ft. @Marlon O'Delee & Michaela O'Delee

Sérieusement, à quoi bon passer l’année à Poudlard si les parents pouvaient quand même se mêler de son existence ? Bien sûr, Michaela n’était pas idiote et elle avait pertinemment su qu’elle aurait des ennuis dès que la porte du placard s’était refermé sur elle… Des ennuis ici mais aussi à la maison… Mais c’était bon, non ? Elle avait reçu une lettre de remontage de bretelles en bonne et due forme et ils avaient même laissé entendre qu’elle serait punie pendant les vacances tant sa bêtise était grave… Mais ils n’allaient quand même pas monter son frère contre elle ? Ou alors le lui coller dans les pattes H24 ? Ils en seraient capables, elle en était certaine ! Ce serait tellement l’angoisse… Elle n’avait rien contre son frère quand il ne l’enquiquinait pas — ce qui commençait à arriver assez régulièrement maintenant — mais de là à passer sa vie avec lui, il ne fallait même pas rêver ! Enfin… La meilleure façon de savoir à quelle sauce elle allait être mangée cette fois-ci était encore de se confronter courageusement aux ennuis. Elle n’était pas à Gryffondor pour rien ! Avoir le courage de faire des bêtises, elle l’avait, mais elle avait également celui d’en assumer les conséquences derrière. Toutes les conséquences… Même celles qui prenaient fourbement la forme de Marlon. Ils avaient convenu de rejoindre le dortoir du jeune homme pour avoir une discussion loin des oreilles indiscrètes, mais pour l’instant, aucune trace de celui-ci. Elle était bien montée jusqu’à la chambre pour vérifier mais non… Sûrement qu’il n’avait pas encore fini de dîner. Alors elle s’était vautrée dans un fauteuil, écoutant d’une oreille distraite les commentaires sur le championnat national de Quidditch faits par deux garçons sur le canapé d’à côté. Ça ne l’intéressait pas particulièrement, il fallait bien l’avouer, mais c’était toujours mieux que le silence.

— Bon ! C'est bon Mika ? Ça fait 20 minutes que je t’attends !

La gamine sursauta alors que la main de son frère venait chahuter doucement son épaule. Eh ! Elle aurait pu faire une crise cardiaque ! Ça se faisait pas ! Mais loin de s’en formaliser, elle afficha une moue aussi dubitative qu’amusée.

— Et tu m’attendais où ? Pas dans ton dortoir, j’ai vérifié. Avoue que t’étais en train de jouer les estomacs sur pattes, plutôt, ouais !

Un sourire gentiment moqueur étira ses lèvres alors qu’elle abandonnait son fauteuil et les commentateurs sportifs pour suivre son aîné dans les escaliers qui menaient aux chambres. Elle n’avait pas vraiment l’habitude de mettre le nez du côté des garçons, évidemment, mais elle commençait à connaître assez bien le chemin qui menait jusqu’à l’antre des sixième année. Sûrement qu’il en aurait été de même pour lui si seulement il avait eu le droit de venir sans déclencher toutes les alarmes du monde. Il referma la porte derrière eux. Toujours aucune trace de Finnbjörn. Tant mieux ! Oh, elle n’avait rien contre lui mais il fallait bien reconnaître qu’il ne donnait pas très envie de passer une soirée en sa compagnie. Surtout qu’il était sûrement du même genre que Maxton, « sang-de-bourbe » et blablabla. C’était à se demander pourquoi Poudlard gardait des élèves comme eux dans ses rangs. Ils ne pouvaient pas faire une école spéciale pro-sang-purs dans un de leurs manoirs géants — sûrement qu’ils en avaient tous ! — et laisser les autres élèves au sang tout sale tranquille ? Peu importe. Marlon déblaya son lit, ce qui la fit lever les yeux au ciel avec une exagération particulière avant qu’elle n’aille squatter la place et ne se cale confortablement contre les oreillers. Mais à peine eut-elle le temps de s’installer qu’il attaquait déjà :

— Alors ? Parle-moi un peu de ce mini Van Aken… Spécial non ?

Euh… C’était pas « les parents », le thème de la soirée ? Elle n’avait pas signé pour ça, elle. Déjà, parce qu’elle ne savait pas vraiment quoi répondre à cette question, et puis aussi parce qu’elle voyait arriver de là la leçon de morale sur ses fréquentations. Elle ne le fréquentait même pas, en plus ! Durant une seconde, le silence s’installa sur le dortoir, le regard clair de Mika rivé sur le visage de son frère. Il attendait quoi, exactement ? Elle se sentait arnaquée, attirée ici par un stratagème douteux et se trouvait bien bête d’avoir marché si facilement…

— J’en sais rien, finit-elle par admettre, un peu sur la défensive. Je le connais pas plus que ça. On était ensemble à Halloween, au début de l’année, il avait l’air sympa. Et quand on a été enfermés ensemble par Thorstein, il m’a fait de la peine. C’est tout. Le peu qu’on s’est écrit après la révolution, il a fait que me baratiner. Je lui ai pas reparlé depuis.

Pas de mensonge, juste la vérité vraie. À peu de chose près… Elle avait gardé pour elle le message d’excuses et l’envie irrépressible d’y répondre. Elle était convaincue que c’était un gentil garçon… Il avait fait une bêtise mais c’était pas la fin du monde, si ? Ils en faisaient tous, de toute façon. Pas la peine de le clouer au pilori pour ça !

— Et les parents ? Ils me voulaient quoi ?

ft. @Marlon O'Delee & Michaela O'Delee

Sûrement qu’elle ne l’avouerait jamais, par principe, mais la présence de Marlon à l’école avait toujours eu quelque chose de rassurant. Il était insupportable, c’était un fait, mais heureusement qu’il était là… Les années d’avant, bien sûr, sans lui elle ne serait plus là pour s’en plaindre, mais cette année également. Au milieu de tout le bazar que devenait Poudlard — les lettres anonymes, les déceptions, les punitions — il restait une figure stable, une bouée de sauvetage non négligeable. Aussi le voir débarquer, aujourd’hui, fit naître sur les lèvres de l’adolescente un sourire content. Bon, si ça se trouve, elle le perdrait en un rien de temps, quand il prendrait la peine de faire l’étalage des remontrances de leurs géniteurs et qu’elle réaliserait qu’il n’était qu’un infiltré tout juste bon à leur donner des raisons de lui taper sur les doigts… Mais pour l’instant, la perspective de cette soirée lui faisait encore plaisir.

