Looooongue journée. Dans l’esprit de Rosalie, les o se distordaient, appuyés par son envie d’en finir. Vite, le week-end ! Il y avait une sortie à Pré-au-Lard en plus, l’occasion en or de refaire son plein de bonbons et d’aller boire un chocolat chaud dans le petit village sorcier. Assise au cinquième rang de la salle de Métamorphose, elle n’eut besoin que de quelques minutes pour plonger dans ses rêvasseries et perdre le fil du cours. Les notes décousues tracées sur son parchemin n’avaient pas beaucoup de sens, mais il ne fallait pas en attendre plus du dernier cours du dernier jour de la semaine. Et puis, en plus, elle attendait impatiemment le dîner et plus précisément la fin du dîner pour aller retrouver Artemis au bord du lac. Ils en avaient convenu ainsi ce matin, juste après le cours de Botanique. Ça faisait bientôt une semaine qu’ils se boudaient avec tout l’aplomb d’adolescents de quatorze ans pour une sombre histoire que la fillette avait oubliée quelques heures après qu’elle se soit produite. Mais, puisqu’il l’avait ignorée, elle en avait fait autant, et n’était même pas allée le voir après avoir entendu des rumeurs absolument cocasses quant à un certain zombie en armure noyé dans une baignoire. Enfin, bref, ça faisait trop longtemps qu’ils étaient en dispute, il fallait régler ça. Aux grands maux les grands remèdes.

Libérée, délivrée, Rosalie retrouva ses copines de Gryffondor et passa les quelques heures qui les séparaient du dîner avec elles, à traîner et papoter dans la salle commune. Juste le temps de prendre une douche et de se changer, puis elles descendirent profiter du repas dont les parfums se répandaient déjà dans les couloirs du château. Le dessert traîna en longueur, surtout parce qu’une rumeur exceptionnelle était le centre de toutes les conversations, et Rosalie se retrouva à devoir courir jusqu’à son dortoir pour enfiler un gros pull crème, sa veste hivernale, un sac en bandoulière dans lequel elle fourra un petit paquet, et une écharpe rouge avant de filer à toute vitesse en sens inverse. Histoire de ne pas trop faire poireauter le Serpentard. Le rouge était devenu sa couleur préférée depuis qu’elle était à Gryffondor et elle en portait aussi souvent que possible. En plus, elle trouvait que ça lui allait bien. Dehors, il faisait déjà nuit et froid. Mais il ne pleuvait pas et c’était à peu près tout ce qui comptait. D’un pas pressé, elle traversa le parc, direction le lac, son regard ambré fouillant les alentours à la recherche d’Artemis.

Ils étaient sûrement les deux seuls imbéciles à braver les températures frissonnantes de ce début de mois de novembre, aussi s’avança-t-elle d’un pas conquérant en apercevant une silhouette près de la berge du lac : c’était forcément lui. Evidemment, elle ne s'était pas trompée, elle le reconnaissait de loin maintenant. « Artie ! » Son prénom la poussa à trottiner pour arriver plus vite au niveau du Serpentard, accompagnée par son écharpe qui voltigeait dans son dos. « Ouais… et toi ? » fit-elle avec désinvolture, arrivée à son niveau, enfonçant ses mains dans ses poches pour garder ses doigts au chaud, un peu par mimétisme. « T’as réussi ta potion ce matin ? » demanda-t-elle, l’air de rien. Comme si elle allait présenter ses excuses comme ça. D’accord, peut-être qu’elle lui avait renversé un peu d’eau sur le pantalon, mais c’était pas sa faute, et puis il avait pas à se moquer de son accent. Impossible, en réalité, de dire qui avait commencé, le tout était que ça s’arrête. Et c’était bien pour cela qu’ils étaient là

