ivres de bonne heure ou de bonheur (JUNIOR ♚ ERIN)
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(#) Sujet: ivres de bonne heure ou de bonheur (JUNIOR ♚ ERIN) Sam 17 Avr - 17:59
( ivres de bonne heure ou de bonheur | JUNIOR ♚ ERIN )
Le silence qui régnait dans le couloir nous accueillit et nous enveloppa, comme pour nous féliciter de n’avoir pas traîné plus longtemps à l’intérieur. Derrière nous, la porte en bois — passage unique vers cette pièce où ne tarderait pas à régner la débauche la plus crasse — s’effaçait déjà, remplacée par des pierres similaires aux autres. En quelques secondes à peine, c’était comme si les minutes passées dans la Salle sur Demande n’avaient jamais existé. Seuls témoins de cette victoire que nous avions si promptement célébrée, le gobelet que Junior tenait toujours dans sa main droite et le mien, coincé entre deux doigts et cette bouteille dont je m’étais emparée pour noyer l’ennui de mon meilleur ami. Mon regard s’égara quelques secondes du côté du mur redevenu parfaitement lisse avant qu’il ne replonge dans celui de Junior. « Puisqu’il est obligatoirrre de jouer… » Un sourire sans fin étira mes lèvres. « Action ou vérité ? » Il hésita à peine avant de choisir la seconde option. Mes doigts n’avaient pas lâché les siens à notre sortie de la Salle sur Demande et ne le firent pas plus maintenant, se resserrant au contraire un peu plus : nous avions une fuite à poursuivre. « Où est-ce que Sa Majesté souhaite que je l’emmène ? » Loin d’ici, c’était une évidence, mais je lui laissais le soin de choisir l’indécence qui lui convenait. Il se prononça pour la salle de bain des préfets, quelques étages plus bas, où nous pourrions jouir d’un bassin aux allures de piscine sans devoir subir la présence inconfortable de nos pairs. Sans plus attendre, je l’entraînai à travers les couloirs du sixième étage.
Après un léger contretemps dont j’étais l’unique responsable, je le reconnaissais, la soirée et la nuit nous appartenaient désormais. « L’année prrrochaine, quand nous aurrrons gagné la coupe, rrrappelle-moi que fairrre acte de prrrésence à leurrr soirrrée n’est qu’une perrrte de temps. » J’admettais à demi-mot avoir eu tort de nous traîner là-bas tout en lui faisant savoir que je ne recommencerais plus : autant passer directement à la partie plaisante. Depuis que nous avions laissé derrière nous cette guerre dont n’avions jamais voulue, pour retrouver tout ce qui nous importait, il ne se passait pas une journée sans que nous ne passions plusieurs heures ensemble. Cependant, l’instant présent avait un goût légèrement différent des heures perdues à étudier dans la bibliothèque ; des heures indolentes allongés sur son lit à ne rien faire d’autre qu’à profiter de cette présence si précieuse ; des cours partagés ou des recherches pressées pour sauver ce qui pouvait encore l’être. Il était habillé de quelques similitudes — celles d’autres soirées, plus ou moins agréables — et toutes ces différences qui soulignaient l’étendue des contrées traversées à travers des habitudes maintenant acquises. Nos doigts qui se retrouvaient dès que possible, la douceur de nos baisers qui s’étaient faits chaque fois plus fréquents et plus naturels depuis ces toutes premières fois, entre la version née de l’ivresse et celle poussée par une dispute idiote. Et en même temps, il ne pouvait se départir de cette impression persistante que tout n’était plus si facile. Les desseins de ses parents n’étaient pas morts, simplement repoussés à plus tard, et se satisfaire du temps gagné ne durerait pas, je le pressentais vaguement, comme un bourdonnement lointain qui s’approche lentement mais sûrement.
Quelque part sur notre chemin, des voix adultes nous firent échanger un regard puis nous arrêter à l’angle d’un couloir. Le dos collé contre le mur, l’oreille tendue, Junior à quelques centimètres de moi, je laissai mes yeux parcourir les traits de son visage concentré sur les bruits proches, un sourire indéfini ourlant mes lèvres. Il n’était pas encore l’heure du couvre-feu — des étages plus bas, la Grande Salle bruissait encore de centaines de conversations qui animaient les heures dédiées au dîner — mais nous étions tous les deux en possession d’alcool et ce n’était pas un point que le règlement autorisait. Mieux valait ne pas se faire prendre dans cette situation : hors de question de se faire renvoyer dans nos dortoirs respectifs ! « Des amis à toi que tu souhaites prrrévenirrr une nouvelle fois de ce qui se passe plus haut ? » Mon chuchotement moqueur soufflé à l’oreille de Junior faisait bien évidemment référence à l’année dernière où il ne s’était pas retenu de faire savoir à Kendrick qu’une soirée clandestine et fortement alcoolisée se tenait à l’étage. Sauf que j’étais alors à l’abri sous ma cape d’invisibilité — sagement rangée dans mon dortoir, n’ayant pas jugé utile de l’emporter avec moi — et bien plus saoule que maintenant. Les voix s’éloignèrent sans nous croiser et nous reprîmes notre route jusque la salle de bain protégée par un mot de passe. C’était probablement l’un des secrets les moins bien gardés de tout Poudlard. Le précieux sésame nécessaire à l’entrée avait tendance à fuir avec une facilité déconcertante, s’échangeant de bouche en bouche entre les élèves les plus âgés. Il ne restait plus qu’à espérer qu’il n’ait pas été modifié depuis la dernière fois qu’il avait été porté à ma connaissance. « Tyrrran frrrileux. » Forcée de détacher mes doigts de ceux de mon meilleur ami, je poussai la poignée qui n’émit pas la moindre résistance, nous laissant tout le loisir de nous glisser dans la pièce vide de toute présence.
« Aprrrès vous » fis-je, esquissant une révérence surjouée et un sourire espiègle, juste avant de le suivre et de tirer le verrou derrière nous. Personne ne viendrait nous déranger. Le marbre blanc, le grand bassin agrémenté d’une centaine de robinets en or, les fenêtres voilées de rideaux blancs, les serviettes disposées dans un coin : les lieux étaient inchangés depuis notre dernière escapade. L’unique tableau encadrait une sirène, en temps normal, mais celle-ci était absente, nous laissant dans un tête-à-tête des plus parfaits. Je déposai le gobelet et la bouteille à même le sol, au bord du bassin vide, avant d’avaler la distance qui me séparait de l’orgue de robinets dorés. Des souvenirs affluèrent, d’une eau huileuse et violacée, de bulles par centaines qui flottaient paresseusement dans la pièce, de senteurs citronnées ou de myrtille et bien d’autres encore, à l’image de cette querelle qui avait agité les eaux calmes de la piscine et qui me paraissait affreusement ridicule avec le recul. Mes yeux clairs croisèrent ceux de Junior, essayant de deviner s’il se remémorait les mêmes choses que moi, avant de revenir aux robinets. « Une prrréférrrence ? » lui demandai-je, mes doigts entrouvrant déjà l’un des verrous à ailettes, laissant échapper une mousse aussi blanche que la glace et parfaitement épaisse. « Il me semble me souvenirrr que tu aimes parrrticulièrrrement les paillettes. » Paillettes ou pas, le bassin se remplissait assez vite, la magie aidant à ce que l’eau ne mette pas des heures à combler ce vide immense. Et nous avions toute une soirée pour en profiter, bien loin d’une plèbe infâme, à l’abri de tout ce qui avait provoqué nos disputes passées, mais peut-être pas de ce qui avait fait trembler le début de cette année.
(#) Sujet: Re: ivres de bonne heure ou de bonheur (JUNIOR ♚ ERIN) Sam 17 Avr - 21:13
Dernière édition par C. Junior d'Archambault le Dim 18 Avr - 14:27, édité 1 fois
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(#) Sujet: Re: ivres de bonne heure ou de bonheur (JUNIOR ♚ ERIN) Dim 18 Avr - 0:40
( ivres de bonne heure ou de bonheur | JUNIOR ♚ ERIN )
La réponse de Junior fut accueillie avec un sourire en coin qui en disait long et une moue ravie qui n’en disait pas moins. Ses désirs étaient des ordres, la salle de bain des préfets était donc notre destination. Derrière les allures de plaisanterie tissée autour d’une fuite commune, cette vérité n’en était pas moins une à part entière : ses envies m’importaient. Certes, ce soir, il avait été le premier de nous deux à céder aux caprices de l’autre — et il l’était souvent, au demeurant — mais il venait immanquablement, le temps où je veillais à consentir à ses caprices à lui et à faire en sorte que leur réalisation soit la plus agréable possible. Du moins était-ce ainsi que je considérais les choses et l’idée qu’il n’en soit peut-être rien — à ses yeux, en tout cas, car ceux des autres ne m’intéressaient pas le moins du monde — ne m’avait jamais effleuré l’esprit. Les choses étaient ce qu’elles étaient, ce qu’elles avaient toujours été, et nous en tirions tous deux un réconfort plaisant. De deux enfants qui venaient à peine de se rencontrer nous étions devenus ces meilleurs amis inséparables dont le lien se fortifiait avec l’âge jusqu’à prendre ce tournant aussi délicieux qu’inattendu — l’était-il tant que ça ? — le tout sans jamais caractériser explicitement ce que nous devenions. Mon meilleur ami, voilà ce qu’il était. Quant à préciser les nuances que ces deux petits mots revêtaient… La seule et unique fois où nous nous étions un tant soit peu pliés à l’exercice, c’était sur ce banc, il y a presque un an de cela, en avouant réciproquement avoir apprécié ce baiser alcoolisé qui créait tant de dissensions… car des non-dits étaient nés des malentendus et des incompréhensions. Je ne m’étais jamais torturé l’esprit sur ce qu’étaient les choses, me pliant à l’évidence de cette relation et ce besoin constant d’être auprès de Junior. Néanmoins, force était de constater que même les évidences les plus parfaites avaient parfois besoin, de temps à autres, de quelques éclaircissements. En témoignaient ces pages raturées de toutes parts, la faute à cette plume qui ne parvenait pas à mettre en ordre des sentiments bien présents mais qui n’avaient jamais eu besoin de prendre d’autre forme que celle qui poussait mon cœur à battre un peu plus vite et mes sourires à se faire plus intenses. Nos étreintes et nos caresses, nos baisers, nos regards en disaient beaucoup, au moins autant que nos actes de ces derniers mois, mais lequel de nous deux avait déjà mis des mots sur tout cela ? Le fallait-il seulement ? Autant de questions qui effleuraient à peine, pour l’instant, la lisière de mon esprit, trop occupé à entraîner Junior en direction du quatrième étage. Elles me laissèrent à l’instant présent, sans complètement m’abandonner non plus, comme c’était le cas depuis que nous avions convenu de ce que nous ressentions, sans en dire plus, incapables d’en dire moins.
En guise de repentir concernant cet effort qu’il avait fait de m’accompagner, je lui demandai de ne pas permettre qu’une telle chose se reproduise l’année prochaine et de rappeler à mon bon souvenir la perte de temps que représentait un tel détour sur le chemin de notre royaume. Il accepta, sans rechigner, sans se priver d’une légère moquerie non plus, poussant mes yeux à se lever exagérément vers le plafond du couloir. Qu’ils soient tous déçus, ça m’était égal. Il était assez peu probable qu’ils le soient, de toute manière, et cela me laissait de marbre. Mon indifférence à leur égard n’était pas feinte : ils pouvaient tous être remplacés demain par d’autres élèves que je n’en éprouverai même pas un léger pincement au cœur. À moins que tous ne soient des sang-de-bourbes de la pire espèce, bien évidemment ; dans ce cas-là, peut-être pourrais-je regretter la présence de Yaxley et Avery, voire même celle de ce benêt de Carter. Un tel jour n’était néanmoins pas prêt d’arriver. Ils restèrent tous à cet étage que nous abandonnions sans nous retourner, et nous, nous filâmes vers cette piscine et son indécente intimité. Des voix indistinctes nous forcèrent à un bref arrêt, l’occasion de taquiner Junior sur ses tendances à la délation. « Tu as rrraison : mieux vaut êtrrre prrrudents. » Du moins, jusqu’à ce que nous ayons rejoint notre objectif. Personne ne viendrait fouiner du côté de la salle de bain des préfets, hormis les préfets eux-mêmes, et ils étaient tous trop occupés là-haut. Probablement que la piscine avait déjà fait son apparition et qu’ils s’étaient tous jetés dedans, sans aucune pensée pour celle qui nous attendait, nous. Ses lèvres s’égarèrent sur les miennes, m’arrachant un frisson qui en voulait encore, un peu plu. Mais les voix s’éloignèrent déjà et nous reprîmes notre route. La porte de notre royaume se dessinait devant nous et l’intimité promise se dévoila au moment où la porte s’effaça sous mes doigts.
Une fois le verrou enclenché afin de nous assurer une tranquillité bien méritée, je m’intéressai aux robinets qui surplombaient le bassin vide par dizaines. Mes doigts délestés de mon verre et de la bouteille que j’avais abandonnés sur le sol en marbre pianotèrent distraitement sur plusieurs poignées avant que je n’interroge Junior sur ses préférences. J’interprétai son haussement d’épaules pour ce qu’il était : un désintérêt flagrant quant à la question. Pour ma part, tant que nous ne nous retrouvions pas avec une eau huileuse teintée de ce violet un brin repoussant, le reste m’était égal. La mousse blanche qui s’écoula du premier robinet que j’ouvris me convenait bien. Avec toute l’innocence qui me caractérisait parfaitement, je mentionnai les paillettes qui avaient fait briller notre dernière fois et que mon meilleur semblait particulièrement porter dans son cœur. Son ton boudeur m’arracha un rire que j’étouffai derrière une mine offusquée, ma main se posant sur ma poitrine comme pour mieux illustrer la douleur qui venait de s’y nicher à cause de son accusation infondée. « Moi ? Me moquer ? Tes mots me blessent. » Le Serpentard jeta son dévolu sur un robinet qui ajouta des senteurs estivales et des couleurs pastels au bassin plein de mousse. Un bon mélange qui manquait encore un peu de fantaisie : le tout était de trouver la bonne. Le contact de quelques gouttelettes interrompit mes recherches. Les yeux plissés, je dardai mon regard opalin dans celui de Junior : deux yeux faussement menaçants contre deux prunelles qui respiraient la candeur. « Attention, je n’hésiterrrai pas à te rrremontrrrer comment bien éclabousser quelqu’un » fis-je, un doigt dressé dans sa direction, un sourire aux lèvres alors qu’il me tendait son verre. Je l’acceptai comme un gage de paix pour que le moment ne tourne pas — pas tout de suite — à la bataille d’eau, plongeant mes lèvres dans le liquide alcoolisé et vaguement sucré, me décidant enfin pour faire pivoter des ailettes dorées au milieu de l’enchevêtrement de métal. Un jet incolore, quoique teinté d’éclats lumineux, comme si la lumière se réfléchissait sur du verre — ou des paillettes ! — et inodore se mit à tomber lourdement du plus haut et du plus large des tuyaux, formant une sorte cascade qui surplombait le bassin. Il fallait espérer que ce dernier se vidait aussi magiquement qu’il se remplissait ou bien toute la pièce allait vite être inondée.
Pour l’instant, notre piscine prenait forme au son des clapotis de la petite cascade artificielle. Encore quelques minutes, à peine, et nous allions avoir tout le loisir d’y plonger et de nous y baigner jusqu’à ce que l’envie nous passe et qu’une autre nous saisisse pour nous emmener ailleurs. Au détail près que nous n’avions pas amené de maillots de bain. La voix de Junior m’extirpa de ma réflexion et je posai sur lui un regard railleur. Il souhaitait poursuivre le petit jeu initié dans la Salle sur Demande et ça ne me dérangeait pas le moins du monde : même l’activité la plus douteuse se parait de bien plus d’élégance et d’intérêt quand il s’agissait de jouer avec lui. Action ou vérité, donc ? « Vérrrité » choisis-je finalement, un sourire amusé qui disparut momentanément derrière les contours du gobelet de mon meilleur ami. Presque vide, d’ailleurs. Sa question me fit glousser et je lui rétorquai du tac au tac : « Tu veux dirrre, plus indécent que nos soirrrées, que nos baisers, que notrrre explorrration des toits londoniens, celle de la Rrréserrrve et celle du petit lac de Prrré-au-Larrrd, ou… plus indécent que d’avoirrr émis l’idée de simuler une grrrossesse pourrr ne pas avoirrr à te dirrre au rrrevoirrr ? » J’énumérai ces points en dressant un doigt à chacun d’entre eux, mon sourire s’élargissant, sans même se faner à la mention de ce tout dernier souvenir qui ne faisait pourtant pas partie des plus heureux. « Sache que je suis une fille bien élevée, mon Ange. Il semble que tu sois finalement mon parrrtenairrre d’indécence. » Néanmoins, je fouillai ma mémoire à la recherche d’une vraie réponse à lui offrir. C’était d’autant plus compliqué que nous partagions tout — en tout cas, beaucoup — depuis des années et qu’il était déjà au courant de bien des écarts que j’avais commis. Songeuse, je m’écartai des robinets, délestant au passage mes pieds de mes bottines qui furent poussées sur le sol blanc sans plus de ménagement. Un rire m’échappa, puis un deuxième, et un troisième tandis qu’une réponse me venait finalement à l’esprit. C’était assurément inconvenant, et même impudique, et je n’avais pas souvenir d’avoir raconté dans les moindres détails les moyens que je mettais en œuvre pour éviter que mon tendre jumeau ne pénètre mon esprit. « Quand j’ai apprrris que Finn était Légilimens, j’essayais de penser à des choses qui lui serrraient désagrrréables, aussi souvent que possible, pour lui fairrre passer l’envie de fouiner dans ma tête. Une fois, j’ai pensé trrrès forrrt à Sherrrwin, Bluebell, pas Maxton, complètement nue. Et je suis quasiment cerrrtaine qu’il en a eu un aperrrçu. J’espèrrre, en tout cas. » Dans la continuité de ces tentatives délurées pour faire rougir mon frère adoré, il y avait également le souvenir que j’avais glissé dans sa pensine, cadeau pour fêter notre majorité, mais j’avais déjà raconté cet épisode à Junior quand était venu le temps de rattraper celui de ces longues semaines de distance insupportable. « Est-ce suffisamment indécent, mon Prrrince ? » lui demandai-je, attendant son aval pour valider cette vérité.