— Innocent tant que je n’ai pas été jugé coupable !
— Et bah fais gaffe parce que tout ce que tu diras pourra être et sera utilisé contre toi, gloussa-t-elle en retenant un ta-dam digne des meilleurs épisodes de Law and Order.

Et puis c’était tellement une phrase de coupable, en plus… En tout cas, Michaela ne l’enquiquina pas davantage et lui emboîta docilement le pas jusqu’à son dortoir… Où elle fit clairement comme chez elle. C’était un peu comme à la maison, en réalité, venir squatter le lit de son frère faisait partie des choses qu’elle n’avait jamais hésité à faire… comme se servir dans son armoire parce que ses vêtements étaient plus confortables que les siens — ou qu’elle adorait trop voir sa tête quand il réalisait que c’était pas à elle. C’était fou comme ce garçon n’était pas prêteur ! En tout cas, il ne releva pas le manque de savoir vivre dont elle faisait preuve, ce qui la conforta dans cette impression d’être un peu chez elle. C’était presque une dépendance de son propre dortoir, finalement. Sauf que ça sentait moins bon et que la déco laissait un peu à désirer. Malheureusement, la satisfaction qu’elle avait pu ressentir à se faire inviter ici et à avoir le droit de s’installer comme bon lui semblait ne dura pas longtemps. À peine fut-elle assise que Marlon attaquait déjà sur un sujet qui n’avait rien à voir avec ce qui était prévu : Dmitri van Aken. L’adolescente n’aimait pas du tout la tournure que prenaient les choses mais elle consentit néanmoins à répondre à sa question. Elle fit même preuve d’une certaine honnêteté en avouant qu’ils avaient un peu discuté après la révolution ratée… sans entrer davantage dans les détails malgré tout. Il avait eu ce qu’il voulait, il était content ? Maintenant, qu’il crache le morceau concernant les parents, comme ça elle mettrait les voiles. Elle n’avait plus grande envie de rester, d’où on l’attirait sous de faux prétextes pour lui poser des questions indiscrètes, même ?!

— Ah oui les parents ! Ils m’ont écrit une lettre où ils demandaient des nouvelles. Ils voulaient savoir s’il y avait eu de nouveaux problèmes etc. Et aussi si on avait récupéré nos baguettes. J’ai dit la vérité. Rien de spécial et toujours pas de baguettes…

Elle fronça légèrement les sourcils. C’est tout ? Il l’avait fait venir ici en mode « faut qu’on parle » pour lui dire que les parents avaient demandé s’ils avaient récupéré leurs baguettes ? Sérieusement…? Si c’était une blague, c’était définitivement la moins drôle du monde. Elle n’eut même pas le temps d’ouvrir la bouche pour lui demander en quoi ça la concernait qu’il reprenait déjà :

— D’ailleurs ! En parlant de baguettes ! Dmitri… C’est ça ? À la base, Dmitri devait participer à votre révolution pacifique ? Ou bien il a tapé l’incruste ? Parce que j’étais choqué l’autre soir…

Elle aurait aimé faire la tête, sincèrement, parce qu’il la prenait pour la reine des idiotes… Mais il s’y prenait tellement mal que c’en devenait drôle en réalité et le regard qu’elle posa sur lui le laissait entendre sans mal, un mélange de lassitude et d’amusement dansant au fond de ses yeux clairs. Qui lui avait collé un tel boulet dans les pattes, franchement ? Mais puisqu’il voulait jouer, elle était prête à le faire également…

— Non mais la fixette… Ça fait presque peur, je te jure.

Elle grimpa à genoux sur le matelas, un air espiègle sur son visage innocent.

— Tu serais pas un peu amoureux, toi…? Tu veux que j’essaye de t’arranger le coup ? Bon, il a que douze ans mais si ça se trouve, il aime bien les vieux, on sait pas.

Elle haussa un sourcil entendu tellement exagéré qu’il aurait sûrement eu sa place dans un dessin-animé et se laissa retomber contre la tête de lit non sans un ricanement un peu moqueur. Il fallait qu’il arrête, sérieusement, ça n'avait aucun sens. Elle le laissa mariner un moment, observant avec un désintérêt total ce qu’il y avait sur la table de nuit.

— C’est moi qui l’ai invité, finit-elle enfin par admettre. Je t’ai dit, on était ensemble à Halloween et il avait eu l’air sympa. On cherchait des gens pour faire le truc avec nous, avec Rosie, j’ai proposé son nom et voilà.

Elle n’avait pas grand chose à cacher. Elle avait fait une bêtise, elle l’avait reconnu, toute l’école était au courant de toute façon… Que Dmitri ait été dans la combine par sa faute n’était pas pire que l’idée même de défier l’autorité comme elles l’avaient fait !

— Sérieux, Marlon, c’est pour me parler de lui que tu m’as fait venir ?

ft. @Marlon O'Delee & Michaela O'Delee

À peine eut-elle le temps de s’installer sur le lit de son frère comme s’il avait été question du sien que le piège tendu par celui-ci parut se refermer sur elle. Il lui avait fait à l’envers, le fourbe ! Où était la lettre des parents, hein ? À moins qu’ils aient changé d’identité dans la nuit et qu’ils se soient réincarnés en gamin de douze ans, il y avait peu de chance que Dmitri soit le sujet prévu ! Ah ! Elle était belle la confiance ! Et elle qui était venue sans se poser de question, naïve et innocente, mais quelle idiote ! Heureusement, Marlon avait mis les pieds dans le plat avec la discrétion d’un éléphant dans un magasin de porcelaine. Des formes approximatives et une maladresse qui frisait un peu le ridicule. Qui espérait-il tromper en abordant le sujet l’air de rien, comme ça, alors que ça sortait clairement de nulle part ? Elle voulait bien croire qu’elle n’était pas la fille la plus intelligente de la Terre mais quand même elle faisait encore la différence entre Dmitri van Aken et la lettre de ses parents. Elle consentit néanmoins à répondre à sa question. Elle n’avait pas grand chose à dire sur le Serdaigle, ils n’étaient pas très proches et n’avaient jamais rien fait d’autres ensemble que dix minutes d’une soirée organisée par l’école et deux minutes devant la Grande Salle avant de partir en guerre — qui n’aurait jamais dû être une guerre soit dit en passant — c’était tout. Pas de quoi fouetter un chat ni même mériter de passer en premier dans une conversation qui aurait dû être intéressante ! Son frère eut l’air satisfait, sûrement qu’il avait les réponses qu’il voulait, quelque chose comme « non, je ne suis pas la BFF des gens qui attaquent les profs », peut-être même que c’était leurs parents qui lui avaient demandé de se renseigner ? Elle ne savait pas trop comment ils auraient pu savoir mais pourquoi pas… En tout cas, il ne sembla pas déranger à l’idée de recentrer le sujet sur ce qui les intéressait vraiment ! C’était toujours ça. Enfin… Ça aurait dû l’être en tout cas. Trois phrases à peine et voilà que le premier année revenait sur le tapis. Sérieusement…? Il fallait arrêter, là, ça devenait gênant… Ça avait quand même le mérite d’être amusant. Chiant, bien sûr, mais amusant. Moins discret, ça n’existait pas. C’était limite s’il mettait pas des flèches en mode « attention je veux des informations sur le petit van Aken ».

