J'ai passé la nuit à cogiter, hésiter, ruminer. À me demander quel était la réponse la plus moralement acceptable. Si le fait d'avoir été présente, même contre mon gré, allait m'attirer des ennuis, moi qui avais juré de me tenir tranquille cette année. Si dénoncer les agissements de mes camarades faisait de moi une collabo à l'instar des "jeunesses sorensiennes". Bordel, je pensais pas qu'être adulte (sur le plan  légal en tout cas) était sensé être aussi dur.

Mais au final, comment puis-je ne rien faire. Je suis partie avec la petite Amaia, mais je ne sais pas du tout si Aurore, par exemple, a fini par suivre le même chemin, ou bien si elle est restée là-bas et a fini par s'exécuter.

Alors peut-être que je surréagis, hein... Mais si c'est le cas, en parler à un adulte - un "vrai" adulte - n'aura pas d'autres conséquences que de me permettre d'apaiser ma culpabilité. Encore faut-il trouver un adulte de confiance. J'ai continué à y réfléchir en descendant à la bibliothèque, tôt le matin, avant le petit-déjeuner, à peine le couvre-feu levé, pour rendre une pile de bouquins avant qu'ils ne soient en retard.

Mon premier instinct aurait été d'aller voir le professeur O'Neill, mais il est parti. Avec la prof de bota, peut-être ? J'ai bien cru voir des étincelles entre ces deux là au bal de Noël, mais honnêtement, ce ne sont que des suppositions. Quoi qu'il en soit, lui, c'était plus possible.

Alors qui ? Le directeur ? Ben voyons !
Ma directrice de maison, Hatwell ? Un choix presque logique, surtout qu'elle est sympa en cours... Mais je la connais pas plus que ça, et mon directeur de maison précédent n'était pas des plus réceptif.
Le garde-chasse ? Je le connais, il est cool, on a retrouvé une licorne ensemble l'an dernier et j'ai même pas eu d'ennuis. Mais je crois que pour un truc aussi gros, il faut que ce soit un prof. La plupart de ceux que j'ai en cours cette année sont nouveau, et je vais quand même pas aller voir Van Aken !

Et puis, à la bibliothèque, j'ai vu un petit présentoir de livres d'arithmancie. Leo suit ce cours, pas moi... Mais la prof, Cooper, c'était la meilleure amie d'O'Neill, non ?! Une blonde, gentille... J'en mettrais ma main au feu.

Alors, en sortant de la bibliothèque, je file directement à son bureau, en évitant de me laisser intercepter par qui que ce soit. J'en serais presque parano, à marcher discrètement et à vérifier les coins avant de tourner.

Je lève la main, j'hésite et... Je frappe poliment à la porte, et attends qu'elle me dise d'entrer. Heureusement, elle est seule. Je m'exécute - en veillant à ce que personne ne me voie - et je m'assure avec une attention toute particulière à ce que la porte soit bien refermée avant de prendre la parole.

- Bonjour, Professeur Cooper. Excusez-moi de vous déranger. Je m'appelle Cassiopeia Borealis. Nous n'avons jamais eu cours ensemble, mais je me permets de vous déranger parce que...

Ma voix bute un peu. Ouais, pourquoi t'es dans son bureau à meme pas 7h du matin, Cassi ?

- J'ai besoin de parler à un adulte... Le professeur O'Neill n'est plus là et je ne savais pas vers qui me tourner. Je lui faisais confiance, et il vous faisait confiance alors...
J'hésite, je me tais, et je lui lance un regard implorant. Est-ce que la chaîne "marche" ? Est-ce que je peux lui faire confiance ? Est-ce qu'elle est prête à me consacrer du temps ?

