« 07/01/21
Wyatt,

Si tu es libre ce soir à 17h00, je t’invite à me rejoindre au parc. C’est urgent, je dois te parler de quelque chose.

Erika. »

Ces simples mots suffisants furent transportés par une chouette tachetée, tant connue de l’entourage de la dénommée Erika. Voir son propre volatile reprendre de la liberté en gardant la clef de tous ses maux entre son bec ne mettait pas forcément la jeune fille à l’aise. Six minutes précises lui avaient été nécessaire pour réfléchir à une manière adéquate d’aborder les choses ; trois minutes pour finalement rédiger le mot, en ayant des blancs d’une durée de plusieurs secondes ; et enfin, trois autres minutes pour se décider à envoyer la lettre, ou la déchirer. La patience était une vertu coulant dans les veines de la sixième année, et nul ne pouvait affirmer le contraire. Faire les choses de façon délicate quitte à ce que cela prenne du temps était partie intégrante de son comportement, mais étrangement, elle n’était plus aussi sûre d’elle que d’habitude. La grande confiance d’Erika s’était fragilisée aujourd’hui, et elle abhorrait par-dessus tout ce sentiment de faiblesse qui lui octroyait l’impression de n’être qu’un petit grain de sel dans un bocal ouvert.

L’appréhension se faisait durement ressentir, et bien qu’elle tentât d’égarer son esprit sur d’autres pensées, la réalité la rattrapait bien vite dans un combat psychologique bien cruel. Un soupir s’échappa de ses fines lèvres rosées, ses yeux d’un vert smaragdin se noyant quant à lui dans les profondeurs du ciel. Bientôt, Eryss ne fut plus qu’un point noir parmi les nuages, avant de disparaître dans l’immensité blanchâtre des brumes qui entouraient certaines parties du château. Etait-ce une bonne idée ? Aiyana lui aurait juré que non, elle qui tient tant à elle, et qui n’apprécie que difficilement l’arrivée d’un garçon inconnu dans le cœur de sa petite sœur. Evidemment, elle avait attentivement écouté les mises en garde de son aînée, mais elle ne pensait pas que Wyatt lui ferait de mal quel que soit sa réponse. Enfin, ce n’était qu’une vision purement optimiste des choses, puisque dans un des deux cas, elle serait tout de même morose et chagrinée durant quelques temps.

Les quelques heures qui suivirent le départ d’Eryss furent loin d’être les plus faciles à supporter. L’ennui s’était emparée de la jeune fille en cours d’histoire de la magie, et pour une fois, les notes qu’elle avait prises n’étaient pas aussi détaillées que d’habitude. Elle remercia inconsciemment les cancres de la classe d’avoir pu attirer suffisamment l’attention de Lyard pour qu’il ne se rende compte de l’absence mentale d’Erika à son cours. Il s’agissait pourtant d’une matière qu’elle appréciait grâce à la pédagogie sans failles de l’enseignant, mais aujourd’hui, tout allait presque de travers chez elle. Le goût de sa tarte préférée lui avait semblé plus fade que d’habitude, et elle n’avait pas énormément pris de plaisir à prendre des ressources au repas du midi. Si cela n’avait tenu qu’à elle, elle n’aurait même pas pris l’initiative de manger : Wilhelmina tenait décidément bien à elle.

Le restant de l’après-midi, elle le passa sans trop d’enthousiasme en compagnie de Jamie Alexander à la bibliothèque. Grâce à une force de persuasion sortie droit de sa nervosité, elle avait réussi à le traîner jusqu’à ce lieu de travail où il n’avait certainement pas l’habitude d’aller. En réalité, elle avait besoin de calme, mais elle ne voulait pas rester seule pour autant. La solitude n’avait jamais été son amie, après tout. Contrairement à d’autres jours, Erika s’étonna à devoir se forcer à sourire face aux paroles comiques de son ami. Ordinairement, il n’avait aucun mal à la faire rire naturellement mais en cet après-midi d’appréhension, elle ne voyait pas d’autre manière de réagir que de lui faire croire que tout allait bien. Au bout d’une heure et demi, toutefois, elle dut néanmoins avouer que Jamie lui avait tout de même permis de se détendre un peu avant l’heure d’échéance. En repartant de la bibliothèque, une nouvelle aura de fraîcheur paraissait émaner de la vipère.

Ce fut donc transportée d’une détermination renaissante qu’elle affronta le froid hivernal des extérieurs, couverte de son bonnet, son manteau et de son écharpe verte. Au beau milieu de la pureté de la neige, sa chevelure flamboyante faisait ressortir sa silhouette parmi les autres élèves présents. Pourquoi choisir le parc ? Ce n’était pas par un vilain coup de tête, mais tout simplement parce que cet endroit était un lieu de prédilection pour discuter de certaines choses à l’abri des oreilles curieuses. S’installant sur un des bancs les plus à l’Ouest de la place, elle se confronta à quelques minutes de solitude, qui lui conférèrent l’occasion de pouvoir respirer au mieux, et de se préparer mentalement.