— J’suis curieux c’est tout !

Michaela leva les yeux au ciel comme on le ferait face à un gamin simplet mais pas méchant avant de se moquer un peu. Il fallait bien reconnaître que c’était louche cette obsession, aussi ! S’il avait des vues sur lui, qu’il le dise tout de suite, elle ferait ce qu’elle pourrait pour l’aider. C’était son frère, après tout, il fallait qu’ils se serrent les coudes ! L’adolescent eut un mouvement de recul bizarre à sa question. Elle haussa un sourcil suspicieux, une moue un peu hébétée déformant ses traits. Attends… Quoi ? Il était vraiment amoureux d’un gamin de douze ans ? Non. Elle avait dû mal comprendre. C’était pas possible. C’était légal, même ? Elle n’en était pas certaine. Elle s’était attendue à tout sauf à ça. Qu’il l’envoie promener, qu’il lui demande d’arrêter de le prendre pour un pédophile, qu’il rigole à sa bêtise mais pas qu’il ait l’air surpris comme si elle était tombée juste. L’angoisse totale. Fallait qu’elle fasse quoi, maintenant ? Qu’elle en parle au principal concerné ? Ou au moins à leurs parents ? Parce que si son frère devait finir en prison pour avoir fait du rentre-dedans à un enfant, ce serait bien qu’ils s’y soient préparés avant ! Elle demanderait conseil à Hayden, sûrement qu’il saurait comment réagir… Ou, en tout cas, il fallait espérer. Son aîné parut se détendre mais le mal était fait. Il y avait baleine sous gravillon, elle en était persuadée !

— Hahaha dis donc t’en deviendrais presque drôle !
— Oui, je trouve aussi, répliqua-t-elle, les yeux rivés sur ce frère qui lui cachait des choses.

Elle entra finalement dans son jeu et répondit sagement à ses questions. Si elle voulait savoir ce qui le liait au Serdaigle, mieux valait ne pas être avare en information. Il vint s’asseoir au pied du lit, elle ramena machinalement ses jambes contre elle pour lui laisser la place de s’installer… Sa bonté la perdrait ! Lui laisser autant de place sur son propre lit, vraiment !

— Je vois. Et tu ne savais pas qu’il voulait attaquer une prof... Sale histoire…

L’adolescente haussa les épaules. Oui, assez sale… Mais en réalité, elle n’était pas certaine que Dmitri ait vraiment voulu attaquer une prof. Oh, elle ne prétendait pas qu’il ne l’avait pas fait de manière consciente et délibérée, loin de là, mais elle avait du mal à croire qu’il soit venu juste pour ça. Sûrement pour faire n’importe quoi, un peu comme Jade et Michal — ou peu importait son nom — mais pas pour attaquer des profs au nez et à la barbe de tout le monde. Surtout pas cette prof là qui n’avait rien fait à personne. Quitte à attaquer quelqu’un, autant que ça serve de vengeance, non ? Et puisqu’ils en étaient au moment des confidences, elle se risqua à lui demander de but en blanc si c’était pour ça qu’il l’avait fait venir. Elle était là, maintenant, de toute façon… Il n’avait plus rien à perdre à être honnête.

— Bon j’avoue, un peu…

Un soupir désabusé passa ses lèvres alors qu’elle croisait les bras d’un air boudeur. Génial… Il aurait au moins pu avoir le courage de lui dire clairement dès le début. Au pire elle serait peut-être pas venue — encore que — mais au moins elle aurait su à quoi s’en tenir. Franchement, c’était moche comme technique. Mentir à sa frangine pour avoir des infos sur son crush… Décevant !

— Mais pas que ! Il y a vraiment une lettre qui parle de toi ! Mais avant, j'ai encore quelques questions... promis je te dirais tout après ! Je la lirais même si tu veux !
— Ça tombe bien, j’en ai aussi, des questions, fit-elle savoir en se calant un peu mieux contre les oreillers. Une à la fois, chacun son tour. Et si tu veux des réponses, je te conseille de répondre aussi. Et je commence pour pas encore me faire avoir.

Son ton était sans appel. S’il ne jouait pas le jeu, il pouvait toujours courir pour obtenir quoi que ce soit de plus de sa part ! Elle voulait bien être gentille et coopérer mais il ne fallait pas trop la prendre pour une idiote non plus. Son regard clair plongea un instant dans celui de son frère comme pour le mettre au défi de se défiler puis elle se lança :

— Tu lui veux quoi, à Dmitri ?

Elle se fichait de la réponse que ça pouvait être, elle voulait juste la vérité. Si vraiment il en pinçait pour lui, pas grave, elle ferait avec, mais qu’il arrête de la lui faire à l’envers…

ft. @Marlon O'Delee & Michaela O'Delee

Honnêtement, qui aurait cru que cette soirée tournerait en véritable interrogatoire ? Certainement pas elle ! Elle ne serait sûrement jamais venue si on l’avait prévenue. Elle voulait bien être gentille mais quand même… Et puis, elle n’avait rien à dire sur le sujet, en plus ! Elle n’était même pas amie avec tous les gens qui avaient participé à la révolution ! Il y avait eut Blaze parce que Rosalie en pinçait pour lui, Jade et Michal parce qu’ils avaient l’air badass et Dmitri parce qu’il avait eu l’air sympa. Et si tout le monde était venu, elles se seraient farcies Maxton parce que Rosie avait des goûts douteux, Opal et Joanne parce qu’elles devaient être assez courageuses pour faire ça et les filles de l’équipe de Serpentard — qui s’appelaient toujours fille canon 1 et fille canon 2 parce qu’aucune des deux ne se souvenaient de leur nom — parce que les équipes de Quidditch ça donnait l’air cool et qu’elles devaient sûrement l’être en vrai. Il fallait bien reconnaître que ça avait été du hasard total, juste parce qu’elles ne pouvaient pas se faire entendre rien qu’à deux et que leurs amis n’avaient absolument pas voulu participer à ça. Il n’y avait pas de raison incroyable pour expliquer qu’un élève avait été mis sur leur liste et pas d’amitié indéfectible sous-jacente… Le hasard total. Des gens qui les avaient marquées pour une raison ou pour une autre et dont le nom était ressorti au moment où elles en avaient besoin. Alors l’insistance de Marlon au sujet de Dmitri — l’obsession, même — risquait d’être rapidement déçue. Mais puisqu’il voulait jouer à ce jeu-là, Michaela accepta de s’y plier. À condition de jouer avec ses propres règles et d’arrêter d’être prise pour une nouille. D’autant plus que, vu la réaction que son frère avait eu, elle était sûre de ne pas être celle qui cachait le plus de trucs. C’était facile de se poser justicier ou elle ne savait pas trop quoi mais encore fallait-il être irréprochable de son côté. Et, visiblement, c’était pas tout-à-fait le cas. Mais chaque chose en son temps…

— Ok vas-y.