@Professeur A. Cooper

There are perverts running in these woods

À priori, au petit matin, si elle n'avait pas cours, il y avait peu de chances de trouver Alice dans son bureau. Elle préférait généralement le confort de ses appartements où elle pouvait lire ou étudier les dernières recherches du département qu'elle avait quitté un an auparavant. Mais, ce matin, elle avait un certain nombre de copies à corriger et c'était la raison pour laquelle elle se trouvait dans son bureau, l'esprit encore un peu embrumé, à essayer d'analyser les calculs compliqués de plusieurs élèves de sa classe intermédiaire.

Bien lui avait pris de se trouver dans cette situation car une élève avait décidé de venir la voir dans son bureau. quand Cassiopéia Boréalis frappa à la porte, Alice leva la tête de ces copies en se demandant qui pouvait bien vouloir lui parler à une heure aussi matinale. Mais elle n'avait jamais refusé quand quelqu'un avait besoin de son aide. Elle n'hésita donc pas une seconde avant d'autoriser la personne qui avait frappé à la porte à entrer. Elle prit même la peine de prendre derrière elle une boîte de biscuits maison pour accueillir la personne qui désirait lui parler. Il était toujours plus agréable de discuter avec une bonne tasse de thé et une bonne platée de gâteau frais.

« Entrez ! »

La Serdaigle qui entra dans la pièce n'avait pas l'air tout à fait à son aise. Elle ne faisait pas partie des élèves que Alice avait l'habitude de fréquenter. Ce n'était pas une Poufsouffle et elle ne faisait pas arithmancie. Mais à voir la détresse dans laquelle elle se trouvait, de toute évidence, Alice se fichait bien de n'avoir pas encore eu l'occasion de la côtoyer. Elle était prête à l'écouter et à essayer de la réconforter. En la regardant de plus près, elle reconnut la jeune femme qui s'était opposée à la directrice quelques mois auparavant, se faisant renvoyer avant que le changement de direction ne change la donne.

« Asseyez-vous, Miss Boréalis, désirez-vous un biscuit ? »

La jeune professeure désirait la mettre tout à fait à son aise afin qu'elle puisse lui parler en toute confiance. Elle comprit rapidement que c'était l'une des protégées de Aidan et, rien que pour cela, elle se montrerait encore un peu plus à l'écoute. Si le professeur d'astronomie lui avait parlé d'elle, c'était qu'il espérait qu'elle se tourne vers elle au cas où il ne serait pas disponible alors, quand elle lui affirma avoir à lui parler de quelque chose, Alice hocha la tête.

« Allez-y, Miss, expliquez-moi ce qui ne va pas. Prenez votre temps, je suis là pour vous écouter. »

Codage par Libella sur Graphiorum

Et moi qui était fermement décidée à faire de l’académique ma préoccupation principale cette année… On est encore en septembre, et me voilà déjà empêtrée dans des questions morales. Dénoncer mes camarades au pouvoir en place… Ou bien prendre le risque de laisser Blaze et Mary dériver dans des extrêmes plus dramatiques encore ? Il faut dire qu’ils ont commencé fort… Et qu’il y a des gosses influençables dans la maison, bordel ! Des gamins incapables de comprendre que, parfois, les “grands” n’ont pas forcément raison…

Mais même si je décide d’en parler… A qui ? Pas à Sorensen, ça, c’est clair. Il a peut-être autorisé mon retour, mais il ne m’inspire pas confiance. O’Neill n’est plus là, je ne connais pas Hatwell. Il y aurait bien le garde-chasse, mais je ne sais pas s’il a l’autorité nécessaire. Il me renverrait probablement vers un prof. Alors, van Aken ? Ben voyons ! Il est probable qu’il approuve, encore !

C’est, comme souvent, à la bibliothèque que j’ai trouvé des réponses aux doutes qui me taraudaient, sous la forme d’un livre d’arithmancie. Mais non, je ne suis pas allée interroger les chiffres sans rien y comprendre ! Mais j’ai pensé à Madame Cooper, l’amie d’O’Neill. Je la connaissais peu, mais je savais qu’elle avait le coeur sur la main.

