Sa douche avait pris fin une vingtaine de minutes plus tôt. Il avait enfilé des vêtements propres, dont un tee-shirt étrange avec une tête de licorne très probablement droguée et des chaussettes à pois roses et bleus. Pourtant, ça n'empêchait pas l'aîné des Shiver d'être vautré à même le sol de sa salle commune à côté de son chat, faisant des roulé-boulés en même temps que lui, comme si c'était la chose la plus naturelle du monde. Heureusement, l'antre des Gryffondor était déserte. Il était l'heure de déjeuner mais lui n'y avait pas été. Il avait tellement mal dormi la nuit précédente, celle-là et tous les autres depuis qu'il avait eu le malheur de revenir de cette maudite fête foraine, qu'il avait fait traîner sa grasse matinée en longueur. Bien sûr, ça ne suffisait pas à faire disparaître les cernes violacés qui s'étendaient hideusement sous ses yeux clairs, tranchant violemment avec la blancheur naturelle de sa peau ou la blondeur artificielle de ses cheveux. Quand il avait croisé son reflet dans le miroir – ce qu'il n'avait plus fait depuis la catastrophe et qui n'avait duré qu'une seconde à peine à cause d'un malaise naissant et de nausées qui voulaient s'installer – il n'avait vu que ça. S'il ne se connaissait pas, s'il n'avait pas conscience d'être bien en vie, il se serait volontiers donné des ascendances zombies, quelque chose dans ce goût-là. Il n'avait jamais pris particulièrement soin de son apparence, mais il fallait être honnête, il ne ressemblait plus à grand chose actuellement. Personne n'était en droit de lui en tenir réellement rigueur, c'était vrai, mais ça n'en restait pas moins déplaisant. C'était bien mieux de rester dans l'ignorance. Après, il ne pouvait pas y faire grand chose. Il fallait simplement que le sommeil décide de venir, et qu'il cesse de ramener avec lui les souvenirs douloureux de cet après-midi...

Le chat se mit sur le dos, les quatre pattes en l'air, dévoilant de jolis petits coussinets tout roses, et ronronnant comme un frigidaire en fin de vie. Noel ferma les yeux un instant, profitant du bruit agréable et rassurant. Un sourire absent étira ses lèvres. Il n'était pas rare de le voir sourire ces temps-ci, bien sûr, il s'appliquait tout particulièrement à donner le change, à faire bonne impression, à sauver les apparences, à n'être que le boulet toujours partant pour déconner qu'il était d'ordinaire, mais il ne faisait pas l'effort de le faire quand il n'y avait personne pour apprécier le spectacle. Seul, il avait plutôt tendance à broyer du noir, à essayer de s'extraire d'une torpeur douloureuse comme il pouvait. Et il le pouvait plutôt mal. Là, c'était venu naturellement. Il ne pensait à rien. Juste à rien... La dernière fois que son esprit avait été aussi vide, ça avait été quand Knoxslay lui avait rendu son étreinte, l'autre soir. Rien, juste une sensation de bien-être surprenante et bienvenue. L'image de la Serdaigle se forma derrière ses paupières closes et son sourire s'agrandit doucement. Il ne pensait plus à rien maintenant, ça n'avait duré qu'un instant, mais ça ne le dérangeait pas qu'il soit terminé. Tout comme ça ne le dérangeait pas vraiment de penser à elle. Il avait fini par s'y faire. C'était de plus en plus souvent. Il n'y avait pourtant pas eu de raisons de se sentir bien, l'autre soir... Un soupir coupable et attristé passa ses lèvres tandis qu'il roulait sur le ventre. L'innocence s'était déjà barrée mais Njut, qui le regardait avec de grands yeux, ne semblait pas décider à le laisser sombrer cette fois-ci.

« Ok, ok, si tu veux... » râla le Gryffondor alors qu'il secouait ses mèches décolorées avec une lassitude un peu exagérée. « Trois p'tits chats, trois p'tits chats, trois p'tits chats chats chats... »

Il battait la « mesure » en tapant tendrement dans les pattes de l'animal qui se laissait faire en reprenant ses ronronnements. Evidemment, il était aussi lunatique que son propriétaire, et il décida après une trentaine de secondes que ce jeu ne l'amusait plus. Ses coussinets retrouvèrent le plancher des vaches et le chat vint lui mettre des petits coups de tête dans l'épaule et dans le cou, ce qui eut le don de le faire rire discrètement. Ce n'était pas le plus gros fou-rire de son existence, mais c'était toujours sincère. C'était bon à prendre. Le blond se remit sur le dos, toujours couché sur le tapis un peu élimé de la salle commune et la boule de poils rousse et blanche lui grimpa littéralement dessus et s'assit prétentieusement sur son ventre. Noel leva les yeux au ciel et posa ses mains sur les oreilles de son chat avant de les attraper doucement et de s'en servir comme du guidon d'une moto en faisant des « vroum » enfantins. Il aurait pu continuer encore longtemps lorsqu'un visage apparut à l'envers au dessus de sa tête, le stoppant net dans ses gamineries. Juliet...

