Le dîner était terminé depuis un moment déjà et tout le monde – techniquement – avait rejoint sa salle commune. C'était, en tout cas, ce qu'avait fait l'aîné des Shiver. Sagement installé sur son lit, il observait d'un œil suspicieux la bouteille de potion anti-puce qu'il avait reçu un peu plus tôt dans la journée de la part de sa mère, à laquelle il s'était plaint pendant de nombreuses lignes que son chat, Njut, n'arrêtait pas de se gratter au point de l'en réveiller la nuit quand il dormait avec lui. Il n'était plus très sûr d'avoir envie d'infliger ça à son pauvre chat qui s'était roulé en boule sur sa couverture sans imaginer un seul instant ce qui l'attendait. C'était barbare, quand même... Il avait toujours tout fait pour le protéger, pour qu'il ne lui arrive rien de traumatisant et voilà qu'il était en train de se préparer psychologiquement à l'asperger d'un truc dégueu' et probablement puant alors que l'innocent animal se reposait tranquillement. Un soupir indécis passa les lèvres du jeune homme. C'était peut-être pas si indispensable que ça, après tout... Ce fut cet instant précis que la boule de poils choisit pour se redresser et commencer à se gratouiller derrière l'oreille, tuant ainsi tous les doutes de son propriétaire.

Noel attrapa le félin sous les pattes avant et le coinça tant bien que mal entre ses jambes pendant qu'il débouchait le flacon. A peine eut-il le temps de mettre un « pschitt » sur le chat que celui-ci le griffait et s'échappait dans les escaliers menant à la salle commune. Et non, bien sûr, il n'avait pas pensé une seule seconde à fermer la porte de son dortoir. Ni une ni deux, il sauta de son lit et dévala les escaliers à la suite du chat. L'antre des Gryffondor était encore bien peuplée au moment où il y arriva, vêtu de son bas de pyjama – un truc trop grand à rayures bleues et blanches qui tombait négligemment sur ses hanches – d'un tee-shirt trop court blanc et de chaussettes dépareillées. La grande classe quoi... Un agréable brouhaha emplissait la pièce et personne ne semblait faire attention à rien, ni à la présence du chat ni au crétin qui lui courait derrière. Njut avait ralenti, imaginant sûrement être à l'abri, mais en le voyant arriver, il repartit de plus belle dans sa fuite.

« Attrapez le chat ! »

Quelques uns de ses camarades levèrent la tête et quittèrent leur fauteuil pour essayer de mettre la main sur le fugitif pendant que lui faisait de son mieux pour lui barrer la route. A un moment, ils réussirent presque, l'un de ses adjuvants se jeta à terre pour attraper l'animal mais manque de chance – il y a des jours où le destin s'acharne – une première année rentra à ce moment-là et Njut en profita pour se faire la malle, profitant de la porte ouverte pour disparaître dans le couloir. Le blond enjamba le jeune homme qui avait essayé de l'aider et suivit son chat dehors. Les torches n'avaient pas encore été éteinte, si bien qu'il voyait sans le moindre mal les directions empruntées, les empruntant à son tour sans s'accorder une seule seconde de réflexion. Sa main restait fermement resserrée sur sa potion, aussi fermement que s'il s'agissait de sa baguette magique. Celle-ci était restée toute seule, abandonnée dans son sac de cours, il n'avait même pas pris la peine de l'en sortir, sachant pertinemment qu'il ne s'en servirait pas. Les couloirs défilaient, les escaliers aussi, et il courait toujours après une imbécile de bestiole qui avait, de toute façon, un temps d'avance sur lui. Et des pattes plus rapides que les siennes, aussi. Mais il ne lâchait pas l'affaire, il fallait absolument le dépucifier !

Après une course qui lui sembla durer des heures, le chat trouva une nouvelle porte entrouverte et se glissa à l'intérieur sans penser à regarder la pancarte. Le Gryffondor, lui, n'eut aucun mal à reconnaître les mots « toilettes » et « filles » lorsqu'il pénétra à l'intérieur, refermant derrière lui pour éviter toute fuite. Il n'y avait visiblement personne. Pas étonnant vu l'heure. Et le fait que les toilettes étaient hantés. Enfin, c'était ce qu'on disait puisqu'il n'avait jamais pris la peine d'aller le vérifier tout seul, l'idée de se retrouver seul face à plein de filles en train de faire des trucs de filles ne lui avait jamais semblé intéressante. Njut avait profité des quelques longues, très longues, secondes qui s'étaient écoulées entre son arrivée et celle de son maître pour aller se planquer il ne savait où. Un nouveau soupir s'échappa tandis qu'il renouait le cordon de son pantalon de pyjama. Il n'était plus à la minute, il ne pouvait plus s'échapper...

« Allez Njut, déconne pas... C'est les chiottes des filles, t'abuses... » expliqua t-il d'une voix douce, dans l'espoir d'appâter sa boule de poils. « On a pas le droit d'être là. Ni toi ni moi... Montre toi, Vieux. »

Il fit le tour des lavabos, mais pas de traces du chat. Il commença à pousser machinalement les portes non-verrouillées des cabines, souhaitant en finir au plus vite avec cette histoire de potion anti-puce, déguerpir d'ici avant que quelqu'un entre et oublier jusqu'à cette soirée pourrie. Mais le destin – qui s'était déjà bien lâché sur son compte – n'en avait pas fini avec lui, et alors qu'il allait poser la main sur l'une des dernières portes, celle-ci s'ouvrit... Et merde...