Et comme ça, je me suis retrouvée à me faufiler jusqu’à son bureau aussi discrètement que si j’avais prévu de le cambrioler. Alors que, je vous assure, je voulais simplement parler avec elle.

J’ai hésité un instant devant la porte, mais finalement, j’ai frappé. Un “Entrez !” Cordial m’a appris qu’elle était là, et j’ai obéi aussitôt, en refermant soigneusement la porte derrière moi avant de la saluer. Je me suis présentée en m’excusant de la déranger, et elle m’a invitée à m’asseoir, en poussant la gentilesse jusqu’à m’offrir un biscuit. J’ai hoché doucement la tête en murmurant un “Merci, professeur.” et j’en ai pris un dans la boite tout en poursuivant, que même si nous n’avions jamais eu cours ensemble, je me permettais de la déranger parce que… Et bien, parce que j’avais besoin de parler à un adulte, que le professeur O’Neill n’était pas là et que cette inconnue était désormais ce qui se rapprochait le plus pour moi d’un adulte de confiance dans cette école.

Je pris une première bouchée de mon biscuit pour me redonner une contenance, tout en lui adressant un regard implorant. Avais-je raison de me tourner vers elle ? Etait-elle prête à m’écouter ? Visiblement, oui. Elle m’encouragea à lui expliquer ce qui n’allait pas en prenant mon temps.

- Je ne sais pas si vous le savez, mais Serdaigle a fait son intégration hier soir. Et je… et bien, je suis très inquiète pour la sécurité physique et affective de mes camarades, surtout des plus jeunes. Il s’est passé des choses qui ne devraient pas se passer dans un cadre scolaire…
Sécurité affective. Une expression que j’ai appris au BAFA, cet été. Est-ce que les sorciers l’utilisent ? Sinon, j’espère qu’elle comprendra.

Je mordillais une seconde bouchée de mon biscuit, le temps de chercher mes mots, puis je repris.
- Les préfèts nous ont tirés du lit en pleine nuit et nous ont emmené dans la Forêt Interdite. Ils ont dit qu’ils avaient carte blanche du directeur… Mais aussi que l’on devait faire attention aux portraits et aux statues.
Je laisse une moue sceptique accompagner mes propos, signe que je ne suis pas dupe de cette incohérence.

Je ne suis pas le genre de fille qui balancerait cette incartade au règlement “pour elle-même”. Surtout si j’avais été certaine qu’ils s’assureraient que rien n’arrive à nos plus jeunes camarades durant cette soirée.

- Ils ont ramassé toutes nos baguettes. Enfin, sauf la mienne, parce que j’ai refusé de la donner.
Oui, ça a un arrière-goût amer de déjà vu, parce que qu’Appleton a essuyé ce même refus de ma part l’année dernière. Mais j’espère que malgré cela, ne serait-ce qu’au vu de l’illégitimité de toute la sortie, de mon entrée en matière surtout, elle me laissera une chance de poursuivre.

- Et ensuite… Ils ont demandé à tout le monde de se mettre en sous-vêtements pour un “parcours dans la forêt”. Je veux dire… Je poursuis avec plus d’insistance. - Un adolescent de dix-sept ans - un adulte, légalement - occupant une position d’autorité hiérarchique en tant que préfet a demandé à des enfants de onze ans de se déshabiller devant tout le monde.
Je laisse un instant à mes propos pour faire effet.

- Je trouve ça très grave, professeur... Sur le coup, je l’ai traité de pervers, et avec le recul, c’était peut-être exagéré, parce que son intention n’était pas sexuelle. Mais le problème… Le problème c’est ce que ces deux préfets apprennent à ces gosses dont ils sont responsables… Qu’il est acceptable qu’une figure d’autorité leur donne ce genre d’ordres et qu’ils doivent obéir sans broncher.

