Il n'y avait pas d'endroit plus agréable au monde que Poudlard, et pas de moment plus merveilleux que le matin, alors que tout Gryffondor était encore endormi et que les épais rideaux de velours rouge qui pendaient aux tringles du lit à baldaquin de son maître cachaient encore tant bien que mal la lumière du jour. Njut ouvrit un œil avant de bâiller avec une classe inexistante, dévoilant au monde entier une dentition parfaite. Le dortoir des sixièmes années était particulièrement silencieux, seulement troublé par les respirations calmes et régulières des garçons endormis. Cream, la Weasley du coin, devait être à quelques mètres d'ici, il pouvait sentir vaguement son odeur. Peut-être achevait-elle sa nuit, elle aussi ? Le chat gigota un instant, s'approchant silencieusement du jeune homme qui partageait son lit. Ses mèches blondes tombaient devant son visage et sa main droite reposait à quelques centimètres de sa bouche entrouverte, comme s'il s'agissait d'un môme qui peinait à arrêter de sucer son pouce. Il se recoucha un peu plus près et roula sur le dos, étirant ses pattes arrières autant qu'il lui était possible de le faire, poussant de toutes ses forces félines contre le bras immobile de Noel. Celui-ci grogna dans son sommeil mais ne se réveilla pas, alors il entreprit bien sagement de lui fouetter le nez à coups de queue. Discrètement d'abord puis plus énergiquement ensuite à cause du manque évident de résultats de sa première technique. Le pauvre Gryffondor commença à remuer mollement entre ses couvertures, chassant sans grande conviction son tortionnaire matinal tout en grommelant un « encore cinq minutes » ensommeillé. Vexé, le rouquin planta ses griffes dans la couverture et se laissa tomber du lit, emportant avec lui le tissus qui recouvrait le jeune homme avant de traverser la pièce d'une démarche fière et prétentieuse jusqu'à se poster devant la porte close et de se mettre à miauler à pleins poumons. Son manège dura plusieurs bonnes minutes jusqu'à ce que l'adolescent se décide enfin à le faire taire et vienne lui ouvrir enfin.

Il descendit les escaliers qui menaient à la salle commune en profitant de chaque seconde de sa liberté retrouvée et monta sur une table où un élève avait oublié plume et devoirs. Il s'assit sur le parchemin, joua quelques secondes avec la plume, puis avec l'encrier. Un coup de patte, puis un second, et le troisième renversa le flacon qui était de toute évidence mal rebouché puisque tout le début de la rédaction se retrouva recouvert d'une énorme tache noire. Il regarda l'encre s'étaler puis attrapa la plume entre ses dents avant de bondir loin de cette saleté qui risquait de lui mouiller les coussinets. Sa journée commençait sous les meilleures auspices. Il avait réussi à réveiller son maître alors que son réveil n'avait même pas sonné et s'était trouvé un nouveau jouet en cette plume blanche abandonnée. Manque de chance, il était coincé ici. Loin de se laisser abattre, Njut lâcha son bien et entreprit de faire ses griffes sur la porte de la salle commune tout en hurlant littéralement des miaous insupportables. Il passait déjà l'essentiel des vacances d'été enfermé avec les autres animaux de ce maudit cirque, il était hors de question de tourner comme un lion en cage durant l'année scolaire. S'il aurait apprécié que Noel vienne lui-même lui ouvrir, il sut se contenter d'une gamine de première ou deuxième année en pyjama rose et tresses décoiffées. Après s'être frotté contre ses jambes et fait gratouiller entre les oreilles, il récupéra sa plume et cavala dans les couloirs, descendant les marches à toute allure. Il était encore tôt, le soleil était levé mais les couloirs déserts. C'était triste tout ce silence et cette absence d'agitation... Ses pattes le portèrent jusqu'au rez-de-chaussée où les portes de la Grande Salle étaient encore fermées. Adieu gentille petite January qui partageait souvent son petit déjeuner avec lui... Tant pis.

Peut-être aurait-il mieux fait de profiter du confort et de la chaleur du lit du blond avant de partir en vadrouille dans un château à moitié mort. Mais ce serait s'avouer vaincu que d'y retourner le plus normalement du monde. Il entendait déjà la voix nasillarde du jeune homme se moquer de lui. Et puis d'ici qu'il remonte, il se serait déjà étalé dans le lit, prenant toute la place possible et lui, pauvre animal, se retrouverait dans l'obligation de s'installer dans l'affreux coussin qui était soi-disant fait pour dormir. Non, c'était décidément impossible d'y retourner. Il ne lui restait plus qu'une seule solution : trouver un endroit agréable pour se poser en attendant que tout le monde se réveille enfin. Ce fut avec moins d'entrain qu'il regrimpa les escaliers, marche après marche, bien au milieu du couloir pour être certain d'avoir vu sur quiconque s'y aventurait. Sauf que personne ne prit cette peine et que la salle des trophées se dessinait déjà. Il s'arrêta devant la porte mal fermée et se frotta contre celle-ci, un peu hésitant. C'était un endroit calme bien souvent, et en dehors du concierge et des élèves en retenue, il n'y avait pas grand monde pour venir s'y ennuyer. L'endroit rêvé pour une petite sieste en attendant que ça bouge dans les couloirs. Mais ça l'obligerait à redescendre six interminables étages pour prendre son petit déjeuner... Le choix était certes cornélien mais Njut se résigna et poussa la planche de bois d'un petit coup de tête. Les quelques rayons de soleil qui entraient dans la salle faisaient étinceler les coupes d'or et d'argent, diffusant sur les murs des reflets qu'il s'amusait souvent à chasser. Mais pas aujourd'hui... La plume toujours dans la gueule, il grimpa sur une table et passa derrière les trophées, reniflant le bois sombre pour trouver l'endroit parfait. Quand il fut enfin satisfait, il lâcha sa plume et se coucha, avant de se mettre à se lécher une patte, puis l'autre. La toilette passait avant la sieste, c'était une évidence. A peine eut-il le temps d'achever de se laver l'une de ses pattes arrières qu'un trouble-fête lui sauta dessus. Il feula, tout poil hérissé, et bondit sur le haut d'une vitrine. Son cœur battait à tout rompre. Les oreilles en arrière, méfiant et prêt à attaquer, le rouquin rampa jusqu'au bord du meuble. Il mit de longues secondes à remarquer qu'il ne s'agissait pas d'un ennemi mais de Jinx, la femelle la plus adorable du château. Quelle sacrée frayeur elle venait de lui faire !