Continuant sur notre lancée, je lui retournai la question et un large sourire agita mes lèvres quand il se décida pour une action — en toute innocence, bien évidemment. Il ne restait plus qu’une petite gorgée au fond de son gobelet que j’avais toujours en ma possession, aussi le vidai-je pour mieux le remplir, récupérant le mien au passage et revenant me poster au bord du bassin. « Je crrrois qu’il y a assez d’eau pour que tu puisses plonger. Tout habillé. » De toute façon, nous n’avions pas nos maillots de bain, il était bien obligé de sauter avec son pantalon et sa chemise. Je noyais un nouveau sourire et un autre gloussement dans mon verre, m’asseyant sur le rebord de notre piscine avec grâce et un tantinet d’arrogance, mes yeux clairs ne quittant pas la silhouette de mon meilleur ami. Jambes repliées pour ne pas mouiller mon collant dans l’eau mousseuse qui arrivait presque à la limite du bassin, j’attendais de le voir faire son plus beau plongeon.
Dernière édition par Erin B. Sørensen le Dim 18 Avr - 21:05, édité 1 fois
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(#) Sujet: Re: ivres de bonne heure ou de bonheur (JUNIOR ♚ ERIN) Dim 18 Avr - 17:56
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(#) Sujet: Re: ivres de bonne heure ou de bonheur (JUNIOR ♚ ERIN) Lun 19 Avr - 11:50
( ivres de bonne heure ou de bonheur | JUNIOR ♚ ERIN )
Nous avions évité un naufrage assuré en nous échappant au plus vite de la Salle sur Demande et en fuyant la mauvaise compagnie qui cohabitait là-bas ; j’en étais plus persuadée que jamais alors que nous nous échouions sur les rivages marins de notre royaume. Il n’était pas dans mes habitudes de regretter quoi que ce soit — d’autant plus que, sans l’intervention balourde de Mansfield, peut-être que nous n’aurions pas fait le choix de venir jusqu’ici — mais je consentais tout de même à admettre que ça n’avait été qu’une perte de temps. Assez fructueuse, néanmoins, puisque nous nous en tirions avec deux gobelets à moitié pleins et une bouteille parfaitement remplie. Ce soir, cette salle de bain à l’écart du monde deviendrait notre royaume à part entière : les limites infinies d’un océan imaginaire devenaient celles de ce bassin creusé dans le marbre blanc ; l’écume des vagues se transformait pour remplir la piscine de cette mousse aussi blanche et pure qu’une neige d’hiver ; la senteur iodée qui se dégageait des embruns maritimes était remplacée par les fragrances estivales qui s’écoulaient de ce jet pastel, appelant l’image d’un soleil éclatant et de fleurs épanouies. Je proposai bien à Junior d’y ajouter quelques paillettes — ou n’importe quel éclat scintillant qui y ressemblerait — puisque j’avais le souvenir qu’elles lui tenaient particulièrement à cœur… mais ma sollicitude sincère et dévouée ne parvint qu’à lui tirer une moue boudeuse. Ingrat ! J’effaçai l’ironie d’un sourire derrière quelques mimiques outrées, obtenant des excuses railleuses en retour. « Contente que tu le rrreconnaisses. » Mon ton affecté prétendait que tout ceci était crédible et que les sarcasmes de mon meilleur ami n’en étaient pas ; la lueur amusée au fond de mes yeux pâles se jouait de tout cela. L'insouciance du moment le rendait plus parfait encore, loin, bien loin de la froideur et des rancunes qui avaient jonché cette dernière fois, juste après la soirée de la Saint-Valentin. Quelques gouttelettes sciemment projetées dans ma direction empêchèrent mes pensées de continuer sur cette voie-là. Mon regard accusateur se heurta à l’air parfaitement innocent de Junior — celui qu’il savait si bien arborer en toutes circonstances et qui lui allait, je devais bien l’admettre, à ravir, même si je préférais quand il s’en servait contre d’autres. « Estime-toi heurrreux que je te menace, je ne prrrends pas cette peine avec tout le monde » répliquai-je d’emblée avant d’accepter le verre qu’il me tendait et d’y noyer un sourire qui se refléta malgré tout au fond de mes prunelles. À bien y regarder, c’était une forme de politesse, voilà tout : je le prévenais de ce qui pouvait lui arriver s’il persistait à m’éclabousser au lieu de me venger sans sommation. Quel manque flagrant de considération concernant mes efforts civilisés.
Un troisième robinet chassa ces élans de mauvaise foi espiègle en faisant éclater une cascade scintillante qui vint compléter le reste à merveille : il ne nous restait plus qu’à patienter quelques instants avant de pouvoir plonger dans l’eau aux senteurs agréables et à la mousse épaisse. Junior en profita pour relancer cette question qui avait accompagné notre échappée belle jusqu’ici et je me pliai cette fois de bonne grâce à une vérité. Quelle était la chose la plus indécente que j'aie pu faire ? Avec un rire, j’évoquai nos nombreuses escapades en tout genre, ces baisers que nos parents n’auraient certainement pas trouvés convenables — raison pour laquelle ils ne se dévoilaient que dans le secret de nos tête-à-tête, n’est-ce pas ? — et toutes ces autres choses que je ne faisais qu’en sa présence. Voulait-il plus indécent encore ? Mes yeux se perdirent un instant sur son visage, notant au passage la teinte rosée qui semblait s’être emparée de ses joues. « Le rrrose te va aussi bien que les paillettes » pouffai-je, la moquerie accompagnée d’une certaine affection. J’avais une assez bonne idée de ce qui, là-dedans, était encore capable de le faire rougir mais n’en fis pas plus cas, me détournant pour partir en quête d’une vraie réponse à lui formuler et d’alcool pour remplir son gobelet devenu bien léger. La chose avait été évoquée, balancée sous le coup du désespoir, alors que j’étais acculée entre la perspective de le perdre et celle de devoir tout mettre en jeu pour que cela n’arrive jamais. Ce sacrifice n’avait été qu’une idée parmi d’autres et elle était restée cette vague possibilité qui ne s’était jamais concrétisée. Elle existait pourtant, par le simple fait de l’avoir formulée à voix haute, et cela suffisait à l’ajouter à la longue liste de mes écarts loin de la bienséance. Trouver quelque chose que Junior ne savait pas n’était pas une tâche aisée comme je le soulignai, plus en affirmant qu’il était le partenaire de toutes mes incartades qu’en rappelant que j’étais bien élevée. C’était tout aussi vrai, bien sûr, mais ça ne m’avait jamais empêchée de n’en faire qu’à ma tête — au grand dam de mes aînés — surtout pas lorsqu’il était question de mon meilleur ami ou simplement de l’entraîner dans de nouvelles bêtises. Elles étaient bien trop merveilleuses en sa compagnie. Lui n’était qu’un parangon de sagesse, bien évidemment. Je roulai exagérément des yeux, même s’il ne pouvait déceler que mon profil, avant de repartir à l’assaut de mes souvenirs. Il savait tout concernant le mariage de Phoenix et Hannibal, aussi ne serait-ce pas une vérité à avouer et il connaissait les moindres détails de mes années à Poudlard. Sauf peut-être… Un rire me secoua, suivi d’un autre qui accompagna ma chaussure négligemment abandonnée au sol. Je lui racontai alors comment je m’étais employée à faire en sorte que Finn considère que fouiller mes pensées était une très mauvaise idée. Le regard de Junior se figea dans le mien et une longue seconde s’écoula avant qu’il ne me rejoigne dans l’hilarité qui habillait mes traits. De nouveau, je levai les yeux au ciel : tout de suite les grands mots. Ce n’était pas si pire, tout de même. « Si c’est le cas, j’espèrrre pourrr sa fierrrté qu’elle ne l’apprrrendrrra jamais » ricanai-je sans une once de compassion et en passant rapidement à autre chose. Les histoires d’amour de mon frère adoré ne m’intéressaient guère, surtout quand elles impliquaient Bluebell ou Yaxley, souvent les deux.
À mon tour, je lui laissais le soin de choisir entre un défi ou une confession, ravie de l’entendre se décider pour le premier. Mon sourire s’élargit et mes yeux glissèrent du bassin à mon meilleur ami avant de se poser sur la bouteille dont je versai un peu du contenu dans le gobelet de Junior. Revenue au bord de la piscine, l’air de rien mais toujours souriante — trop pour que cela ne laisse pas planer un doute sur la bonté de mes intentions — je mis fin à ce terrible suspens. Ce n’était rien d’horrible : il lui fallait simplement plonger dans l’eau mousseuse qui n’attendait que nous. À ceci près qu’il le ferait tout habillé. Mon haussement d’épaules semblait dire que je n’en savais rien, moi, de comment il rentrerait ensuite, ou peut-être signifiait-il simplement qu’il n’était pas dans mes intentions de le laisser partir de sitôt, reléguant à un futur trop indécis des préoccupations aussi triviales que comment retourner dans son dortoir sans se faire attraper, trempé des pieds à la tête. Sans plus se plaindre, il plongea, disparaissant sous la mousse dans un mouvement aussi limpide que l’eau qui s’écoulait de notre cascade. J’observai le tout avec une exclamation ravie et délestai mon gobelet d’un peu de son contenu en attendant que mon meilleur ami me revienne. Il fendit la surface à l’autre bout du bassin, les cheveux plaqués par l’eau et les vêtements alourdis. « C’était un beau plongeon, je suis satisfaite » répondis-je avec un sérieux bien trop malicieux pour pouvoir prétendre l’être. Il revint se hisser à mes côtés, emportant avec lui quelques reliquats mousseux et bien trop d’eau à la fois. Mes doigts repoussèrent une mèche et chassèrent une gouttelette qui glissait le long de sa joue, profitant de cette excuse pour s’égarer un peu plus longtemps sur sa peau. Je le laissai s’emparer de mon gobelet sans protester, m’attendant à ce qu’il le porte à ses lèvres. Il n’en fit rien, le posant non loin de nous avant de glisser ses mains sur ma taille. Et si je n’étais pas contre me rapprocher de lui pour me glisser dans ses bras, aussi mouillés soient-ils, un éclair de compréhension écarquilla mes yeux clairs, repoussant toute perspective d’une étreinte agréable. « Tu ne… » Oh si, c’était exactement ce qu’il avait en tête. Mes mots furent noyés par ma chute dans le bassin, assez peu gracieuse et parfaitement involontaire. Junior était déjà de retour dans l’eau quand j’en ressortis, sourcils froncés, prête à lui faire savoir tout le mécontentement que m’inspirait sa haute trahison, mais il m’en empêcha de la plus douce des manières. La plus fourbe, également, et la plus frustrante de toutes parce qu’il abandonna mes lèvres tout aussi rapidement qu’il s’en était emparé, me reposant immédiatement cette éternelle question. « C’était bien la peine de me fairrre jolie » soupirai-je avec dédain avant qu’un sourire amusé ne se fraye déjà un chemin. Autant pour mon collant que j’avais essayé de garder sec. « Action. » La piscine était désormais pleine et je m’éloignai du Serpentard pour aller refermer deux des trois robinets, ne laissant que la cascade et ses éclats scintillants pour continuer d’abreuver le bassin qui semblait incapable de jamais déborder.
Sa voix s’éleva au-dessus des clapotis, m’arrachant une exclamation exagérément scandalisée : il profitait éhontément de ce petit jeu pour se faire couvrir de louanges… et fallait-il en attendre moins de sa part ? Une lueur de défi au fond de mes yeux clairs, je revins jusqu’à lui, fendant les eaux mousseuses sans un bruit. Mes doigts s’enroulèrent autour du poignet du Serpentard, tirant sa montre hors de l’eau, la levant jusqu’à ce que je sois en mesure de discerner l’heure qu’elle affichait. Bien, il ne restait plus que quatre minutes et cinquante-neuf, cinquante-huit secondes de silence. Le complimenter ne me dérangeait pas, pas le moins du monde, d’autant que les flatteries, naturelles et sincères, abondaient dans mon esprit sans qu’il ne me soit nécessaire de me creuser la tête à la recherche de quelque gentillesse à lui adresser. Tout ce que je pouvais bien penser de lui, de nous, était propice aux cajoleries. Mais le faire sans avoir le droit à la moindre ironie ? Il était cruel de sa part de m’ôter mon arme préférée ! Et puis, ça n’aurait pas la même saveur si je ne le faisais pas languir un petit peu. Mon regard se planta dans le sien, aussi amusé que provocant, laissant les secondes s’écouler. Douze d’entre elles, du moins, avant qu’un rire ne me trahisse et ne mette fin à ma mutinerie. « Eh bien, au moins, tu n’aurrras plus à t’inquiéter de comment tu rrrentrrrerrras : tes chevilles vont tellement enfler que tu ne pourrras pas passer la porrrte… mais puisque vos désirrrs sont des orrrdrrres ce soirrr, et tout parrrticulièrrrement pourrr les cinq prrrochaines minutes, sachez, mon Prrrince, que votrrre compagnie illumine ma soirrrée. » J’étais sincèrement ravie de me retrouver ici, avec lui — même si c’était dans l’eau, encore toute habillée — car il me semblait qu’une incartade aussi délicieuse n’était pas arrivée depuis bien trop longtemps. Cependant, l’ironie ne quittait jamais totalement ma voix, mais ce n’était pas au point de rajouter des minutes supplémentaires à ce gage… enfin, je crois. Je récupérai le premier verre à ma portée, avalant un peu de l’alcool qu’il contenait et qui commençait doucement à me faire tourner la tête avant de le proposer à Junior, faisant fî de l’autre gobelet qui attendait sagement son propriétaire, pendant qu’il optait pour une question, visiblement peu enclin à faire les frais d’une terrible vengeance. « Tu es poli, bien élevé et assurrrément rrrespectable mais même les hommes les plus verrrtueux mentent de temps à autres, alors… quel a été ton plus grrros mensonge ? » Ça avait tout intérêt de compter comme des compliments. S’il m’en venait des dizaines à l’esprit, il était bien plus difficile de les prononcer à voix haute et de manière aussi décousue : cela les faisait sonner affreusement niais. Reprenant mon verre d’entre ses mains, je cherchai plus d’inspiration dans une autre gorgée d’alcool, attendant qu’il consente à me confier le pire de ses mensonges : il devait forcément y en avoir un !
(#) Sujet: Re: ivres de bonne heure ou de bonheur (JUNIOR ♚ ERIN) Lun 19 Avr - 17:24
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(#) Sujet: Re: ivres de bonne heure ou de bonheur (JUNIOR ♚ ERIN) Mar 20 Avr - 23:28
( ivres de bonne heure ou de bonheur | JUNIOR ♚ ERIN )
Et tout naturellement, cet endroit était devenu le nôtre. Une nouvelle bulle, un nouveau monde, une nouvelle salle de danse ou un nouveau royaume… peu importait le nom que nous lui prêtions : c’était un nouveau repère — et des plus enchanteurs ! — au sein duquel nos rires et nos moqueries se disputent la première place, dans une succession de chamailleries innocentes. Difficile de croire que, seulement quelques semaines plus tôt, il ne restait que des ruines de tout cela… Une éternité s’était écoulée en un claquement de doigts et la période où tout n’était plus que des cendres étouffantes semblait n’avoir jamais existée. Pourtant, nous avions bel et bien traversé une guerre des plus dévastatrices, mais celle-ci ne nous avait pas détruits. Au contraire, elle avait resserré des liens déjà forts et éclairés bien des contours — restés dans l’ombre jusque-là — de la relation qu’ils tissaient. Des non-dits persistaient, des choses sur lesquelles nous avions choisi de ne pas revenir, des questions sur lesquelles nous avions décidé de ne pas nous pencher… pas tout de suite, en tout cas. Combien de temps encore cette douce insouciance pouvait-elle durer avant que ce futur, seulement repoussé de plusieurs mois, ne nous rattrape ? Ici, perdus entre la mousse et les parfums d’été, il semblait possible que ça n’arrive jamais. Ce n’était pourtant pas dans ma nature de me bercer d’illusions, or celle-ci en était une. J’estimais cependant que nous méritions bien un peu de paix avant de nous battre de nouveau contre les desseins des autres. Une paix qui n’était jamais aussi parfaite que quand nous étions loin du monde, là où nous pouvions échapper sans mal à toutes les considérations qui n’étaient pas les nôtres. Une paix qui se forgeait dans les sourires, les œillades railleurs, les airs surjoués et les rires qui mettaient fin à toute supercherie de la plus belle des manières. Pour la première fois depuis trop longtemps, j’avais véritablement l’impression que nous avions laissé toutes les ombres sur le pas de la porte, toutes ces choses capables d’assombrir nos humeurs en un clin d’œil, toutes ces choses aussi nombreuses qu’elles pouvaient s’avérer futiles.
