Cela faisait une bonne heure à présent que le soleil s’était couché et que l’obscurité s’était emparée du château et de ses alentours. Assis derrière son bureau, le professeur Takeda observait l’âme en peine une photo animée de sa famille aujourd’hui décimée. Sa femme souriait et ses deux jumelles jouaient ensemble. Un moment rare de bonheur pur qui n’avait duré qu’un instant. Installé derrière une pile de lettres, de devoirs maisons et autres formalité administratives, l’ancien auror commençait sérieusement à fatiguer. La faim commençait à le tirailler mais il avait quelque chose à faire avant de partir se sustenter dans la grande salle.


Quelques temps plus tôt, une jeune élève de deuxième année, Zeynep Özdemir, s’était largement fait remarquer lorsqu’elle avait envoyé à tous ses comparses une lettre vindicative sur le secret magique. Particulièrement critique et extrême à son égard, elle le dénonçait ouvertement et appelait à sa transgression pure et totale à grande échelle. Comme cela était à prévoir, la pilule était difficilement passée auprès de certaines personnes. Afin de faire les choses au mieux, Silver avait attendu que la situation se calme un peu avant de s’entretenir avec l’adolescente. Ce soir, avant d’aller manger, elle avait donc rendez-vous avec le professeur sans savoir pourquoi.


Le demi-nippon était réellement tiraillé. Au fond de lui, il était d’accord avec la jeune poufsouffle. En tant que né-moldu, il trouvait aberrant, stupide et d’un autre temps la tradition que représentait le secret magique. Fut un temps, cela s’était effectivement justifié, mais aujourd’hui, il voyait mal en quoi. La plupart du temps, le secret était invoqué par les pires engeances du monde magique pour justifier leurs crimes. Par le passé, le professeur avait témoin de l’obscurantisme des sang-purs et de leurs idées néfastes. En tant que personne, Silver était pour l’abolition de cette règle. Malheureusement, en tant que professeur, il était tenu de rester professionnel et de respecter la loi. Qu’elle lui semble utile et justifiée ou non n’importait pas. En tant qu’ancien auror, il ne pouvait pas pousser les gens à transgresser les règles. Cela n’aurait eu aucun sens et il le savait.


En réalité, pour l’heure, le professeur Takeda essayait simplement de protéger la jeune femme qui, par idéalisme, allait se mettre des gens à dos et peut-être voir ses jours être mis en danger. Il ne pouvait pas tolérer qu’une née-moldu comme lui soit traitée ainsi par des sang-purs abjects pour qui il avait généralement bien peu de respect. Installé derrière son bureau, il attendit donc la venue de l’adolescente en se préparant un bon thé noir aux yuzu. Quand finalement l’élève frappa à sa porte, il la pria d’entrer. Sans se lever de sa chaise, il la salua d’un coup de menton avant de désigner de la main la chaise qui lui faisait face, intimant silencieusement à la poufsouffle de prendre place.


« Bonsoir Miss Özdemir. » dit-il tandis qu’elle avançait vers son bureau pour s’installer.


Malgré le fait que les deux sorciers soient seuls, Silver gardait son masque habituel. Il ne relâchait pas sa garde et continuait de donner l’air d’un professeur sévère et froid. D’un geste assuré, il s’empara de la théière et remplit deux tasses. Reposant le récipient bouillant, il indiqua de l’index l’une d’elles à l’élève avant de s’emparer de la seconde.


« Je ne suis pas le genre de personne à faire durer inutilement les choses, aussi, irai-je droit au but. Nous sommes vous et moi nés de parents moldus. Nous avons grandi dans un autre monde et celui des sorciers ne nous a été dévoilé que sur le tard. Plus récemment pour vous que moi, évidemment. Vous n’êtes pas sans connaitre les profondes dissensions qui existent et les discriminations qui en découlent. Vous n’ignorez pas non plus que des groupuscules de sang-purs extrémistes n’hésitent pas à s’adonner aux pires crimes. Le monde des sorciers est loin d’être en paix, expliqua l’homme avec sérieux. Vos idéaux, même s’ils sont louables, et partagés par bien d’autres personnes, vous mettent en danger. Je ne veux aucunement vous décourager, mais faites attention, vous êtes encore bien trop jeune pour risquer votre vie de la sorte. Ne soyez pas une cible pour les néo-mangemorts, je vous en prie. Faites profil bas, terminez vos études, laissez vos convictions parvenir à maturité et alors, lancez-vous en politique pour faire changer le pays en profondeur. Suivez l’exemple de notre Directrice et de son époux. Et n’oubliez pas que, même eux, subissent des pressions considérables du fait de leur idéaux pro-moldus. »


Le professeur disait ce qu’il avait sur le cœur. Il était réellement du côté de cette jeune fille mais il ne pouvait pas combattre à ses côtés. Il soutenait les Appleton et leur politique, mais à son âge et vu son passé, se lancer dans de nouveaux combats lui semblait difficilement possible. Tout ce dont il se sentait réellement capable, était d’essayer de lui faire ouvrir les yeux sur la réalité des choses. Bien évidemment, il savait qu’une adolescente aussi idéaliste n’entendrait pas raison, et surtout pas aussi vite après quelques mots bien choisis. Il allait certainement falloir travailler en profondeur avec elle. Quoiqu’il en soit, tout comme pour sa nièce, il s’estimait personnellement responsable le sorcière d’origine turque. Il était hors de question qu’il laisse qui que ce soit lui faire du mal, quand bien même n’était-elle pas membre de sa maison.