Cela faisait un bon moment que Juliet s’était réveillée , mais elle paressa un long moment dans son lit , en relisant cet article succinct de la Gazette du Sorcier sur la tragédie de la fête foraine . L’ambiance au sein de Poudlard était très lourde depuis cela , encore plus depuis qu’on leur avait annoncé la mort de trois élèves , dont une Gryffondor , Marlow . Juliet ne la connaissait que de vue , mais savoir qu’elle ne la verrait plus jamais l’attristait . Elle avait bien essayé de songer à autre chose que l’accident mais le moindre détail le lui rappelait : comme une photo que lui avait envoyé sa tante ou on apercevait Big Eye , la grande roue de couleur blanche à Londres .

Elle regarda son réveil , se rendit compte que c’était bientôt l’heure du déjeuner , mais n’avait pas envie de s’y rendre . Après tout si elle avait faim , elle pourrait grignoter les quelques gâteaux restants de sa dernière excursion aux cuisines . Mais elle partit tout de même prendre une douche froide pour se réveiller un peu plus . Quand elle dut choisir sa tenue pour la journée ,Juliet prit les premiers vêtements qui lui venaient : un tee shirt à manches longues en coton vert avec une grande tulipe à fleur rouge dessus , qu’elle portait presque jamais , un pantalon de survêtement noir et ses pantoufles en faux poils gris . D’ habitude elle les mettait que dans son dortoir , mais aujourd’hui elle n’était pas d’humeur à faire attention à sa tenue . Et c’était peu probable qu’elle croise quelqu’un dans la salle commune à cette heure là .

Elle prit avec elle le livre que sa tante lui avait envoyé par hibou la veille et descendit doucement les escaliers accédant à la salle commune . Alors qu’elle arrivait aux dernières marches , elle entendit une voix provenant de la salle commune :

« Ok, ok, si tu veux...Trois p'tits chats, trois p'tits chats, trois p'tits chats chats chats... »

Juliet reconnut vite de qui il s’agissait : c’était Noel , l’élève qui , depuis son arrivée à Poudlard , l’aidait et la protégeait . Sauf qu’il ne faisait pas dans la demi mesure , car le rouge et or la protégeait encore maintenant comme si elle était encore en première année . Cela peut sembler agaçant , mais Juliet préférait en rire . Elle descendit les dernières marches et chercha Noël des yeux , et le trouva couché par terre avec son chat , qui était roux et blanc. Ce dernier était allé s’asseoir sur le ventre de son maître et ronronnait aussi fort qu’une tronçonneuse . Juliet vit alors Noel rendre les oreilles de son chat tout en faisant des « vroum vroum » comme s’il était en train de conduire un scooter ou une moto . Cela la fit sourire , car ça la distrayait du laïus incessant sur la fête foraine qui tournait en boucle dans sa tête . Elle se rapprocha doucement de Noel qui jouait encore avec son chat . Elle était presque arrivée au niveau de sa tête quand ce dernier la remarqua et cessa immédiatement son jeu .

« Salut Noel » dit elle en faisant un semblant de sourire . Elle alla s’asseoir en tailleur dans un des gros canapés confortables de la salle commune se trouvant près du feu . « Si tu veux continuer de jouer avec ton chat , vas y , ça ne me dérange pas » ajouta t-elle en ouvrant son livre . Ce livre avait une couverture en cuir verni bleu sur lequel se reflétait les différentes nuances de orange du feu de la cheminée . Elle allait commencer sa lecture quand elle sentit le chat la rejoindre en s’asseyant sur l’accoudoir du canapé , pour ronronner encore plus fort qu’à son arrivée .

« Si tu veux de l’attention toi , c’est réussi » dit elle au chat en lui grattouillant le cou . Mais ce dernier reporta son attention sur un fil qui dépassait de sa manche et se mit à jouer avec . Juliet tira alors sur sa manche pour qu’il lâche le fil , mais ce dernier était déterminé à ne pas abandonner sa proie . Ne sachant pas trop comment faire pour retirer le fil sans le blesser , elle le laissa jouer avec .