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Les deux adolescents se faisaient face, dans le froid mordant d’une nuit pas-encore-mais-presque-hivernale. Comme s’ils n’avaient pas pu se donner rendez-vous bien au chaud, à l’intérieur ! Il y avait quelque chose qui relevait d’une dernière once de fierté à se rejoindre ici, à cette heure-ci, sous cette météo-ci. Un air bravache de Si tu tiens tant que ça à ce qu’on se réconcilie, il va falloir faire ce dernier effort ! C’était, au pire, parfaitement inconscient, et ça n’était jamais rien de plus que l’expression de deux caractères têtus et bornés. Enfin, malgré tout, ils étaient là, signe qu’ils en avaient marre de se faire la tête et qu’il était grand temps d’achever cette querelle. Et ils commencèrent de la pire manière possible : en échangeant quelques banalités, l’air de rien. Rien de mieux pour faire monter la tension que deux adolescents un peu stupides dans ce genre de situation qui conversaient comme si cela ne faisait pas une semaine qu’ils n’échangeaient pas le moindre mot. La question était de savoir : lequel allait craquer en premier face au flegme de l’autre ?

« Nan, pas vraiment, j’avais l’esprit ailleurs » bougonna-t-elle en enfonçant les mains dans la poche de sweat, à la recherche d’un peu de chaleur. Elle était plutôt forte en potions, c’était même une de ses matières préférées, sûrement que ça coulait dans ses gênes et qu’elle voulait rendre fière son père et puis un peu sa mère, aussi. Mais les cours du professeur van Aken étaient bien loin de ressembler à une simple confection de savons, et si Rosalie ne se mettait pas sérieusement à écouter les cours et à se concentrer, elle était quasiment sûre de tout foirer. Comme ce matin, par exemple. Il n’était pas bien difficile, du reste, de deviner la raison de son étourdissement. Mais ça, plutôt plonger dans le lac toute habillée que de l’avouer !

Doucement, Artie conduisait la conversation vers le point qui les préoccupait et, docilement, Rosie le suivait. « Ça va. Je fais équipe avec Blaze pour un devoir donc j’suis super contente. » C’était plus facile de répondre à ses questions que d’en poser certaines qui montreraient qu’elle s’intéressait à ce qu’il avait fait ces derniers jours. Sans elle. Puisqu’il lui faisait la gueule. Bon, elle restait ronchon, mais ça ne durerait pas bien longtemps. Ça ne dura pas bien longtemps ! Le Serpentard mentionna la soirée d’Halloween et, presque aussitôt, un grand sourire étira les lèvres de la blondinette. Elle n’y avait pas été, ça non, mais par contre, elle avait entendu de très bonnes anecdotes sur cette soirée qui n’avait pas été aussi horrible et terrifiante qu’elle l’avait pensée. « Ben j’ai jamais aimé les histoires d’horreur et j’avais personne pour y aller avec moi. » Mensonge, quand tu nous tiens. Hilary lui avait bien proposé, et sûrement que, si elle en avait vraiment eu envie, elle aurait pu convaincre Hayley ou Daria ou une autre copine. « En plus, j’avais tous les bonbons que je voulais dans mon dortoir. » Donc pourquoi aller s’embêter à en chercher ailleurs ? « Par contre, t’y étais, toi. C’était bien ? » Sans lui laisser le temps de répondre, elle enchaîna, son sourire un peu plus espiègle. « Il paraît que vous vous êtes transformés en zombies à cause d’un cookie et que c’était la pagaille ! Il y avait même une armure qui marchait, et on m’a dit qu’elle était même tombée dans l’eau. Plusieurs fois. Tu t’es bien amusé, toi ? » Elle regrettait carrément de ne pas avoir été présente, juste pour ça, mais tant pis, elle allait se rattraper en embêtant Artemis jusqu’à la fin de sa vie et en lui rappelant à tout jamais qu’il avait un jour été un zombie en armure à deux doigts de la noyade. Elle pourrait même en faire un dessin !