Son chat était toujours introuvable. Pourtant, ce n'était pas l'endroit le plus grand du château, ni le plus accueillant d'ailleurs, même pour un chat. Les cabines s'ouvraient les unes après les autres, dévoilant une absence parfaite de Njut. Pas la moindre trace de ses poils roux, ni des blancs. Pas même une moustache abandonnée. Autant parfois c'était l'animal le plus débile de l'histoire des animaux du monde, autant il se révélait être un as en matière de disparition. Après, ce n'était qu'une question de temps, il pouvait bien jouer à cache-cache tant qu'il voulait, la porte était fermée cette fois-ci, il ne lui échapperait pas. Qu'importe si ça prenait deux minutes ou trois heures. Quand sa main s'approcha d'une des dernières portes, Noel eut tout le loisir de remarquer que celle-ci s'ouvrait sans son aide. Il recula d'un pas, se rendant compte de la stupidité de la situation. Il était en pyjama au beau milieu des toilettes des filles, après le couvre-feu très certainement – sa montre était restée sur sa table de nuit – et ce avec pour excuse ridicule le fait que son chat ne voulait pas se laisser asperger d'une potion puante contre les puces... D'accord. En gros, il était un peu foutu. Il n'y avait plus qu'à s'attendre à ce que ce soit Brooks, Adway ou Torres derrière la porte, et là, ce serait la fin du monde.

Heureusement, si le destin avait été joueur et pas mal sadique avec lui jusqu'ici, il ne s'était pas véritablement acharné non plus puisque ce fut la frimousse d'Amalthea qui apparut face à lui. S'il avait affiché un air totalement désespéré en voyant la porte s'ouvrir, il disparut aussitôt, laissant place à un certain soulagement. Machinalement, il tira un peu sur son tee-shirt, espérant que celui-ci cacherait la bande de peau trop blanche qui s'étendait entre le haut trop court et le bas trop taille basse de son pyjama. Bien sûr, il aurait largement préféré tomber sur sa frangine, ça lui aurait évité de se taper la honte dans une tenue des plus indécentes. Mais ce n'était pas non plus comme s'il avait envisagé de venir ici, et encore moins y rencontrer du monde... Même si ce n'était qu'elle. Le Gryffondor passa négligemment la main dans ses mèches blondes et plus décoiffées encore qu'à l'ordinaire avant de détourner le regard. Normalement, il ne se posait pas la moindre question avec la petite Poufsouffle, n'hésitant pas une seule seconde à la prendre dans ses bras en la croisant dans un couloir ou à déposer un bisou sonore sur sa joue avant de disparaître aussi vite qu'il était arrivé, mais là, c'était tellement bizarre comme situation...

« Je...Heu...Ton chat est ici. »

Visiblement, le malaise n'était pas présent que chez lui. Il ne savait pas trop si c'était une bonne chose ou non mais bon... Ca eut au moins le mérite de le détendre un peu. Il bougea légèrement et jeta un regard prudent vers l'intérieur de la cabine, comme si Njut pouvait fuir à sa simple vue. Mais celui-ci était bien trop occupé à se laver une patte avec un air dédaigneux pour faire attention à lui. Tant mieux ! Il reporta finalement son attention sur sa camarade et lui sourit, plus timidement qu'il ne l'aurait pensé. Décidément, en ce moment, ses relations avec la gente féminine étaient bien compliquées... En dehors des bruits normaux d'une telle pièce, il régnait un silence de mort, aussi bien à l'intérieur que dehors. Pas un bruit. Tout le monde devait avoir rejoint son dortoir. C'était toujours ça de pris, ça leur éviterait d'être découverts. Quelle idée d'entrer dans les toilettes des filles aussi ! Il mit de longues secondes à le remarquer mais elle n'avait pas l'air très bien, en fait... Il fronça légèrement les sourcils et oublia totalement les distances qu'il tâchait inconsciemment de garder jusque là. Il dégagea une boucle brune du front de la jeune avec une douceur évidente et lui sourit à nouveau, plus naturel que la première fois. Plus inquiet peut-être aussi.

« T'as l'air bizarre... Y'a quelque chose qui va pas ? »

Ben voyons, t'as raison mon gars, fais-lui la conversation, c'est pas comme si c'était la situation la plus foireuse du monde ! Cette pensée le fit grimacer derechef alors que sa main retournait contre lui à une vitesse impressionnante. Il aurait tout le temps de s'inquiéter de son état à un autre moment, genre le lendemain par exemple, quand il serait habillé et ailleurs. D'aussi loin qu'il se souvenait, il n'avait jamais été dans un truc aussi pourri que ça. Face à une fille, dans les toilettes des filles, dans une tenue ridicule... Normalement, il n'y avait que Fred avec lui, alors ça n'était pas dramatique d'être aussi négligé, et puis même s'il y avait la moitié de son ventre visible parce qu'il n'était pas fichu de mettre des vêtements à sa taille, il s'en fichait éperdument. Mais là... Merlin mais là...

« J'voulais pas te déranger. Ni entrer là, hein, en fait. C'est le chat, il a fui alors j'l'ai suivi... 'Fin, j'suis pas mon chat tout le temps, hein, faut pas croire, c'est juste qu'il a des puces alors ma maman m'a envoyé une potion pour arranger ça, mais il veut pas se laisser faire... »

Il soupira et haussa les épaules d'un air résigné. C'était la soirée de la honte, mais ça ne faisait probablement rien... Ca ne serait pas Amalthea qui irait répéter quoi que ce soit. Enfin, il fallait espérer...