la saveur, j’avais le sentiment de le retrouver. C’était perturbant de se dire qu’il n’avait peut-être pas été aussi mauvais que je ne le pensais.
Je ne parvins pas à réprimer un petit rire lorsque je le vis tirer une grimace épouvantable. Il n’avait pas eu de chance, décidément. J’étais curieuse de savoir sur quoi il était tombé. Il recracha le bonbon dans un mouchoir avant de faire passer le goût en buvant dans une bouteille de soda moldue. Mon sourire perdura après mon petit fou rire, avant que je ne l’efface soudainement. Oops. Je m’étais peut-être trop emportée. Mieux valait rester calme et se maîtriser. Après tout, tous nos problèmes n’étaient pas encore réglés et je ne voulais pas lui donner l’impression que tout allait se finir dans la joie et la bonne humeur. Enfin, j’aurais pu le faire ; cela aurait bien facilité les choses mais ce n’était peut-être pas la solution ? Et si rien ne changeait ? Ce n’est pas quelques sucreries qui changerait la donne… Puis, les paroles d’Ashley vinrent s’immiscer dans ma tête. Je revoyais sa tête, calme et posée, en train de me critiquer dans les toilettes.
« J’ai rarement vu une personne aussi égocentrique que toi. Tu m’fais pitié. Tu vois, je suis bien contente d’avoir éloignée Lloyd de ta petite personne : il mérite tellement mieux qu’une fille aussi malsaine que toi. Qui pense à tord qu’elle est parfaite et qu’elle n’a jamais rien fait de mal dans sa triste vie pathétique. Lloyd a beau avoir ses défauts, c’est fou comme il t’es supérieur en tout point. Tu vois, avant j’avais du respect pour toi – un minimum. Bah la, plus rien. »
Ca faisait tellement mal de réentendre ces mots dans ma tête. J’avais la rage contre elle et pourtant, dans un élan de lucidité, je me rendais compte que la droguée en elle était capable de dire des phrases… véridiques. Alors, oui, je voulais bien essayer. Essayer de laisser mes mauvais ressentis de côté pour profiter de cet instant, comme on l’avait bien fait bien des années auparavant. Lui permettre de me montrer qu’il avait changé. De voir ses qualités avant de voir ses défauts. Je repoussai une mèche de cheveux derrière mon oreille, avant de lui répondre en formant un nouveau sourire timide :
« Certaines couleurs se trahissent et à force d’en manger avec Daniela, je deviens meilleure à ce jeu. »
J’ignorais pourquoi mais je me sentais un peu comme… soulagée. Cette tension me quittait. Nous quittait. Et c’était dur de l’admettre mais cela me permettait de mieux me tenir, d’être un peu plus détendue.
Lloyd se redressa, coudes placés sur ses genoux, m’observant en me tendant le paquet une fois de plus. Il me défiait ? Oh, mais il ne fallait pas me provoquer, moi. Je répondais facilement à ce genre de de défi. Et puis, j’avais pris la décision de me concentrer sur cet instant présent, alors j’allais jouer. Je piochai ainsi dans le sachet de bonbons, retirant trois dragées. Je les agitai sous le nez de Lloyd, comme pour lui dire que cette fois-ci, j’allais prendre plus de risques et que je n’étais pas une petite froussarde. Un air carnassier se dessina sur mon visage ; j’étais prête à remporter le challenge.
Saucisse… Banane… Rhubarbe.
La saucisse cassait tout le charme de ce mélange mais je m’empêchais de grimacer. Difficilement. Pouah, les trois à la fois ne s’harmonisaient pas du tout. Je les avalai tout de même par honneur en faisant attention à ne pas paraître dégoûtée.
« La saucisse épice la saveur. C’est plutôt pas mal et la présence de banane adoucit. Quant à la rhubarbe, elle apporte une grosse touche sucrée… plutôt agréable. Alors, est-ce que tu feras mieux ? J’en doute fort. » Fis-je, en étirant un sourire de satisfaction.
La carte du bluff, il n’y avait que ça pour gagner dans ce genre de situation !

