Dans chaque ami, il y'a la moitié d'un traitre
(Traitre...tout de suite les grands mots. On va pas en faire un fromage).

feat. Skyler

Est-ce que je risque de passer pour la pire des connes en vous disant que je ne m’attendais pas à ça ? D’accord, si, je me doutais qu’il y aurait quelques explications à donner, mais surtout je n’avais pas prévu que le Serdaigle poserait ses lèvres sur les miennes. C’était une option, une possibilité, un acte filé au hasard. Très bien, j’ai suivi mon propre plan à la lettre et répondu aux attentes de Jade et de Maëlle. C’était une petite expérience anodine, je ne pensais pas qu’ils iraient jusqu’à rompre. Honnêtement, ça m’a légèrement traversé l’esprit, mais je n’ai pensé qu’à moi une fois de plus. Concentrée sur le lien spécial que j’entretiens avec lui, figée sur mes idées et mes convictions, je n’ai pas songé à tout le mal que j’allais faire. Je partage mon dortoir avec une fille qui me regarde à peine, quant à moi, je vie mes journées comme si elles étaient normales. Les choses reviennent peu à peu à la normale, c’est le cas de le dire. Les chiens de garde nous on lâché les basques, alors oui, je fais en sorte d’avoir des journées quelque peu normales maintenant. C’est bien trop espéré. C’est surtout bien trop ennuyant pour moi. Je ne suis pas normale, c’est au-delà de ma nature. J’ai beau retrouver un quotidien peu à peu commun, j’ai encore quelques affaires juridiques à régler. N’oublions pas non plus les cours, qui malgré les restrictions débiles de notre tendre et inconsciente Directrice, ne perdent pas de leur intensité. Je n’ose rien dire à son sujet, pas haut et fort. Je suis accusée d’avoir tenté d’assassiner son mari, alors disons que la moindre remarque de ma part serait mal venue. De toute façon j’ai un tas d’autres chats à fouetter, alors l’insistance de Blaze n’aura fait qu’ajouter un peu plus de stress à une école complètement dérangée. Je ne la laisse jamais paraître, cette nervosité. Toujours parfaite, toujours droite sur mes jambes, toujours la tête haute, indiscernable comme si le moindre sentiment humain m’était interdit. Ce doit être agaçant pour les autres, mais c’est très important pour moi. Blaze veut que je parle avec sa gonzesse ? Je le ferais. Je n’ai rien à cacher de toute façon, exception faite de l’implication de Jade, autrement dit quasiment tout. Il n’y a rien de mal à blatérer quelques mensonges, surtout lorsqu’ils sont utilisés pour préserver du moindre mal. J’imagine que le mal est déjà fait, pas sûr alors que je puisse faire passer la pilule. Je ne comprends pas la relation qu’ils entretiennent, et c’est quelque peu handicapant. Un simple baisé suffit à fragiliser un couple, je le sais parfaitement. Mais je ne pensais pas que ça prendrait des proportions aussi énormes. Les humains sont d’une fragilité implacable. Entre ceux qui se vexent à la moindre occasion, ceux qui admirent la tentation au-delà de leurs principes, et ceux qui font une montagne d’une si petite chose, je ne peux que les trouver faibles à mourir. Quand à moi, je suis insensible, comme le monstre qu’Erin voit en moi finalement. Je ne peux lui donner tort, mais moi au moins, j’ai une bonne raison de l’être. Elle, n’a aucune excuse.

