La journée s’était déroulée tranquillement, sans problème et sans anicroche. Son champ de vision avait croisé une seule fois celui d’un crétin, mais il avait rapidement fait demi-tour. Elle avait pu sourire en savourant sa victoire de ne pas le voir approcher Cassi. Lorsque sa meilleure amie avait demandé ce qui la faisait rire, elle avait simplement dit qu’un moucheron s’était éloigné avec seulement un regard de sa part. Puis, elles étaient passées à autre chose et avaient continué de discuter de la suite de la journée. En matinée, elle avait participé à une activité avec Cassi et l’après-midi, elle avait décidé de s’essayer à des jeux de société qu’elle ne connaissait aucunement. Ça s’était avéré très drôle et c’était heureuse qu’elle avait mangé accompagnée des autres dans le réfectoire.

Ce fut une belle journée. La soirée s’annonçait calme et agréable, mais il ne fallait pas parler trop vite. Elle s’était éclipsée de son dortoir seule, ce soir-là. Elle aimait bien prendre du temps pour elle à se promener et à explorer sans compagnie autre qu’elle-même. Les balades nocturnes ne lui étaient pas inconnues, malgré les couvre-feux et les conséquences qui se profilaient pour ceux qui se faisaient prendre. Mais justement, il fallait se faire prendre pour ça. Enfin, pour l’instant, il n’était pas encore bien tard. La soirée était jeune. Elle avait choisi une promenade vers le parc, se baladant dans les chemins aménagés, écoutant le murmure des insectes qui était entrecoupé par moment d’éclat de voix lointain et admirant le ciel qui noircissait à vue d’œil. Elle se sentait paisible.

Tout ce calme fut cependant de courte durée. Malheureusement. Devant elle, deux silhouettes approchaient. Si au début elle n’avait pas fait attention, ayant la ferme intention de les contourner sans leur accorder un regard. Les choses avaient changé en réalisant qu’elle connaissait ceux qui lui faisaient face. Son visage heureux se décomposa et l’énervement envahit ses traits durant quelques secondes. Puis, ce fut la neutralité qui balaya le tout. Seul son regard contenait encore une touche de cette fureur. Elle ne cherchait pas particulièrement à la cacher, mais elle ne voulait pas lui accorder trop d’importance non plus. Ils ne faisaient que se croiser, mais elle ne put empêcher un commentaire de quitter ses lèvres. Commentaire qui ne se voulait pas discret, disons les choses comme elles sont.

– Ça, c’est une vision qui gâche la soirée, dit-elle en roulant des yeux.

Quelques mètres les séparaient maintenant et Opal ralentit le pas jusqu’à s’arrêter. Elle détestait ce garçon. C’était aussi simple que cela. Entendre parler de lui l’énervait, le voir alimentait son dégoût et savoir qu’il en avait après sa meilleure amie faisait éclater sa colère. S’il pensait qu’elle allait fermer les yeux sur son petit jeu débile, il se mettait le doigt dans l’œil. Et tant qu’à le croiser ici, pourquoi ne pas mettre les choses au clair une bonne fois pour toutes ? C’était l’occasion parfaite. Parce qu’aller le chercher elle-même pour lui dire deux mots était hors de question. Si elle pouvait ignorer son existence totale, c’était mieux pour elle. Mais il ne lui rendait vraiment pas la tâche facile. À croire qu’il cherchait les ennuis.

– Mais j’avais à te parler, donc je peux me consoler en me disant que ce sera fait, ajouta-elle avec lassitude. Son aversion était-elle assez évidente ?

Elle ne lui posait aucune question. Elle ne cherchait pas à savoir si, là maintenant, c’était un bon moment. Elle n’en avait rien à faire de sa vie et de ce qu’il pouvait avoir de prévu. Mais elle avait un gros problème s’il décidait de se mêler à la vie de ses amies. Alors, qu’il le veuille ou pas, elle allait lui dire le fond de sa pensée. Comme la dernière fois. Parce qu’une seule fois, ça ne semblait pas suffisant pour lui. Il n’avait pas compris ce qu’elle avait voulu dire presque deux années auparavant ? Eh bien, elle devait faire en sorte d’être très claire à l’instant. C’était avec un regard se voulant froid qu’elle le fixait, pourtant une lueur de colère et d’énervement y dormait toujours. Elle ouvrit la bouche pour ajouter deux simples mots :

– Suis-moi.

