Science sans conscience n'est que ruine de l'âme [LIBRE]

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Septembre touchait à sa fin marquant l’entrée dans l’automne sur les îles britanniques mais il faisait encore bon dans le parc du château. Après un été particulièrement pluvieux et austère, les étudiants de Poudlard qui n’avaient pas eu la chance de voyager dans un pays chaud pouvaient se consoler en profitant des rayons du soleil et d’une légère brise qui autorisaient à circuler sans manteau à l’extérieur.

A son âge, le professeur van Aken avait les extrémités des mains froides et les os qui lui faisaient mal à cause de l’humidité. De fait, il ne sortait qu’assez peu du château et même des cachots. Une fois par semaine il se rendait aux serres pour s’entretenir avec le professeur de botanique et prélever certains ingrédients nécessaires à ses mixtures et le samedi après midi quand la plupart des étudiants étaient à Pré-au-Lard, il s’adonnait à une longue promenade autour du lac qui le maintenait en forme.

Ce jour là néanmoins, on était mardi et rien ne prédisposait l’enseignant à sortir de ses cachots sinon la préparation d’une étrange potion qui ne pouvait se réaliser en intérieur. Quoique relativement inoffensive si préparée correctement, la mixture produisait à certaines étapes de sa préparation d’étranges vapeurs urticantes voire toxiques à haute dose. Mieux valait donc éviter de s’enfermer avec dans une pièce insuffisamment aérée et en fait, à choisir, c’était aussi bien de faire ça dehors.

Son elfe de maison avait installé un grand brasier un peu à l’écart des lieux de passage, en bas d’une petite colline d’herbe, sur lequel il avait ensuite disposé un chaudron assez large pour accueillir plusieurs enfants. La chaleur qui émanait du foyer était telle que le professeur van Aken touillait la mixture en grimpant sur un petit escabeau de bois et le reste du temps se contentait d’envoyer voler ses ingrédients à l’intérieur de la préparation d’un geste de sa canne.

Frimord – c’était le nom de l’elfe – allait et venait en transplanant, ramenant et rangeant divers ustensiles de cuisine selon les besoins de son maître et se tordant les doigts d’angoisse le reste du temps. La potion semblait complexe à voir le nombre d’étapes par lesquelles passait le professeur, dont certaines étonnantes ou étranges. Il avait à un moment esquissé quelques pas d’une danse païenne et démontré une surprenante souplesse pour quelqu’un qui ne se déplaçait qu’à pas lent et muni d’une canne et plusieurs grenouilles vivantes avaient déjà été projetées dans la mixtures bouillante dans un coassement paniqué rapidement suivi d’un gargouillis morbide.

D’un geste précis, van Aken se passa sur le front un mouchoir de soie et retira sa redingote pour se retrouver en bras de chemises. La journée allait être longue…

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Science sans conscience n'est que ruine de l'âme

L’année venait à peine de commencer et pourtant, octobre pointait déjà presque le bout de son nez. L’automne était arrivé, bientôt les arbres perdraient leurs feuilles et laisseraient sur le sol un tapis de couleurs chaudes. Le vent et la pluie feraient bientôt leur grand retour en fanfare. Mais pour l’heure, il faisait encore bon. Il faisait bon tout le temps en Angleterre, quelle que soit la saison, d’après la Nordique. Elle en avait vu d’autres. Un véritable hiver. Les tempêtes de neige, les températures aussi basses que le QI de Carter.

La blonde avait eu les deuxièmes le matin et elle venait de terminer avec les troisièmes, un groupe particulièrement pénibles. Une belle brochette de chochottes et d’abrutis dans cette classe. Elle qui n’aimait déjà pas les petits, de base, mais alors ceux-là. Il y avait du bon et du moins bon dans chaque classe, mais pas en troisième. Par contre de la niaiserie, il y en avait. Ainsi, elle se montra encore plus exécrable qu’a l’accoutumée. Qu’ils passent un aussi mauvais moment qu’elle, ça leur ferait les pieds.

Après ce cours, la Thorstein fila en direction du parc, histoire de se dégourdir les jambes et de prendre l’air. Elle n’avait jamais aimé être enfermée, elle était faite pour être dehors. Ironique quand elle passait son temps à mettre ses élèves dans des petits espaces confinés pour les déconcentrer.
Ou pour les punir, comme le petit Van Aken.