Spoiler:

Il aurait eu toutes les raisons de se relever en quatrième vitesse et de chercher à reprendre contenance rapidement. Avoir l'air d'un débile ne faisait généralement pas partie des choses qu'on voulait faire en public, et même chez le jeune homme, ce ne faisait pas partie des passes-temps favoris. Bien sûr, il avait dû se faire à l'idée que ça arrivait régulièrement, oubliant au passage toute peur du ridicule ou de quelque chose y ressemblant. Et puis, il fallait voir le bon côté, c'était Juliet. Elle devait commencer à le connaître. Même s'il ne se souvenait pas avoir joué les paillasson pour chat un jour en sa compagnie. Ses prunelles claires restèrent accrochées au visage de la blonde jusqu'à ce qu'elle disparaisse de son champ de vision. C'était amusant de la voir à l'envers. Ca faisait remonter des souvenirs, quand il jouait, gamin, avec January et Snow. Des lustres que ça n'était pas arrivé... Et ça n'arriverait probablement jamais d'ailleurs... Leurs rires enfantins résonnèrent à ses oreilles, venus de nulle part. Peut-être que ce serait toujours aussi merveilleux, peut-être que l'innocence qui avait caractérisé les onze premières années de leur vie serait toujours présente s'ils n'avaient pas été envoyés ici ? S'ils n'y avaient pas été séparés...? La détresse ressentie lors de leur répartition, quand il avait compris que, quoi qu'il puisse arriver, ils ne seraient plus tous les trois, remplaça aussitôt l'impression d'être redevenu môme. Est-ce que c'était humain de ressentir tant de trucs en si peu de temps, et surtout sans raison apparente ? Il devait être fatigué. Oui, vraiment fatigué...

« Salut Noel. Si tu veux continuer de jouer avec ton chat, vas-y, ça ne me dérange pas. »

Malheureusement, ledit chat n'en eut pas grand chose à faire de cette autorisation puisqu'il descendit de sur lui dès que la jeune femme se fut posée dans le canapé et alla la rejoindre comme si c'était la chose la plus naturelle du monde. Noel grommela un « traître » alors qu'il se redressait paresseusement pour faire face à sa camarade. Appuyé sur ses avants-bras, il l'observa sans un mot, cherchant vainement à voir ce qu'elle lisait. Si, par le plus grand des hasards, c'était écrit sur la couverture, elle devait avoir la main posée dessus puisqu'il n'apercevait que les reflets des flammes. C'était étrange, d'ailleurs, qu'ils n'aient pas arrêté de faire brûler du bois à cette période de l'année. Certes, il faisait encore un peu froid par moment mais pas à ce point-là... L'idée qu'ils avaient sûrement eu d'autres choses à penser ces derniers temps le frappa de plein fouet et il détourna le regard des ombres rougeoyantes. Las, il se laissa lourdement tomber sur le dos et soupira, fixant le plafond avec un intérêt soudain. Son estomac se mit à gargouiller légèrement, si bien qu'il plaqua machinalement sa main dessus comme si ça pouvait le faire taire. C'est vrai que c'était l'heure de manger... Qu'est-ce qu'elle faisait là, alors ? Il n'avait pas imaginé une seule seconde qu'il pouvait y avoir d'autres élèves à sauter l'heure du repas. C'était des choses qui ne se faisaient pas normalement, parce que manger, c'était presque comme s'il n'y avait que ça d'important.

« Tu fuis la populace qu'il y a dans la Grande Salle ? » lui demanda t-il sans prendre la peine de se relever.

Ce fut qu'une fois que l'écho de sa question lui parvint qu'il réalisa que c'était sûrement ce qu'il avait l'air de faire, lui aussi : fuir. Il se plaisait à penser que ce n'était pas le cas, qu'il n'était là que parce qu'il avait traînassé au lit un peu trop longtemps et qu'il avait fini par être accaparé par Njut mais il fallait avouer que ça ne tenait pas trop la route. Ce n'était pas la première fois qu'il avait du mal à se lever, mais il finissait toujours par descendre les escaliers quatre à quatre dans l'espoir qu'il reste encore des trucs à manger quand il arriverait en bas mais là, il n'avait même pas esquissé un pas vers la sortie. Son estomac commençait à passer après beaucoup trop de trucs ces derniers temps, c'était pas normal. Enfin... Ca, Juliet n'était pas obligée de le savoir. Ca pouvait arriver à plein de sauter des repas après tout. Ce n'était la fin du monde. Non. Ce n'était pas la fin du monde... La remarque de la jeune femme à l'animal le fit sourire, le poussant à s'asseoir face à eux pour assister à toute la scène. Elle laissait le chat jouer avec sa manche, pas forcément très sûre d'en avoir envie d'après l'air qu'elle affichait. Comme s'il lui avait demandé son avis...