Au cœur de cette oasis de calme, Junior décida de passer le temps en lançant un nouveau tour de ce jeu idiot qui nous avait poussé à fuir le sixième étage — ou peut-être que ce qui le rendait si stupide étaient les personnes qui souhaitaient y jouer, là-haut, parce qu’il me paraissait tout à fait plaisant, ici. Une vérité pour moi et la confession de ces images indécentes — voire carrément obscènes — qui m’avaient servi à me jouer de mon jumeau adoré ; une action pour lui et un plongeon dans la piscine, entièrement vêtu cela allait de soi. Emportant avec moi les gobelets et l’alcool qu’ils contenaient, je m’installai au bord du bassin, aux premières loges pour observer, juger et commenter le saut de mon meilleur ami. Il rouspéta un peu — le contraire m’aurait étonné — mais je ne fis pas grand cas de ses inquiétudes concernant le chemin du retour. Premièrement, parce que je ne pensais nullement au moment où cette soirée prendrait fin ; deuxièmement, parce que, si cela devait arriver — ça arriverait forcément, nous ne pouvions pas dormir ici — je n’étais pas prête à l’abandonner si facilement à son dortoir. Nous n’avions pas cours demain et toute une nuit qui nous appartenait devant nous. Il plongea, laissant derrière lui ses chaussures et ses chaussettes — l’importance vitale d’une telle précaution méritait d’être saluée ! — sans provoquer la moindre éclaboussure, ou presque, réapparaissant un peu plus loin, complètement trempé. Je le félicitai pour cette action brillamment accomplie tandis qu’il se hissait à mes côtés, m’offrant tout le loisir d’égarer un peu de mes caresses sur sa peau mouillée. Peut-être que ses longs cils au bout desquels perlaient quelques gouttes et son regard dans lequel il était si facile de se perdre eurent raison de ma vigilance, ou peut-être que je profitais trop de chaque secondes pour me méfier… en tout cas, j’oubliai momentanément qu’il n’était qu’un vil Serpentard, fourbe et rusé, et qu’il était peu probable qu’il me laisse m’en tirer à si bon compte. Je me laissai faire, docile et amusée, quand il m’ôta mon verre des mains et qu’il déposa les siennes sur ma taille, m’attendant à une étreinte et déchantant bien rapidement en saisissant où il voulait en venir. Il confirma les pensées que je n’avais pas eu le temps d’exprimer et me jeta sans ménagement à l’eau. Goujat !
Junior ne me laissa pas le temps de l’incriminer : il avorta toute tentative d’un baiser fugace. Mais il en fallait plus pour m’empêcher de me plaindre, ne serait-ce qu’un tout petit peu, et mes doléances eurent au moins le mérite de m’obtenir un second baiser, moins rapide que le premier. Tout bien considéré, il fallait que je plonge à un moment ou un autre, il m’avait simplement fait emprunter le chemin le plus rapide… celui qui lui procurait le plus de satisfaction également. Abandonnant mes griefs — qui s’étaient envolés au moment où j’avais sorti la tête de l’eau — je m’éloignai un instant de mon meilleur ami pour éteindre les robinets qui avaient terminé leur œuvre et me décidai au passage pour une action, cette fois-ci. Avais-je qualifié ce Serpentard de fourbe et rusé ? Je n’avais pas cru si bien penser. Néanmoins, je pouvais l’être, moi aussi. À mes heures perdues, je côtoyais visiblement un maître en la matière et mon frère n’était pas non plus dénué de stratégies retorses pour parvenir à ses fins. Ce n’était pas ce que j’affectionnais le plus, préférant l’impulsivité des décisions prises sur un coup de tête aux perfidies de ce genre… mais il fallait savoir se plier aux règles du jeu, n’est-ce pas ? Mes doigts s’enroulèrent autour de son poignet et mes yeux quittèrent le cadran de sa montre pour se planter dans les siens, un sourire trop fier pour ne pas lui mettre la puce à l’oreille dansant sur mon visage. Il allait avoir plusieurs minutes de compliments, je pouvais bien le faire languir un tout petit peu, quelques secondes, à peine. Incapable de maintenir mon sérieux plus longtemps, j’éclatai de rire, plus amusée encore par l’air mécontent qu’il tenta d’afficher. Après avoir préjugé de la taille qu’atteindraient ses chevilles une fois que ce gage aurait touché à sa fin, je n’oubliai pas d’ajouter une flatterie le concernant.
Avait-il vraiment besoin que je le dise à haute voix ? N’était-ce pas évident que sa compagnie n’avait aucune égale et que je préférais, de loin, une heure avec lui que cent avec d’autres ? Ça n’avait même pas à voir avec la noblesse des camarades en question : il aurait pu s’agir des jumeaux Sherwin, de Faust ou même de Finnbjörn, les mots auraient été les mêmes. Nos condisciples étaient médiocres, pour la plupart ; quelques-uns s’avéraient divertissants, parfois ; d’autres étaient plus que ça, mais bien peu en réalité ; et aucun n’était Junior. Finalement, derrière l’apparente ironie que pouvait revêtir mes propos, et surtout ce mot, illuminer, il y avait une certaine véracité dont pouvait témoigner ce mois de janvier, lui qui avait été le plus terne d’entre tous. « Je l’ai rrregrrrettée, pendant un instant ! » mentis-je, sans lui faire l’affront d’essayer de rendre mon mensonge crédible en assassinant ce sourire qui persistait à redresser le coin de mes lèvres. « Eux au moins ne m’aurrrait pas jetée à l’eau comme ça. Mais tu embrrrasses trrrop bien pourrr que les rrregrrrets rrrestent plus longtemps. » Comme si c’était ce détail qui faisait pencher la balance à lui seul. Certes, le goût entêtant de ses lèvres me donnait envie, plus que de raison, de m’y perdre encore et encore, un peu plus longtemps à chaque fois — il était loin le temps où nos baisers n’étaient que des caresses légères, encore trop timides pour porter ce nom — mais c’était loin de pouvoir se réduire à ça uniquement. C’était bien plus… c’était tous ces mots sans début et sans fin qui dansaient maladroitement sur des bouts de papier raturés de toute part ; c’était ces pensées aussi précises qu’indécises qui ne parvenaient pas à décider de la marche à suivre depuis que tout s’était enchaîné trop vite — une abdication, une réconciliation, puis un serment inviolable ensuite… ; c’était tous ces tâtonnements que je n’aimais pas beaucoup — moi qui étais d’ordinaire si sûre de moi — en même temps que je ne serais revenue en arrière pour rien au monde.
Chat échaudé craint l’eau froide et mon meilleur ami semblait craindre mes représailles. Il se décida pour une vérité et, après une gorgée d’alcool accompagnée d’une profonde réflexion, je lui demandai de me raconter son plus gros mensonge, sans oublier les flatteries requises. Une exclamation, à mi-chemin entre le rire étouffé et la stupeur née d’une telle mauvaise foi, m’échappa juste avant que je ne lève les yeux au ciel. « Ce qu’il ne faut pas entendrrre » soufflai-je, bien peu encline à le laisser se draper si facilement d’une telle innocence. « Tu es trrrès beau, même complètement trrrempé » ajoutai-je précipitamment quand nos regards se croisèrent et que je me rappelai mon gage au moment même où une lueur éclairait ses prunelles. Je n’allais pas lui laisser si facilement l’opportunité de gagner quelques minutes de louanges ! Récupérant mon bien — ou peut-être était-ce le sien ? peu m’importait — je noyai mon impatience dans l’alcool en attendant qu’il termine de passer ses souvenirs en revue. « Il y en a tellement que tu ne sais même pas parrr lequel commencer ? » marmonnai-je, les lèvres perdues sur les bords de mon verre, tandis que je barbotais dans l’eau. Qu’il m’ait entendue ou non, il amorça finalement une réponse, m’arrachant un sourire involontaire. Est-ce que ça comptait ? Si j’en croyais l’année qui venait de s’écouler, c’était en effet un bien vilaine mensonge. Mais je voulais bien obtenir quelque chose de plus inédit, aussi le laissai-je poursuivre. « Et je suis celle qui a une mauvaise influence ? Je ne te savais pas si débauché. » J’étais outrée ! Et grandement amusée. Je n’avais pas vraiment de mal à me représenter Junior, toujours si sage et soigné, se laisser aller à enfreindre quelques règles : nous passions beaucoup de temps, tous les deux, à ne faire que ça. Toutefois, l’image de mon meilleur ami, entraîné à la suite de ses cousins plus âgés au cœur d’une soirée où il avait fallu mentir pour obtenir son droit d’entrée avait quelque chose de parfaitement nouveau. J’hochai la tête pour toute réponse à sa question : oui, le mensonge avait été assez gros, c’était validé. « Est-ce que ça en valait le coup ? » demandai-je, curieuse de plus de détails. De vagues souvenirs me laissaient penser qu’il avait dû évoquer la chose, au cours de nos correspondances estivales, mais sans entrer dans les détails. Je l’aurais su et ne l’aurais pas oublié si j’avais un jour été au courant que mon meilleur ami était un tel vaurien ! Ça me poussait presque à regretter de ne pas avoir pu le suivre plus souvent sur ses contrées où se trouvait une grande partie de sa famille et le voir en présence de ces fameux cousins dont j’entendais régulièrement parler, que ce soit à travers des nouvelles récentes ou des souvenirs plus anciens.
Un « Hé ! » offusqué m’échappa alors qu’il s’emparait de mon verre pour me le rendre, vide. Un petit claquement de langue réprobateur en réponse à son air éternellement innocent, et je cessai de dériver au milieu de la piscine pour retrouver le bord du bassin et le deuxième gobelet rouge, encore plein. « Vérrrité » lui fis-je savoir, au passage. Son ricanement, comme s’il jugeait mon choix craintif — ce qui n’était pas le cas : je souhaitais simplement en terminer avec les éloges avant de subir une nouvelle bassesse — m’amena à lui tirer la langue, dans un geste parfaitement mature qui mourut prématurément face au sérieux que sa question traînait derrière elle. Il voulait savoir quelque chose que je n’avais jamais dit, à personne, pas même à lui. « Que les sang-de-bourrrbes mérrritaient de vivrrre. » Ça, je ne l’avais jamais dit. À personne. Et pour cause. Un rictus assassina cette plaisanterie de très mauvais goût : je doutais que sa question cherche à me brûler la langue de telles inepties, mais il n’avait pas précisé que je devais penser ce que je disais. Machinalement, mes doigts se mirent à pianoter sur le verre en plastique et j’en profitai pour y noyer mes traits, le temps d’une gorgée. L’alcool se faisait plus présent à chaque seconde, enveloppant mes sens d’une douce léthargie, éclairant mes regards d’éclats plus flamboyants. Je ne faisais pas du mystère un art de vivre : au contraire, je détestais les cachotteries et j’étais trop impétueuse pour me retenir de dire ce que je pensais ou ce que je ressentais. Alors quoi ? Pensait-il que, après les Sombrals et ces rituels familiaux, je lui cachais d’autres choses, au point que personne, pas même Finn, ne serait au courant ? C’était plutôt l’inverse. Avec le temps, il y avait sans aucun doute des choses que seul Junior savait… mais des qu’il ignorait ?
Ça ne pouvait que faire partie de ces pensées que j’ignorais moi-même en partie. Tout avait toujours été d’un naturel désarmant… des tendresses égarées aux surnoms affectueux en passant par le manque qui était toujours plus prompt à se manifester et ces promesses d’éternité qui n’avaient jamais vacillé… jamais, avant que cette menace ne devienne concrète et nous plonge dans des tourments qui m’avaient paru sans fin. Des doutes au chagrin en passant par ce manque qui n’avait pas changé, lui, et qui se faisait toujours aussi viscéral… Il était la toute première fois où je n’étais pas capable d’une franchise à la limite de l’irréfléchi et où chaque mot pesait son poids, lourd de bien d’autres choses. C’était sûrement pour cela que toutes les réponses qui me traversèrent l’esprit, de façon tout à fait embrouillée, gravitaient autour de ces mêmes réalités qui crevaient les yeux et pouvaient crever les cœurs. « Ah, » Mon souffle fut, derechef, noyé dans une gorgée d’alcool. « entrrre les compliments dont je dois te couvrrrirrr et une confession que perrrsonne n’a jamais entendue, qu’est-ce qu’il me rrresterrra à écrrrirrre, ensuite, dans le chef d’œuvrrre de littérrraturrre que tu attends ? » Entre temps, j’avais complètement oublié de le couvrir de compliments, justement. Je pouvais fouiller aussi loin que je le désirais, mon esprit restait vide de réponse à lui offrir. D’autre réponse, en tout cas. S’il y avait bien une chose que je n’avais jamais dit à personne, c’était de ces choses que je ne m’étais même pas dites à moi-même. Ou plutôt, je l’avais fait. Sous bien des formes, mais jamais la bonne. Je l’avais pleurée ; elle m’avait tourmentée des nuits entières en me laissant les yeux grands ouverts, en proie aux insomnies ; je l’avais sentie quand mon cœur battait un peu plus fort, parfois à m’en déchirer la poitrine ; elle apposait des nuances un peu partout, me faisait prendre conscience de tout ce que j’étais prête à faire ou à abandonner pour elle… cette vérité que je n’avais jamais ne serait-ce que murmurée. Finalement, peut-être que toutes les ombres n’étaient pas restées derrière la porte, certaines d’entre elles étaient parvenues à se glisser avec nous. Les plus douces de toutes les zones d’ombre mais combien de fois nous étions nous disputés avant de comprendre que nous éprouvions la même chose vis-à-vis de ce baiser né au cœur d’une soirée alcoolisée, si similaire à celle que nous avions quittée ce soir ? « Je » J’avais réduit à néant l’espace qui nous séparait et me hissais légèrement sur la pointe des pieds pour laisser mon souffle lui chatouiller la joue. C’était comme un secret, après tout, et on ne confessait pas les secrets à voix haute. Qu’importe si nous étions les seuls capables d'entendre celui-ci. « n’ai jamais dit à perrrsonne que j'étais prrrobablement... tombée amourrreuse, une fois et une seule. » J'avais dit bien des choses qui s'en approchaient. Mais finalement, ceci précisément, jamais. Au moment le plus inattendu, une drôle de conversation dans un bain à remous sur mes terres natales me revenait à l’esprit, ricanant quelques évidences. L’alcool déliait merveilleusement bien les langues.
« Action ou vérrrité ? » fis-je sans attendre en me reculant et en perdant un peu de mon attention dans ce verre qui, une gorgée plus tard, était déjà vide. Je me sentais étrangement paisible alors que ma poitrine vibrait sous l’assaut de cet organe qui battait bien trop vite. Glissant dans l’eau, jusqu’à ce que la mousse recouvre même mes épaules, j’essayai peut-être de noyer ces palpitations affolées, ou bien de me soustraire aux frissons que l’air frais s’amusait à arracher à ma peau constellée de gouttelettes. « Tu as une belle voix, » Je venais juste de me souvenir de ce gage qui devait m’accompagner pendant cinq longues minutes, étourdie par d’autres réflexions qui prenaient toute la place. « et j’aimerrrais bien t’entendrrre parrrler en rrrime pour les… cinq prrrochaines minutes. » Il n’y avait aucune raison pour que je sois la seule à être pénalisée par la sournoiserie de l’autre. Et si c’était une façon de redonner un peu de sa légèreté à une atmosphère qui s’était quelque peu transformée, rien ne garantissait que cela fonctionne.
(#) Sujet: Re: ivres de bonne heure ou de bonheur (JUNIOR ♚ ERIN) Mer 21 Avr - 18:30
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(#) Sujet: Re: ivres de bonne heure ou de bonheur (JUNIOR ♚ ERIN) Jeu 22 Avr - 22:22
( ivres de bonne heure ou de bonheur | JUNIOR ♚ ERIN )
Il riait, le fourbe, enchanté par les compliments qui pleuvaient sur sa personne. Le manque de spontanéité derrière chacune de ces louanges ne semblait pas déranger mon meilleur ami outre mesure. Seules importaient les flatteries, qu’importe qu’elles soient forcées, d’autant plus qu’elles n’en étaient pas moins sincères… et qu’il le savait sûrement très bien. Je ne mentais pas le moins du monde quand je disais que sa présence rendait tout plus merveilleux, que sa politesse ne souffrait pas le moindre défaut, que ses baisers effaçaient le moindre regret et la moindre offense avec une facilité qui ne me déconcertait plus depuis longtemps déjà, qu’il était beau, bien plus que n’importe quel autre garçon de ce château et des terres au-delà, même trempé de la tête aux pieds. Ce dernier compliment, rajouté dans la précipitation née de l’oubli, m’évita une pénalité : Junior était vigilant et n’allait pas laisser passer la moindre chance d’avoir quelques minutes de flatteries supplémentaires. Je levais les yeux au ciel face à son air incroyablement satisfait mais un sourire amusé se fraya tout de même un chemin à travers la moue scandalisée que je tâchais d’affecter. Il ne perdait rien pour attendre : j’allais trouver de quoi me venger de cette action incroyablement narcissique.