Elle tourna vers la droite pour s’éloigner du chemin. Elle ne comptait pas aller bien loin, mais elle préférait mettre un peu de distance avec la route. Se tenir plus loin des regards indiscrets. Ce n’était pas le moment de faire une scène en début de soirée et d’alerter les professeurs. Elle n’avait que quelques mots à lui dire, mais préférait être au calme. Allait-il la suivre ? Elle avait jeté un regard par-dessus son épaule tout en avançant. Il n’allait tout de même pas s’enfuir comme un animal effrayé alors qu’elle ne voulait que parler, n’est-ce pas ? Peut-être était-il agacé, mais cela l’empêcherait-il de discuter comme des gens civilisés ? Oh, s’il ne suivait pas, il pouvait s’attendre à passer un mauvais moment. Et son regard traduisait très bien cette menace silencieuse.

La question se posait : allait-il la suivre ou non ? D’un côté, elle voulait le voir fuir et ne pas devoir endurer sa sale tronche plus longtemps. De l’autre, elle voulait mettre les choses au clair afin qu’il n’importune plus son amie. Elle était furieuse en s’éloignant de la piste, mais c’était une colère contenue, froide et peut-être un peu dangereuse. Elle n’avait pas envie d’être ici en ce moment. À aucun moment elle ne voulait être en sa compagnie. Opal n’aimait pas particulièrement les confrontations. Elle ne les recherchait pas. Mais elle savait aussi quand elle devait poser son pied à terre. Elle était de celle à laisser couler la plupart du temps, mais jamais elle ne se laissait marcher dessus. Et elle considérait que la situation actuelle — avec Cassi — ne pouvait pas continuer. Un avertissement était de mise.

Tout en marchant, elle avait gardé une partie de son attention sur les deux jeunes gens derrière elle. Ce qu’ils disaient n’avait que peu d’incidence sur Opal, mais si la demi-sœur pouvait convaincre Leopold de la suivre, c’était déjà bien. Sa colère trembla de nouveau lorsque le nom de sa meilleure amie fut mentionné. Qu’est-ce qu’ils avaient en tête, ces deux-là ? Elle continuait d’avancer lorsqu’elle l’entendit acquiescer, finalement. Et elle dut retenir son dégoût devant sa façon d’agir avec l’autre fille.

Ce garçon, elle ne pouvait pas le prendre au sérieux. Il devait agir comme ça avec toutes les filles, sauf avec elle, mais rien qu’imaginer un truc pareil la rendait malade. Il les considérait comme de simples jouets. Se rendait-il compte qu’il les blessait réellement ? Il avait mené son amie en bateau deux ans auparavant. Il lui avait laissé croire qu’il y avait quelque chose de plus entre eux, plus qu’un simple jeu, qu’une simple nuit. Au final, il l’avait jeté une fois qu’il avait eu ce qu’il voulait. Elle se souvenait encore de la douleur de son amie. De ses pleurs et de sa haine. Haine qu’Opal avait partagée, car elle n’acceptait pas qu’on traite ses proches de la sorte. Il essayait maintenant d’avoir Cassi. C’était hors de question.

Lorsqu’elle jugea qu’ils s’étaient assez éloignés, elle se tourna de nouveau vers lui pour lui faire face. Ses pupilles éclatantes de colère se posèrent sur lui et elle était prête à ouvrir la bouche pour lui partager le fond de sa pensée, mais il la prit d’avance. La Gryffondor fut d’avis qu’il aurait mieux fait de se taire si c’était seulement pour dire des inepties. Des bêtises sans intérêt. Se doutait-il de la raison de sa présence ou pensait-il qu’elle cherchait seulement à l’énerver sans but précis ? Parce qu’elle était loin de considérer le bien-être de ses proches comme des absurdités. S’il n’avait que peu d’estime pour elle, Opal n’en avait guère plus pour lui.