« Unverhoft kommt oft »

Time as come

« Guten tag Feuerwald ! J'espère que tu m'as fais venir ici pour une raison valable car on se les gèle ! Tu as de la chance que ce soit toi, j'aurai décliné si c'était quelqu'un d'autre. Oui tu peux te sentir privilégiée, je suis un homme bon ! »

Cette pointe d’humour si fidèle à cette voix presque enjouée faillit réchauffer le corps d’Erika. On pouvait bien penser ce qu’on désirait, la jeune fille restait attentive et sensible à ce genre de choses qui lui prenaient bien à cœur. Wyatt, lui prendre bien à cœur ? L’objet de sa venue n’était point anodine, et cette appréhension inhabituelle du quotidien de la belle n’était pas présente sans raison valable. Malgré tout, sa détermination faisait palpiter son organe central à une cadence incroyable, et elle ne pensait guère à l’idée de se défiler. De toute manière, son invité se tenait devant elle avec un certain sourire enjolivant son visage. Un visage qu’elle avait toujours trouvé séduisant. Des traits dignes d’un séducteur né, et on comprenait le nombre de petites amies qui s’étaient enfouies dans ses bras. Non, ce n’était pas le genre de garçon que l’on retrouvait à la bibliothèque, fin comme un rat, taillé comme un de ces « loosers » du château que personne ne convoitait.

« Guten tag, fit-elle en tentant de sourire. Ne t’en fais pas, je ne vais pas profiter de mon privilège bien longtemps, j'avoue que je ne supporte pas non plus ce froid envahissant. Je veux juste…mmh comment dire… »

Erika ignorait cependant ce qui l’attirait le plus chez lui ; sa morphologie physique très admirable, ou bien cette mentalité qui avait fait de lui quelqu’un de mature et d’agréable. Peut-être un mélange des deux finalement. Il était déjà arrivée à notre héroïne de devoir faire le point sur ce garçon, et elle s’était toujours étonnée de prendre autant de temps à y réfléchir. Elle ne désirait certainement pas faire la même erreur qu’avec Snow et bien d’autres jeunes hommes : confondre l’attirance et le vrai amour. Ce n’était pas une chose aisée chez les adolescents qui se découvraient au fil des années. Pourtant, elle restait indubitable sur ses pensées : Wyatt prenait un peu trop de place au creux de son cœur, et c’était bien ce fait qui la poussait à croire qu’elle nourrissait des sentiments pour lui. La vérité était qu’elle en éprouvait effectivement. Toutefois, cette expérience demeurait encore nouvelle pour cette rouquine, et s’il y avait bien une chose qui l’horripilait, c’était bien les faux-espoirs et la tromperie.

Ce soir, elle avait quémandé la présence du Serpentard pour tout lui avouer. Elle s’imaginait bien que la tâche serait loin d’être aussi facile que de discuter avec un simple ami. Jusque-là, elle n’en avait parlé qu’à Aiyana, et elle ne se cachait pas que la conversation par courrier ne s’était pas avérée bien fluide. Sa sœur de cœur n’avait cessé de lui dire de se méfier, mais Erika avait pour une fois décidé de suivre un peu plus ses sentiments que les bons conseils de son aînée. La belle n’en était pas forcément fière, mais elle avait le sentiment qu’il fallait tout révéler au serbe le plus rapidement possible. Ainsi, elle n’aurait plus à se morfondre entre de mauvaises pensées, et des émotions qui devenaient peu à peu instables. L’instabilité, elle détestait.

« Enfin, je devrais d’abord te demander si tu as passé une bonne journée. Est-ce que tout va bien de ton côté ? » poursuivit-elle, faisant de son possible pour conserver un air assuré qui ne trahirait pas son hésitation émotionnelle.

La question avait un caractère tellement ironique. Elle aurait fait sourire n’importe qui, comprenant qu’en réalité, il fallait la poser à Erika et non pas à Wyatt. Après tout, c’était bien elle qui était plus étrange que d’habitude. En tout cas, il était bien dans son genre de vouloir faire croire qu’aucun problème ne la troublait. Le seul problème résidait dans le fait qu’il fallait bien qu’elle lui parle de son petit souci, si elle souhaitait avancer dans ce qu’elle avait entreprit de faire. Que craignait donc cette tignasse rousse ? Une réponse négative qui métamorphoserait sa déception en colère ? Que tout ne soit plus pareil entre eux après la révélation de ses sentiments ? Indubitablement. S’il y avait bien une chose qui faisait de cette demoiselle une Serpentard, c’était ce petit aspect assez lâche quand il s’agissait de faire face à ses propres embûches. Le courage ou l’audace, – appelez cela comme vous le désirez – elle ne le trouvait que difficilement dans des situations qu’elle contrôlait peu. Evidemment, elle osait prétendre en son for intérieur que tout était prévu par sa propre personne ; une affaire d’égo tout simplement. Alors qu’elle s’adressait à Wyatt, son regard finit par se perdre dans l’immensité de l’horizon. Elle cherchait à fuir le regard de son interlocuteur comme elle le pouvait, bien que ses oreilles furent attentives à chacun de ses mots. La sixième année cherchait tant bien que mal une manière d’aborder les choses de manière naturelle, sans brusquer la conversation.

« En ce qui me concerne, je me suis plutôt ennuyée, même si Alexander a tenté de m’amuser. Mmmh...» finit-elle par dire, en sentant un petit stress l'envahir.

« Unverhoft kommt oft »

Time as come