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Plus leur petit tête-à-tête avançait, moins la dispute qui les avait conduits ici semblait sensée. Leurs fiertés, elles, restaient bien présentes pourtant et les poussaient à s’échanger quelques banalités sur fond de frustration. Ils savaient, l’un comme l’autre, que la querelle vibrait encore entre eux et qu’ils voulaient autant, l’un que l’autre, une réconciliation. Rosie détestait que son meilleur ami l’ignore, c’était pire qu’un affront à ses yeux, c’était une véritable punition, et lui n’aimait guère ça non plus. Dans leur égoïsme enfantin, ils ne pouvaient souffrir l’indifférence de l’autre. C’était comme ça — ou pas loin— depuis qu’ils s’étaient perdus dans ce couloir, en première année. Et ça n’était pas prêt de s’arrêter. Il aurait fallu, pour cela, qu’un des deux soit prêt à faire preuve d’un peu de moins de tempérament capricieux et d’un peu plus d’abnégation. Autant demander à un Chaporouge d’aimer la religion. Ça ne collait pas et c’était ainsi. Heureusement, ils pouvaient compter sur la douce voix d’Haley pour les ramener dans le droit chemin, ainsi que sur l’agacement qui enflait, enflait, enflait, au fur et à mesure que les jours passés sans se parler s’accumulaient. Ils commencèrent en papotant du cours de potions — zéro intérêt, si ce n’était celui de ne pas faire le premier pas - puis continuèrent en élargissant les nouvelles à la semaine qui était passée. Rosalie mentionna Blaze, retenant de justesse une reproche, la remplaçant par un petit doigt d’honneur sonore en soulignant que ça l’avait mise en joie de partager un devoir avec le Serdaigle. Artemis marmonna quelque chose qu’elle ne fut pas sûre d’entendre, mais qu’elle décida de traduire comme un mécontentement. Bien fait ! il n’avait qu’à pas lui faire la tête aussi ! Néanmoins, aussi forte soit son attirance pour le jeune homme, c’était son meilleur ami dont elle voulait l’attention, et la présence.

À discuter des derniers événements, ils finirent bien évidemment par mentionner Halloween. Il n’y avait pas besoin de beaucoup plus pour terminer ce que le mot du Serpentard avait commencé et chasser définitivement les nuages de son regard. Parce qu’elle avait eu écho de cette soirée organisée par l’école. De très très bons échos. Des échos prompts à faire naître un grand sourire sur ses lèvres. La blonde s’autorisa à lui tirer la langue quand il réagit aux bonbons qu’elle avait préféré manger dans son dortoir plutôt que de se rendre à une soirée sur le thème de l’horreur, et puis elle enchaîna, sans lui laisser plus le temps de réagir. Elle avait bien envie de se moquer un peu de lui et de sa performance en tant que chevalier-zombie, juste histoire de le voir un peu boudeur… et puis aussi pour lui montrer qu’elle n’avait pas été fermée aux bruits de couloir le concernant. En dispute, oui, mais pas jusqu’à ignorer complètement ce qui lui arrivait ! Un gloussement lui échappa quand, penaud, Artemis avoua qu’il était ce zombie en armure. Un gloussement suivit d’un deuxième, et d’un troisième, le fou rire menaçant la jeune fille. Il se justifia tant bien que mal, mais tout ce que Rosalie avait en tête, c’était le visage de son meilleur ami enfoncé dans une armure entrain de marcher jusqu’à tomber dans une baignoire. Et puis, zut, tant pis, elle laissa éclater le rire qui faisait monter des larmes dans ses yeux dorés. « Oh j’aurais trop voulu être là pour voir ça » finit-elle par articuler. « Mais vois le bon côté des choses, hé, t’auras été un véritable chevalier du coup ! Avec une vraie armure et tout ! » Et tout le monde ne pouvait pas en dire autant. Un chevalier pas tout à fait servant puisqu’il avait continué de la bouder jusque là, mais bon, était-elle prête à lui pardonner ? Bien sûr que oui, elle en avait trop marre de lui faire la tête, et puis, en plus, c’était un peu un jour spécial. S’il n’avait pas justement fait le premier pas, elle aurait été forcée d’aller le trouver d’elle-même : hors de question qu’il s’imagine qu’elle ne pensait pas à lui.