« Il est jaloux, c'est tout. Il supporte pas qu'une fille s'intéresse plus à moi qu'à lui, t'sais. »

Le blond ne put s'empêcher de penser qu'heureusement que sa boule de poils ne traînait jamais dans les parages quand il croisait Knoxslay. Ce serait la guerre. L'ombre d'un sourire stupide se posa sur ses lèvres à cette idée. Il avait vraiment un problème, quand même... Cette idiote allait finir par le rendre dingue. Est-ce que c'était vraiment dramatique ? Il lui semblait que non, mais il n'était sûr de rien... Il finit par trouver un semblant de courage et se releva, faisant à peine quelques pas avant de s'asseoir sans la moindre classe à côté de Juliet et de pousser du bout des doigts Njut qui se défendit en lui mettant un coup de patte sur la main, sans jamais sortir les griffes.

« Tu lisais quoi ? »

Noel ne se redressa pas quand il aperçut Juliet , et celle ci n’y fit pas attention . Vu les cernes qui marquait son visage , le jeune homme devait être très fatigué . Elle aussi commençait à avoir des cernes sous les yeux , à force de s’agiter dans son lit en pensant aux récents événements . Encore un peu , et elle serait obligé d’aller à l’infirmerie pour demander une potion somnifère à Mme Pomfresh .

Après qu’elle se soit installée sur le canapé et se mit à lire son livre , Noel lui posa une question assez logique , vu l’heure qu’il était :

« Tu fuis la populace qu'il y a dans la Grande Salle ? »

Elle mit un peu de temps à lui répondre , le temps de terminer la phrase qu’elle était en train de lire . Et elle trouva que le terme fuir était un peu fort pour la situation . Éviter lui semblait plus juste , plus nuancé . C’est d’ailleurs ce qu’elle lui répondit :

«  Éviter serait plus juste , mais dans le fond tu as raison . Avec tout ce qui s’est passé ses derniers jours , une peu de calme peut ne faire que du bien » elle se remit à lire un peu puis ajouta
« Ce qui m’inquiète dans le plus dans toute cette histoire , c’est que ce n’est pas la première fois qu’on s’en prend aux élèves de l’école »

C’était sortie d’un coup ,et dire ce qu’elle avait sur le cœur la soulagea un peu . Elle n’avait pas eu l’occasion de parler avec Maxime , et pensa que Noël était un ami de confiance , auquel elle pouvait se confier sans que ça s’ébruite dans toute la tour de Gryffondor .

Le chat sembla apprécier la réflexion que Juliet lui puisqu’il se mit à ronronner de plus belle , avant qu’il ne s’en prenne à un fil dépassant de sa manche . Elle tira , le chat retira dessus , et ce plusieurs fois de suite . Elle ne savait pas trop comment faire pour que le chat lâche ça , vu que son seul animal de compagnie soit sa chouette Nut . Par dépit , elle laissa faire le chat tout en essayant de continuer son livre , mais avoir un chat attendant le moindre de ses mouvements pour s’en prendre à sa manche n’aidait vraiment pas à la concentration .

« Il est jaloux, c'est tout. Il supporte pas qu'une fille s'intéresse plus à moi qu'à lui, t'sais. »

Juliet n’avait pas vu que Noel s’était redressé et les observait . Cette réflexion la fit sourire , le chat le vit et dut croire que c’était pour lui vu qu’il s’en prit de plus en plus à la manche de son tee shirt où apparaissaient de petits trous là ou s’étaient plantés ses griffes . Juliet lui tapa doucement la tête pour que cette boule de poils se calme , ce qui ne fit que l’énerver encore plus . Décidément , Juliet n’était pas faite pour avoir un chat . Elle décida de l’ignorer et reprit sa lecture là où elle s’était arrêtée dernièrement . Le chat finit par se calmer tout seul et se coucha sur ses genoux .
Alors qu’elle continuait sa lecture , elle entendit Noel se lever et venir s’asseoir à coté d’elle pour ensuite jouer avec son chat . Ce dernier ne se laissait pas faire vu qu’il donnait des coups de patte dans la main de Noel .Trop déconcentrée par tout ça , elle décida qu’elle pourrait toujours terminer ce livre plus tard et le posa sur l’accoudoir .

« Tu lisais quoi ? » demanda Noël tout en continuant de jouer avec le chat .

Juliet reprit son livre et lui montra le devant de couverture ou le titre était écrit en lettres majuscules noires : « Roméo & Juliet » de William Shakespeare .

« C’est le texte d’une pièce de théâtre que ma tante m’a envoyé par hibou et que j’ai reçu hier . Elle pensait que ça m’aiderait à me changer les idées . Elle trouvait aussi drôle que j’ai le même prénom que le personnage principal féminin »

Juliet n’avait jamais parlé de sa passion du théâtre à Noel , elle attendit donc sa réaction avec appréhension .