En parlant de Van Aken, voilà qu’elle observait la vieille bourrique de loin faire de drôles de chose autour d’un chaudron plus grand que la moyenne habituelle. Un elfe de maison ne cessait d’apparaitre et de disparaitre à ses côtés, tandis qu’il était debout sur quelque chose et qu’il touillait. Elle allait continuer son chemin lorsqu’elle le vit soudainement faire une danse étrange. Avec un petit sourire en coin, elle parcouru les quelques dizaines de mètres qui la séparait du maitre des potions. Quand elle fut presque à sa hauteur, elle sentit la chaleur du feu, les vapeurs de la mixture. Il venait tout juste d’enlever une partie de son habituel costume et il s’épongeait le front.

« Ne me dites pas qu’ils vous ont rrrelégué à la soupe, Van Aken ? »

De l’humour, voilà qui n’était pas si commun dans la bouche de la Suédoise. Mais elle pouvait plaisanter avec quelqu’un pour qui elle avait du respect. En y repensant, il était, avec elle, l’un des plus créatifs en terme de punitions. Tellement que c’était presque devenu un petit concours personnel pour la blonde de faire encore mieux que le vieux barbu.

« Je n'avais pas encorrre eu le temps de vous demander ce que vous pensiez de ce système de classement des élèves. »

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Si le vieux monsieur avait toujours de bons yeux et des réflexes tout à fait corrects pour son âge – malgré ce qu’il en disait – son ouïe avait légèrement tendance à décliner depuis quelques années et il ne perçu la présence de la professeure Thorstein qu’aux regards insistants et angoissés que lançait Frimord par-dessus son épaule. D’un geste van Aken retourna son mouchoir dans la poche de son pantalon et accueillit sa collègue d’un sobre hochement de tête.

- « Ne vous avisez pas d’en boire une gorgée nonobstant. Les bons potionistes sont rarement d’excellent cuisiniers. »

Pour cause, c’était son elfe qui s’occupait de la popote à la maison. En plus de quatre-vingts années de vie, l’aîné des van Aken n’avait jamais eu à cuisiner une seule fois et ne s’en portait pas plus mal. C’était autant de temps consacré au travail et à la lecture que de se débarrasser des corvées ménagères.

Il fallait laisser un peu la mixture reposer quelques minutes à présent, avant de reprendre sa danse. D’autres auraient peut-être été gênés d’avoir à gesticuler devant quelqu’un, comme ses élèves n’avaient osé se lancer que très maladroitement lorsqu’il leur avait enseigné l’année précédente qu’un bon sabbat pouvait changer la qualité d’une préparation, mais van Aken y voyait là l’expression d’un art raffiné et complexe dont il ne fallait pas avoir honte.

Les deux enseignants n’avaient eu le temps que d’échanger deux phrases que l’elfe réapparaissait dans un craquement sourd, deux verres en cristal et un pichet de vin sous l’aisselle. Parfait.

- « Une seine stimulation, indiscutablement. J’ai toujours pensé que les efforts se devaient d’être récompensés collectivement mais aussi individuellement, quelle meilleure école de la vie après tout ? »

Le vieux monsieur porta la coupe rouge à ses lèvres et en bu une gorgée.

- « J’ai toute confiance en Kaspaer Sorensen pour appliquer sa pédagogie avec intelligence et humanité. »

D’autant plus confiance que le directeur s’entretenait régulièrement avec lui au sujet de l’école.

De sa main fermement posée sur sa canne, van Aken imprima un geste de la main et une pincée d’herbes bleues s’en alla toute seule voler dans le chaudron comme par magie. D’un geste du menton, le maître des potions indiqua la mixture.

- « Il s’agit d’une potion de terreur nocturne. Paralysie, hallucination. Saviez vous que selon certaines théories moldu les rêves avaient pour fonction de nous préparer aux dangers de la vraie vie ? On s’imagine face à un dragon pour ne pas être pris au dépourvu des fois qu’on en croiserait un en vrai. J’aime à penser qu’il y a un fond de vrai là-dedans, et dans ce cas-là, une gorgée de terreur nocturne ferait un parfait entrainement sans aucun danger pour ces jeunes gens. »

Il grimaça.

- « Mis à part une petite migraine et un très mauvais arrière-goût dans la bouche. »

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Science sans conscience n'est que ruine de l'âme

Il y avait à l’école bon nombre d’adultes plus ou moins compétents. La nordique pouvait aisément faire un classement de tous les membres du personnel, comme elle le faisait depuis qu’elle était arrivée ici, il y avait un an et demi de cela. Et comme Kaesper Sorensen l’avait instauré depuis le début de l’année.