Pas tout de suite, cependant, puisqu’il avait choisi la facilité d’une question et qu’il réfléchissait encore à sa réponse, sans oublier d’affirmer qu’il n’avait aucun mensonge à me dévoiler puisqu’il n’en avait jamais formulé de sa vie entière, sage comme il l’était. Quel dommage que la prétention ne fasse pas partie de ce que les gens considéraient officiellement comme une qualité, car mon meilleur ami en était assurément pourvu. Je transgressai mes obligations, négligeant de faire son éloge face à cette escapade interdite qu’il me contait. Il n’hésitait pas à souligner mes excès et mes écarts, mais il n’était pas en reste non plus ! Étais-je vraiment la pire de nous deux ? … d’accord, peut-être bien. Junior était incontestablement le plus discipliné. Je balayais les limites que d’autres dessinaient pour nous, j’écartais les règles dès lors qu’elles ne me convenaient pas et, peut-être bien qu’à une ou deux reprises, il m’était arrivé d’aller plus loin encore. Mais il n’était pas en reste ! Heureusement, son sourire ne m’en tenait pas rigueur et qu’il se complaisait autant que moi dans ces excès en tout genre et ces échappées folles que j’avais toujours aimé partager avec lui. Une complaisance qui ne dura pas très longtemps, s’effaçant au profit d’une minute supplémentaire soulignée par un regard supérieur et un ricanement satisfait. « Toutes mes excuses, mon ange : débauché n’était pas une crrritique, je rrremarrrquais juste quel bon vivant tu étais » ironisai-je, réprimant un sourire narquois derrière un gobelet rouge. Le bon vivant en question détailla vaguement cette soirée, d’un ton désintéressé qui en disait finalement bien peu et qui ne rendait pas hommage aux interdits que ses cousins lui avaient fait franchir. Soit il n’en gardait que peu de souvenirs, soit ces derniers ne valaient pas la peine de plus de précisions. Qu’importe, ils retombèrent rapidement dans l’oubli, remplacés par tout autre chose.
Le jeu se poursuivait dans un enchaînement de questions et de réponses, créant des défis secondaires à partir des principaux, accompagnés de ricanements goguenards et de sourires tendrement moqueurs, d’exclamations outrées et d’un peu plus de cette liqueur sucrée dont mon verre était désormais vide. L’alcool émoussait mes sens, un peu plus à chaque gorgée, faisait briller mes prunelles un peu plus intensément, rendait ma bouche pâteuse et alourdissait mes mouvements — ce que compensait l’eau dans laquelle nous étions en train de nous baigner. J’étais bien. Je ne pouvais pas me sentir mieux. Et ça sonnait avec d’autant plus d’intensité que je savais désormais à quel point il était possible de se sentir mal… Après le cataclysme qui nous avait violemment éprouvés, notre bulle paraissait plus solide que jamais ; après avoir été recouvert de cendres oppressantes — dans un temps pas si lointain — notre royaume semblait plus chatoyant et chaleureux encore ; après avoir cru le perdre à jamais, d’une manière brutale et inattendue, ce bonheur qui m’avait toujours paru essentiel sonnait comme quelque chose de vital aujourd’hui. Mon attention se perdit dans les détails de son visage que je connaissais par cœur, traçant des chemins maintes fois empruntés par mes caresses légères ou mes baisers qui choisissaient de s’égarer sur ses joues. J’émergeai de mes pensées comme si on venait de me tirer hors d’un cocon moelleux et paisible et chassai les brumes de l’alcool qui tentaient de s’accrocher à mon esprit d’un battement de cils.
Je parvins à lui retourner quelques mots sans qu’ils ne me provoquent de haut-le-cœur — pourtant, par Salazar !, qu’ils étaient répugnants — mais qui suscitèrent un regard lourd de réprobation. Le souffle accusateur de mon meilleur ami poussa mes yeux clairs à s’attarder sur son visage avant que mon esprit ne dérive sur les questions soulevées par la sienne, mes doigts battant une mesure imaginaire. Peut-être que Junior n’attendait pour toute réponse qu’une plaisanterie balancée sur un ton badin, mais son interrogation avait éveillé bien d’autres choses, de celles qu’il m’était facile d’ignorer en temps normal mais que, l’ivresse légère aidant, il me semblait impossible à repousser présentement. Des pensées troubles et indécises, des sentiments sur lesquels il était difficile de mettre des mots, alors que je me félicitai de connaître mes émotions, toutes mes émotions, elles qui me guidaient et qui me dépassaient si souvent… Ce qui m’avait marquée, moi, avait tout l’air d’avoir glissé sur son esprit sans le pénétrer. Je ne savais pas trop si j’en étais amusée ou vexée. Les secondes parurent bien longues avant qu’un éclat de compréhension ne traverse son regard. C’était pourtant lui qui m’avait demandé ces confessions-là, après avoir jugé la mienne décevante de surprise. « Ce n’est peut-êtrrre plus la peine » répondis-je d’un ton neutre, un peu trop d’ailleurs, et une petite moue qui semblait renvoyer tout ceci aux oubliettes.
Il venait malgré tout de me demander un aveu. Que pouvais-je lui révéler que personne d’autre ne savait ? Ni lui, ni mon jumeau, ni les rares autres dépositaires de quelques confidences ? Une seule chose prenait vie autour de cette unique question, éclipsant tout le reste, forçant finalement mon attention à se focaliser sur elle. Tout prenait bien plus de sens à la lumière de cette idée, si fragile en apparence, si forte en réalité. Lors de notre anniversaire, j’avais dit à Finn que j’étais prête à tout pour atteindre nos ambitions et que rien ni personne ne pourrait jamais m’en détourner. Parce qu’il était alors inconcevable que ces objectifs soient incompatibles avec d’autres désirs plus égoïstes. Finalement, cette certitude n’en était plus une et il y avait là quelque chose de difficile à admettre. Ce n’était pas tant que mes positions semblaient inconciliables… plutôt que j’avais sous les yeux la seule raison pour laquelle j’abandonnerai tout le reste, sans ciller — ou à peine — s’il s’agissait de ne plus jamais le perdre en échange. Ça avait bien des noms, maintes et maintes fois prononcés, sur tous les tons, mais il n’y en avait qu’un seul qui n’avait jamais franchi mes lèvres. Un seul, en fin de compte, que je n’avais jamais dit à personne. Grisée par ce rhum arrangé que nous sirotions sans discontinuer, je me détachais de toutes les hésitations : elles ne me ressemblaient pas, de toute façon. N’étais-je pas impulsive, et impétueuse, du genre à réfléchir une fois que les actes étaient consommés ? C’était un état d’esprit qui me plaisait bien plus que celui qui s’emparait de moi ces derniers temps, assise en tailleur sur mon lit, face à des parchemins qui ressemblaient à des obstacles infranchissables. Une gorgée de plus et j’étais prête à les surmonter.
J’effaçai les centimètres qui nous séparaient, me hissant sur la pointe des pieds pour rapprocher mes lèvres de son oreille, accompagnée par ses mains qui se déposèrent sur mes hanches. C’était une vérité trop intime pour que je ne la balance à voix haute, l’air de rien… comme un secret qu’il devait être le seul à entendre. Ma joue caressa la sienne et son petit rire me fit sourire avant que mon souffle ne vienne chatouiller sa peau. Je n’étais pas douée pour le mystère. En avais-je trop fait ? N’en avais-je pas assez dit ? Ou trop peut-être ? Des questions qui ne me traversèrent pas tout de suite l’esprit, trop occupé à abandonner ces confessions à mon meilleur ami avant que je ne me recule, ignorant le concert de protestations mentales qui me faisaient dûment savoir que chaque fibre de mon corps préférait rester lovée dans les étreintes du Serpentard. J’avais continué le jeu sans attendre, presque comme si je ne voulais pas lui laisser la possibilité de réagir par… crainte ? Non. Je n’avais pas peur, pas de lui, pas de ça…. ou peut-être que si. Néanmoins, son absence de réaction me laissa un goût amer, accentué par sa sortie du bassin, comme s’il désirait s’éloigner un peu plus. Je l’observai s’extirper de l’eau, m’adossant au bord opposé, ignorant les coups furieux portés à l’intérieur de ma poitrine. Action, donc.
Je m’enfonçai dans la mousse, sans me préoccuper de mon verre vide qui refit surface un peu plus loin, entraîné au bord de l’eau par les mouvements induits par la cascade qui glougloutait toujours. Ce n’était pas comme ça que j’allais réussir à noyer les battements trop rapides d’un cœur agité, mais cela me réchauffa un peu. La confidence avait été murmurée et maintenant, tout semblait un peu étrange. Tout était incroyablement simple, en fin de compte, contenu dans quelque sentiment d’un naturel effarant. C’était comme une évidence que j’avais toujours sue — et dans un sens, c’était le cas : ce que j’avais mis du temps à m’avouer était déjà connu de mon inconscient — et qui donnait pourtant un sens différent à tout ce qu’elle frôlait. Cette crainte de le voir partir pour rejoindre une autre et construire avec elle ce que nous avions de si précieux ; ces larmes sur mes joues et cette peine désolante des semaines durant ; cette certitude qu’il était un essentiel sans lequel je ne voulais pas composer qui s’était muée en une autre vérité : ce n’était pas seulement que je ne voulais, c’était que je ne pouvais pas, car tout prenait une saveur différente quand il était là et tout devenait incroyablement insipide quand ça n’était pas le cas ; cette incapacité à lui tourner le dos malgré la terrible dispute qui avait sérieusement ébranlé nos liens, moi qui n’avais jamais fait grand cas des amitiés brisées par la déception pleine de mépris que m’inspiraient d’anciennes relations ; ce toujours inébranlable dans lequel il baignait et auquel j’avais envie de croire plus que jamais maintenant que nous avions traversé tout cela ; toutes ces choses qui tenaient dans un si petit chuchotis. Un chuchotement qui laissait la porte grande ouverte à la prise de conscience que ça n’était, peut-être, pas du tout réciproque ? Par Merlin, pourquoi avais-je dit ça, déjà ? Je ne connaissais pas les regrets, en temps normal, mais là… mon cœur tambourinait trop fort. Je ne voulais plus de ce quotidien sans lui, je ne voulais pas perdre ce que nous avions, ni contempler derechef un fossé se creuser entre nous.
Mes mots franchirent le bassin qui nous séparait, demandant à Junior de ne plus parler qu’en rimes. Lui aussi avait délaissé son gobelet, lui préférant la bouteille au goulot de laquelle il but directement. Assis au bord de la piscine, les pieds dans l’eau et les vêtements qui lui faisaient comme une seconde peau, il détacha le flacon de ses lèvres pour mieux les agiter dans ma direction. J’avais une très bonne mémoire — surtout lorsqu’il s’agissait de mon meilleur ami ou de me servir d’anciennes conversations pour souligner mes propos, le plus souvent moqueurs — mais cet instant auquel il faisait référence m’échappa de longues secondes durant. Sûrement parce que le sujet de base était la peur, non pas l’amour, même si la discussion avait dérivé sur ces contours, déjà brouillés à cette époque. Je ravalai l’amertume qui se faisait plus acide à mesure que ses mots semblaient jeter loin, très loin, ce que je lui avais dit, pour rectifier, d’une langue alourdie par l’alcool et d’autres choses : « Moi qui crrroyais qu’on ne faisait que plaisanter et se taquiner. Enfin, c’est moi qui me trrrompe, je sais pourtant bien que tu n’es que verrrtu et intégrrrité : ce n’est pas ton genrrre de te moquer. » Le compliment tenait plus de la complainte mais j’avais détourné les yeux et ne vit pas s’il s’en offusquait ou non. Il avait espéré, un jour, des confessions plus intéressantes et il venait de les obtenir… tout ça pour les repousser en se servant d’anciennes railleries nées dans un contexte si particulier. Pour autant que je me souvienne, j’avais plutôt dit que les potions pouvaient s’avérer être un remède efficace si cela devenait dangereux… et peut-être bien, oui, que j’avais laissé entendre que je n’éprouvais pas le moindre sentiment, jamais. Mais n’avions-nous pas justement de l’horeur que lui inspirerait une meilleure amie plus humaine que ce qu’il pensait ? Est-ce que nous étions si près du compte ?
Surpris, mes yeux pâles retrouvèrent son teint qui l’était presque autant. Les idées cohérentes refusaient de s’aligner ; ne restait plus que cet immense point d’interrogation qui rendait mon regard un peu plus étincelant. Est-ce qu’il l’était aussi ? Là était toute la question… Est-ce qu’il se savait chanceux ? Je n’en avais pas la moindre idée. Mais surtout… Il parlait de lui à la troisième personne parce qu’il s’imaginait que je venais de confesser mes sentiments pour un autre ? « Je ne sais pas. Je ne crrrois pas » soufflai-je en décollant mon dos du bord en pierre pour flotter dans sa direction. L’alcool rendait mes gestes un peu plus confus, embrumait mes pensées d’une douceur moelleuse, alors que je me sentais paradoxalement parfaitement lucide. Il faisait peut-être cela pour ne pas avoir à confronter l’aveu que je lui avais murmuré… je préférais croire qu’il le faisait pour une autre raison, n’importe laquelle, tant que c’était l’une de celles qui faisaient reculer l’amertume et affluer cette tendresse impérieuse. « Il maîtrrrise la mauvaise foi comme perrrsonne, j’ai l’imprrression que ça le rrrend aveugle aux évidences. Tu es un maîtrrre en la matièrrre. » Allait-il comptabiliser ce dernier point comme un éloge ? Rien n’était moins sûr. Il y avait aussi une part de mauvaise foi dans ce que je venais de dire, comme si je maîtrisais cette évidence depuis une éternité, alors que ça ne faisait même pas quelques minutes. Je ne le lâchais pas des yeux, observant la moindre de ses réactions, prête à tirer un trait sur le superflu s’il persistait à croire que j’avais quelqu’un d’autre en tête. Comment serait-ce seulement possible ?
L’habitude prise depuis que nous étions entrés ici, sûrement, le poussa à poursuivre le jeu. Il fallait croire que nous n’avions pas envie d’aller plus loin dans les vérités dangereuses car j’imitai Junior en choisissant une action. Hésitait-il sur le gage qu’il allait me donner ou bien peinait-il à trouver les rimes requises ? Pendant qu’il réfléchissait, je m’emparai de la bouteille, laissant l’eau-de-vie glisser entre mes lèvres. Son culot n’avait donc aucune limite ? Après les compliments, il s’octroyait un massage ? J’étais bien en peine de me montrer indignée. En vérité, mon sourire se disait qu’il ne me repoussait pas loin de lui, et c’était suffisant pour que je prenne maladroitement appui sur le rebord du bassin avant de me hisser hors de l’eau. Il ne faisait pas vraiment froid, la pièce étant assez chauffée pour que nous ne soyons pas en proie aux courants d’air, mais nos vêtements trempés rendaient la chose moins agréable. J’agitai mollement les doigts et un souffle tiède nous enveloppa. Avec un soupir satisfait, je me glissai derrière Junior, étendant mes jambes de chaque côté de sa silhouette, comme me le permettait ma robe, observant un instant ce dos qui se dessinait sous le tissu détrempé. Mes doigts hésitèrent avant de courir sur ses épaules et le long de sa nuque, légèrement, tout d’abord, avant de se faire plus appuyés. C’était nouveau — je n’avais jamais massé personne, cette indécence-là m’avait préservée de ses filets — et ça dégageait quelque chose de plaisant en même temps que de profondément troublant. Encore que ce dernier point était peut-être dû plus à ce mystère irrésolu qui planait entre nous qu’à mes mains qui égaraient des caresses plus dense sur le haut de son dos. « Est-ce que mon Prrrince est satisfait ? » Puis, après une seconde de concertation avec moi-même, je rajoutai : « C’est le minimum pourrr un joueurrr aussi émérrrite que toi. Action ou vérrrité ? » Est-ce que les vérités nous paraissaient désormais trop risquées ? Jamais deux sans trois, en tout cas, et il compléta l’adage en choisissant un défi. Dommage pour lui, ce que je voulais, c’étaient des réponses. « Tes sourrrirrres sont ceux que je prrréfèrrre. » J’étais sûre de ne pas me laisser aller à oublier mon gage en commençant par lui. « Tu vas… tourrrner trrrois fois surrr toi-même si tu es également amourrreux, » énonçai-je, sans plus de spécificités, restant volontairement vague tout en faisant exprès de reprendre soigneusement ses mots. Mes yeux arrêtèrent brièvement de suivre mes doigts qui le massaient toujours pour chercher la suite. « ouvrrrirrr des rrrobinets au hasarrrd si ce n’est pas le cas, et… boire une gorrrgée si tu ne veux pas te prrrononcer. » C’était une échappatoire, ou peut-être bien un piège, car s’il se décidait à la saisir… Les remous, dans ma poitrine, se firent un peu plus rapides, haletant sous l’effort que demandait l’attente, insupportable.