De toute façon, il n’avait pas le choix. Soit il coopérait et répondait à ses questions comme elle répondait aux siennes, soit elle faisait forcing pour récupérer la lettre et retournerait dans son dortoir là où il pourrait jamais venir l’enquiquiner. Elle commença par l’un des plus gros mystères de cette entrevue : la fixette qu’il avait sur le Serdaigle. Il n’avait que son nom à la bouche, ça n’était sûrement pas sans raison ! Le silence s’installa dans le dortoir alors que Marlon paraissait réfléchir.

— Bah, très honnêtement, je ne sais pas, commença-t-il sous le regard dubitatif de la jeune fille.

Comment ça « il ne savait pas » ? On ne pouvait pas en avoir après quelqu’un à ce point juste comme ça, le plus gratuitement du monde ! C’était vraiment trop bizarre.

— C’est encore un peu tôt pour le dire. Je ne le connais pas et c’est pour ça que je veux savoir tout ça. Pour voir à qui on a affaire. Mais je trouve qu’à son âge il a eu du cran d’attaquer une prof et c’est surtout ça qui est inquiétant. Du coup voilà, je cherche, je me renseigne… Juste au cas où.
— Juste au cas où quoi ?

Il le traitait comme si c’était le plus gros criminel de l’histoire de Poudlard. C’était un enfant ! Il avait fait une bêtise. Ok, une grosse, mais juste une bêtise ! Elle avait levé les yeux au ciel à nouveau en l’écoutant. Soit il mentait soit ça volait vraiment pas haut. Dans tous les cas, c’était pourri. Un soupir un peu agacé lui échappa alors qu’elle se redressait. Si ça se trouvait, il était encore en train de la lui faire à l’envers !

— Ok à moi. Quand vous avez été enfermés ensemble par Thorstein, tu ne lui as pas demandé pourquoi il était là ?
— Bah non, lâcha-t-elle sur le ton de l’évidence, comme si c’était bizarre qu’il demande, on avait pas le droit d’être là, on faisait de la magie, et c’est Thorstein. C’était une explication suffisante en soi. J’ai été enfermée pour avoir posé les doigts sur une poignée, je te rappelle. Je sais pas si tu vois le niveau d’injustice, quand même. Et puis quand elle m’a poussée dedans, je suis tombée sur lui, il s’est blessé et tout le monde s’en fichait. Y’avait plus important.

Ça ne lui avait même pas traversé l’esprit. Elle avait essayé de le rassurer, de le faire sortir, d’appeler à l’aide… Et puis après ça avait été punition sur punition… Ce qu’il avait fait pour mériter un tel traitement était passé au second plan… Au dernier, même ! Et s’il n’avait pas avoué, sûrement qu’elle ne l’aurait jamais soupçonné. C’était un allié ! On avait confiance en ses alliés ! Enfin… Elle aurait peut-être pas dû mais bon… Elle ne parvenait pas à le regretter à cent pour-cents… Elle était sûre que c’était un gentil garçon, dans le fond. Il avait juste fait un pas de travers…

— Tu penses vraiment que c’est lui, le problème ?

Parce qu’en prenant les choses dans leur ensemble… D’accord, il avait attaqué une prof et peut-être qu’il l’avait fait exprès… Mais c’était la guerre, presque. Il y avait des gens, dans cette salle, qui avaient lancé l’offensive et, à sa connaissance, c’était pas lui. Il avait des torts, oui, ce qu’il avait fait était mal, d’accord, mais c’était trop simple de cristalliser sur lui toutes les erreurs du reste de l’école… Ça l’embêtait que son frère réagisse comme ça. C’était bon pour des imbéciles comme Maxton, ça, pas pour des gens qui étaient capables de réfléchir un petit peu…

— Dis, t’aurais pas des bonbons ? Mais ça compte pas comme une vraie question, hein…!

Mieux valait préciser, on savait jamais…

ft. @Marlon O'Delee & Michaela O'Delee

Michaela ne savait pas grand chose du jeune Dmitri, sinon ce que tout le monde savait… Ils n’étaient même pas amis, on ne pouvait pas dire que la confiance régnait ou qu’elle avait eu l’intention de s’en rapprocher. Pourtant, voir son frère s’acharner sur son cas comme ça, comme si c’était le pire monstre que Poudlard ait connu, ça avait le don de l’agacer et, c’était plus fort qu’elle, elle le prenait un peu personnellement. Elle aurait aimé dire que ça ne lui ressemblait pas mais, dans le fond, elle n’en était même pas sûre. Peut-être qu’en fait, si, c’était totalement Marlon de faire une fixette sur des mômes et d’essayer de les enfoncer ou peu importe ce qu’il essayait de faire. C’était soit ça soit il en pinçait pour lui et elle ne savait franchement pas ce qu’elle préférait. Sûrement un peu ni l’un ni l’autre en réalité. Peut-être que cet interrogatoire partagé lui permettrait de connaître le fin mot de cette histoire…

— J’sais pas, par curiosité quoi. C’est pas courant qu’un première année blesse une prof… C’est peut-être même inédit. En tout cas depuis que je suis là.

La rouquine leva les yeux au ciel une nouvelle fois avant de les poser sur lui d’un air un peu irrité. Elle rêvait ou il était pile en train de s’enfoncer, là ?

— Parce que des filles de douze ans qui veulent faire sauter le secret magique, t’en as croisées beaucoup…? Je sais pas, hein, parce que d’elle, t’as l’air d’en avoir rien à faire pourtant.