« Tu feras gaffe au lac, quand même, on sait jamais avec les capacités cognitives tout ça… » se moqua-t-elle une dernière fois, l’air de rien mais surtout l’air espiègle, avant de tirer le paquet cadeau du sac qu’elle avait pendu à son épaule. « Tiens. T’as beau être trop nul et faire la tête pour rien, j’crois que c’est ton anniversaire, non ? » Elle croyait ? Pfff, elle en était sûre, mais un petit peu de mauvaise foi adolescente ne faisait jamais de mal. « Joyeux anniversaire » lui souhaita-t-elle, un sourire aux lèvres et le ton enjoué, lui tendant le paquet. Elle avait pris grand soin de choisir un pull de Noël pour les fêtes de fin d’année qui approchaient ; mais pas n’importe lequel ! Il était sobre, il était élégant, il était dans les tons qu’il appréciait ! Mais puisque Rosa aimait trop cette fête et qu’il était important, à ses yeux, que tout le monde en fasse de même, elle avait été obligée d’en choisir un avec quelques motifs qui rappelaient Noël : des flocons, des rennes, suffisamment présents mais assez discrets. Un savant mélange de ses goûts à lui et de ses passions à elle. « S’il est pas assez grand pour passer dessus ton armure on pourra toujours changer la taille » gloussa-t-elle tandis qu’il déchirait le papier cadeau et découvrait son pull.

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Tout ça pour ça ? se questionnerait un lecteur peu averti. Et oui, tout ça pour ça ! lui retournerait un second lecteur un peu plus averti. Au final, la réconciliation était à la hauteur du début de la querelle : sans aucun sens. Ils s’étaient embrouillés pour une histoire de verre d’eau et d’accent natal, ils se réconciliaient au détour d’un fou rire provoqué par cette rumeur — qui n’en était pas une, Artemis venait de le confirmer — plaçant le Serpentard en zombie dans une armure qui avait fait un plongeon malencontreux dans une baignoire. Tout — absolument tout — dans cette anecdote avait de quoi provoquer le rire qui menaçait de gagner Rosalie jusqu’aux larmes. Elle ne batailla pas bien longtemps, les images qui lui venaient à l’esprit étaient bien trop sublimes pour qu’elle puisse résister à exprimer cette joie un peu moqueuse qu’elles provoquaient. Son meilleur ami en vint même à sourire, à son tour, alors que la blonde se désolait de ne pas avoir été là pour assister à la scène en direct, se remettant doucement de cette hilarité qui s’était emparée d’elle. « Ouais, pas faux » reconnut-elle quand il souligna que, si elle avait été là, elle aurait été dans le même état qu’eux tous — à savoir : zombifiée — mais dans le fond, peu importait. Ils avaient rigolé, tous les deux, c’était le signe que la hache de guerre était enterrée, au milieu de toutes les autres qui l’avaient précédée. « Chevalier Artemis j’vais t’appeler maintenant. » Hors de question de lui laisser oublier cet épisode de sa scolarité : son sourire très fier d’elle-même ne laissait planer aucun doute sur ce fait.

Moqueuse, Rosa lui rappela de faire attention au lac noir : d’une baignoire au grand plouf, il n’y avait qu’un pas qui pouvait s’avérer décisif. Artemis lui retourna que la moindre étendue d’eau lui donnait des frissons : il n’était pas sérieux, c’était certain, alors la jeune fille s’avança d’un pas, un sourire espiègle aux lèvres, comme pour se rapprocher un peu de lui avant de le pousser dans les eaux froides qui se trouvaient derrière lui. Elle était convaincue qu’il ne pouvait pas sérieusement avoir été traumatisé puisqu’il était là, face à elle et bien portant. Alors une petite baignade nocturne, c’était rien de rien, n’est-ce pas ? Bon, en réalité, pas du tout : elle n’était pas sadique et encore moins psychopathe. Voir son meilleur ami devenir un glaçon n’était pas vraiment dans l’ordre de ses priorités, surtout pas maintenant qu’ils étaient réconciliés. Au lieu de ça, elle tira le paquet cadeau de son sac et lui donna, laissant échapper, avec une mauvaise foi palpable, que c’était peut-être son anniversaire, l’air de dire qu’elle n’en savait rien et qu’elle n’avait pas déjà planifié son cadeau depuis des lustres. Elle ne tromperait personne de cette manière, surtout pas Artemis, mais tant pis, c’était l’attitude qui comptait ! « Ben non, j’ai pas oublié, t’es bête » soupira-t-elle, roulant des yeux de manière exagérée, avant qu’un sourire aussi large et aussi sincère que celui de son meilleur ami ne vienne illuminer son visage. « Contente qu’il te plaise ! » Puis il tendit les bras, plaçant le pull devant lui, comme pour en vérifier la justesse. Rosalie avait décidément bien choisi : le motif était trop discret à son goût — pas assez Noël, quoi — mais c’était de Artemis dont il s’agissait : il ne fallait pas trop lui en demander. Si déjà il lui plaisait, c’était une première victoire ! Ça voulait dire que, dans les semaines à venir, il porterait un peu des couleurs et des signes qui faisaient partie de Noël. « J’sais pas » répondit Rosa à sa question, en gloussant, faisant mine de profondément hésiter au moins… deux secondes. « Le pull ! Mais c’est parce que c’est moi qui te l’ai offert. T’es pas à l’abri que ton cadeau l’année prochaine ce soit une armure » plaisanta-t-elle, échauffant déjà des plans pour faire de cette simple petite blague une réalité. Une vraie armure, peut-être pas, c’était encombrant et puis elle savait pas où ça s’achetait. Mais un porte-clef, par exemple ? Ou un t-shirt avec une armure dessus ? Ouais, il allait falloir qu’elle y réfléchisse ! Chevalier Artemis méritait un apparât lié à sa fonction.