(#) Sujet: Re: ivres de bonne heure ou de bonheur (JUNIOR ♚ ERIN) Ven 23 Avr - 20:13
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(#) Sujet: Re: ivres de bonne heure ou de bonheur (JUNIOR ♚ ERIN) Lun 26 Avr - 21:04
( ivres de bonne heure ou de bonheur | JUNIOR ♚ ERIN )
On pourrait croire qu’après tant d’années à se côtoyer il ne resterait plus rien à tirer de ce jeu un peu idiot : que pouvions-nous bien avoir à apprendre de l’autre alors que nous avions passé cette dernière décennie à profiter de tous les instants qui s’offraient à nous, à faire mille et une bêtises, mille et un écarts, à partager bien des premières fois… bref, à tisser cette relation qui se faisait toujours un peu plus forte que la veille, malgré les disputes nombreuses, grâce aux réconciliations qui suivaient immanquablement ? Et pourtant ! On se pliait aux règles avec diligence quoique saupoudrant le tout d’un peu de mauvaise foi. Je découvrais mon meilleur ami plus fourbe qu’à l’accoutumée et prompt aux incartades depuis plus longtemps que je ne l’aurais cru. Entre temps, j’avais oublié de le couvrir des louanges exigées et il ne manqua pas de le relever, me rajoutant une minute en guise de sanction. Je m’empressai de rectifier mes dires, plus moqueuse que jamais, et lui consentit à accepter mes propos comme des compliments, en grand seigneur qu’il était. Nos vérités ne faisaient que ramener à la surface des instants de vie éphémères — que nous avions probablement oubliés avant que l’autre nous force à nous en souvenir pour dévoiler quelque chose d’inédit en réponse à la question formulée — mais qui n’en étaient que plus précieux. Ces détails dérisoires, personne d’autre — ou presque, si on tenait compte des tiers impliqués — ne les connaissait que lui et moi.
Puis sa demande suivante, en apparence innocente, traça la voie à ces pensées qui ne me lâchaient plus vraiment depuis quelques temps. Mes sarcasmes ne suffirent pas à les chasser, retardant seulement l’instant où elles deviendraient trop présentes pour que mes lèvres les gardent encore secrètes. Je n’avais jamais ressenti le besoin de mettre des mots sur notre relation. D’en mettre d’autres que ceux qui en dessinaient déjà les contours : des surnoms mièvres aux compliments souvent espiègles ; des promesses et serments qui nous liaient par delà le temps ; des disputes souvent nées de rien aux réconciliations qui ne découlaient pas de grand chose de plus que du besoin de se retrouver ; tout le reste encore, ces choses que nous ne disions pas mais qui soulignaient l’évidence. Et puis Junior et sa terrible nouvelle avaient tout fait s’effondrer — les certitudes en premier et puis tout le reste avait suivi — me laissant entrevoir ce que pouvait être un monde duquel il ne faisait plus partie. Non, je n’avais jamais eu besoin de mots… jusqu’à ce qu’ils soient tout ce qui nous reste car nos regards étaient devenus muets et un fossé infranchissable nous empêchait d’accéder à tout ce que nous avions toujours connu. Maintenant qu’ils étaient là, d’autres voulaient leur place aussi. Ils ne traînaient même pas, derrière eux, une ribambelle de points d’interrogation : les vérités étaient devant, déjà claires comme de l’eau de roche, il ne manquait plus qu’eux pour renvoyer les dernières brumes au loin.
Et ça n’était pas une chose aisée. En témoignaient ces heures perdues sur un lit parsemé de parchemins à essayer d’écrire les confessions qu’avait un jour attendues Junior… et dont il ne semblait plus se souvenir. La déception était grande, sûrement démesurée, l’alcool aidant probablement, à ça comme à autre chose… comme à cet élan qui me poussa tout contre lui pour glisser mes lèvres à son oreille et y abandonner un secret à peine murmuré. Puisqu’il voulait toujours de ces confessions dont il avait oublié l’existence en même temps que la demande qu’il m’en avait faite, autant les lui dire plutôt que d’attendre de trouver le juste enchaînement pour les lui écrire. Les mots que nous avions jetés sur les ruines de notre royaume au moment de le reconstruire faisaient désormais partie de ses fondations, entre les larmes, les certitudes et ces choses que je n’avais jamais ressenties envers quiconque… Oui, il fallait rajouter ces trois petites syllabes à l’édifice de ce que nous appelions meilleurs amis, à notre propre définition de ce que cette amitié représentait pour nous. La meilleure d’entre toutes, bien supérieure à n’importe quelle autre, bien plus délicieuse, bien plus exceptionnelle… parfaite et unique en son genre.
Les battements de mon cœur s’étaient faits un peu plus empressés, un peu plus douloureux également, ne sachant pas trop comment réagir à cette annonce et à la façon dont Junior semblait l’accueillir, lui. Peut-être que reprendre le jeu n’avait pas été la meilleure des idées, mais le court silence qui accompagna mon chuchotement me semblait déjà être de trop, de même que son étreinte qui se défit à la première impulsion, ne cherchant pas à me garder tout contre lui… trop heureux de me voir m’éloigner suite à ce que je venais de tirer des ombres qui se pressaient autour de nous ? Parmi toutes les choses qu’il aurait pu dire, il se décida pour un souvenir qui mit quelques longues secondes avant de me ramener dans cette cabane miteuse, à l’autre bout du monde. Le tout en rime, évidemment. Le froid que compensait la proximité de Junior, nos visages couverts de saletés, tout ce que nous avions traversé avant de nous enfermer à l’abri dans ce taudis ne suffit pas à faire taire les accents accusateurs qui rythmaient mon ton quand je lui répondis. Mon regard chercha une échappatoire, quelque part sur la gauche, se perdant dans la mousse dont les bulles explosaient par millier pour se reconstituer aussitôt, sans que nous n’en sachions rien. Est-ce que c’était donc ça, finalement, à ses yeux ? Tomber bien bas ? Aurais-je mieux fait de me taire ? C’était idiot, je n’avais jamais douté de la réciprocité de ces sentiments, aussi nouveaux que parfaitement familiers. Nous avions toujours été sur la même longueur d’onde, même dans nos divergences étant donné que celles-ci naissaient plus souvent de nos incompréhensions que de nos désaccords et là-dessus aussi, je le croyais, sans même en avoir jamais parlé. Il y avait trop de signes, trop de serments, trop de vérités que nous avions effleurées pour qu’il en soit autrement… ou peut-être pas, en fin de compte. Ce mot était-il en trop ?
Je pensais à toutes ces incompréhensions qui avaient mené à bien des querelles stériles sans me dire un instant qu’il y en avait une nouvelle qui flottait au milieu de notre belle piscine. Les questions du Serpentard en allumèrent de nouvelles au fond de mon regard opalin posé sur ses traits qui me fuyaient, à leur tour. La belle danse avait laissé place à des pas hésitants. Je ne regrettais pas de lui avoir dit cela. En revanche… je craignais peut-être bien ce qui pouvait en découler. Et si tout s’effondrait de nouveau ? Ignorant ce cœur qui battait furieusement pour me faire savoir qu’il n’appréciait pas du tout ces incertitudes et ces violentes émotions, je répondis à Junior que je n’en savais rien, tout en détaillant son visage avec curiosité. Il n’y avait rien que je n’aimais pas chez lui. Il était parfait, avec tous les défauts que les autres pouvaient bien lui trouver. J’avais, certes, détesté cette soumission filiale qui avait menacé de nous séparer définitivement, jusqu’à ce qu’elle laisse la place à un courage qui l’avait rendu plus précieux à mes yeux encore. Il faisait la pluie et le beau temps dans mes journées, savait se tirer de sa paresse légendaire pour faire avec moi toutes les bêtises qui me passaient par la tête, des plus douces aux plus interdites. Il était plein de qualités… mais il était l’être avec le plus de mauvaise foi qu’il m’avait été donné de côtoyer. Et derrière cette moue qui habillait ses traits, son regard qui refusait ostensiblement de m’accorder le droit de le croiser, ses propos qui me semblaient dénués de sens, j’avais envie d’y déceler un aveuglement né de cette maîtrise phénoménale de ladite mauvaise foi. Abandonnant le bord du bassin contre lequel je m’étais adossée pour me rapprocher de lui, je décrivais ce garçon dont j’étais amoureuse, avant d’en donner à Junior le titre de maître. C’était peut-être encore trop subtil ? L’alcool n’aidant pas, je formulais peut-être des phrases trop sibyllines pour que mon entêté de meilleur ami ne cherche pas à en comprendre le sens réel ? Puis ses joues reprirent une teinte rosée qui lui allait décidément plutôt bien, m’arrachant un sourire que je cachai malhabilement en me glissant dans l’eau avant d’en ressortir totalement pour m’accouder contre le bord sur lequel il était assis. Je souris un peu plus à son ricanement et en étouffai un, tendrement moqueur, à sa question. « Les deux, voyons, les deux » pouffai-je, posant sur lui un regard railleur.
Aussi facilement qu’elles étaient apparues, les ombres refluaient déjà, remplacées par cette même légèreté qui avait accompagné toute notre soirée jusqu’à présent. Un soulagement ravi vint calmer le rythme effréné qui se jouait dans ma poitrine. Quelques choses étaient encore en suspens mais le Serpentard n’avait plus l’air de fuir… au contraire, il m’appelait tout contre lui, ce qui était bien suffisant, même si c’était pour obtenir de nouvelles faveurs et être un peu plus traité tel un roi. C’était loin de me déplaire, en réalité. Un souffle chaud et léger m’accompagna tandis que je prenais place et que mes doigts se posaient sur ses épaules, mes yeux parcourant ce dos qu’on devinait à travers la chemise mouillée qui lui collait à la peau. « Tant de compliments sans avoirrr besoin de gage, je suis flattée. » Oui, je l’étais. Si les critiques peinaient à m’atteindre — j’avais une trop haute opinion de moi-même pour être ébranlée à la première remarque désagréable — les compliments trouvaient plus facilement leur chemin, surtout ceux qui émanaient de mon meilleur ami, car ils avaient une saveur bien particulière. « Voyons voirrr si j’ai autant de talent pourrr délasser le charrrismatique poète que tu es. » Intensifiant le contact entre mes doigts et le haut de son dos, je m’employai à concentrer mes intentions sur les mouvements circulaires que je dispersais le long de ses épaules et de ses omoplates, remontant jusqu’à la naissance de sa nuque d’où perlaient encore quelques gouttes d’une mèche de cheveux bruns.
Le silence douillet qui nous enveloppa était plaisant et donnait à l’instant une dimension plus particulière encore. Nous étions proches, de bien des façons, mais celle-ci était une première qui faisait naître des picotements loin d’être désagréables au bout de mes doigts. Ça ne me paraissait ni innocent, ni indécent pour autant. Nouveau, assurément, mais aussi captivant et vaguement surréaliste, comme si je n’étais pas tout à fait entrain de masser mon meilleur ami mais de nous lover dans une bulle plus intime encore. C’était peut-être dû à mes confessions récentes ou bien à l’originalité de ces caresses. Dans tous les cas, c’était bien… j’étais bien. Et je le fus encore un peu plus quand les doigts du Serpentard se mirent à errer sur mon collant, abandonnant, du bout des doigts, des caresses qui traçaient des formes indistinctes. J’avais la sensation que Junior se détendait sans pouvoir en être parfaitement sûre. Le temps s’écoula de manière indéfinie, nous laissant plongés dans cette délicieuse torpeur jusqu’à ce que je m’assure, d’un murmure, de la satisfaction de mon Prince, sans cesser le massage pour autant. Il n’avait pas donné de limite de temps — c’était peut-être plus fourbe encore — aussi poursuivis-je, mon esprit partant à la recherche d’une action à lui donner. Le problème étant que je désirais des réponses, des éclaircissements en tout cas, des confirmations plutôt. Éteindre tout soupçons avant qu’ils n’embrasent quoi que ce soit d’autre.
Après réflexion — et louange de rigueur — je lui dévoilai les règles auxquelles il allait devoir se plier. Était-ce de la triche ? Je voyais plutôt cela comme une ruse. Peut-être pas la plus fine, mais peu m’importait tant qu’elle s’avérait efficace. Une exclamation — que je n’avais aucun mal à imaginer parfaitement scandalisée — marqua la surprise de Junior qui ne tarda pas à chercher un moyen de se défiler. Mes doigts arrêtèrent leurs va-et-vient, mes yeux clairs se plissèrent et plongèrent dans celui de mon meilleur ami. Il ne me laissa pas le temps de le menacer des pires maux, précisant qu’il ne souhaitait pas se débiner, simplement qu’il n’avait aucune envie de bouger. Les battements de mon cœur qui s’était emballé à sa première réaction se calmèrent quelque peu et la vision d’une sortie aux allures de cataclysme s’effaça. « Je pourrrais te laisser le bénéfice du doute… » fis-je d’un ton soupçonneux pour l’encourager à ne pas en rester là. Il se trémoussa, pivotant suffisamment pour me faire face. À l’écoute de son aveu, mon cœur se remit à battre un peu plus vite, sur un rythme plus charmant que tous les précédents et mon sourire fit disparaître le peu d’ombrage que j’avais pris à son refus. Est-ce que les dernières minutes venaient de tout faire basculer ? Non. Rien n’avait changé, tout semblait être exactement comme avant. Peut-être que nous devenions plus doués au petit jeu des secrets inavoués. La confession de ce que nous pensions de ce baiser, l’année dernière, avait provoqué bien plus de remous que celle-ci.
Son baiser scella sa confidence, adoucissant plus encore le sourire qui dansait sur mes lèvres. Je ne me sentais pas différente et je ne le voyais pas différemment, probablement parce que tout ce qui venait d’être dit existait depuis bien plus longtemps et que nous avions eu tout le temps de nous y faire. Ou peut-être parce que nous allions avoir tout le temps de nous y faire. Dans les deux cas, le naturel qui reposait sur ces épanchements avait permis à la légèreté de notre soirée de subsister. « Fairrre une exception ? Hm... » Une moue pensive plaquée sur mon visage, je pris quelques secondes de réflexion, avant de soupirer d’un air théâtral. « Non. » J’adoucis la brutalité de ma sentence d’un baiser rapide, mes mains se glissant jusqu’à sa taille — comme la scène jumelle d’une autre, au tout début de notre baignade — et je poussai le corps de mon meilleur, déséquilibré par la position précaire dans laquelle il s’était mise, à l’eau. « Je crrrois que, de là où tu es, tu peux tout à fait tourrrner sur toi-même » gloussai-je quand il réapparut à la surface, récupérant la bouteille qui était désormais ma seule compagne sur ce rebord en marbre, mes pieds battant gaiement la mousse qui ne diminuait pas, en envoyant innocemment quelques flocons sur mon meilleur ami.
(#) Sujet: Re: ivres de bonne heure ou de bonheur (JUNIOR ♚ ERIN) Mer 28 Avr - 17:46
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(#) Sujet: Re: ivres de bonne heure ou de bonheur (JUNIOR ♚ ERIN) Dim 2 Mai - 0:02
( ivres de bonne heure ou de bonheur | JUNIOR ♚ ERIN )
Quelle évidence venions-nous de confesser pour que rien, absolument rien, ne semble différent de la seconde d’avant ? Ce petit mot — auquel tout le monde s’accordait à trouver des particularités plus ou moins élogieuses — avait trouvé sa place avec un naturel effarant. Là où d’autres confessions avaient repoussé des certitudes aveugles et bousculé des habitudes qui n’en étaient devenues que plus délicieuses encore, celle-ci n’avait pas provoqué le moindre remous, se glissant entre nous sans presque rien déranger, si ce n’étaient quelques susceptibilités rapidement effacées. Il se pouvait qu’il soit amoureux ; j’étais probablement tombée amoureuse ; et aucune de ces hésitations n’en était vraiment. Nous n’avions fait que nommer une nouvelle affection parmi toutes celles que nous nous portions déjà et dont les contours se faisaient plus présents depuis quelques mois. Il était toujours mon meilleur ami, le plus agaçant et le plus charmant de tous les jeunes hommes, celui dont les humeurs affectaient bien trop les miennes et dont la présence m’était aussi agréable que vitale. Celui avec qui j’explorais sans relâche des voies secrètes qu’il me plaisait de ne partager qu’avec lui seul. Si cette voie-ci venait à peine de faire l’objet d’aveux chuchotés sur les rivages d’une piscine mousseuse, d’autres avaient remarqué que nous l’arpentions depuis plus longtemps. On se pensait discrets — convaincus que rien ni personne ne pouvait comprendre ce que nos sourires se disaient — mais ce qui naissait dans le secret de nos tête-à-tête ne mourrait plus jamais, pas même au milieu du reste du monde. Combien de regards entendus — teintés de contrariété, selon les cas — nos parents avaient posés sur notre complicité sans que nous n’y prêtions attention ? Combien de fois Finn avait souligné cette relation changée, ces frontières floues dépassées ? Combien de sentiment ressemblaient à celui, brûlant, qui jaillissait lorsque d’autres me ravissaient Junior — ce que sa déplaisante demi-sœur n’avait pas manqué de relever l’été passé — ? Il y avait une évidence et elle me ravissait, car nos aveux ne changeaient rien — ni à l’extérieur, ni au sein de notre bulle précieuse — si ce n’est qu’ils dessinaient un sourire sur mes lèvres, au coin desquelles dansait un plaisir un peu enfantin, peut-être accentué par l’ivresse, encore que je ressentais aucune gêne à le laisser s’exprimer.