– T’as l’air de croire que ça m'fait plaisir de prendre de mon temps pour te parler... Crois-moi, si je pouvais t’éviter, ça m’arrangerait. Sauf que tu n’me rends pas la tâche facile. Si t’arrêtais de vouloir jouer dans mes plates-bandes, ça aiderait beaucoup.

Parce que c’était exactement ce qu’il faisait. Elle souhaitait qu’il laisse tranquilles ses amies. Particulièrement sa meilleure amie. Elle n’aurait fait aucun cas, elle n’aurait pas cherché les ennuis ni la confrontation — Opal n’était pas de celle à chercher les problèmes avec les autres sans raison — si seulement il avait laissé Cassi tranquille. Ce n’était pas comme s’il ignorait qu’elles se connaissaient. Il y avait eu l’anniversaire de Kathleen pour commencer, qui aurait dû lui mettre la puce à l’oreille. Mais ce n’était pas assez pour lui, semblait-il. Par la suite, Cassi lui avait dit qu’elles étaient en couple toutes les deux, non ? Alors comment osait-il courir après la fille d’une autre ? Et seulement pour s’amuser. Seulement pour sa fichue fierté mal placée et son ego complètement débile. Il n’avait aucun respect et Opal n’en avait aucun pour lui en retour.

Malheureusement, elle le considérait comme une véritable menace. C’était bien pour cette raison que sa colère s’enflammait. Elle avait confiance en Cassi, mais il avait déjà réussi à tromper une de ses amies. Et si... et si sa comédie finissait par convaincre Cassi ? Si elle se disait qu’au fond, il n’était pas si mal ? Ce serait la CATASTROPHE ! Encore, ce mot n’était pas assez fort pour dépeindre l’horreur qu’Opal visualisait. Elle ne pouvait pas le laisser lui faire du mal. Elle allait empêcher Cassi d’être blessée par tous les moyens possibles. Son amie méritait tellement mieux que ça.

– C’est très simple c'que j’ai à te dire. Ça ne prendra qu’une minute et tu pourras retourner à tes âneries après.

Avait-il commencé ou avait-elle lancé la hache de guerre en premier ? Sa première phrase de la soirée pouvait être considérée comme une provocation, mais il avait attrapé la perche dès qu’elle lui était passée sous le nez. Il l’avait insulté et il ne cherchait même pas à l’écouter. Alors, il fallait attirer son attention. Le convaincre d’entendre les mots et de les retenir. S’il fallait glisser quelques provocations pour le tenir à l’écoute, soit. Elle le ferait. Il ne semblait pas vouloir mâcher ses mots. Mais elle n’était pas là pour se disputer. Enfin, ce n’était pas réellement son intention. Elle voulait mettre les choses au clair et il ferait ce qu’il voulait de l’information par la suite. S’il continuait de considérer ses dires comme des bêtises sans importances, il serait celui à déclencher les hostilités. Il cherchait à s’aventurer sur son territoire et elle n’allait pas le laisser faire pacifiquement. Elle défendrait Cassi contre sa sale tronche. Peu importe ce que ça prendrait.

– J’ai cru comprendre que t’essayais de draguer Cassi. Elle fit une courte pause et planta son regard sérieux, dans lequel bouillait toujours sa rage, sur lui. Laisse-la tranquille.

Voilà. C’était facile. C’était même logique. Ce qui aurait été étrange, c’était si elle l’avait laissé faire son petit cirque, surtout si on se souvenait du fait que Cassi était censée être sa copine. Qu’il n’essaie pas de lui piquer. Elle n'allait pas accepter ça. C’était lui, le méchant de l’histoire. Lui qui essayait de lui voler Cassi.

– Tu vois, c’est pas très compliqué. C’est bon, t’as compris ? Ou je dois recommencer pour être certaine que t’as tout suivi ?

Elle ajouta cette dernière phrase avec une certaine nonchalance, presque comme si elle essayait d’expliquer un raisonnement logique à un enfant. Et elle se tint immobile devant lui, attendant qu’il acquiesce gentiment et qu’il reparte de son côté. Ou il pouvait toujours lui déclarer la guerre. Mais n’était-il pas mieux de simplement laisser tomber ?