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Monsieur qui pensait que j’allais tomber sur la Bouillabaisse devait être bien déçu. Je ne le lâchai pas des yeux, prête à déclarer victoire s’il s’avérait malchanceux. Je ne pouvais pas le lui admettre en face mais si ce jeu pouvait détendre l’atmosphère, alors c’était mieux ainsi. J’avais l’impression de mieux pouvoir apprécier le sourire de Lloyd. Un sourire qui m’avait tant manqué, à vrai dire. Vivre avec sa trahison n’avait pas été simple mais le voir face à moi avec une telle expression me semblait à la fois irréelle et agréable. Peut-être étais-je finalement heureuse ? Toute à l’heure, je m’empêchais de vouloir l’être pour ne pas être déçue. Cependant, je commençais doucement à sentir un filet d’espoir naître et cela me faisait sourire de sincérité. Ne me déçois pas, je t’en prie… Je te laisse une chance.
Il me répondit que je ne perdais rien pour attendre et qu’il n’allait pas me laisser autant d’avance. Très bien. Je l’attendais, qu’il me rejoigne donc dans ma chance s’il le pouvait. Je ne me séparai pas de mon air sarcastique, faisant mine de le sous-estimer. Il plongea de nouveau la main dans le sachet, retira trois bonbons à son tour et les goûta. Je demeurai attentive à ses réactions, veillant à ce qu’il ne joue pas au bluff avec moi comme je l’avais fait. Je m’attendais à tout. Et encore une fois, je lâchai un doux rire en le voyant mâcher et gonfler une joue. Il tentait de résister, lui, ça se voyait ! Il était amusant à ressortir un mouchoir pour se débarrasser de cette infamie. Apparemment, c’était vraiment épouvantable vu ses sautillements et ses autres réactions toutes aussi marrantes. Mon rire ne lui avait pas échappé puisqu’il répliqua rapidement, me menaçant d’avaler un mixte de cire pour oreilles à la moutarde.
« Fais gaffe, ton karma pourrait en prendre un coup à me dire ça. Bref, 1-0 pour Phoebe. » Répondis-je avec ironie.
Il observa ensuite son petit animal mal en point en lui chuchotant quelque chose à mon sujet. Je tendis suffisamment l’oreille pour pouvoir entendre. Voilà qu’il vantait mon mérite auprès de Robin, c’était adorable comme type de communication. Il but quelques gorgées de sa boisson avant d’éclater de rire. Je ne l’avais jamais vu aussi relax auprès de moi depuis des années. D’habitude, il ne riait qu’avec ses amis. Normal. Mais je tenais tout de même à remarquer qu’il parvenait facilement à montrer sa joie alors qu’il y a quelques minutes, les tensions étaient toujours là. C’était un point important à relever. Et tel un effet d’engrenage, je pouffai de rire à cause de cette réaction.
« Le pauvre doit se dire ‘mais qu’est-ce qu’il me raconte, celui-là ?’ »
J’espérais qu’il irait mieux. Je n’étais pas une amoureuse des rongeurs mais je le trouvais mignon à côté de Lloyd. Malgré sa faiblesse, il reniflait son maître et semblait y trouver un certain réconfort, un soutien infaillible. Jolie relation. Cela me rappelait moi et mon hibou Rhian. Il était minuscule par rapport aux autres hiboux mais je l’aimais comme ça. Les gens se moquaient souvent de lui et il leur arrivait bien des misères peu après avoir lancé leurs quolibets. On le disait maudit mais moi, je n’y croyais pas. C’était sûrement un juste retour des choses naturel. De plus, sa petitesse ne l’empêchait de transporter de lourdes charges ; il ne fallait pas le sous-estimer.

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Lloyd s’avoua vaincu pour cette bataille. Très bien, j’allais me tenir prête pour la guerre, alors. Je me demandais si elle allait vraiment avoir lieu et si elle allait déboucher sur une éventuelle réconciliation. Je pensais peut-être à ce terme trop rapidement mais, finalement, c’était possible si on faisait chacun des efforts de notre côté. Oui, plus les minutes passaient et plus je parvenais à mettre de côté cette vieille hostilité, même si elle laissait toujours des marques. On efface pas tout un passé. Mais nous pouvions encore écrire l’avenir et le rendre plus beau que ce qu’il s’était passé avant, non ?

Quittant Robin des yeux, je me focalisai sur mon interlocuteur qui venait de rentrer dans mon petit jeu humoristique. Lui apprendre à comprendre l’anglais et le parler pour rafler les potions du château ? Quelle idée farfelue. Cependant, je retrouvais bien là une imagination presque similaire à la mienne et cela me plaisait. Après, je ne pouvais pas garantir qu’il disait cela uniquement pour me faire rire et m’amuser. Enfin bon, les garçons faisaient souvent cela pour intéresser les filles, alors je ne pouvais pas spécialement lui en vouloir de raconter des conneries. Tant que cela faisait marcher la bonne humeur, c’était tant mieux.
« Cool et s’il y a des rumeurs à mon sujet, n’hésite surtout pas à me le rapporter. » Lançai-je, toujours en ironisant.
Quelles plaies ces rumeurs. En novembre ou décembre, on avait raconté que j’avais eu une relation sexuelle avec Scorpius dans une vieille salle de cours, à côté de Peeves. Evidemment, j’avais démenti mais cette saleté d’esprit frappeur avait tout fait pour m’enquiquiner jusqu’au bout, racontant des bêtises à qui voulait bien l’entendre. Ensuite, il y avait eu ce fameux ragot me faisant passer pour une dessinatrice de modèles nus. Certains s’étaient même permis de feuilleter mon carnet à dessins pour vérifier l’information. Pour finir, je pouvais citer la chasse aux œufs durant laquelle ils avaient dit n’importe quoi dans mon dos. Droguée aux joints, proposant ces mêmes joints à Joanne, influencée par le départ de Rosenvache, etc. Cette année n’avait pas été de tout repos et il m’arrivait encore que l’on me ressorte ces rumeurs débiles pour m’embêter. Je n’imaginais même pas ce que cela pouvait donner sur les élèves les plus populaires du château ; ils devaient s’en ramasser, des belles surprises !