Non, ils n’avaient rien changé… pas même les questionnements qui ponctuaient cet avenir que les projets parentaux avaient dessiné de manière bien désagréable. Tapies dans l’ombre, d’autres considérations attendaient leur tour, de celles que nous ne faisions que survoler — elles aussi — sans jamais nous y arrêter. Le sursis obtenu avait reculé l’échéance et c’était tout ce qui comptait, pour l’instant. Loin des brumes capiteuses de l’alcool, peut-être qu’elles trouveraient leur place, mais ça n’était pas pour tout de suite. Présentement, il me fallait trancher en faveur — ou non — d’une exception au jeu idiot dans lequel nous étions plongés et qui nous avait mené le long de côtes inexplorées. Son regard s’était fait implorant — une pantomime qu’il maîtrisait à la perfection mais qui n’était pas en mesure de me faire changer d’avis — et son ton le fut autant. J’atténuai l’affront qu’il allait subir d’un rapide baiser — espérant sans trop y croire que cela suffirait à ce qu’il ne m’en tienne pas rigueur — et le poussai à l’eau, avec une satisfaction d’autant plus vengeresse qu’il ne s’était pas privé de m’y envoyer de la même manière. À son air grognon, j’opposai un sourire aussi innocent que les siens. J’avais été à bonne école et il ne restait pas la moindre trace d’espièglerie sur mes traits candides, si ce n’était une lueur amusée au fond de mes prunelles claires, rivées sur un Junior mécontent. J’étais irréprochable… n’est-ce pas ? Avec une nonchalance qu’il serait prompt à juger insolente, je lui fis remarquer qu’il était tout à fait capable de tourner sur lui-même, désormais. Et avec une prétention des plus cavalières, il me rétorqua qu’il était plutôt disposé à tourner quelques robinets. Son nez fin levé avec arrogance, il se dirigeait en effet vers le bouquet doré duquel s’échappait toujours notre cascade. Une exclamation outrée m’échappa, noyée par la gorgée liquoreuse que j’étais en train d’avaler. Je me relevai d’un bon et fis un pas dans sa direction, mon regard se faisant lourd de menaces. Qu’il ose… Il osait ! Ah, le traître ! Des bulles irisées s’échappèrent du premier robinet avec lequel ses doigts jouèrent — de manière toujours plus provocante — puis une vapeur épaisse, qui recouvrit rapidement tout le bassin, du deuxième. Un peu d’alcool coula le long de mon palais, emportant avec lui les fausses saveurs amères que sa révolte avait fait naître. J’étais assez lucide pour reconnaître ses airs capricieux pour ce qu’ils étaient, mais tout de même : mon regard en resta noir de désapprobation.
Il referma les robinets qui déversaient toujours les témoignages de son humeur puis entreprit de quitter le bassin. « Quelle grrrâce. » Mon souffle moqueur fit danser un rictus sur mes lèvres que je masquai derrière le goulot de la bouteille. Je levai les yeux au ciel à sa remarque plaintive — remarquant sans vraiment le noter que le plafond marbré se faisait plus vague — tandis que le souvenir de sa chemise trempée qui lui collait à la peau et dessinait parfaitement son dos me traversa l’esprit. Soit il était de mauvaise foi… soit rien du tout, en réalité. Venant du Roi en la matière, c’était évidemment le cas. « J’ai pu le constater, en effet » ironisai-je en esquissant un pas dans sa direction alors qu’il prenait celle de la pile moelleuse de serviettes blanches. S’il était loin d’être sec lorsque je l’avais propulsé dans l’eau, il était peut-être effectivement un peu moins ruisselant qu’en cet instant. Ses pas laissaient de petites flaques dans son sillage et ses mèches brunes n’en finissaient plus de faire perler gouttelette après gouttelette le long de son cou et de ses joues. Ça n’enlevait rien à son allure princière, bien au contraire, mais il pouvait toujours rêver pour qu’un seul compliment ne franchisse mes lèvres ou pour qu’un sortilège ne l’enveloppe d’un nouveau souffle tiède. Il boudait, très bien ! Je pouvais bouder également. Je l’entendais marmonner, sans être en mesure de détacher des syllabes intelligibles, saisissant malgré tout le sens global de ses ronchonnements. Avec une grande maturité, je parodiais la moue qu’il devait arborer, n’ayant plus que son dos pour tout interlocuteur, mes lèvres s’agitant en silence.
Je stoppai net mes mimiques au moment où il se retourna vers moi, affectant une mine innocente mais un regard fâché que seul mon maquillage noir cerclant mes yeux pouvait aider à rendre crédible. Entre mes doigts, la bouteille pesait moins lourd que lorsque je l’avais subtilisée à la Salle sur Demande. En effet, elle se vidait vite — très ou trop ? je n’aurais su le dire — et s’allégeait de minute en minute, alanguissant proportionnellement mes mouvements. Tant et si bien que je n’eus pas le réflexe d’écarter mon bras pour l’empêcher puérilement de s’emparer de la bouteille. Mes mains délestées de toute possession, je croisai les bras sous ma poitrine, étudiant un instant les traits de Junior avant de me décider pour une nouvelle action. Il était hors de question qu’il obtienne de nouvelles confidences après si violemment malmenée la dernière. Mais, bien évidemment, il n’était pas en reste quand il s’agissait de me lancer des défis qui lui apportaient certains privilèges. Mon regard passa de son visage à la serviette qu’il venait de défaire pour me permettre de m’y glisser puis retrouva ses yeux clairs rehaussés de longs cils humides. Un gloussement fila sans que je ne puisse le retenir derrière des airs plus agacés. « Et ce sont mes prrropositions qui sont indécentes ? » Mes sourcils se haussèrent d’un air entendu. Quelques longues secondes étirèrent le temps avant qu’un sourire ne rompe mon immobilisme et que je ne vienne me lover contre lui, faisant taire toute tentative de débauche supplémentaire, empêchant de nouveaux sous-entendus taquins de se faufiler entre nous. J’étais tout à fait disposée à reprendre l’instant câlin où nous l’avions laissé… mais pas à oublier qu’il avait eu l’outrecuidance d’ouvrir quelques robinets. Enfin, mes récriminations semblèrent incapables de franchir la barrière douillette du tissu qui nous enveloppait tous les deux, pas plus que celle, plus douce encore, de ses bras autour de moi.
Mes lèvres retrouvèrent les siennes, épousant sa moue boudeuse dans l’unique but de le faire disparaître, goûtant les saveurs sucrées que la liqueur y avait déposées, effaçant les ombres d’autres baisers trop fugaces. Ce qui était devenu une délicieuse habitude au fil des mois n’avait jamais perdu de son attrait. Certes, le goût de l’interdit tout juste franchi n’était plus là — il était à jamais dédié aux toutes premières fois — mais il y en avait tant d’autres qui n’avaient rien à lui envier. Un instant de tendresse volé entre deux salles de classe, des excuses silencieuses qui effaçaient bien des contrariétés, des bonjours et des au revoir plus séduisants qu’on ne pouvait se l’imaginer, des secrets folâtres et bien des choses encore. Et celui-là alors ? On n’embrassait pas ses amis — pas même son meilleur ami, pas même celui qu’on paraît de surnoms idiots — à moins de se retrouver au cœur d’un jeu mené par des personnages grossiers, comme c’était le cas quelques étages plus haut. Je le savais bien avant de chuchoter cet aveu inédit au creux de l’oreille de Junior. Et pourtant, grisée par l’alcool et les joues un peu moins pâles qu’à l’accoutumée, je gardais la saveur d’un baiser tout particulier. Qui de Junior ou de moi y mit fin, je n’en savais rien, mes yeux cherchant les siens aussitôt que nos lèvres se séparèrent, les miennes ne tardant pas à s’ourler d’un nouveau sourire. « Et toi ? Tu comptes te fairrre parrrdonner ? » Mon sourire s’affaissa sous le poids de la peine immense dont je tâchais de lui faire prendre conscience. Il ne fallait pas oublier qu’il avait délibérément choisi de faire couler de nouveaux robinets, dans une provocation qui m’avait, évidemment, profondément meurtrie en plus de massacrer sans pitié ce que je lui avais révélé. « Voilà ce que je gagne à parrrtager une confession des plus secrrrètes : tu la piétine sans aucun rrremorrrd ! » Était-ce crédible ? Sûrement pas le moins du monde. Je ne mettais pas beaucoup de cœur à l’ouvrage, il fallait bien le reconnaître, la plus grande partie de ma volonté étant prisonnière de cette douce étreinte.
L’alcool faisait son office, aussi brillamment que les bras de Junior qui ne me lâchaient pas, l’un et l’autre noyant mes élans impulsifs sous des brumes agréables. Machinalement, l’élocution moins vive, je lui posai la sempiternelle question. J’étais bien aise qu’il choisisse la seconde option, bien peu encline à abandonner mon meilleur ami et cette serviette qui faisait office de rempart molletonné contre la fraîcheur humide de l’eau. En revanche, je n’avais pas la moindre idée de quoi lui demander. Il avait déjà répondu à ce que je brûlais de savoir et je peinais à trouver d’autres sujets qui pourraient faire ressurgir un Junior que je ne connaissais pas, ou peu. Finalement, emportée par les fragrances estivales qui flottaient dans toute la pièce, bercée par son parfum à lui, je me laissai aller à la conjugaison des deux. « Comment vas-tu occuper ton été ? » Ce n’était peut-être pas si surprenant que ça, puisque nous finissions immanquablement, tous les ans, par arriver au moment où la question surgissait, amenant avec elle des perspectives réjouissantes de vacances passées ensemble. À un petit imprévu près, celles de l’année précédente avaient été parfaites, nous évitant deux longs mois sans pouvoir nous voir, les remplaçant par un séjour en France et un autre en Norvège… et une aventure à l’autre bout du monde.
(#) Sujet: Re: ivres de bonne heure ou de bonheur (JUNIOR ♚ ERIN) Mar 4 Mai - 0:42
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(#) Sujet: Re: ivres de bonne heure ou de bonheur (JUNIOR ♚ ERIN) Jeu 6 Mai - 19:06
( ivres de bonne heure ou de bonheur | JUNIOR ♚ ERIN )
Le prince charmant avait quitté son trône au profit d’un petit plongeon dans notre piscine et en était ressorti plus boudeur que jamais, plus trempé également… mais pas moins charmant pour autant. Laissant de nombreuses gouttelettes derrière lui, il s’enroula dans une serviette à la blancheur immaculée avant de revenir jusqu’à moi, s’appropriant la bouteille que mes doigts lui cédèrent sans résister. Les rondeurs sucrées de la liqueur alcoolisée se révélaient dans toute leur traîtrise, alourdissant mes sens en même temps que mes mouvements, menaçant d’endormir ma fougue habituelle pour la remplacer par une ivresse singulière aux intonations sentimentales. Ouvrant son peignoir de fortune en deux — tel un Moïse d’intérieur séparant non pas les flots mais des bouts de tissu — il me somma de me faire pardonner… m’arrachant un gloussement moqueur. L’air mécontent que je lui opposai depuis qu’il avait outrageusement tourné quelques robinets fut chassé sans plus de ménagement — il ne faisait de toute façon pas le poids — et remplacé par une certaine malice. Notre jeu fait d’échanges et de défis avait débuté par mes indécences mais celles de mon meilleur ami n’avaient rien à leur envier. Il réfuta mes accusations, incriminant mes pensées déplacées dans une parfaite démonstration de cette mauvaise foi qu’il maîtrisait si bien. Je levai les yeux au ciel mais j’avais déjà consenti à lui laisser le dernier mot.
Dans un sursaut d’orgueil survivant, je laissai quelques secondes nous filer entre les doigts avant de filer entre ses bras. Tant pis pour cette bataille — aux intensités plus espiègles que réellement belliqueuses — et tant pis pour la victoire : j’abandonnai l’une et l’autre sans le moindre regret pour me glisser tout contre Junior. Nul triomphe n’avait autant de saveur que les instants comme celui-ci ; et nul ne valait la peine d’être vécu s’il se faisait à leur détriment. Ces étreintes étaient celles qui avaient le vrai goût de la victoire, bien plus que d’avoir le dernier mot contre mon meilleur ami. En tout cas, c’était tout ce qui m’importait maintenant, et tant pis pour l’orgueil et la mauvaise foi que je négligeais si éhontément. De toute façon, même ces deux-là peinaient à se révolter tandis que le bras de Junior se refermaient autour de moi, m’enveloppant d’une double étreinte que la serviette moelleuse rendait plus chaleureuse encore. Sa présence apaisait déjà tous les maux, elle se révélait capable ce soir d’en faire de même avec les velléités naissantes de querelle inutile — alors qu’elle était leur première fomenteuse depuis la nuit des temps. En fin de compte, les menaces de cette ivresse particulière avaient pris corps et les autres envies avaient disparu pour laisser la place toute entière à celle d’une étreinte sans fin.
Ses lèvres avaient ce goût extraordinaire de toujours et de nouveauté, comme si nos confidences — qui n’en étaient pas vraiment puisque nous n’avions rien avoué de terriblement nouveau ; non, nous nous étions contenté de soulever ce voile qui reposait sur des sentiments facilement reconnaissables pour tout initié — ajoutaient une couleur inédite à un tableau qui n’avait rien d’inchangé. Une teinte saisissante faite de contrastes troublants et d’une myriade de petites choses, de ce ravissement enfantin à ce plaisir plus adulte en passant par ces délicieux frissons qui n’en finissaient plus de danser à la surface de ma peau. La fin de notre baiser marqua nos retrouvailles avec ces fausses bouderies dont nous nous servions pour obtenir une quelconque faveur de l’autre. En vain, pour ma part. Judas se contenta d’effleurer mes lèvres après avoir consciencieusement piétiné mes peines et mes chagrins, refusant tout net de se faire pardonner. Vil personnage que celui-ci dont l’étreinte m’empêchait de fuir. Pour aller où, de toute façon ? Je souffrais probablement d’un syndrome très grave qui me poussait à éprouver une terrible affection envers mon bourreau. C’était regrettable, d’autant plus qu’il n’avait aucune pitié, aucun remord et qu’il confirma mes dires en gloussant le plus naturellement du monde. « Monstrrre » soufflai-je avec bien peu de convictions. Aussi difficile que ce soit de l’admettre, je devais me rendre à l’évidence : j’étais irrémédiablement perdue, sans aucune chance de m’en sortir. Alors, quitte à souffler les dernières braises d’un espoir de salut quelconque, autant le faire auprès de ce poêle accueillant vers lequel m’entraînait mon meilleur ami.
Je le suivis dans sa chute sans faire d’histoires, ignorant l’absence d’élégance induite par tout cet alcool que nous avions bu sans vraiment nous arrêter. Cette transition se révéla responsable d’un bref éloignement que Junior assassina tout aussi rapidement, m’attirant derechef contre lui, ne laissant pas la moindre chance à une quelconque distance de subsister. Je me laissais faire, plus docile que jamais, parfaitement consentante pour laisser cette douce étreinte retisser notre bulle autour de nos silhouettes trempées. Il referma la serviette sur mon dos, tandis que je passais mes jambes autour de sa taille, en profitant pour égarer un baiser le long de sa mâchoire. Il faisait bon et l’ambiance était douce, sans que le poêle y soit pour grand-chose. Son existence me rappelait celle, plus salvatrice encore, d’un autre chauffage d’appoint dans une cabane plus miteuse que cet abri-ci, dans un monde qui s’était fait le commencement de cette certitude dévorante qu’il était parmi ce qui m’importait le plus, si ce n’était tout. Toute cette agitation m’avait rendue un peu plus indolente, engourdissant mon esprit et faisant peser sur mes épaules une fatigue artificielle. Ça n’était pas tant l’envie de dormir qui était la plus forte que celle de me nicher dans un coin confortable avec mon meilleur ami et de ne plus en bouger de toute la soirée, de toute la nuit même. L’ébauche d’une idée perça les brumes de l’alcool. Mais avant toute chose, il me fallait réfléchir à cette vérité que Junior venait de choisir. Ses caresses ne m’aidaient pas vraiment à me concentrer. Son pouce sur ma peau chassa quelques premières esquisses puis ses lèvres en firent de même en s’égarant au creux de mon cou, et le frisson qui en était né ne me facilita pas la tâche. Mes paupières alourdies par le rhum glissèrent sur mes yeux clairs et lui continua de réchauffer ma peau de caresses merveilleuses… s’arrêtant bien trop vite à mon goût. Je clignai une fois ou deux pour en chasser les ombres assoupies mais tenaces et, portée par le visage de Junior tout près du mien ainsi que les fragrances d’été qui embaumaient toujours les lieux, me fendis finalement d’une question.
Plusieurs semaines nous séparaient encore des vacances d’été mais, déjà, la perspective de les passer loin de lui suffisait à me tirer de cette léthargie alcoolisée. Quant à celle qu’il dessina après quelques secondes de réflexion… elle me laissa un goût amer en bouche. L’imaginer prévoir sa vie outre-manche me nouait le ventre, d’une façon qu’il était seul capable de provoquer et me ramenait à certaines heures sombres qu’il ne me plaisait pas de ressusciter. Peindre mentalement des toiles le représentant dans un château au style typiquement français, occupé à choisir la couleur de ses rideaux ou celle des tapis qui rendraient les pièces trop grandes un peu moins austères, me donnait aussitôt envie de les brûler. Je ne dis rien — moins par diplomatie qu’à cause de cette liqueur qui alourdissait ma véhémence et rendait ma langue pâteuse — mais la flamme qui déborda de mes prunelles opalines en disait bien assez à elle seule. Ce n’était plus d’actualité… Ces quelques mots suffirent à apaiser le feu de la tourmente, mais pas à l’éteindre complètement alors que sa phrase restait coincée entre trois petits points de suspension, comme bien d’autres choses. Son regard se voila brièvement — probablement projeté sur un jour quelconque de juillet ou d’août à se demander où il serait et ce qu’on attendrait de lui — avant qu’il ne poursuive avec des prévisions bien peu optimistes.