Les jeunes se rebellaient tous ou presque et pourtant c’était Dmitri, Dmitri, Dmitri, le reste n’existait pas. Son explication ne tenait pas. Et dire qu’il avait juste été question de la lettre des parents… Une belle arnaque ! Tout ça pour lui soutirer des informations qu’elle n’avait même pas. Est-ce qu’il pensait qu’elle faisait partie d’un vrai groupe révolutionnaire, du genre à vouloir faire couler le sang…? Tu parles ! La situation lui avait juste largement échappée. Elle était venue en nounours avec des sorts pour faire des fleurs et des bulles. Pas la peine d’espérer qu’elle ait grand chose à raconter concernant les criminels de l’école — d’autant plus qu’elle était à peu près sûre qu’ils n’en étaient même pas. La conversation continua, Marlon s’étonnant qu’elle n’ait rien demandé à son co-détenu alors qu’ils étaient enfermés. Ça ne lui avait même pas traversé l’esprit. Sûrement qu’il avait fait un truc mal — comme lancer un sort, exactement ce qu’ils étaient tous venus faire — et que Thorstein l’avait vu. Son explication ne sembla pas le convaincre plus que ça, quand bien même ça n’était que la plus vraie des vérités. L’adolescente commençait vraiment à se demander s’il ne la pensait pas plus impliquée qu’elle ne l’était réellement. Oh, qu’il lui dise en face, au moins ! Bon, à son tour. La surprise se lut une fois de plus sur le visage du jeune homme. Un peu comme quand elle lui avait demandé s’il était amoureux. Il avait vraiment des réactions bizarres ce soir…

— Non, c’est pas ce que j’ai dit, pourquoi tu dis ça ?
— C’est l’impression que ça donne, en tout cas.

Sa voix n’avait été qu’un souffle lâché dans un haussement d’épaules absent. Il semblait le poser en coupable, en grand méchant de l’histoire, en criminel en devenir, il y avait de quoi se poser la question !

— Non bien sûr que non. Ça ne veut rien dire ça. Maintenant ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas se méfier tu vois... Le temps d’avoir un peu plus de recul…
— Se méfier de quoi ? répliqua-t-elle d’un ton que sa mère n’aurait sûrement pas apprécié. D’un première année qui est surveillé par tout ce que Poudlard compte de profs à l’heure actuelle ? Il faut au moins ça, ouais…

Un claquement de langue réprobateur et elle secoua la tête d’un air désabusé. C’était n’importe quoi… Mais en même temps, elle n’avait pas envie de l’énerver plus que ça, ou de s’énerver plus que ça, ce serait contre-productif. Il fallait se détendre et reprendre sur de meilleures bases… En oubliant qu’il se comportait comme un crétin fini… Et pour se détendre, rien de mieux que des bonbons. Le sourire qui illumina le visage de son frère en fit naître un sur le sien puis il s’étala à plat ventre sur le matelas pour fouiller sous son lit. Curieuse, Michaela l’imita. Il en tira une boîte estampillée Honeydukes et la lui tendit — faussement — à contre-coeur. Elle l’accepta en battant des mains comme une enfant, un sourire plus grand encore étirant ses lèvres, un merci un peu maltraité par le bruit des bonbons contre le métal se mêla à la discussion.

— Mmmh c’est malin je vais devoir changer de cachette maintenant…

Elle ne put retenir un rire alors qu’elle ouvrait la boîte et la plaçait entre eux, comme si elle était chez elle et que c’était ses propres affaires.

— Mais non, ce serait trop dommage !

Elles avaient plein de bonbons, dans leur dortoir, elle n’aurait aucune raison de venir se servir ici. Sauf si vraiment leur stock devenait vide de chez vide mais il y avait quand même peu de chance. Elle récupéra une gomme de limace à la pomme dans la boîte alors que Marlon reprenait son interrogatoire sans perdre davantage de temps.

— Moi c’est une vraie question. Pourquoi tu t’acharnais comme une malade sur cette porte ? T’avais pas vu l’armée de prof à côté ?[/color]

Un nouvel haussement d’épaules lui échappa alors qu’elle luttait pour décoller avec sa langue le bonbon qui s’accrochait à ses dents.

— Chi, admit-elle juste avant d’y parvenir, mais je pensais qu’ils feraient pas gaffe. Dmitri était là à cause de moi, tu voulais que je fasse quoi ? Que je joue les lâches et que je le laisse se débrouiller ? Désolée, chez moi, on abandonne pas un allié.

Là encore, ça n’était qu’une parfaite évidence. Ça aurait été quelqu’un d’autre, elle l’aurait fait de la même manière. La base quoi. Elle tendit le bras, prit un autre bonbon dans la boîte et le mâchouilla tranquillement, sans se presser. De toute façon, tant qu’il ne lui avait pas parlé de la lettre des parents, elle était coincée dans ce dortoir alors pas se mettre la pression… Un air espiègle troubla les traits de l’adolescente alors qu’elle commençait à réfléchir à sa prochaine question. Elle se redressa un peu, les yeux rivés sur ce frère cachotier, prête à analyser la moindre de ses réactions.

— Pourquoi t’as eu l’air au bout de ta vie quand je t’ai demandé si t’étais amoureux de lui ?

Maintenant, ça pouvait devenir drôle.

ft. @Marlon O'Delee & Michaela O'Delee

Le raisonnement de son frère ne tenait pas vraiment la route, Michaela le voyait bien. C’était comme s’il essayait de se raccrocher aux branches pour ne pas passer pour un imbécile ou un grand méchant mais, dans le fond, le résultat était le même : il continuait de s’acharner sur un gamin qui ne lui avait rien fait personnellement et qui ne s’en était même pas pris à elle. Parfois, il ressemblait tellement à leur mère que c’était flippant… Une notion de justice des plus douteuses et des grands airs agaçants qui lui donnaient envie de partir en claquant la porte. Mais comme elle ne pouvait pas le faire sans savoir ce qu’il y avait dans cette lettre qu’il utilisait contre elle comme on utiliserait une carotte avec un âne, elle se contenta d’essayer de le mettre face aux lacunes de sa défense. Marlon fronça les sourcils, elle afficha un air satisfait. Ah bah, tout de suite, quand on avait ses torts sous le nez on ne bronchait plus beaucoup ! Tous les mêmes…

— Elle ça fait longtemps. Je m’y suis intéressé en temps et en heure c’est tout.