Lloyd était en train de ricaner lorsque le crissement de la porte coulissante de notre compartiment m’effaça tout sourire. A l’extérieur, trois garçons nous observaient tour à tour, un étirement de lèvres carnassier perceptible sur leur faciès. D’instinct, je pouvais déjà dire que je ne les aimais pas. Ils ne m’inspiraient nullement confiance alors je restai ferme sur ma manière de les accueillir. Je soupirai dès leur première réplique, sûrement censée provoquer Lloyd. Je ne savais pas s’il s’agissait de ses amis mais dans les deux cas, ils n’étaient certainement mon type de fréquentation. Je pouvais le sentir.
A en juger la réaction du Serpentard, ils n’étaient donc pas proches. Il semblait nerveux, tapotant sa banquette comme s’il cherchait ses mots. Je ne dis rien, me contentant d’attendre ce qu’il répondrait. Au final, il leur demanda simplement de partir. Hélas, je n’étais pas sûre que cela suffise. Et en effet, ces indésirables avaient bien l’intention de rester. Ils continuèrent d’attiser la colère de Lloyd, souhaitant sûrement engager une baston. Ils avaient même avoué avoir été à l’origine de l’empoisonnement de Robin. C’était horrible, quelle bande de monstres ! Mais il valait mieux que mon camarade conserve son calme. Il m’arrivait souvent de vouloir me battre contre Rosenvache alors je n’étais pas un exemple, toutefois, j’attendais de Lloyd qu’il me montre autre chose que des soupçons de colère à tout va. Après tout, c’était bien ses pulsions qui avaient mené à la destruction de notre amitié. Cela l’avait aveuglé dans son jugement.
« Lloyd, ignore-les. Ce sont des crapules ; on trouvera une solution pour Robin. » Fis-je en adressant un regard froid aux inconnus.
Ces derniers me lâchèrent un sale sourire, me toisant du regard :
« Tu crois qu’on fait les choses à moitié ? On a fait en sorte de trouver un puissant poison qui ne se guérit pas avec quelques médicaments trouvables dans le commerce. A mon avis, le temps que vous trouviez le remède, il sera sans doute au paradis. »
Sur ces dernières paroles, ils s’éclipsèrent, rigolant comme des idiots. Voilà que cela m’énervait mais je comptais bien aider Lloyd à trouver un médicament, puisque je ne supportais pas la maltraitance des animaux. Louna en serait verte d’apprendre ça. Je me levai pour refermer la porte coulissante. Seulement, voiilà que Lloyd commença à se laisser emporter et qu’il se rua vers le couloir.
« Non, Lloyd ! On trouvera une solution ! » M’empressai-je de dire en élevant la voix.
Il ne m’entendit pas. Il précipita ses pas vers le fameux trio et décrocha un coup de poing au dernier qui fermait la marche. J’esquissai une sale grimace. Il laissait sa colère et sa tristesse parler pour lui. C’était une sorte d’exutoire. Mais non, il ne fallait pas qu’il le fasse. Pour l’avoir vu énervé dans le passé, je préférais qu’il daigne contrôler ses émotions. Tu es censé me prouver que tu as changé, merde… Sans plus attendre, je le rejoignis en sortant ma baguette magique. Si cela tournait mal, je serai sans doute contrainte d’employer la magie même si c’était interdit en dehors de l’école. Au moment où il tenta de s'en prendre de nouveau à l'un d'eux, je l'empoignai par l’épaule et le retins de frapper davantage pour le couper dans ses intentions.
« Arrête, tu es juste en train de faire ce qu’ils veulent. Ne t’abaisse pas à leur niveau, tu vaux mieux que ça, non ?! »