Après sa question, le silence retomba de lui-même. Juliet ne répondait pas. Peut-être n'avait-elle juste pas envie de s'étendre sur la question après tout... Il pensait la connaître, ça faisait quatre ans qu'ils se côtoyaient régulièrement et qu'ils étaient en bons termes alors c'était légitime, mais rien ne pouvait lui assurer qu'il ne s'était pas planté quelque part. Ou alors elle avait simplement envie d'être tranquille et se taire représentait pour elle le meilleur moyen de lui demander d'en faire de même. Ouais, c'était plus probable. Est-ce que ça marcherait, au moins ? Rien n'en était moins sûr. Ce n'était pas le genre de chieur à parler vingt-quatre heures sur vingt-quatre mais il y avait de fortes chances qu'il ne reste pas à la regarder bouquiner sans prononcer un mot. Tant pis pour elle, elle n'avait qu'à rester dans son dortoir. A en croire ses chaussons, c'était de là qu'elle venait. Finalement, sa voix retentit à nouveau dans la pièce, mettant fin à sa réflexion.

« Éviter serait plus juste, mais dans le fond tu as raison. Avec tout ce qui s’est passé ses derniers jours, un peu de calme peut ne faire que du bien. Ce qui m’inquiète dans le plus dans toute cette histoire, c’est que ce n’est pas la première fois qu’on s’en prend aux élèves de l’école. »

Le visage du Gryffondor se renfrogna aussitôt. Génial. Ca faisait longtemps qu'on avait pas remis les malheurs de la fête foraine sur le tapis. Au moins douze heures qu'il n'avait pas eu à y faire face. Les gens paraissaient croire qu'il avait envie ou besoin d'exprimer ce qu'il ressentait sur le sujet sous prétexte qu'il avait été pris dans le pauvre tas de gamins embarqués en Enfer, et que par conséquent ils avaient le droit de se livrer également, sûrement pour qu'il se sente moins seul mais ils se trompaient. Ils se trompaient sur toute la ligne. Il n'avait rien à dire et rien à écouter. C'était un tragique accident, il fallait continuer sa vie et aller de l'avant. Fin de l'histoire. Rester à discuter pendant des semaines n'arrangerait rien. Sans qu'il ne s'en rende vraiment compte, l'air se faisait plus rare, rendant sa respiration plus difficile. Comme à chaque fois qu'il se réveillait au beau milieu de la nuit, persuadé que les murs du dortoir se refermaient sur lui. Sans le vouloir vraiment et sans qu'elle le mérite, il se mit à la détester profondément. Oh, ça ne durerait pas, bien sûr, mais il lui en voulait d'avoir parlé de ça, d'être descendue pour lui rappeler ce qu'il s'était passé alors qu'il passait un début de journée plutôt correct. Reposant à défaut d'être enthousiasmant.

« Au mauvais endroit au mauvais moment, c'est tout. » grogna t-il plus froidement qu'il l'aurait cru. « Et puis ça a toujours été comme ça. C'pas d'aujourd'hui, p'tain. Faut arrêter de dramatiser. »

Fallait le dire vite, certes, et même lui n'y croyait pas réellement. En moins d'un an, il avait risqué sa vie deux fois. Certes, durant la croisière, il y avait de fortes chances pour que tout soit sous contrôle mais laisser des adolescents combattre des créatures meurtrières dans une arène n'excluait en aucun cas la possibilité de blessures graves ou mortelles et ça n'avait dérangé personne... Mais d'un autre côté, il parvenait encore à se sentir en sécurité, persuadé qu'ils ne risquaient rien tant qu'ils ne s'aventuraient pas au-delà des limites de l'école. Pourtant, ce n'était pas l'envie de les franchir qui manquait. Il commençait clairement à étouffer, pris au piège entre les épais murs de pierre de Poudlard... Bon, le véritable problème, c'était que les victimes faisaient tache dans le modèle raciste et ridiculement supérieur qui ne demandait qu'à s'imposer pour expliquer la situation. Blackman, la BSPB et toute leur mascarade entraient dans un schéma crédible et déjà connu visant à exterminer les nés-moldus et compagnie. Là... Il n'y avait pas un seul né-moldu de touché. Est-ce que c'était juste une erreur, la situation qui leur avait échappé ? C'était possible après tout... Peut-être qu'ils n'avaient pas été visés et qu'ils n'étaient pas destinés à mourir. Peut-être que d'autres étaient dans le collimateur de ces ordures mais qu'ils avaient réussi à s'en sortir sans trop savoir comment... Peut-être... Il fallait être sacrément débile pour se louper à ce point, si tel était le cas...