Elle ne constatait aucune évolution chez lui depuis deux ans, alors évidemment qu’elle lui répétait encore les mêmes choses. Il le fallait bien. Ce n’était pas intéressant ; c’était énervant de devoir recommencer parce qu’il était débile. Elle se sentait tout d’un coup fatiguée. Épuisée de devoir échanger avec un crétin à l’esprit complètement fermé. Ses airs d’arrogance et d’amusement n’arrivaient pas à la mettre en colère, mais simplement à lui tirer le plus gros soupir imaginable. Est-ce qu’elle était encore en train de perdre son temps à essayer de lui faire comprendre des évidences ? Que ce n’était pas bien de voler ce qui était aux autres ? C’était pire que d’essayer d’expliquer le contexte à un enfant. C’était qu’il croyait avoir raison là. Il était encore plus bas qu’elle ne le pensait. À quel moment ses mots avaient-ils plus de sens que les siens ?

Une logique tordue... Et puis quoi encore ? Si ce qu’elle disait ne faisait pas de sens, qu’est-ce qui devait en faire ? Ce n’était pas possible. Il était tellement lourd, tellement inintéressant. Comment pouvait-il choper ne serait-ce qu’une fille ? Tout ça lui échappait totalement. Et elle ne pouvait que le fixer entre l’ahurissement et le dégoût. C’était qu’il avait l’air fier de lui expliquer tout ça... Wow. C’était définitivement un sale type doublé d’un crétin.

Tiens, il se souvenait franchement bien de ce qui s’était passé, il y a presque deux ans... Pour quelqu’un qui agissait encore de la même façon, la confrontation d’Opal l’avait fichtrement marqué. De son côté, elle se souvenait l’avoir confronté, elle se rappelait la douleur de son amie, mais une fois qu’elle avait craché le fond de sa pensée à Leopold, elle avait oublié son existence. Jusqu’à le recroiser à l’anniversaire de Kath.

Cette fois, elle devait en venir à la conclusion : elle ne le comprenait pas. Pas du tout. Briser un couple était pour lui une fierté de plus dans ses défis de merde ? Sérieusement ? Il n’en avait rien à foutre des gens qui l’entouraient. Mais dans quel monde vivait-il ? Est-ce qu’il n’y avait vraiment eu qu’elle pour le remettre à sa place ? Personne d’autre qui voulait frapper sa sale tronche ? Elle ne pouvait pas croire qu’elle était la seule personne sensée dans cette école. Ça se voyait à des milles à la ronde que c’était un idiot ! Comment les gens pouvaient être dupes à ce point et traîner avec lui ?

Un instant. Quoi ? Pause et recule. Qu’est-ce qu’il avait dit ? La dernière fois qu’il avait proposé un... rendez-vous à Cassi ? De quoi parlait-il ? Elle n’était pas au courant de cela. S’était-il passé quelque chose entre le moment où Opal avait quitté Cassi et le début du voyage scolaire ? Ou est-ce que c’était simplement les lubies du garçon devant elle ?

Et il continuait encore de parler… Ça ne s’arrêtait jamais ?! Elle ne pouvait pas croire à toutes les idioties qui pouvaient sortir de sa bouche.

– Oh, pitié. Épargne-moi tes idées débiles, dit-elle avec exaspération sans retenir le soupir énervé de quitter ses lèvres.

Un frisson de dégoût la parcourut. En vrai, il devait bien savoir que c’était très loin du compte. Mais rien que d’imaginer une possibilité pareille lui donnait la nausée. Bon, il avait arrêté de déblatérer là ? Elle pouvait placer un mot ? Elle n’attendit pas une seconde de plus pour lui répondre, pour essayer de peut-être lui faire réaliser qu’il était dans le tort et qu’il devait changer sa façon d’agir auprès des filles. De l’avis à Opal, il s’imposait à elles et ce n’était absolument pas correct.