Il est tard lorsque j’entre dans la salle commune. Les couloirs froids des sous-sols m’ont donné quelques frissons, mais la cheminée dansante de la pièce la plus noire et verte de l’école sait réchauffer les moeurs. Bluebell se trouve là, sur l’un des divans, je devine alors que je n’y couperais définitivement pas. Nous serons seules à seules dans un dortoir jusque là occupé chaque soir par 3 filles indomptables. Et je sais, je sais que si je n’engage pas le sujet, Skyler ne le fera pas. Je ne suis peut-être qu’à moitié ou un quart humaine, mais cette fille rejette tout ce qui caractérise la race des Hommes. La conversation ne fait pas partie des choses qu’elle idolâtre, et en ce qui me concerne, régler des conflits non plus. Généralement, je les évite, en évitant simplement de me faire prendre. Là c'est effectivement loupé quand se faire prendre fait partie intégrante du plan. J’approche alors du dortoir en ce moment même, respirant un bon coup, mettant un peu d’ordre dans mes idées. J’entre, elle n’est pas dans son lit. Me revoilà seule avec mon esprit, seule avec une culpabilité que je connais à peine. On se croise de temps en temps, elle est moi. Dans les yeux des punis à la recherche de rédemption, dans le regard des infidèles et des traitres. Mais elle ne vient que très rarement me saluer en personne. Je me défait de mon uniforme et attends qu’elle vienne, plutôt sereine, et enfile mon pyjama. Un haut simulation nuisette, au tissu fin et aux bretelles élégantes, un simple short blanc pour ne pas avoir trop chaud malgré les températures hivernales. Je m’adosse à la tête de lit, empoigne ma plume et un morceau de parchemin pour prendre quelques notes. Avec les potes nous avons décidé de prendre les choses en main et de procéder par élimination, pas vrai ? Le bout de ma plume grave plusieurs noms, d’autres se retrouvent bien vite barrer après quelques arguments griffonnés à côté. Une ou deux minutes s’écoulent, pas plus, lorsque j’entends des pas me rejoindre. J’espèrerais presque que ce soit Bluebell, car je n’ai sérieusement pas envie de faire ça. Parce que c'est certes fatiguant en plus d'être une perte de temps, mais je dois aussi avouer que je tiens beaucoup à Skyler, malgré nos nombreux différents et abruptes complexités.

Le visage de Skyler m’apparaît alors, fraîchement revenue de la douche. Je ressens un picotement dans la poitrine, un ressenti étrange. Une touche de crainte peut-être, ou simplement le refus complet d’obtempérer. Portant à nouveau mon regard sur mon parchemin, je la laisse s’installer. Nous n’échangeons pas le moindre mot. L’ambiance est glaciale, lourde, prenante. Mais ça ne m’arrêtera pas. Sans gêne, sans même la moindre vibration dans ma voix, j’abaisse mon parchemin et tourne la tête vers mon amie, bien décidée à mettre les choses à plat. « Dis, Sky, je veux te parler deux minutes. Tu as vu la photo ?... Questo è pazzesco, on dirait une vaste blague ! Blaze me l'a envoyé tout à l'heure, il était sur les nerfs. J'aurais dû t'en parler avant mais c'était un accident sans importance, est-ce que c'est grave ? C'est pour ça que t'as rompu avec lui et que je te sens distante depuis quelques jours ? » Pauvre connasse se faisant passer pour une conne, pauvre insensible tirant une moue désolée et innocente trop nonchalante. Cela dit, la question "est-ce que c'est grave" est plus que sincère. Je ne savais pas ce que ça engendrait, mais aujourd'hui je le sais. Je sais aussi que j'aurais dû me tenir au plan initial. Mais que voulez-vous, j'aime le show. Il se pourrait même qu'elle pète un plomb, ça nous fera du bien à toutes les deux. C’est plutôt atroce, mais ça me fait vibrer. C’était pour rire, m’amuser un peu avec ce que mes parents m’interdisaient d’utiliser lorsque j’étais scolarisée à domicile. Le jeu continue, voilà tout, et je promet qu’aucun autre tort ne sera fait. Si ça la fait à ce point souffrir, je m'excuserais. Elle a pu le constater depuis des semaines; Blaze et moi nous voyions normalement comme si ça n'était jamais arrivé, et il est revenu vers Skyler le plus normalement du monde. Si je peux encore sauver leur couple ? Mouais, je m’en fiche un peu, tout va dépendre de Sky. Mais moi je vous le dis, après tout ça, Jade me doit bien un autre service. Cette garce de Maëlle aussi d'ailleurs, elle aura bien de la chance si je n'évoque pas son prénom.