« C’est le texte d’une pièce de théâtre que ma tante m’a envoyé par hibou et que j’ai reçu hier. Elle pensait que ça m’aiderait à me changer les idées. Elle trouvait aussi drôle que j’ai le même prénom que le personnage principal féminin. »

Noel hocha doucement la tête en levant les yeux au ciel. Pour lui changer les idées... Pourquoi pas. Après tout, ça n'était pas comme s'ils mourraient tous à la fin. Un soupir las s'échappa d'entre ses lèvres alors qu'il s'adossait au dossier du canapé. Alors qu'il s'avachissait contre le dossier serait plus juste mais il n'avait pas envie d'y faire attention. Un jour, peut-être, il serait classe et élégant, le digne frère de January. Un jour... Pour l'instant, il se complaisait à merveilles dans son rôle de boulet désespérant et toujours plus apte à montrer l'étendue de ses mauvaises manières que des bonnes. Ce n'était pas pour autant qu'il ne les connaissait pas, évidemment, juste qu'il n'avait que très rarement le courage de les mettre en application.

« Je te prends au mot ! » commença le blond en singeant des gestes ridicules et amoureux aussi désespérés que désespérant. « Appelle-moi seulement ton amour, et je reçois un nouveau baptême. Désormais je ne suis plus Roméo ! … C'est bien un truc de filles ça, tiens... Sérieux, t'imagines ça, dans la vraie vie ? Avec les gue-guerres entre sorciers, question de sang et compagnie, tout le monde serait renommé, ce serait foireux. »

Il ricana doucement et lui tira gaminement la langue. Tout ce qu'il avait pu ressentir de négatif à son égard avait disparu, il ne restait plus que l'amitié qu'il lui avait accordé depuis bien longtemps déjà. Heureusement d'ailleurs, ce n'était pas franchement le moment de perdre ses amis. Bien loin de là...

Juliet avait cru que c’était une bonne idée de se confier à Noel , mais le ton sur lequel lui répondit le jeune homme la fit l’effet d’une douche trop froide :

« Au mauvais endroit au mauvais moment, c'est tout.Et puis ça a toujours été comme ça. C'pas d'aujourd'hui, p'tain. Faut arrêter de dramatiser. »

Dramatiser n’avait jamais été l’intention de Juliet , et le fait que Noel croit cela la piqua au vif . Plutôt que de répondre au quart de tour comme elle pouvait le faire , elle ne dis rien . Il est vrai que , bien avant leurs naissances , de nombreux dangers avaient touché les élèves de l’école . Comme le Basilic circulant dans la tuyauterie,le ministère essayant de tout contrôler dans l’éducation des jeunes sorciers , Celui Dont On Ne Doit Prononcer Le Nom attaquant Poudlard avec ses Mangemorts …. Mais aussi Blackman et sa BSPB . Juliet regarda sa main droite , ou elle voyait légèrement cette ligne tracée pour le I de Indéterminé . Personne ne le savait , mais elle avait aussi été marqué comme les nés moldus de l’école , par « prévention » .Vu qu’elle ne savait pas quelle était la « pureté de sang » de son père et que sa mère est une moldue , Blackman avait décidé qu’elle serait elle aussi marquée .Toutes les fois où on lui a demandé ce dont il s’agissait , elle répondait que c’était un chat qui l’avait griffé . Comme il y a quelques chats qui vivent dans la tour de Gryffondor avec leurs maîtres , aucune personne n’avait trouvé ça étrange .
Elle hésita d’en parler avec Noel , puis se ravisa . Chacun avait sa part de secrets , et elle ne voulait pas inspirer de la pitié à son ami , ni à personne d’autre .

Après que Juliet ait montré son livre à Noel , ce dernier hocha la tête et leva les yeux au ciel . Il est vrai que pour les deux protagonistes de l’histoire , la fin est tout sauf joyeuse . Mais Juliet aimait bien l’écriture de Shakespeare . Ce n’était pas la première pièce de l’auteur qu’elle lisait . Auparavant elle avait déjà lu Hamlet , ou Macbeth , mais aussi quelques unes de ses comédies comme La Comédie des erreurs .
Mais Noel tiqua plus sur le fait que le personnage se nomme aussi Juliet .