– Faut que tu m’expliques : c’est quoi pour toi réussir à se débarrasser de quelqu’un ? Parce que t’as pas l’air de comprendre quand quelqu’un veut pas d’toi. C’est pas comme si elle s’était montrée ouverte à tes avances. Bien au contraire. C’est toi l’imbécile qui veut pas la lâcher. Ça s’appelle du harcèlement, ça, tu savais ? Quand une fille dit non, c’est assez littéral. Je vois pas comment tu peux ne pas comprendre.

C’était exactement ça. Non, c’était non. Pas plus compliqué que ça. À quel moment est-ce que ça lui donnait le feu vert pour continuer à draguer ? Pourquoi voyait-il ça comme un défi ? C’était irrespectueux. C’était dégoutant. Les filles n’avaient pas à endurer ses lourdeurs, particulièrement lorsqu’elle ne se montrait pas intéresser.

– Tu t’écoutes parler des fois ? T’es ridicule ! On se bat pas pour savoir qui pourra ravir le cœur de Cassi, j’te signale. Pourquoi tu cherches à te mettre entre nous ? Laisse-nous tranquilles. T’es chiant à la fin !

Voilà, elle s’énervait. Mais c’était vraiment un crétin et elle ne savait plus comment lui dire. D’accord, ils ne s’aimaient pas beaucoup tous les deux, mais elle ne l’avait pas fait chié ses dernières années. Enfin, pas jusqu’à ce qu’il ne pointe le bout de son nez pour draguer sa meilleure amie. Pourquoi est-ce qu’il essayait de courir après Cassi en sachant qu’elles étaient en couple ? Parce que ça rajoutait du piquant à un défi ? Il se fichait totalement de leurs sentiments et ça ne pouvait que mettre Opal en colère. Mais elle ne voulait pas crier, ou se disputer ouvertement. Parce qu’elle sentait bien qu’ils ne s’entendraient jamais. Le problème, c’était qu’il n’avait pas l’air de vouloir lâcher le morceau. Et elle sentait sa patience s’égrainer rapidement.

Elle devait avoir fait le tour de son point maintenant. Ce qu’elle ajouterait ne serait que répété. Mais elle avait presque l’impression que c’était la chose à faire tant il ne semblait pas prendre en considération ses mots. Pour elle, toute cette histoire était sérieuse. Peut-être trop. Peut-être exagérait-elle. Néanmoins, la peur de voir son amie blessée était bien réelle et elle refusait de fermer les yeux sur la situation qui pour elle, avait la probabilité de faire du mal à Cassi. L’insistance du Serpentard lui paraissait comme un danger et elle ne pouvait pas laisser ça passer. Il avait été une fois la raison du mal d’une amie, elle ne le laisserait pas l’être de nouveau. Elle était sur la défensive, puis l’attaque, cherchant à faire prévaloir son point de vue. Et ses dernières phrases semblèrent le faire réagir davantage que tout ce qu’elle avait dit plus tôt.

Puis, soudainement, l’atmosphère changea. C’était léger, presque imperceptible, mais Opal nota malgré toute la différence dans l’air. C’était... bizarre d’un coup. Comme s’il s’était adouci ? Et elle ne s’attendait pas du tout à ça. Si bien qu’elle dut éviter de le laisser paraitre sur son visage. La mention de briser le cœur de Cassi semblait l’avoir touché plus qu’elle n’aurait cru. Est-ce qu’il lui parlait sérieusement maintenant ? Opal eut l’impression qu’il laissait tomber la moquerie un instant, pour lui partager des pensées qu’il aurait peut-être préféré garder cachées. Pour lui, Opal en faisait trop. Elle imaginait le pire et ne voyait pas comment il prenait plaisir dans tout ça. Cherchait-il à prouver que son but n’était jamais de faire du mal aux autres ? Pouvait-elle le croire ? Elle en resta silencieuse, incertaine de l’atmosphère soudaine qui flottait entre eux.