Ben voyons ! Nouveau roulement d’yeux, moins convaincu encore que les précédents. Qu’est-ce qu’il ne fallait pas entendre ! Est-ce qu’elle avait l’air si bête et naïve, sérieusement ? Pourquoi n’avait-il jamais pris la peine de venir l’interroger sur elle, dans ce cas ? Elle lui avait écrit, après tout. Et puis, elles n’avaient eu qu’une année d’écart, elles auraient très bien pu se connaître. Pourtant, rien. Pas un mot. Son nom avait à peine été prononcé. Le pauvre garçon se décrédibilisait tout seul… La conversation continua, l’ambiance fluctuant un peu. C’était trop facile de s’acharner sur une personne et d’espérer qu’elle, elle le prendrait bien. Oh, il pouvait la faire passer pour la vilaine de l’histoire si ça lui faisait plaisir, elle s’en fichait éperdument ! Tout ce qu’elle voyait, c’était ce frangin qui tapait sur un môme au lieu de lui tendre la main pour l’aider. Il avait fait une bêtise mais si tout le monde ne voyait que ça jusqu’à la fin des temps, c’était évident qu’il en ferait d’autres, ne serait-ce que parce qu’on en attendrait rien d’autre. C’était super triste ! Et dire que Marlon participait à tout ça… Malheureusement, plus les secondes passaient et plus il était difficile pour la rousse de garder son calme. Elle s’y accrochait tant bien que mal mais les signes de son abandon se faisaient de plus en plus nombreux…

— Doucement Mika.
— Eh, c’est bon, t’es pas Maman.

Elle voyait venir d’ici la leçon de morale et les rappels aux bonnes manières et elle ne savait plus quoi encore. Combien de fois avait-elle eu droit à des « tu me parles autrement, je suis pas ta copine » ou autre « à qui tu parles ?! » et voilà qu’il marchait dans les pas maternels et s’apprêtait sans l’ombre d’un doute à lui servir un réchauffé de ces phrases débiles qui ne voulaient pas dire grand chose… Qu’est-ce qu’il était chiant, quand il s’y mettait ! Toujours à se prendre pour un grand, là, comme s’il avait une quelconque autorité sur elle… Il fallait pas qu’il oublie qu’il n’avait que seize ans et que ça n’en faisait pas franchement une exemple de sagesse et de maturité. Ça aurait été bien plus simple de s’en aller et de continuer la soirée sans lui, loin d’ici… mais il restait des points à éclaircir… sans compter cette histoire de lettre des parents, là… Alors mieux valait faire redescendre un peu la pression d’un côté comme de l’autre. Et pour ça, rien de mieux que de taper dans une réserve de bonbons ! Visiblement plein de bonne volonté, Marlon accepta de partager la sienne et la laissa se servir sans broncher. L’interrogatoire continua avec une question qui lui semblait tout aussi évidente que la précédente. Pourquoi elle avait été s’acharner sur la porte ? Bah parce qu’il était derrière. Ça n’était même pas une question de Dmitri ou pas, elle en aurait fait autant pour Rosalie, Blaze ou les Poufsouffle. Ils étaient venus avec elle, c’était normal de leur venir en aide en cas de problème, non ? Tout le monde en aurait fait autant ! Enfin… en tout cas, elle espérait…

— Oui chez moi aussi t’inquiète.

Un bref sourire étira les lèvres de l’adolescente alors qu’elle chopait un autre bonbon dans la boîte. Tout n’était peut-être pas perdu avec lui, finalement. Il y avait encore quelque chose à en faire, il n’était pas totalement un cas désespéré ! Michaela termina tranquillement de mâchouiller le temps de réfléchir à comment tourner sa question. Il ne fallait pas que ça ressemble trop à du fouinage, mais en même temps c’en était tellement que ce serait difficile de faire passer ça pour autre chose, et puis il fallait éviter de trop le braquer ou de le pousser dans ses retranchements, ça n’aurait aucun intérêt… Elle finit par se lancer, prête à observer le plus petit changement d’attitude chez son aîné. Celui-ci ne masqua pas sa surprise, ce qui lui arracha un gloussement satisfait.

— Alors déjà je n’ai pas eu l’air au bout de ma vie… J’étais juste surpris. Je m’y attendais pas c’est tout. Amoureux d’un première année, t’es pas bien toi !
— Oh si ! T’as eu l’air au bout de ta vie !

Elle posa sur lui un regard aussi amusé que suspicieux et finit par délaisser totalement la boîte à bonbons pour se rapprocher un peu de lui. Elle le fixait de trop près pour ne pas loucher.

— Ou alors, reprit-elle en se reculant un peu, c’est sur Hatwell que tu crushes ! En plus, ça expliquerait tout ! Pourquoi t’en as après Dmitri, pourquoi tu veux absolument savoir pourquoi il l’a attaquée, et pourquoi t’as eu l’air désespéré quand j’ai dit que t’étais amoureux !

Son index s’enfonça légèrement dans les côtés du jeune homme, dans un geste taquin bien qu’un peu agaçant.

— Avoue que j’ai raison !

Bon, c’était toujours pas légal mais c’était quand même moralement moins pire… Enfin… Sûrement.

ft. @Marlon O'Delee & Michaela O'Delee

Si Michaela aimait sincèrement Marlon — c’était son frère, après tout — il avait le don de l’agacer en un temps record. C’était sûrement le meilleur d’entre tous pour lui faire perdre son sang-froid en moins de deux… Mais il fallait bien reconnaître que son air pédant et l’impression qu’il laissait de la prendre pour une demeurée qu’il essayait d’enfumer était quand même insupportable ! Elle était venue de gentiment, elle, et elle devait gérer coup sur coup le piège qu’était cette entrevue et les réponses douteuses qu’il lui servait à la moindre occasion… Tout ça avec le sourire et en étant contente d’être là…? Il ne fallait quand même pas trop lui en demander. Et lui, là, qui faisait genre il était choqué de son attitude… Qu’il balaie devant sa porte deux secondes, aussi, avant de lui sortir ses grandes phrases d’adulte là, comme s’il se prenait pour son père alors qu’il avait deux ans de plus qu’elle et que c’était le premier à être en tort aujourd’hui. C’était trop facile, sérieux !

— Et alors ? Ça te donne le droit de me parler comme ça ?

La rouquine leva à nouveau les yeux au ciel dans un soupir des plus exagérés. Est-ce qu’elle en rajoutait des tonnes pour bien montrer qu’il l’embêtait ? Oui, parfaitement ! Et elle espérait au moins que c’était efficace.

— T’es trop susceptible.