« Je te prends au mot ! » dit il avant de se mettre à imiter de façon assez grotesque des gestes d’amoureux transi .« Appelle-moi seulement ton amour, et je reçois un nouveau baptême. Désormais je ne suis plus Roméo ! … C'est bien un truc de filles ça, tiens... Sérieux, t'imagines ça, dans la vraie vie ? Avec les gue-guerres entre sorciers, question de sang et compagnie, tout le monde serait renommé, ce serait foireux. »

Après cela il ricana bêtement et tira la langue à Juliet .Pendant toute son imitation , Juliet s’était retenue , mais elle n’en pouvait plus : elle éclata littéralement de rire . Incroyable comme le fait de rire la détendit . C’est vrai que ces derniers temps elle n’en avait pas tellement eu l’occasion . Mais elle fut aussi très étonné que Noel cite des vers de la pièce . Si ses souvenirs étaient justes , ils provenaient de la scène du balcon , où Roméo accepte de renoncer à son nom par amour pour Juliet .
Mais il n’avait pas tort : si tout le monde devait changer de nom aujourd’hui , ce serait une véritable cacophonie .

« C’est sûr : on naît avec une identité ,et on vit avec , si tout le monde devait en changer , ce serait une vrai catastrophe .Imagine si ça arrive à Poudlard : les profs ne sauraient plus qui on est , nos ennemis non plus , aussi nos amis ou notre famille .Peu être que ça permettrait aux gens de pouvoir changer leurs caractères ou leurs idéologies » dit elle simplement ,tout en pensant à ceux croyant à la supériorité des sang purs,bien trop nombreux à son avis ,avant d’ajouter «  Mais à ce que je sache , Shakespeare était un homme , pas une femme , donc ce n’est pas forcément un truc que pour les filles. »

La fête foraine et tous les malheurs qui l'entouraient ne furent pas un sujet qu'ils abordèrent très longtemps, au plus grand soulagement du jeune homme. Ce n'était pas directement contre elle, bien sûr, mais il en avait marre. Juste marre. Sa vie entière tournait autour de ça depuis que c'était arrivé, on les avait interrogés à plusieurs reprises, on les regardait avec une pitié stupide parce qu'ils avaient eu la malchance d'être dans le lot, on s'inquiétait en permanence de la manière dont ils supportaient tout ça... Et comme si ça ne suffisait pas, son inconscient passait ses nuits à lui rappeler qu'il était bien plus traumatisé qu'il ne voulait le laisser paraître et s'appliquait avec des efforts malsains à lui faire revivre sans cesse cette impression étouffante des murs se refermant sur lui. S'il avait voulu être lucide sur sa situation, Noel aurait pu admettre qu'il virait doucement claustrophobe et qu'il évitait autant que possible la présence de miroirs. C'était idiot, parce qu'il n'avait jamais vraiment mal vécu d'être enfermé, loin de là, ça faisait un peu partie de son job de finir dans des boîtes et de s'en sortir comme par magie mais, à l'heure actuelle, il voyait difficilement comment il pourrait recommencer l'expérience. Il faudrait bien que ça finisse par passer, il ne pouvait pas passer le restant de ses jours à esquiver cet aspect de sa passion.

Ca finirait par passer... Il en était bien moins convaincu que le soir où il l'avait murmuré à l'oreille de Knoxslay, mais avec un peu de chance, à force de se le répéter, il finirait par croire que c'était la vérité. Peut-être... C'était dommage... Ca aurait pu être la plus belle journée de leur année, et ça s'était transformé en un véritable fiasco. Il se souvenait sans mal de l'infirmerie pleine à craquer sans jamais comprendre comment il y était véritablement arrivé, de la Grande Salle dans un état chaotique et bruyant. De l'impression que rien était impossible quand la Serdaigle était tout contre lui... Non, ça, c'était stupide. C'était juste son cerveau qui avait fini par lâcher, la preuve était bien là : il galérait au moins autant que les autres à s'en remettre et rien n'avait été aussi simple que prévu simplement parce qu'elle était là. Certes, elle n'y était plus, mais ça n'avait aucune espèce d'importance... La logique aurait voulu qu'il présente ses excuses à sa camarade mais il n'avait aucune envie de le faire. Elle n'avait qu'à pas aborder ce sujet-là.

« C’est sûr : on naît avec une identité, et on vit avec, si tout le monde devait en changer, ce serait une vrai catastrophe. Imagine si ça arrive à Poudlard : les profs ne sauraient plus qui on est, nos ennemis non plus, aussi nos amis ou notre famille. Peut-être que ça permettrait aux gens de pouvoir changer leurs caractères ou leurs idéologies. »

S'il avait souri en remarquant son air étonné, celui-ci s'était affirmé quand elle s'était mise à rire. Que croyait-elle ? Que c'était un inculte de première, tout juste bon à glandouiller dans la salle commune ? Bon, d'accord, il ne s'était pas intéressé à Shakespeare pour de très bonnes raisons mais ce n'était pas grave. C'était à cause d'une idiote rencontrée sur Internet, qui faisait des études de théâtre et qu'il avait voulu vainement impressionner... Ca avait été un échec cuisant mais il avait néanmoins retenu quelques trucs. Seulement quelques uns... Après tout, c'était loin de sa zone de confort et il n'avait pas de grande passion ni pour le théâtre ni pour la littérature, ce qui coupait court à ses envies d'en apprendre davantage sur le sujet. Par contre, sa réponse le surprit plus qu'il ne l'aurait cru. Il fronça les sourcils et se redressa légèrement, soudainement plus intéressé par la conversation que par l'idée de faire le pitre.