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Dans chaque ami, il y'a la moitié d'un traitre
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feat. Skyler

J’ai l’air bête dans ce que je dis, totalement idiote même. Est-ce que je me donne l’air d’une pauvre grognasse au manque d’intelligence pour pouvoir renverser le monde dans sa vulnérabilité ? Quelques fois. Quelques fois aussi, certaines notions m’échappent. Je ne m’attendais pas à une rupture aussi abusée pour un simple bisou. Je pourrais pleinement assumer mon acte, admettre que c’était un pari débile et tourner la page. Sauf que c'est mon business. Mais ne serait-ce pas aussi faire preuve de faiblesse ? Ça serait raisonnable en vérité, peut-être même bienvenue. Mais je tente une autre carte, cette de l’innocence, celle qui admet d’une part, mais de l’autre qui fait semblant de ne fraîchement percuter. J’ai sorti un regard dur se jeter sur moi. Je l’énerve, peut-être même que je l’écœure. Mais aucun mépris ne me changera. C’est moi qui change beaucoup de choses. La preuve en est.

Loin d’être méprisante aujourd’hui, je me lance dans une folie qui donnerait presque le trac. Ma nonchalance se tient, tout comme l’incompréhension d’un tel dégât pour une si petite chose. Je ne comprends pas leur comportement, oui ça c’est vrai. Est-ce que je savais ce que je faisais depuis le début ? Carrément oui, ça aussi. Alors me lancer dans une nouvelle parade, est-ce vraiment judicieux ? Surtout que je la connais. Je sais que Skyler n’est pas une idiote, bien loin de là. C’est une carte que je tente, mais rien ne m’empêche d’en piocher une autre en cas de besoin. L’innocence n’est peut-être pas l’arme qu’il faut utiliser avec elle. Peut-être qu’il faut la violenter. C’est ça, à chaque fois ; il faut lui faire violence. Tordant lorsqu’on se rappelle que la première discussion de ce genre avait pour le but de la pousser dans les bras de Blaze. Tordant, mais vraiment au fond fond de moi-même hein. Alors je vois dans son regard et je sens dans sa voix, qu’il n’ya pas de quoi rire, ni de quoi saupoudrer mes arguments d’innocence. Elle attaque, tout de suite. Comme un chien contrarié à qui on tendrait un cookie, Skyler aboie et ne laisse rien passer. C’est désolant, mais s’il faut en arriver là… Je dois être une belle salope à ses yeux en ce moment, mais est-ce que c’est franchement nouveau ? Vélane, blonde, belle, on est forcément une salope. N’est-ce pas Erin ? Je m’en tape, je m’en suis toujours fichu, parce qu’au final, je ne suis pas de celles qui souffrent. « Question bête ça. Tu préfères que je m'en foute et que j'ignore ton mal-être comme si t’étais un pied de chaise ? » Me tourner un peu plus vers elle, poser mon parchemin et ma plume sur le lit, plus libre de mes mouvements. Regard figé dans le sien, je ne crains aucune flamme de haine. Ce n'est pas avec moi qu'il faut espérer gagner une bataille de froideur féminine et terriblement clichée. « Je suis pas du genre à vouloir faire du tort, comme ça, gratuitement. Là je vois que je t'ai fais du mal, je vois que Blaze n’est pas bien non plus, alors ça m’importe. J’ai du mal à comprendre certaines choses mais je ne suis pas sans cœur aux dernières nouvelles. Je sais que c'est pas ta zone de confort alors si tu veux pas en parler ok, on en parle pas. » Sincère, toujours sincère, l'innocence n'est plus aussi forcée qu'avant. Je suis même plus ferme, plus sûre de moi. Oui je sens les choses, parfois. Du moins je sais reconnaître quand une personne est énervée. Je me suis fais passer pour une conne, mais clairement, quelqu'un avec qui vous dormez et qui vous ignore, ça se loupe difficilement. Je ne laisse aucune mesquinerie paraître, aucun mépris, rien d'autre qu'une sincérité un peu plus naissante. Je ne mens pas, sa santé m'importe. Par contre, un peu plus, et je pourrais croire à mon propre mensonge : C'était un accident, Blaze est trop sensible, je vais devoir trouver une solution. C'est totalement vrai, même si ce n'est pas le fond fond du problème. Who cares ? Je joue la carte de la patience et de la compréhension, alors s'il te plaît Sky, ne me force pas à en jouer une plus sombre.

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