Enfin, ils n’étaient pas là pour trop se disputer non plus… Ça n’arrangerait pas ses affaires. Elle avait d’autres questions à lui poser et puis il ne fallait pas oublier cette lettre des parents dont elle ne savait toujours rien et qui la contraignait à rester là jusqu’au bout… Alors, moins gamine que le laissait supposer sa réaction première, la rouquine repoussa les tensions à grand renfort de bonbons. Son frère accepta de partager son stock avec elle et la laissa même entrevoir sa cachette… qui aurait sûrement changé d’ici la prochaine fois mais peu importait. Elle piocha sans retenue dans les sucreries qu’il posa sur le lit et laissa la conversation prendre son cours… moins tendue, néanmoins. Le pire semblait être évité pour l’instant mais il ne fallait pas être devin pour savoir que quelques mouches au caramel et autres dragées surprises ne suffiraient pas à effacer tous les pas de travers qui pourraient exister. L’adolescente en profita pour questionner son aîné sur sa vie sentimentale et l’étrange réaction qu’il avait pu avoir quand elle avait survolé le sujet la première fois. Oh, elle s’attendait bien à ce qu’il nie tout en bloc, évidemment, mais ça ne coûtait rien d’essayer… et plus il parlait, plus une autre possibilité se dessinait, finalement plus crédible que la première. C’était pas pour Dmitri qu’il en pinçait, c’était pour Hatwell ! Elle lui fit par de sa découverte, son visage à quelques centimètres du sien, louchant un peu mais observant la plus infime de ses réactions et finit par le chatouiller d’un geste enquiquinant. Le mouvement de recul qu’il eut la fit glousser avec satisfaction.

— Heeey ! Nan mais ça va oui ? C’est pas bientôt fini tes histoires chelou là ? Je ne lui ai jamais vraiment parlé à Hatwell, réfléchis un peu miss l’intello là !

Elle allait pour lui rappeler qu’il n’y avait pas besoin d’avoir eu de grandes conversations avec quelqu’un pour avoir des coeurs dans les yeux mais il dut sentir le coup venir puisqu’il reprit presque aussitôt :

— Nan je préfère les filles de mon âge, t’en fais pas pour ça !

La bouche de la jeune fille s’arrondit sous la surprise. Est-ce que c’était un aveu déguisé, ça ? Il avait une copine et elle était pas au courant ? Elle n’avait jamais vraiment réfléchi à cette éventualité, comme si Marlon était destiné à passer sa vie en éternel célibataire. Pourtant, il n’était pas vilain, enfin ça allait quoi, pas de quoi faire fuir les filles… En soi, elle n’avait rien contre l’idée. Il fallait juste que ce soit une fille cool pour être copine avec et qu’elle essaye pas de lui voler son frère. C’était son frère avant d’être quoi que ce soit d’autre. Même s’il était agaçant comme pas deux et que, parfois, elle aurait bien aimé l’échanger contre un autre qui ressemblait moins à leur mère. Une fois encore, il profita de sa surprise pour enchaîner, sans lui laisser le temps d’en placer une :

— Bon tu la veux cette lettre des parents ou quoi ?
— Évidemment que je la veux… Mais je veux aussi le nom de la fille de ton ââââge, lâcha-t-elle d’un ton chantant en se laissant tomber sur les oreillers comme si elle était en pâmoison. Tu peux pas balancer des infos comme ça et pas aller jusqu’au bout, je suis sûre que c’est pas légal !

Il en avait trop dit, maintenant, c’était fichu, elle allait forcer jusqu’à la fin de sa vie, même, s’il fallait, mais elle aurait une réponse !

ft. @Marlon O'Delee & Michaela O'Delee

Le pire étant derrière eux et l’ambiance gardée sauve par une boîte de bonbons jetée en pâture sur le lit, Michaela pouvait se concentrer sur ce qu’il y avait d’intéressant : la vie sentimentale de son frère. En réalité, elle ne s’y était jamais vraiment penchée. C’était son frère, ça lui semblait presque impossible qu’il puisse avoir une copine… Elle l’aurait su, de toute façon, non…? C’était le genre d’information qui faisait le tour de l’école en général et elle avait souvent les oreilles qui trainaient pour attraper au vol toutes les rumeurs possibles. Elle aimait à croire que si elle ne savait rien, c’était qu’il n’y avait rien à savoir… ou presque. Parce que s’il n’avait pas de copine, ça ne voulait pas nécessairement dire qu’il n’avait de vue sur personne… et tout en lui semblait hurler le contraire. Ses réactions de tout à l’heure et sa précision, là, toute pourrie. Après, peut-être qu’elle se faisait des films — sûrement même — mais tout de même… Hors de question de lâcher l’affaire avant d’être sûre de sûre qu’il n’y avait rien à découvrir là-dessous ! Son petit numéro d’actrice ridicule arracha un rire à son aîné, ce qui lui tira un sourire satisfait avant qu’elle ne reparte à la charge. S’il pensait s’en tirer si facilement…

— Oh si c’est légal !

Elle haussa un sourcil dubitatif. C’était bien la phrase de quelqu’un qui savait que c’était pas le cas, ça !

— En revanche ce qui ne l’est pas c’est de se mêler de la vie privée des autres petite fouineuse ! De toute façon tu peux toujours t’accrocher, j’ai aucune info à balancer, c’était d’ordre général… Maintenant tu me crois ou pas, libre à toi, ça ne changera pas ma soirée.

La rouquine leva les yeux au ciel avec une exagération amusée. Après tant d’années passées à la côtoyer, il ne la connaissait pas encore ? Il pensait vraiment que la menacer de rien dire ou tout nier en bloc allait l’arrêter…? Allons… Quand même…

— Tu t’en tireras pas si facilement, mon petit Marlon, fit-elle savoir avant de piquer un autre bonbon. Même si je dois passer cette fin d’année et la fin de l’année prochaine à te stalker, je saurai ce que tu caches.

Elle hocha la tête d’un air faussement démoniaque, une gomme de limace coincée entre les lèvres. En réalité, elle aurait sûrement mieux à faire que juste suivre ce pauvre garçon mais si ça pouvait le faire changer d’avis rien que de l’imaginer tapie dans les ombres des couloirs pour surveiller le moindre de ses faits et gestes, elle n’allait pas dire non !

— Fais-nous gagner du temps à tous les deux et balance ce que tu caches.

Son ton était théâtral, presque digne d’un film de mafia ou d’un western. On était à rien de s’attendre à voir débarquer des gars armés prêts à tout pour lui arracher des aveux… Mais fort heureusement pour lui, il n’y avait qu’eux deux… et elle était même pas armée. Encore que… une dragée surprise dans l’oeil, ça devait faire mal ! Marlon ne lui laissa même pas le temps de terminer sa phrase qu’il se levait et allait fouiller dans son sac de cours. Durant une seconde, rien qu’une toute petite, elle espéra qu’il lui sortirait une déclaration enflammée de sa dulcinée, une photo volée ou n’importe quoi qui irait dans son sens… mais à la place, tout ce qu’elle obtint fut la lettre de leurs parents. Il prit un malin plaisir à l’agiter sous ses yeux mais elle fit l’effort de ne pas réagir.