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Le Poudlard Express

La main de Lloyd trembla d’hésitation. Mes paroles le touchaient-elles ? J’espérais bien que lui. Ces minables n’en valaient pas la peine. Evidemment qu’ils avaient fait cela pour l’énerver et le mener à perdre son calme. Mais ce n’était pas ce Lloyd là que je voulais voir. Pas celui qui avait mis un terme à notre amitié. Je lui avais donné une chance de me prouver qui il était vraiment au fond de lui et je m’attendais à ce qu’il ne la gâche pas. Je n’allais certainement pas lui en donner une deuxième pour la simple bonne raison que cette bonne entente de toute à l’heure n’avait en rien effacé nos années de mutisme. Aller de l’avant, je voulais bien. Cependant, il fallait faire des efforts pour faire rouler la machine vers ce futur convoité.
« Allez… Sois raisonnable. » Continuai-je.
Pour une raison que j’ignorais, j’avais le sentiment qu’il était la proie d’une dure lutte intérieure. Sa colère le démangeait et le poussait à aller au bout de ses actions. Seulement, il fallait à tout prix qu’il la contrôle. Quelles étaient ses priorités ? S’en prendre à ces vermines ou bien joindre ses efforts aux miens pour que les choses s’arrangent ? J’étais prête à l’aider pour sa vengeance, mais pas de cette manière. La violence n’était pas une solution. Même si je l’utilisais parfois pour répondre à Ashley, je ne le faisais pas tout le temps et je savais que cela ne résolvait rien. Un simple Crache-Limaces ou un Petrificus Totalus aurait fait l’affaire au lieu de vouloir à tout prix les amocher.
Malheureusement, sa fureur prit le dessus. Il se dégagea de ma poigne, ne m’adressant ni parole, ni regard. Sa rage et sa haine le dévoraient. C’était inquiétant de voir le Lloyd souriant et sarcastique disparaître en l’espace de deux minutes. Je restai bouche-bée, spectatrice d’une scène violente où il laissa libre court à ses émotions. J’avais tendu la baguette, attendant le moment propice pour agir et les arrêter tous les quatre. Seulement, j’avais attendu bien trop longtemps et le mal avait été fait. Lloyd venait d’enchaîner les coups de poing, les coups de pied dans les côtes. Il semblait même prendre du plaisir à écraser son pied contre le visage de son opposant.
« Arrête ! Criai-je, en crispant mes mains sur ma baguette. Sinon je jette un sort ! »
Cela ne le fit même pas ciller. Il ne m’entendait plus. C’était stupéfiant et énervant à la fois. A la place, il préféra écraser son pied contre un autre des trois garçons. Je pestai dans mon for intérieur. Tu dépasses les bornes ! C’est ça que tu appelles ‘des efforts’, Ethelred ?! Tu en as rien à foutre de moi, oui ! Je l’avais tellement mal pris, cette ignorance et cette impassibilité vis-à-vis de mes préventions. A la place, il écoutait sa colère. Il se laissait bouffer par la haine ! Tout comme Nathan. La seule différence était que Nathan demeurait pour moi un ami alors que pour Lloyd, un bon gros chemin était encore en cours. Et maintenant, il venait de se rallonger… sûrement à jamais !
« Petrificus Totalus ! »
Mon sortilège frappa lourdement ma cible. Mon camarade s’immobilisa aussitôt avant que son corps ne retombe sur le sol. Je pointai ensuite les trois autres garçons pour les dissuader d’en profiter. Ils n’attendirent pas plus longtemps pour se tirer du couloir et se cacher dans un autre compartiment, couverts de blessures physiques. Par Merlin. Je m’approchai de Lloyd lentement. Il ne pouvait plus bouger mis à part ses yeux. Et il pouvait encore m’entendre. Ce sortilège était très pratique. Je ne le lâchai pas du regard avant de déclarer sur un ton froid :
« C’est tout de même incroyable jusqu’où je dois aller pour que tu m’écoutes. Je pensais que tu avais changé. J’ai osé croire qu’il pouvait être possible qu’on fasse acte du passé un jour. Mais en fait, non. Tout ce que je constate, c’est que tu es toujours un petit con de première classe, Ethelred ! Tu me déçois. Finite. »
Je le libérai du maléfice du saucisson avant de tourner les talons avec une certaine hargne. Malgré tout, contrairement à lui, je gardais mon calme et je n’allais pas frapper n’importe qui, pas même un mur. Je me hâtai de retourner dans notre compartiment pour y retirer mes bagages et m’installer ailleurs. Quoi qu’il puisse dire, je ne l’entendais déjà plus.

Il l’avait bien cherché. La grande gueule d’Ashley avait eu tort. Il n’aurait plus de seconde chance.

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