Je soupire. Je n’ai pas terminé mon biscuit, mais je me contente désormais de le retourner dans ma main. C’est dommage, il est délicieux.

 

There are perverts running in these woods

La jeune fille n'avait pas l'air très à l'aise de venir lui parler de ce qu'elle avait vu et la professeure ne pouvait pas s'empêcher de se demander à quel point la situation était sérieuse. C’était une jeune fille de septième année et elle en avait certainement vu d'autres. Il était donc peu probable que ce dont elle vienne lui parler ait un rapport avec la politique des Sorensen. De toute façon, si tel était le cas, Alice serait bien forcée de lui dire qu'elle ne pouvait pas grand chose à la situation pour le moment, étant donné que son statut ne lui permettrait pas d'être réellement écouté Elle avait compris depuis un moment que le combat devrait se mener autrement mais elle ne savait pas encore exactement la voie qu'il allait prendre.

Après avoir croqué dans un cookie en la remerciant pour ce partage, la jeune sorcière comment ça à lui parler de ce qui l'amenait dans son bureau. Il s'agissait apparemment de la soirée d'intégration des Serdaigle et Alice se demanda pourquoi elle n'avait pas été en parler à son professeur référent. Amelia n'était pas du genre à repousser les confidences des élèves et c'était un professeur relativement rassurant dans l'ensemble. Mais puisque c'était à elle que la jeune Serdaigle avait décidé de s'adresser, la jeune femme se montrerait présente pour elle et écouterait ce qu'elle avait à dire.

Quand elle commença son histoire, la professeure commença à douter que la direction ait réellement été mise au courant, mais ça ne semblait pas être le plus gros problème de cet événement que les préfets de Serdaigle avaient décidé d'organiser. Elle ne cilla pas en apprenant qu'ils avaient récupéré les baguettes de tout le monde. Pour un événement d'intégration, ce n'était peut-être pas l'idéal, mais cela pouvait s'expliquer. Cependant, en voyant que la demoiselle était de plus en plus mal à l'aise, elle comprit qu'il y avait probablement autre chose et elle était décidée à ne pas l'interrompre jusqu'à ce qu'elle ait le fin mot de l'affaire.

Elle eut beaucoup de mal à rester stoïque en apprenant que les deux préfets avaient demandé aux élèves de se déshabiller devant tout le monde. Apprendre à un enfant qu'une figure d'autorité avait le droit de leur faire ce genre de demandes, c'était ouvrir la porte à des débordements imprévisibles auxquels ces deux-là n'avaient sûrement pas pensé. Alice était tout à fait d'accord que ce n'était pas quelque chose à faire et elle comprenait parfaitement la préoccupation de la jeune fille qu'elle avait devant elle. Elle attendit qu'elle ait complètement fini de parler pour répondre à son témoignage.

« Effectivement, vous avez raison, cet aspect précis de cette activité n'était clairement pas une bonne chose pour la sécurité des élèves de votre maison. Vous avez eu raison de venir m'en parler. J’irai remonter cela à qui de droit afin que des mesures soient prises pour éviter que cela se reproduise. »
Dans l'idéal, elle aurait demandé le renvoi des élèves concernés, ou au moins, qu’on leur retire leur grade de préfet, mais elle savait qu'on ne l'écouterait qu’à moitié et qu’au mieux, ils se feraient sermonner un peu. Mais en remontant l'information, Alice aurait effectué son travail. Et si les préfets poursuivaient dans leurs débordements, elle en avertirait Amelia, qui prendrait les mesures adéquates. Tout ce qu'elle espérait, c'était que les mesures prisent, toutes légères qu'elles soient suffiraient pour que cela ne se reproduise pas.

« Quoi qu'il arrive, si autre chose devait vous inquiéter, n'hésitez jamais à venir m'en parler comme vous l'avez fait aujourd'hui. Ma porte sera toujours ouverte. »

Codage par Libella sur Graphiorum