— Alors ? Je la lis ou tu préfères le faire ?
— Je la lis. J’ai appris, tu sais ?

Sur quoi elle tendit la main pour récupérer le courrier. Alors que son regard glissait sur le papier, un sourire se mit à fleurir sur ses lèvres. Oh bah, elle avait bien fait de venir. Son attention n’eut de cesse de passer de l’écriture maternelle au visage de son aîné, juste devant elle.

— Y’a moyen d’en avoir une copie ? demanda-t-elle d’un air innocent. Juste au cas où t’aurais dans l’idée d’être intrusif et de vouloir faire mon éducation et tout… Ce qui te ressemblerait pas du tout, bien sûr, j’en ai eu la preuve aujourd’hui mais… on sait jamais, tu comprends.

En vrai, peut-être qu’elle culpabilisait un peu de savoir que ses parents s’inquiétaient pour elle plus qu’ils n’étaient en colère… Mais pas la peine de le montrer, mieux valait utiliser cette lettre pour servir ses intérêts, non…?

ft. @Marlon O'Delee & Michaela O'Delee

Sa piètre tentative pour arracher les vers du nez de ce frère qui jouait les mystérieux fut un échec lamentable. Il ne parut pas impressionné rien qu’une seconde par la tirade de Michaela, pourtant digne de la mafia… C’était pas drôle ! Normalement, il aurait dû flipper et saisir la perche qu’elle lui tendait pour tout balancer d’un coup… Mais évidemment, il n’en fit rien… À la place, il eut presque l’air agacé. Lequel des deux devait l’être, sérieusement, hein ?! Bah pas lui, non ! Qu’est-ce qu’il était enquiquinant à ne jamais réagir comme elle le voulait… Aucun effort, zéro, rien ! C’était bien le fils de leur mère, tiens ! Tout juste bon à la faire sortir de ses gonds en un rien de temps. Pourtant, elle n’en fit rien et se contenta de mâchonner sa gomme de limace.

— Bah bon courage alors !

C’était tout ? Même pas un petit indice ou quoi ? Il avait l’air tranquille, comme s’il savait qu’elle ne trouverait rien… C’était un défi, c’était ça ? Parce qu’elle était prête à le relever s’il n’y avait que ça ! Elle haussa un sourcil plein de défiance et planta son regard clair dans celui de Marlon.

— Tu perds ton temps je te dis ! Quoi, tu veux que je balance un nom juste pour te faire plaisir ? C’est ridicule… Je ne dirais plus rien à ce sujet.
— Ok. Comme tu voudras. Mais tu diras pas que je t’ai pas prévenu !

Sur quoi elle haussa les épaules, abandonnant manifestement la partie. Son aîné en profita pour aller récupérer la lettre de leurs parents et proposa de la lui lire… Il était capable de pas lire les bons mots exprès pour tout tourner en sa faveur, elle en était certaine ! Elle commençait à le connaître, ce petit, elle savait qu’il fallait s’attendre à tout de sa part. Le fourbe ! La rouquine récupéra donc la lettre et la survola rapidement… dans un mélange de satisfaction et de déception… D’un côté c’était un peu « tout ça pour ça » mais d’un autre, elle avait la preuve qu’il allait à l’encontre de ce que leurs parents lui avaient demandé. Lui, l’irréprochable Marlon ! Si c’était pas une surprise, ça ! Encore fallait-il pouvoir garder lesdites preuves de manière plus définitives… Parce que là, sa lettre, elle allait devoir lui rendre… Alors elle tenta le tout pour le tout et réclama une copie. S’il rit à ses premiers mots, son amusement sembla se faire la malle bien rapidement. Bien fait !

— Mais oui bien sûr Mika, une copie et puis quoi encore ? Pour que tu t’en serves comme moyen de pression sur moi à la prochaine dispute ? T’as craqué. Rends-la moi d’ailleurs !

Elle n’avait même pas ouvert la bouche pour répondre qu’il lui arrachait déjà la feuille des mains.

— Eh ! s’offusqua-t-elle d’un air à la fois outré et boudeur. T’as été élevé où, sérieux ?!

D’où on arrachait les choses des mains des gens comme ça ? Si elle avait été là, leur mère lui aurait sûrement fait la réflexion… avant de prendre ses patins parce que de toute façon, c’était le fils parfait blablabla… Tu parles ! Mika croisa les bras et posa sur lui un regard réprobateur. Ils pouvaient être deux à ce jeu-là parce qu’il était loin, très loin, d’être blanc comme neige !

— Intrusif n’importe quoi, tu sais très bien que ça n’a rien à voir. Mais maintenant je t’ai à l’œil ! Officiellement et sur instruction de maman ! Sois bien sage petite sœur…
— Y’avait une deuxième page où elle t’autorise à me mentir pour m’attirer dans des pièges et à me faire subir de véritables interrogatoires ? Non parce que j’ai pas vu ça dans ta lettre, moi.

Bien au contraire ! Il prenait ses aises avec les consignes maternelles et espérait qu’elle ne remarquerait rien ? Elle avait lu la lettre, elle n’était pas débile ! Elle en avait vu assez pour comprendre que c’était pas du tout ce que lui avait demandé leur mère. Il était tellement de mauvaise foi que c’en était inquiétant !

— Bon ! Tu me dois une boite de bonbons !

L’adolescente ricana, attrapa un autre bonbon dans la boîte et quitta le lit aussi rapidement que le lui permettaient ses courtes jambes. Il avait un sacré culot, lui, quand même ! Elle en avait à peine pris un ou deux ! Ça méritait pas de remplacer toute la boîte ! Surtout qu’il y en avait encore tout plein dedans !

— On a qu’à dire que c’est le prix que t’as à payer pour réparer les dommages psychologiques causés par ton guet-apens tout naze, déclara-t-elle en filant vers la porte avant qu’il ne décide de la garder prisonnière jusqu’à ce qu’elle accepte de rembourser sur le champ avec ses réserves personnelles. Et souviens-toi… Je serai toujours planquée dans l’ombre jusqu’à ce que je sache qui est la fille de ton âge… Je saurai Marlon, je saurai !

Sur quoi elle lâcha un rire diabolique qui résonna dans le couloir et disparut derrière la porte avant de filer en direction de son dortoir… Il ne pourra pas venir la chercher là-bas !