Puis, brusquement, ils revinrent à ce qui les avait conduits ici, à la base. Ce n’était ni cette histoire liée à Halloween, ni son anniversaire, mais la dispute idiote qui les avait séparés ces derniers jours. Rosalie ne pouvait plus lui en vouloir. Pas alors qu’il avait apprécié son cadeau et qu’il avait envoyé un mot pour qu’ils se retrouvent ici. Surtout pas alors qu’il venait de déchirer le dernier voile qui subsistait entre eux en faisant ce pas restant pour que la réconciliation soit dûment entérinée. Lui, et pas elle. Et ça, sa fierté s’en contentait vachement bien, quand même. « Plus fâché ? » demanda-t-elle alors, tendant sa main dans la direction de son meilleur ami, les doigts serrés, le petit doigt relevé. Pacte du petit doigt ou rien ! C’était un peu enfantin, comme tradition, mais ça scellait toujours la fin de leurs brouilles nées de broutilles.

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« Flatté, évidemment » pouffa la jeune fille alors que le rire de son meilleur ami éloignait un peu plus les ombres qui avaient maculé leur amitié ces derniers jours. Il leur en avait fallu, du temps, pour se reparler, et quelques minutes supplémentaires pour entamer une réconciliation, mais finalement, ça valait toujours le coup. Pas les disputes, ça non, les disputes étaient longues et insupportables, Rosalie n’aimant vraiment pas être ignorée par Artemis et s’enfonçant dans un orgueil adolescent qui la poussait à vouloir lui rendre au centuple. Mais quand ils se retrouvaient, c’était toujours le même plaisir complice, comme si nulle querelle n’était jamais survenue. Taquine, la blonde s’avança, comme pour rendre la menace de le pousser à l’eau plus réelle encore. En réalité, elle ne comptait pas du tout le jeter à l’eau — pas maintenant, en tout cas, pas alors que la nuit tombait et qu’il faisait froid : elle aimait bien plaisanter, mais tout de même, tuer son meilleur ami n’était pas dans ses plans — mais simplement lui offrir son cadeau d’anniversaire. Car, oui, aujourd’hui, le Serpentard gagnait un an de plus et fêtait ses quinze ans. Une date que la jeune fille ne pouvait décemment pas oublier, brouille ou pas brouille. Il y avait certains événements qui transcendaient toutes les disputes, et les anniversaires, les leurs, en faisaient partie.

Artemis déchira le papier cadeau et découvrit le merveilleux pull que la Gryffondor lui avait offert : un motif qui rappelait Noël mais qui restait suffisamment sobre pour que le jeune homme puisse accepter de le porter. Il fallait savoir la jouer fine pour associer ses goûts et les siens. En tout cas, il semblait vraiment bien l’aimer et ça arracha un sourire ravi à l’adolescente. Qui mima, tout de même, une courte réflexion quand il lui demanda ce qui lui irait le mieux entre une armure et ce magnifique pull. « T’es sorcier ou pas ? Un p’tit sortilège pour alléger le tout et hop, ni vu ni connu ! » répliqua-t-elle en gloussant à son tour. Juste pour le voir se trimballer avec une armure, elle était obligée de lui en trouver une. Est-ce que ça coûtait cher ? Sinon, est-ce que ça se louait ? Peut-être qu’elle pourrait en emprunter une, dans le château : il y en avait au moins un million et demi, à Poudlard, ils verraient pas la différence si elle en piquait une et une seule ? C’était à réfléchir !