« Parce que tu crois franchement qu'ils ont besoin d'un nom pour savoir qui on est ? J'suis sûr que je peux m'appeler comme tu veux demain, January et Snow sauront très bien qui je suis, et que l'autre débile de Clewstone aura envie de chercher la merde exactement de la même manière ! J'pensais plutôt au Ministère, tout ça. Genre pour les registres et tout, ça doit être bizarre. Bidule appelé aussi Truc appelé aussi Machin... Ce serait tellement le bordel ! Mais pour les profs, ce serait la galère aussi, j'avoue... » reconnut-il en hochant la tête. « Tu t'appellerais comment, toi, si tu devais changer ? Hmm... Attends voir... Rosalinde, tiens, ça resterait dans la même veine ! C'est un peu moche, mais on s'y habitue à ça, t'inquiètes. »

Le Gryffondor était bien placé pour le savoir. Dans le genre prénoms pourris, les siens se posaient là. Un peu comme ceux de tout le reste de sa fratrie d'ailleurs. Ses parents avaient décidément un sens de l'humour douteux – dont il avait visiblement hérité mais s'il ne savait pas vraiment si c'était une bonne chose – et avaient choisi de leur compliquer l'existence avant même leur venue au monde. Bon, il avait fini par s'y faire avec le temps, réalisant que ça aurait toujours pu être pire. Il ne voyait pas bien comment, mais en cherchant bien... Il aimait bien rappeler aux deux autres qu'il avait été le plus gâté niveau identité, mais il savait merveilleusement bien que ça n'était pas vraiment le cas. Ils avaient tous des prénoms aussi pourris les uns que les autres, et il s'estimait heureux d'être né en hiver, il peinait à imaginer jusqu'où aurait été l'imagination parentale si ça avait été au printemps... Quoi que... January se serait peut-être appelée April, Snow aurait hérité d'un truc bizarre genre Wind ou Flower et on l'aurait sûrement gratifié d'un extraordinaire Easter. Ouais, ça aurait tellement pu être pire en fait... Cette pensée le fit sourire bêtement. A l'occasion, il poserait la question à sa mère. Peut-être y avaient-ils pensé, après tout...? Il imaginait sans mal le brainstorming foireux, tous les prénoms ridicules qu'ils étaient capable de trouver pour leur progéniture et ses parents en train de se dire que ceux-là étaient peut-être les moins pires du lot.

« Mais à ce que je sache, Shakespeare était un homme, pas une femme, donc ce n’est pas forcément un truc que pour les filles. »

Il secoua doucement ses mèches blondes et appuya son dos contre l'accoudoir, les jambes repliées contre son torse. Déjà, ça ne voulait rien dire. Ce n'était pas parce que c'était un homme qui avait écrit quelque chose que ça n'était pas avant tout destiné à un public féminin... Il avait des tonnes d'exemples ridicules comme les boys band ou la plupart des auteurs de bouquins pour ado qui étaient généralement lus par des filles, parce que les garçons avaient autre chose à faire que de pleurnicher en lisant des histoires stupides qui leur arriveraient jamais. Bon, dit comme ça c'était un peu machiste mais il avait lu une vraie étude sur le sujet un peu par hasard alors qu'il cherchait il ne savait plus trop quoi à la base. Njut s'était endormi sur les genoux de Juliet et continuait de ronronner plus discrètement.

« Toi, t'as pas vu St Trinian's ! Enfin le deux en tout cas... Dedans, ils disent que Shakespeare était en fait une fille. Eeeet ouais... On sait jamais, peut-être qu'ils disent la vérité, hein. J'irai pas vérifier, perso'. »

Il haussa les épaules comme si c'était une éventualité non négligeable et s'étira paresseusement. Si on pouvait toujours débattre de l'état pathétique de sa culture, il n'en restait pas moins ancré solidement dans le monde moldu et n'hésitait pas à le laisser comprendre à tout va, loin d'en avoir honte. Traître-à-son-sang n'était pas un métier et c'était bien dommage, sans quoi il aurait signé sur le champ !