Une bouffée de refus m’envahit. Je ne voulais pas de l’été qu’il dessinait. J’en refusais chaque contour avec une violence qui ralluma l’étincelle brûlante de mon regard. Je me redressai, m’écartant sans le penser de cette douce étreinte, la serviette glissant de mes épaules comme pour mieux me renvoyer au froid glacial que m’imposait ces conjectures. Deux mois, c’était déjà long en temps normal, trop long… et, là, ça me semblait pire encore. Les vacances d’été n’avaient plus rien de ces semaines salvatrices loin d’une école souillée par la vermine ; elles devenaient des journées trop longues dénuées de la présence de mon meilleur ami. « Loin de moi l’envie de t’abandonner. Je m’en voudrrrais d’autant plus de te laisser seul face aux ennuis… » fis-je avec une nonchalance dans la voix qui n’atteignait nullement mon regard. Il y avait cette certitude, profondément ancrée, que je ne voulais plus de lui loin de moi, encore moins de moi loin de lui, sans que la moindre solution pérenne ne se dessine. Les rêves d’enfants ne tenaient plus face aux ambitions adultes de ses géniteurs et aux plans qu’ils fomentaient pour lui. « Mais, oui, nous allons sûrrrement passer un temps au manoirrr… où tu es le bienvenu. » Il était impensable de ne pas profiter de notre été pour retourner sur nos terres natales où les jours vivaient à rallonge, où l’air était si pur, où nous étions libres de jouir de tous nos droits naturels. En revanche, je ne pensais pas y dédier l’entièreté des huit semaines, surtout si la présence de Junior conférait des attraits bien supérieurs à Londres. Encore fallait-il qu’il ne soit pas de l’autre côté de la Manche à ce moment-là… « Tu sais, l’été est encorrre loin, j’ai tout le temps d’apprrrendrrre à trrrafiquer des porrrtoloins » suggérai-je avec un peu plus d’amusement que n’en avait provoqué en moi cette conversation depuis son début… sans me départir d’un fond de sérieux. Fuguer ne faisait pas partie de mes ambitions, loin de là, mais être séparée de mon meilleur ami non plus. Ne pouvions-nous pas simplement profiter de nos vacances comme cela nous chantait, profitant de notre majorité pour nous soustraire au joug parental ? Si seulement…
(#) Sujet: Re: ivres de bonne heure ou de bonheur (JUNIOR ♚ ERIN) Jeu 6 Mai - 23:13
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(#) Sujet: Re: ivres de bonne heure ou de bonheur (JUNIOR ♚ ERIN) Sam 8 Mai - 14:43
( ivres de bonne heure ou de bonheur | JUNIOR ♚ ERIN )
Un léger courant d’air tira parti de l’affaissement de la serviette pour se glisser d’une épaule à une autre, tel un soupir tiède qui me sembla glacé, s’attardant sur ma nuque et lui tirant un frisson qui n’avait rien de plaisant. Les flammes de mon regard en disaient long sur ce que m’inspiraient les journées d’été esquissées par Junior. Il se formalisa faiblement de mon recul tandis que je me laissais emporter — avec plus de véhémence — par ces considérations qui s’étaient glissées avec nous sous cette bulle de coton blanc. Se heurter à la réalité qui avait cours, à l’extérieur de ce petit bout de royaume, n’avait rien d’agréable. Poudlard et sa décadence — aussi écoeurantes soient-elles — nous offraient tout de même des frontières au sein desquelles nous pouvions rester aveugle du reste du monde et jouir de la présence quasi constante de l’autre. Mais au-delà de ces bordures érigées en protectrices, les ambitions paternelles projetées sur Junior ne s’étaient pas estompées simplement parce que nous étions parvenus à repousser l’échéance de son départ ; les desseins parentaux ne s’étaient pas effacés parce qu’il s’y était opposé. Quelque part dans Londres, ils continuaient de se former, envers et contre ce qui n’était qu’un contretemps pour ces silhouettes adultes. Viendrait le moment où les doigts de la destinée s’agiteraient pour réclamer leur dû… et, à ce moment-là, est-ce qu’il était naïf de croire que nous aurions déjà trouvé une parade plus pérenne ou bien faudrait-il de nouveau agir dans l’urgence pour ne pas se perdre ? C’était lassant… mais il aurait été utopique et bien naïf de croire que les plans de sa famille se seraient si facilement ajustés à nos envies. Nous les avions retardés, nullement modifiés.
J’aurais pu lui tenir rigueur de la nonchalance avec laquelle il parlait d’un été duquel nos retrouvailles loin du monde ne feraient pas partie, m’aveugler d’une mauvaise foi exacerbée par la vexation et croire qu’il se fichait bien de passer ses vacances loin de moi, rompre ainsi — sans aucun doute — le charme de l’instant et tracer la voie à une querelle qui marquerait la fin de notre soirée. Ça n’était pas si éloigné de nos habitudes, ça n’avait rien d’invraisemblable. Mais, même si je l’avais voulu de toutes mes forces, même si un élan impulsif m’avait poussé à ronchonner mon mécontentement, même si l’idée de me draper d’offense m’avait effleurée, ces impulsions auraient fondu aussi rapidement qu’un minuscule flocon de neige confronté à la chaleur d’une peau dorée par le soleil. Le courage dont il avait fait preuve en s’opposant frontalement à ses parents — lui qui n’avait jamais envisagé d’être autre chose que l’image qu’ils se faisaient du fils et de l’héritier parfait — avait reconstruit toute la confiance sérieusement abîmée par quelques épreuves… Et bien plus encore : il l’avait rehaussée d’un quelque chose en plus, d’une admiration teintée de tendresse et d’une gratitude qui venait sûrement faire briller, de temps à autres, mes prunelles claires d’un feu silencieux. Sans compter les douces confessions de tout à l’heure qui ne pouvait que renforcer cette confiance déjà absolue. De lui, je ne doutais plus le moins du monde. Des intentions parentales et des jeunes filles françaises minaudant auprès de ce parti idéal, en revanche, beaucoup plus.
Mon air vaguement renfrogné s’effaça à la rencontre de ses grands yeux plaintifs et de ses paroles qui trouvaient un triste écho en moi. « Toi aussi » soufflai-je avec autant de sincérité que d’abattement. Alors on se résolvait à cet été loin l’un de l’autre sans plus se démener pour trouver une quelconque parade à ces jours qui s'annonçaient bien ternes ? « Quand est-ce qu’il arrriverrra, le jourrr où nous n’aurrrons plus à nous battrrre ? » Mon soupir porté par cette ivresse plus lourde à chaque seconde et ces considérations qui suivaient la même tendance accrocha une moue boudeuse sur mes traits. Nous n’allions pas nous disputer, pas maintenant, pas alors que tous nos griefs se portaient contre d’autres, mais je ne pouvais pas m’empêcher d’éprouver quand même des vagues violentes de contrariété. Il allait me manquer, oui, affreusement, mais je n’aimais pas la fatalité contenue dans ces quelques mots. Je voulais une suite, des idées plus ou moins lumineuses qui transformeraient ce manque en la certitude que nous allions pouvoir le combler. Je voulais pouvoir le retrouver, aussi souvent qu’il nous chantait, et bénéficier de la même absence de contrôle dont nous jouissions au château. Des envies très simples mais qui se heurtaient à la contradiction de ces désirs familiaux… qu’il m’aurait bien plu de brûler jusqu’à la racine. Cette année était celle de toutes les alliances et de toutes les unions sans qu’aucune ne soit à mon goût. Si devenir adulte impliquait ces batailles à répétition concernant des mariages et des noces indésirables, la majorité perdait de son charme.
Le sérieux et la plaisanterie se mêlèrent dans ma voix, sans que, même moi, je ne sois en mesure de décréter la part occupée par chacun. Je n’avais jamais sciemment envisagé de créer panique et inquiétude chez les miens en disparaissant du jour au lendemain — l’année dernière avait été une fois indépendante de notre volonté à tous les deux. D’autant plus que cet été s’annonçait intéressant de bien des points de vue. Hannibal terminait sa scolarité et entrerait dans les sphères plus adultes dès sa sortie de Poudlard ; Grand-Père nous emmènerait certainement, maintenant que nous étions majeurs, Finn et moi, à la rencontre de personnages d’influence qu’il nous serait favorable de rencontrer au vu de nos ambitions professionnelles, et ainsi, Londres s’avèrerait bien captivant. Des attraits qui ne faisaient guère le poids contre la présence de mon meilleur ami et le souvenir de cette cabane perdue au bout du monde. Il chassa une mèche de mon visage, emportant avec elle toutes les préoccupations qui ne le concernaient pas directement, rendant plus alléchante encore l’idée de s’enfuir dans un autre cabanon. Ses réticences étaient négligeables à côté des caresses qu’il égarait sur ma peau. Je dodelinai légèrement de la tête, emportée par l’alcool et ses attentions dans un autre temps où nous avions égaré des tendresses similaires, accompagnés d’un gant et d’une eau tiède pour nous débarrasser de la crasse accumulée. J’avais une furieuse envie d’y retourner. Peut-être pas dans cet exact danger qui avait accompagné chacun de nos pas, pas plus que de retrouver la compagnie des créatures pleines de désespoir qui s’en étaient prises à mon meilleur ami, ou de cet ours sanguinaire qui avait fait d’un moldu son repas, mais dans cette intimité la plus parfaite où avaient commencé à se dessiner des vérités en filigrane. « Je suis cerrrtaine que des cabanes plus agrrréables existent. Ni déserrrt hostile, ni crrréaturrres dangerrreuses. Ça pourrrait êtrrre un bout du monde plus clément et accueillant, sans rrrien de rrredoutable. » Une campagne isolée je ne savais où, une cabane en forêt délaissée par les hommes, des ruines sur une colline où l’animal le plus inquiétant serait un mulot. Sans aucun doute, cette terre regorgeait d’endroits aussi retirés que le taudis de tôle rouge aux meubles croulants sous une poussière centenaire, mais bien plus chaleureux. C’était un idéal chimérique… qui faisait battre mon cœur d’un souhait bien réel.
À la question de Junior, j’hochai la tête sans hésiter, sans même réfléchir à la question. Tout ce qu’il voulait, nous le pouvions, et plus encore. « Une cabane, une maison, un château même, tout ce que tu veux. » Un lieu à nous duquel personne ne serait en mesure de venir nous enlever et où nos règles feraient loi. Peut-être que l’on viendrait nous y chercher malgré tout — je peinais à imaginer sa chère mère se satisfaire de ne plus jamais voir son fils unique et chéri — mais nous déciderions des invités autorisés et, le soir venu, nous pourrions nous y retrouver sans que personne ne puisse redire à cela. Un royaume aux frontières visibles, fait de pierres solides et où chaque centimètre carré nous appartiendrait, sans rien ni personne pour venir nous dire quoi faire, comment, où et avec qui. Une cabane en fer rouge et aux recoins rouillés, en mieux et à nous. Des rêves d’enfants sous forme adulte, en somme. Mes lèvres s’étirèrent en un sourire appelé ailleurs quand son doigt les effleura et mes yeux quittèrent le bleu des siens pour s’égarer sur le rose des siennes. « Impossible. » Sa main déclencha une nouvelle série de frissons dotés d’un piquant parfaitement plaisant. Abandonnant l’éloignement induit par les perspectives estivales, je laissai mes doigts danser sur son avant-bras. « Parrrce que c’est mon prrrojet à moi, de ne jamais t’en laisser rrreparrrtirrr. » J’affectai un air faussement désolé mis à mal par un sourire qui se faisait plus rieur à chaque seconde, bien que relevé d’un sérieux qui semblait accompagner cette discussion de bout en bout. Pas de peut-être ni de fausse négation : qu’il se trouve d’autres promesses à ne pas tenir, je conservais celle-ci.
(#) Sujet: Re: ivres de bonne heure ou de bonheur (JUNIOR ♚ ERIN) Dim 16 Mai - 15:34
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(#) Sujet: Re: ivres de bonne heure ou de bonheur (JUNIOR ♚ ERIN) Mer 26 Mai - 21:32
( ivres de bonne heure ou de bonheur | JUNIOR ♚ ERIN )
La contrariété engendrée par les perspectives décevantes d’un été amer se la disputait à la volupté de l’instant présent ; l’envie de tout oublier dans cette étreinte délicieuse à celle d’en projeter des centaines d’autres pour combler chaque journée de nos vacances ; le désir de ne pas m’écarter de lui d’un millimètre, encore moins de le lâcher, à celui de nous enfuir, rien que tous les deux. Je n’aimais rien de moins que perdre mon temps à ressasser un passé dont le dernier souffle avait été exhalé ou à poursuivre un futur insaisissable. Le présent était très bien. Celui-ci l’était plus que tous les autres. Pourtant, mes pensées capricieuses s’opposaient les unes aux autres, souhaitant tout — profiter de ce bonheur manifeste — et son contraire — s’en arracher pour essayer de rendre plus doux l’été à venir. Nous étions seuls au monde, comme nous l’aimions tant, nichés dans une étreinte plus chaleureuse que le poêle qui ne nous réchauffait guère — là où les sourires de Junior étaient bien plus efficaces — mais l’eau qui s’accrochait à nos vêtements et qui faisait flotter autour de nous ces senteurs estivales nous avait projetés dans un été qui s’annonçait morose. De ronchons, les traits de mon visage s’agitèrent en une moue plus boudeuse encore. Il allait me manquer. Affreusement. Quelle justesse dans le choix de ce mot. Ça allait être horrible, épouvantable, atroce : au moins tout ça, et bien plus encore. Même la certitude de profiter d’un séjour au sein de mes terres natales ne parvenait pas à adoucir celle de sa brutale absence. Son ton était porteur d’une forme de résignation que je n’appréciais guère sans trouver la force nécessaire pour lutter contre. Je ne la cherchais peut-être même pas, peu désireuse de transformer nos taquineries et nos tendresses en une querelle qui n’en valait pas la peine. Ses bras autour de ma bataille assoupissaient mes résistances et son souffle régulier qui chatouillait ma peau humide me donnait tout simplement envie de remettre ces batailles à demain pour ne profiter que de lui et de nos caresses. Ce que je décidai de faire, bercée par ses mots pleins de promesses radieuses. Bientôt, ça m’allait. Ce n’était certes pas tout de suite, mais ma propension à l'impulsivité semblait dormir au moins autant que mes élans sanguins. Ce soir, nul combat ne pouvait nous atteindre. Et ce n’était qu’une question de temps avant que nous ne remportions celui qui avait profondément marqué cette année de changements durables. Bientôt, venait-il de promettre. Quant aux autres qui nous attendaient peut-être, ils ne pourraient rien contre nous. Tant que nous n’avions plus à nous battre l’un contre l’autre, rien ne le pouvait. Sa promesse suivante chassa les nuages qui assombrissaient mon regard pour laisser revenir cette lueur qui associait si bien la malice à une joie plus pure. « Parrr Merrrlin, ça semble terrrible. » Ce qui l’était le plus, dans tout cela, c’était de devoir attendre les prochaines et laisser filer entre nos doigts ces deux mois d’été.
Je préférais fomenter une fuite loin de nos ennemis — avec un sourire qui peinait à tracer la limite entre le sérieux et la plaisanterie — plutôt que de continuer à osciller aussi violemment entre la douceur de notre tête-à-tête et la cruauté de ceux qui n’existeraient pas durant les vacances. Ça paraissait si facile que ça en devenait tentant. Plus que ça, même. Qu’est-ce qui nous retenait, ici, si ça n’était des camarades insipides dont nous pouvions très bien nous passer ou mes frères que je pourrais toujours retrouver ? Qu’est-ce qui nous empêchait véritablement de retrouver l’intimité — et toute la perfection qui l’accompagnait — de notre cabane du bout du monde ? Peut-être que nous n’avions pas à nous contenter d’un taudis, cette fois-ci. Un château, un manoir, un royaume tout entier, nous pouvions nous emparer de tout ce qui nous plairait. J’idéalisais nos moyens sans prendre en considération les règles de la vie d’adulte, sans penser aux trivialités telles que l’argent — dont je disposais, en quantité, si ce n’était qu’il était quelque part dans une chambre forte et non pas directement à portée de main — les papiers, les autorités que nos parents lanceraient à nos trousses, incapables de concevoir que nous pourrions être pleinement volontaires dans cette disparition, ou que sais-je encore. Une chose se dessinait véritablement derrière nos rêves d’enfants, et c’était la perspective d’un lieu qui ne serait qu’à nous. Un lieu dont personne ne pourrait franchir l’entrée sans qu’on l’y autorise, un endroit dont nous serions les souverains incontestés. Notre royaume… notre chez nous. Son gloussement me tira de cette clairvoyance et m’en arracha un similaire. Ça ressemblait au Paradis, ça l’était… ça le serait ? L’envie s’était développée et avait pris une forme attirante, poussée par l’ivresse d’un moment hors du temps. Qu’il était doux de se complaire dans ces lendemains débarrassés de tout ennui pour n’en garder que la même légèreté qui nous enveloppait présentement, aussi délicatement que le faisait le coton de la serviette posée sur nos épaules. Sans hésiter, je lui promis le lieu de son choix pour réaliser ce rêve qui prenait vie. Une cabane, une maison ou un château, rien n’était ni trop beau, ni trop parfait pour le concrétiser. Mais, bien évidemment, mon meilleur ami se para des exigences de l’enfant-roi qu’il avait toujours été. Je gloussai à la mention de la cuisine : comme s’il en avait besoin. « Une cuisine pourrr me prrréparrrer du thé ? » fis-je avec un air aussi innocent que le sien, honteusement trahi par un sourire moqueur. Tout ce qu’il avait énuméré, en revanche, me convenait très bien. Un lit dans lequel paresser des heures entières avant que je ne l’entraîne dans une nouvelle bêtise, une piscine pour que les soirées comme celle-ci se conjuguent à l’infini, et Junior, juste Junior. Il abandonna sur mes lèvres un baiser trop rapide et trop fugace pour avoir le droit d’en porter le nom et se recula, opposant à ma moue fâchée un air nonchalant, poursuivant notre conversation comme si de rien n’était, laissant mes lèvres brûlantes d’une absence qu’il avait lui-même suggérée.