Une chose qui ne l’était plus, en revanche, c’était la fin de leur dispute. Artemis fit le premier pas et proposa d’oublier toute cette histoire, celle qui les avait conduits jusque ici alors qu’ils auraient tous les deux été bien mieux au chaud dans la Grande Salle autour d’un bon dessert. Rosalie ne se fit pas prier pour sauter sur sa proposition. Si elle pouvait parfois rechigner à terminer une querelle avec le Serpentard, c’était impossible quand ils venaient de rire de bon cœur et qu’elle venait de lui souhaiter un joyeux anniversaire. Certains combats n’étaient pas faits pour durer, surtout ceux aussi vains qu’une dispute dont ils ne voulaient pas tous les deux. La blonde tendit son petit doigt et son meilleur ami en fit de même. Plus fâchés. À leur manière, ils venaient d’entériner leur réconciliation. C’était, certes, un peu enfantin, mais tellement traditionnel que ça plaisait beaucoup à la Gryffondor, alors elle n’allait pas s’en plaindre ni chercher autre chose. « Cool » fit-elle simplement, avec un grand sourire, plus grand de seconde en seconde.

Dans un dernier petit silence, les restes de dispute s’évanouirent. Ils étaient de nouveau les meilleurs amis du monde ! Bon, ils l’avaient toujours été, mais ils se reparlaient, et c’était le plus important. « Va pour une balade ! » approuva la blonde. « Mais au bord de l’eau ? T’es sûr de toi ? » s’enquit-elle, plus espiègle que jamais alors que son bras entourait celui du Serpentard. Autant profiter d’un peu de chaleur humaine avant que le froid ne s’empare de leurs personnes. « Et tu sais quoi ? j’ai même des bonbons. » Des dragées surprises, évidemment, parce que c’était ses préférés à lui et qu’elle, elle adorait ça aussi. Piochant dans son sac, elle en tira deux et en donna un au hasard à Artemis : on ne trichait pas avec les bonbons. À force, ils étaient capables de reconnaître les saveurs au premier coup d'œil, aussi ferma-t-elle ses yeux dorés avant d’avaler le sien. « Sang de gobelin » cracha-t-elle, écœurée. « Et toi ? »

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L’idée d’offrir à Artemis — pour de vrai de vrai de vrai — une armure faisait son bonhomme de chemin dans l’esprit de Rosalie. Elle l’imaginait déjà, preux chevalier, super classe dans cet habit digne des plus grandes aventures. En revanche, le Serpentard, lui, n’avait pas l’air d’apprécier l’idée et il trouva rapidement quelque chose à y redire. Il en fallait plus pour que la blonde abandonne aussi facilement et elle répliqua, soulignant qu’avec la magie, rien n’était impossible et que si l’unique problème était la lourdeur de la chose, un petit sortilège d’allègement rendrait le rendrait inexistant. Mais Arte n’avait pas non plus l’intention de se laisser faire, lui faisant savoir que ça n’était pas là le seul souci qu’il voyait dans la volonté farfelue de la Gryffondor : il y avait celui des articulations. Pourquoi fallait-il qu’il soit si intelligent et qu’il trouve toujours à redire sur tout ? La jeune fille souleva exagérément les yeux au ciel avant de soupirer théâtralement. « À chaque problème, sa solution. » Bon, pour l’instant, elle n’en avait pas, mais elle n’était pas non plus créatrice d’armures sur mesure, c’était pas son rôle à elle de trouver comment faire pour que les mouvements soient fluides à l’intérieur. Néanmoins, c’était loin d’être suffisant pour qu’elle renonce à ce projet qui venait à peine de naître. Elle trouverait. Elle n’était pas spécialiste des armures mais quelqu’un dans ce monde devait bien l’être, il lui suffisait de le trouver, de lui parler, de lui acheter ce à quoi elle rêvait. La route était encore longue avant d’y arriver mais déjà Rosa rêvassait à la tête que son meilleur ami tirerait le jour où elle lui en offrirait une. Ça pouvait bien prendre des dizaines d’années, elle y arriverait, parole de Rosalie !