Tout en bas de son classement, sans aucune surprise, se trouvait Cooper. Elle ne pouvait pas la voir en peinture, encore moins depuis la Saint-Valentin. Elle n’avait jamais pu la voir, de toute façon, cette greluche. Et Alexander. Sa tête ne lui revenait absolument pas, une vraie tête de con. Il filait donc tout droit dans le même panier que Cooper. De plus, ils étaient voisins de table, tout le temps en train de l’ouvrir. Un duo agaçants à souhait donc.
Ensuite, un groupe pour Hatwell elle seule. Elle avait une dent contre elle mais elle n’était pas dans le même sac que le duo précédemment cité. Il y avait eu Wayde au milieu de cette histoire. Et la révolution aussi. Elle s’était quand même prise une rouste par un gosse de première année. Elle rejoignait donc sans mal le fond du classement Thorsteinien.
Dans le groupe suivant se trouvaient les personnes à qui elle n’adressait jamais la parole et qu’elle ignorait purement et simplement. Elle savait qui ils étaient mais cela s’arrêtait là. Ils ne feraient jamais partie des personnes tolérées dans son entourage. On y retrouvait Harper, Hunt, Tyrell et Gray.
Le quatrième ensemble reprenait Duncan, Van Aken et le directeur de l’école. Des personnes pour qui elle avait du respect et avec qui elle échangeait quelques mots, sans bavarder durant des heures non plus. Ils ne partiraient pas en vacances ensemble mais ils se croisaient bien volontiers autour d’un repas ou d’un verre. Avec sa politique proche de la manière de penser de la Thorstein, elle n’avait d’autre choix que de le respecter. Ils étaient peu à aller dans ce sens et la Direction de l’école prenait enfin le chemin que Thor avait escompté depuis qu’elle était arrivée ici. Redresser l’école, redorer son blason souillé par la médiocrité. Voilà ce qu’il fallait ! Voilà ce qu’elle aimait !

Tout en haut du classement, on retrouvait les acolytes de la blonde, ses compagnons de soirée et de picole surtout. Siwan et Fergal. Les tolérés et même apprécié. Siwan avait été la première, Fergal n’était qu’arrivé l’an dernier mais ça avait tout de suite accroché. Aucun doute que si elle devait placer sa confiance en quelques-uns ici, ils seraient les seuls. Après tout, elle ne passait pas autant de temps avec des personnes sans les apprécier un minimum à ses côtés. Elle avait déjà enduré Siwan pendant 1 mois entier dans sa chambre, elle pouvait tout endurer maintenant. Elle lui avait même donné sa couverture lors du voyage à Durmstrang, preuve d’amitié suprême pour la blonde.

Ainsi, lorsqu’elle avait vu le vieux Van Aken danser autour de son chaudron dans le parc, elle s’était approchée sans crainte qu’il ne lui casse les pieds et ne la fasse grincer des dents, et sans crainte qu’il ne lui tienne la jambe indéfiniment, comme Siwan.
Elle l’avait taquiné très légèrement en arrivant. La chaleur dégagée par le chaudron l’avait obligée à ne pas s’approcher de trop près. Elle n’aimait pas trop le chaud, elle le supportait bien moins que le froid.

Elle profita de sa présence pour diriger la conversation sur la nouvelle pédagogie à Poudlard. Mais elle n’eut pas encore la réponse que l’elfe refaisait surface avec une carafe et deux verres. Il avait plus de présence d’esprit que la moitié des élèves du château, cet elfe. Thor prit son verre tout en écoutant la réponse du vieil homme.

« Je n’en attendais pas moins de vous. Vous imaginez parrrfaitement que la méthode me plait. Il en a toujourrrs été ainsi dans ma classe, j’attendais impatiemment le moment où nous aurrrions quelqu’un d’assez compétent pourrr l’appliquer à l’école entièrrre. »

Et sur ces mots, la liquide rouge foncé coula le long de son œsophage.

Thor ne porta pas plus attention que ça à la potion qui était concoctée à ses côtés. Toutes les potions n’étaient pas intéressantes. Et Van Aken sembla lire dans ses pensées pour lui donner tord lorsqu’il lui expliqua ce qu’était celle qu’il préparait à l’instant. Une lueur brilla dans les yeux de l’enseignante de DCFM. Une potion de ce genre, cumulée avec les explications approfondies du maitre des potions, ça lui donnait forcément des idées à exploiter en classe.