Rapidement, il se reprit. Mais elle n’entendait plus cette moquerie dans ses paroles. Comme s’il pensait être arrivé au bout. Comme s’il se disait que c’en était assez. Sa logique semblait avoir du sens à l’instant, ce qui énerva légèrement Opal, mais la sorcière resta malgré tout silencieuse. Balancer des provocations et afficher sa colère étaient facile. Mais qu’il accepte — d’une certaine façon — les paroles qu’elle avait dites et qu’il lui renvoie des vérités au visage, elle ne s’y attendait pas. Elle ne savait pas comment réagir. C’était beaucoup plus simple lorsqu’il jouait le débile narcissique. C’était quoi cette facette plus calme tout d’un coup ?

Ce qu’il disait avait un certain sens, mais cela restait faux. Elle avait confiance en Cassi et elle avait conscience maintenant qu’une partie de l’histoire lui échappait. Elle avait peur — il avait raison. Peur parce qu’elle ne pouvait pas accepter que Leo plaise à Cassi. Peur parce qu’elle ne voulait pas perdre sa meilleure amie. Peur parce qu’elle ne voulait pas s’être complètement trompée sur le Serpentard. Elle secoua la tête pour chasser ces inquiétudes qu’elle détestait ressentir. Elle reprit finalement la parole. Sa voix se faisait toujours sèche, mais elle était maintenant plus calme, plus consciente du point de vue de Leopold.

– Ne crois pas être le seul à avoir un jour épaulé Cassi, ou à l’avoir vu au plus bas. Si je peux faire quelque chose pour empêcher sa peine, je le ferai. Qu’on me trouve ridicule ou pas, je refuse d’attendre que Cassi soit blessée avant d’agir.

Opal et Cassi se connaissaient depuis plusieurs années maintenant. Elles avaient traversé les épreuves de Poudlard ensemble. La Gryffondor avait été présente pour Cassi bien avant Leo. Elle l’avait écoutée et aidée de nombreuses fois lorsque son amie sentait que les choses devenaient trop lourdes pour ses épaules. Opal avait été celle à qui Cassi avait fait confiance pour les blessures dont elle avait souffert durant Blackman. Elle se souvenait encore les plaies ouvertes sur son dos et la souffrance dans le regard de sa meilleure amie. Elle avait vu Cassi déchirée, blessée et brisée. Elle l’avait vue tenir ses résolutions malgré toute la douleur qu’elle ressentait. Elle l’avait vue faire face aux conséquences par elle-même, évitant aux autres qui l’avaient accompagnée ces mêmes blessures. Opal n’avait pas quitté ses côtés et elle avait accepté ses décisions de l’époque. Et c’était bien pour ça que leur amitié s’était renforcée et qu’elles étaient maintenant si proches. Mais Leo ne savait probablement rien de tout ça. Et elle ne lui en dirait rien. Cela ne le concernait pas.

– Je ne fais pas de cachoteries à Cassi. On n’a tout simplement pas eu le temps de réellement parler, elle et moi, depuis le début de ce voyage... Nous deux, on s’est croisé par hasard, alors j’en ai profité. Mais t’as raison ; on tourne en rond.

Elle marqua une brève pause avant d’ajouter avec un soupir :

– Cette part de toi qui se fiche de blesser les autres me dérange. Je ne te fais pas confiance. Ne va pas croire que je m’avoue vaincue simplement parce que je n’peux pas à t’empêcher de voir Cassi.

Elle avait bien compris qu’il ne l’écouterait pas. Qu’il continuerait à tourner autour de la Serdaigle si l’envie lui prenait. Son but n’avait pas été de gâcher sa soirée. Enfin, un peu quand même. Mais pas totalement non plus. Elle avait mieux à faire. Cependant, elle avait considéré nécessaire de prendre un moment pour lui remettre les idées en place. Ce qui n’avait pas été très fructueux… Elle avait fait ce qu’elle avait pu.

En tournant les talons, elle se sentait étrangement insatisfaite de cette discussion aux airs de dispute. Elle avait dit ce qu’elle souhaitait, mais une part d’elle voulait croire qu’il ne souhaitait pas blesser Cassi. Elle ne savait pas si elle pouvait réellement le croire par contre. Il avait eu l’air honnête, mais elle ne baissa pas sa garde. C’était un beau parleur après tout. Ce qu’elle devait faire maintenant, c’était réussir à voir Cassi. Pour avoir une réelle discussion et comprendre ce qui lui échappait.