Un royaume fait de murs solides, donc, du mobilier de première nécessité — oui, même la piscine, absolument — et maintenant les menaces de ne plus jamais en laisser repartir l’autre. Mes doigts égarés sur sa peau perdaient quelques caresses sur leur chemin, allant et venant avec une tendresse qui n’était plus à présenter. L’air parfaitement sérieux, je lui fis savoir qu’il ne pouvait se fendre d’un tel avertissement puisqu’il était déjà le mien. Il fit taire mon rire naissant — la suite logique de son insulte des plus méchantes — d’un baiser qui valait enfin son nom. J’étais bien, là. Le cœur accroché aux lèvres de mon meilleure ami, alanguie par une ivresse qui se drapait lentement des brumes de la fatigue. Il s’arracha trop vite à ce début d’étreinte, se frottant les yeux et m’amenant à réprimer un bâillement qui s’était frayé un chemin avec une grande facilité. L’alcool avait fait son œuvre, nous poussant dans une danse pleine de rebondissements, mais elle s’en allait maintenant, l’exaltation de la griserie, pour laisser place à un sommeil qui étendait son ombre. Je n’avais pas envie de partir pour autant. Je ne voulais pas retourner dans mon dortoir et me détacher de sa présence. Nous pouvions très bien faire un matelas de ces serviettes et en garder quelques-unes pour nous couvrir. Ou bien… un éclair de lucidité me revint, aussitôt repoussé par la voix de Junior qui s’éleva dans une élocution un brin pâteuse… et profondément déstabilisante. Nous l’avions dit, ô combien de fois, que toujours était notre souhait qui accompagnait chaque promesse, mais jamais il ne l’avait dit ainsi. Ou jamais ça n’avait eu cet effet sur moi. La liqueur sucrée dans laquelle nous nous étions noyés de concert jouait peut-être un rôle là-dedans, ou bien nos révélations qui n’en avaient que la forme et pas vraiment le fond — était-ce l’inverse ? je ne savais plus trop — mais, qu’importe la raison, ses mots firent naître une douce chaleur qui me réchauffa jusque les joues tandis que l’écho de ses paroles résonnait en moi. Pour la première fois, je n’avais rien à rétorquer. Nulle ironie porteuse de vérité et un moi aussi me paraissait bien faible en comparaison. L’idée qu’il dessinait était très adulte et les considérations associées ne franchirent pas la barrière de mon esprit, ce soir. Il n’empêche que l’assentiment était fort, aussi fort que cette torpeur alcoolisée qui se faisait de plus en plus prégnante et qui me poussait à vouloir me blottir réellement contre lui pour ne plus en bouger de toute la nuit. D’un mouvement souple — quoiqu’alourdi par l’alcool — je me relevai, non sans effleurer ses lèvres au passage, avant de quitter le cocon de coton. « Knut » appelai-je dans le vide qui laissa place, une demi-seconde plus tard, à mon elfe de maison. « Amène-moi ma cape d’invisibilité » lui ordonnai-je en norvégien avant de me détourner de sa silhouette chétive de créature bonne à servir pour reposer mon regard clair sur mon meilleur ami. « Il vaudrrrait mieux en êtrrre sûrrr, avant de me donner l’autorrrisation de ne jamais te laisser rrreparrrtirrr. » Un sourire taquin vint fleurir mes lèvres, bien loin du fond du sérieux qui régnait pourtant dans l’aveu suivant. « En tout cas… moi, je le suis. » L’elfe reparut, le tissu presque liquide de ma cape entre les doigts. « Pas un mot à mon frrrèrrre. » Puis je ne me souciais plus de lui, je ne me souciais même pas de l’effet que pouvait avoir sur lui cet ordre qui entrait probablement en contradiction avec ceux que lui donnait Finnjörn, je ne me souciais que de retrouver un autre royaume. J’invitai mon meilleur ami à me rejoindre sous la cape qui retomba sur nos cheveux toujours mouillés et nous enferma dans une nouvelle bulle : après le coton, cette matière si particulière qui nous rendait invisible. « J’ai une idée plus conforrrtable que ce sol » furent mes seules explications.
Sans un mot de plus, je l’entrainai avec moi dans les couloirs parcourus de courants d’air glacials de l’école. Heureusement, mon objectif n’était pas très loin, mais notre cheminement fut ponctué de frissons. Nous fîmes halte au troisième étage et la porte devant laquelle je m’arrêtai leva sans doute toutes les interrogations que Junior pouvait encore se poser, si d’aventure elles existaient. Mes doigts autour de la poignée, j’hésitai, cherchant où nous emmener, quoi sommer au balcon du monde, pour la fin de cette soirée. « Une rrrequête ? » soufflai-je, l’esprit un peu ailleurs. J’avais bien pensé à notre cabane de tôle rouge mais, après ces dernières heures, je n’avais guère envie de me retrouver dans ce qui avait été le théâtre d’une terrible rupture. Mes yeux opalins glissèrent sur le nez fin de mon meilleur ami, remontant l'arête jusqu’à trouver le bleu de son regard. Abaissant la clenche, je poussai la porte et nous amenai sur un tapis de neige surplombé par un ciel d’encre duquel s’échappaient quelques flocons. Les lumières de Londres tremblotaient autour de nous tandis que nos pas prudents nous emportaient au milieu du toit. Il faisait froid, nous étions pieds nus et complètement trempés, mais un rire presque enfantin s'empara de moi alors que mes empreintes marquaient la neige. Comme il y a des mois de cela. Quelques mètres en-dessous, l’appartement familial des d’Archambault nous promettait toute la chaleur d’un nid douillet. Nous n’étions pas chez ses parents : c’était notre toit, notre royaume enneigé où virevoltaient les flocons sous une nuit étoilée. C’était une trappe par laquelle nous nous glissâmes, grelottants, et un couloir silencieux le long duquel nos pas égarèrent des petits flaques d’eau. Mes doigts entremêlés avec les siens, je le laissais m’entraîner à son tour, puisque nous étions chez lui, en fin de compte, gloussant comme si nous risquions de nous faire surprendre, trempés et en mauvaise posture, par une autorité parentale que nous ne cessions de défier. J’avais voulu un endroit qui nous permette de poursuivre la sérénité de notre bulle et la chambre qui se dessinait devant nous avait été un refuge bien avant d’autres, un antre où nous avions transgressé bien des règles, un lit dans lequel je m’étais maintes et maintes fois glissée, lui préférant sa chaleur à l’immensité froide du mien. J’aurais pu nous faire apparaître directement sur le tapis moelleux de son repaire, mais les toits m’avaient semblé être un passage agréable avant de nous enfoncer dans ces autres lieux, porteurs de bien des rires et des bêtises. Une légèreté que même l’ombre de ses parents ne pourrait effacer.
Notre venue fit tomber quelques gouttelettes sur le parquet de la chambre de Junior. La tentation était grande de me jeter sur son lit aux couvertures et coussins moelleux qui nous appelaient à eux. J’étais toujours vêtue de ma robe, trempée jusqu’aux os, alors il en était hors de question. Je fis donc comme j’avais toujours fait chez mon meilleur ami : comme si c’était chez moi. « Si tu me le perrrmets, je t’emprrrunte ta salle de bain ! » La porte coulissait dans mon dos avant même que ma phrase ne soit terminée. Quelques minutes plus tard, à peine, les cheveux enroulés dans une serviette et un peignoir noué à la taille, débarbouillée de ce maquillage qui avait quelque peu coulé, je retrouvai Junior, prête à l’entendre m’incriminer pour cet abandon ou bien à souligner le manque flagrant de politesse dont je faisais preuve envers mon hôte. Peut-être même les deux. Dans un élan de prudence qui ne me ressemblait guère — mais qui servait parfaitement mes intérêts — je fis taire toute tentative de récriminations d’un baiser, puis je me laissai tomber sur son matelas épais et confortable avec un petit soupir satisfait. Un bâillement m’échappa tandis qu’il s’octroyait à son tour la salle de bain. Je sentais bien que le sommeil n’était pas loin mais je me refusais à retrouver les bras de Morphée tant que ceux de Junior ne les accompagneraient pas.
(#) Sujet: Re: ivres de bonne heure ou de bonheur (JUNIOR ♚ ERIN) Mar 1 Juin - 14:43
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(#) Sujet: Re: ivres de bonne heure ou de bonheur (JUNIOR ♚ ERIN) Dim 6 Juin - 13:56
( ivres de bonne heure ou de bonheur | JUNIOR ♚ ERIN )
Les querelles habituelles avaient laissé leur place à une paix facile et naturelle. Est-ce que nous étions entrain de gagner en maturité ? Est-ce que les vapeurs entêtantes de l’alcool assouplissaient nos élans belliqueux ? Est-ce que les mois passés avaient porté notre compte de disputes pour les mois à venir ? Peu importait les raisons ; seule comptait cette soirée qui filait en une succession de secondes heureuses. L’été qui se profilait tenta d’étendre ses ombres moroses sur notre bulle mais elle était trop forte, ce soir, pour le laisser faire. Les promesses de mon meilleur ami m’enveloppaient d’une étreinte rassurante et il ne me vint pas à l’esprit de les remettre en question. Nous trouverions une solution pour qu’elles deviennent ce futur enchanteur. Le peu de raison restant avait été assassiné de la plus douce des manières par l’une de ses caresses égarées sur ma joue : pour que cet avenir se réalise — que ce soit pour un château avec piscine et cuisine ou une cabane à peine meublée, l’essentiel résidait dans sa présence à lui — il ne restait plus de barrières que je n’étais pas prête à franchir. Les émotions jouaient des tours et usaient de bien des détours pour parvenir à leurs fins. J’avais toujours aimé les ressentir, intensément. Vibrer d’exaltations diverses qui chassaient l’ennui d’un comportement sage. J’en découvrais des nouvelles aux côtés de Junior qui étaient loin de me laisser de marbre, flattant au contraire mes impulsions les plus folles. Il n’y avait rien que je voulais envisager sans lui à mes côtés. Ce que j’avais écrit à Finn, quelques semaines plus tôt, s’ancrait plus profondément encore dans la réalité, éclairé de nos récentes confessions. J’avais toujours porté un regard lourd de dédain aux manifestations sentimentales écoeurantes, alors que nous empruntions vraisemblablement un chemin similaire. Sauf que le nôtre était plus enchanteur — loin des mièvreries d’idiots qui habillaient les couloirs de Poudlard, notamment — rehaussé de tout ce qui faisait la perfection de ce lien inégalé. Oui, je le voulais à mes côtés. Lui et nos gloussements taquins — comme celui qui m’échappa alors que je lui demandais, moqueuse, s’il comptait me préparer du thé dans cette cuisine qu’il venait de mentionner —, lui et nos étreintes tendres, lui et nos escapades qui flirtaient avec tant d’interdits, lui et cette confiance sans retenue, cette sincérité sans failles. Ce serait tout ça… ou ce ne serait rien. Et si cette perspective avait été à un rien de devenir réalité, elle s’était presque totalement effacée ces derniers temps, sous les serments et les gestes courageux de mon meilleur ami.
Nos railleries amenèrent avec elles les souvenirs d’une soirée d’anniversaire qui avait mal tourné… avant de se terminer sur une réconciliation aux airs boudeurs. J’en conservais nos rires et nos bêtises, l’odeur âcre de la mandragore fumée, le goût fort de cette bouteille subtilisée à la réserver paternelle, le froid des flocons qui tombaient doucement sur ce toit enneigé, les paris idiots, ce thé mal préparé, et mes pas sur le parquet grinçant, face à cette porte qui me séparait alors de cet insupportable Serpentard. Ça avait été une belle soirée — n’était cette dispute qui n’avait pas duré. Et, tandis que la fatigue alourdissait nos paupières, je me surpris à rêvasser d’un lit aussi moelleux et d’un cocon aussi familier pour me lover plus confortablement contre Junior. La voix de ce dernier me tira de mes pensées agréables pour me plonger dans une chaleur qui l’était bien plus encore. Une teinte rosée colora mes joues sur le coup de son aveu et un regain d’énergie chassa le sommeil qui s’était emparé de moi. Il venait de réaliser l’exploit de me laisser muette — aucun son ne semblait sonner assez juste, aucune répartie ne semblait être à la hauteur — mais pas celui de me priver de ma fougue spontanée. Un baiser puis un sursaut pour me relever avant d’appeler l’elfe de notre famille que mon jumeau avait ramené avec lui à Poudlard — brillante idée dont je pouvais jouir du fait de sa gracieuse complaisance — débarrassée des dernières brumes de la fatigue. Junior, lui, n’avait pas perdu de temps pour s’étendre sur le dos avec toute la paresse qui le caractérisait si bien. Je lui ordonnai de me ramener ma cape d’invisibilité avant de reporter toute mon attention sur le Serpentard allongé à même le sol, prêt à se laisser emporter par les bras de Morphée, et je revins à sa confession, mon esprit bondissant d’une idée à une autre sans se formaliser de la confusion qui pouvait en résulter. L’elfe revint avec ma cape et mon meilleur ami se releva pour se glisser sous le tissu avec moi. Considérant le temps qu’il avait passé, caché dessous en ma compagnie, c’en devenait sa cape autant que la mienne. Le couloir nous accueillit, parcouru de courants d’air froid qui réveillaient des frissons sur nos peaux couvertes de nos vêtements trempés, et c’est sans flâner que je nous entraînai jusqu’au troisième étage. La porte du Balcon du Monde nous offrit un paysage qui — à défaut de nous réchauffer immédiatement — nous ramena des mois en arrière. Nos rires se mêlèrent aux flocons qui tombaient du ciel laiteux mais nous ne nous y attardâmes pas, nos pieds nus déposant leurs empreintes dans la couche de neige glacée, nos doigts se détachant les uns des autres pour nous permettre de retrouver le couloir de son immeuble et pour mieux se retrouver une fois au sol.
Parvenus dans sa chambre, je lui demandai le droit d’emprunter sa salle de bain que je m’étais déjà octroyé avant même qu’il ne me réponde. Un rire ponctua sa question puis je m’employai à me débarrasser des dernières traces de maquillage qui soulignaient la fatigue au fond de mes yeux clairs. Enveloppée d’un peignoir douillet, mes lèvres retrouvèrent celles de Junior, sans même remarquer que c’était la première fois que cela se produisait ici, chez lui, à Londres. C’était devenu une habitude, un naturel déconcertant auquel je me pliais sans feindre le plaisir que cela me procurait. Et, même ici, dans sa chambre où nous n’avions jamais eu l’occasion de laisser ces tendresses nous envelopper tous entiers, ça restait une évidence. Allongée sur son lit — qui était bien plus confortable que ce sol en marbre — perdue dans des pensées qui voltigeaient dans tous les sens, je luttai un peu pour ne pas laisser le sommeil m’envahir. Pas avant que Junior ne soit revenu de la salle de bain dans laquelle il avait disparu à son tour. Il ne me fit pas longtemps et me revint rapidement, se hissant sur son lit, laissant ses cheveux humides échapper quelques gouttes sur mon visage. Un froncement de sourcils boudeur marqua le faible mécontentement que cela m’inspirait. Mes doigts glissèrent dans ses mèches sombres pour les repousser sur le sommet de son crâne et interrompre la cascade d’eau — rien de moins — qui me tombait dessus. Mes yeux clairs retrouvèrent les siens, interrogatifs alors qu’il soufflait avoir longuement réfléchi, mais à quoi donc ? Ce fut à mon tour de peiner à relier les deux bouts, cherchant durant une seconde ou deux de quoi il était donc si sûr. Le rassemblement des bouts épars de notre conversation étira mes lèvres en un sourire ravi. « Bon, eh bien, qu’il en soit ainsi » soufflai-je d’une voix ensommeillée, me tortillant avec toute la grâce du monde pour étendre la couverture sur nous deux et me glisser contre lui, mes paupières lourdes incapables de rester plus longtemps ouvertes. « Pourrr la vie. » C’était plus sérieux encore que nos toujours, plus solennel aussi, comme une variation plus adulte de nos promesses d’enfants. Je sentis ses lèvres déposer un baiser sur ma joue, un sourire naissant sur mes lèvres. J’étais bien et je n’avais envie d’être nulle part ailleurs. Quelque part entre les limbes du sommeil et les derniers filaments de conscience, la certitude que je voulais que ce soit ça pour toutes les années à venir se cristallisa vivement. Rouvrant péniblement les yeux, je les levai jusqu’aux siens et tendis le cou pour déposer à mon tour un baiser sur sa peau. Ça avait été une merveilleuse soirée, en effet. Sans ombre capable de s’accrocher durablement, faite de confessions et de promesses, loin de la plèbe qui avait pourtant marqué le début de la fête. « Bonne nuit, mon Rrroi. » Bercés de la présence de l’autre et de ces heures grisantes — autant que des dernières ivresses de l’alcool — le sommeil ne pouvait que nous emporter rapidement, concluant cette soirée de la plus belle des manières.