« L’arrrièrrre-gout et la migrrraine sont bien peu cherrrs payés si cela perrrmet une meilleurrre maitrrrise de la peurrr parrr la suite. »

Elle prit une nouvelle gorgée de vin.

« Serrrait-il possible, d’aprrrès vous, d’adapter la potion afin que l’élève soit semi-conscient et qu’il rrréalise rrréellement les actions qu’il ferrrait dans sa tête ? Que nous puissions nous même obserrrver les actions de celui qui la boit. »

Il y avait plusieurs questions qui fourmillaient dans l’esprit de la blonde. Des questions pour les cours, mais aussi pour elle-même. Quel meilleur entrainement que d’avoir en adversaire les choses qui nous effraie ? Apprendre à vaincre ses peurs les plus ancrées, voilà un challenge qu’elle avait particulièrement envie de relever.

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Dire qu’il avait des amitiés avec le professeur Thorstein était sans doute un bien grand mot mais au moins s’entendaient-ils convenablement ce qui dans cette école était déjà pas mal. Et puis, étant tout aussi penchée sur la boisson que lui, passer quelques temps en sa compagnie ne serait-ce que pour une discussion était toujours prétexte à boire ce que ça femme ne pouvait pas lui reprocher. Après tout, boire en contexte mondain n’était pas interdit.

Mais au-delà de leur amour pour l’alcool, ils partageaient également une certaine conception de la pédagogie. Laxisme et mollesse étaient les deux pierres sur laquelle on batissait une vie de misère et de médiocrité. Comme de jeunes plantes, les élèves de cette école avaient besoin de tuteurs fermes et qu’on leur coupe de temps en temps quelques feuilles pour leurs permettre de pousser harmonieusement.

Portant à nouveau sa coupe de vin à ses lèvres, il hocha la tête aux paroles de Thorstein. Plus encore que la suédoise, il avait de quoi se réjouir. Sorensen était de ses amis, leurs familles liées par le sang et il était lui-même le parrain de sa petite fille Erin, scolarisée à Poudlard. S’il avait eu quelques griefs quant à la politique menée par le nouveau directeur, il aurait été certain d’avoir son oreille attentive. On ne pouvait en dire autant de tous les autres professeurs.

- « C’est une validation pour nos méthodes, indiscutablement, et un encouragement à nous montrer moins timorés quant à la dureté de l’enseignement. J’envisage dorénavant de faire goûter à mes étudiants leurs propres préparations au sortir du cours de potions, je suis certain que cela devrait contribuer à en motiver certains à la tâche. »

Van Aken ne pensait pas sérieusement à empoisonner ses élèves avec les horreurs qu’ils lui préparaient dans les cachots, mais une fois de temps en temps, pour l’exemple, cela ne pourrait pas faire de mal. De toute façon il avait de nombreux anti-poisons dans la réserve le cas échéant.

Il évoqua ensuite le contenu du chaudron qui gargouillait dehors et la raison de sa présence. Une fois de plus, Thorstein ne le déçu pas. Cette femme savait faire preuve de curiosité pratique, et il s’amusa de voir qu’à peine avait-il achevé de lui dépeindre les effets de la mixture que sa collègue y voyait déjà des applications pour son cours.

- « Ce ne serait pas impossible, en effet. Couplé avec certains ingrédients favorisant l’hypnose, j’ai déjà procédé à des expériences s’en rapprochant par le passé… »

Deux ans plus tôt il avait plongé la jeune Hillary dans un sommeil transparent et invité les autres élèves à s’y engouffrer à sa suite. Une épreuve désagréable mais sans aucun risque, c’était certain.

- « Je comprends parfaitement l’utilité d’une telle préparation pour vos cours, nonobstant. On ne pourrait plus dire que Poudlard néglige la préparation de ses étudiants si ceux-ci sont littéralement confrontés au pire. Il me semble que vous-même faites grand usage des épouvantards m’a-t-on rapporté ? »

En fait, c’étaient les tableaux qui en laissant trainer leurs oreilles avaient remarqué que les étudiants sortant de Défense Contre les Forces du Mal se plaignaient souvent d’avoir eu la peur de leur vie et rechignaient pour certains à y retourner la semaine suivante.

Le verre de vin était vide à présent.

- « De vous à moi, je me demande combien de nos collègues seraient également capable de faire face à cette créature. Avec tout le respect que j’ai pour certains d’entre eux, leurs capacités à se montrer utile sortis de la théorie me laisse parfois perplexe. »

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