La plaisanterie qui enveloppait la soirée d’Halloween et, par conséquent, cette fable moyenâgeuse, eut au moins le mérite de dérider les deux adolescents qui convinrent bien rapidement qu’il fallait oublier toutes les rancoeurs et faire fî des embrouilles. Petits doigts entrelacés pour sceller leur promesse, et tout était derrière eux, comme si ça n’avait jamais existé. Il était facile pour eux de se disputer mais il était tout aussi simple de se réconcilier, une fois qu’ils avaient réussi à mettre de côté leur fierté capricieuse pour faire le premier pas, en tout cas. Maintenant, tout allait bien dans le meilleur des mondes, et Rosalie avait bien envie d’en profiter, alors elle sauta sur l’occasion quand Arte lui proposa une balade, ne pouvant pas résister, quand même, à l’envie de le taquiner un peu plus sur ses déboires récents. « Me donne pas des bonnes idées comme ça » fit-elle dans un petit rire, entourant rapidement le bras du Serpentard du sien, éloignant ainsi toute possibilité qu’elle le pousse véritablement à l’eau. De toute façon, il faisait déjà nuit et puis il faisait froid, alors elle n’imaginait pas l’état dans lequel il ressortirait du lac si jamais il plongeait dedans. Comme un glaçon, sans aucun doute ! L’habitude de cette amitié aussi solide que chaotique avait poussé Rosalie à prendre des bonbons avec elle — ou peut-être ne se baladait-elle jamais sans un sachet de ces précieuses friandises, allez savoir — et elle le tira de sa poche avec un grand sourire. Des dragées surprises, de quoi agrémenter un petit peu leur promenade. La blonde avala le sien en premier et manqua de le recracher, écoeurée par ce goût immonde qui se répandit sous son palais. Sang de Gobelin, c’était dégoûtant. Artemis se mit à rire, s’attirant un regard noir de la part de son amie, qui se transforma rapidement en un éclat moqueur alors qu’il faisait la grimace à son tour. « Fallait pas te moquer. » Le bien fait comme une ombre derrière son air espiègle. « T’es peut-être destiné à devenir un chevalier sous-marin. Tu crois que c’est ça que l’univers essaie de te dire ? » continua-t-elle sur le même ton, piochant de nouveau dans le sachet, espérant tomber sur quelque chose de meilleur. Espoir bien vite avorté. « Beeeeerk, c’était quoi ça » crachota-t-elle, les traits tirés par ce goût infect. Avec le temps et l’expérience, elle connaissait plus ou moins toutes les saveurs de dragées, même si des nouvelles arrivaient fréquemment. Celle-ci, en revanche, elle était bien incapable de dire de quoi il s’agissait. Tout ce qu’elle savait, c’est que c’était vraiment pas bon.

Après plusieurs minutes à papoter de tout et de rien, rattrapent les dernières journées passées à s’ignorer, le froid commença à les faire frissonner et ils reprirent la direction du château. Ce n’était pas encore l’heure du couvre-feu, ils n’avaient donc pas à se presser, mais mine de rien, les températures presque hivernales les faisaient avancer d’un pas et ils arrivèrent assez rapidement dans le hall chaleureux qui marquait l’entrée du château. « Même pas tu salues tes copains » souffla-t-elle à Artemis alors qu’ils passaient entre deux statues, lui donnant un léger coup de coude dans les côtes pour les lui désigner, un grand sourire aux lèvres. « Tu veux traîner encore un peu dans la Grande Salle ? J’ai trop envie d’un chocolat chaud… avec plein de chamallow… » fit-elle, rêveuse, n’attendant que l’accord de son meilleur ami pour l’entraîner à sa suite. Les lieux étaient encore ouverts, les reliefs du repas remplacés par ceux des desserts. Une grande partie des élèves était déjà retournée dans les salles communes, mais certains, ceux qui voulaient rester avec des camarades des autres maisons, restaient assis autour des quatre grandes tables à profiter d’une dernière boisson chaude et d’un espace commun. Rosalie chercha rapidement Haley des yeux mais elle n’était nulle part.

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