Une randonnée. Apparemment. Alors qu'il allait pleuvoir. Apparemment. Amaïa se demandait encore pourquoi elle avait choisi cette option. A vrai dire elle s'était piégée toute seule, tout du moins, son mimétisme l'avait piégé toute seule. Ils étaient réunis autour d'un moniteur du nom de Aaron avant que celui-ci ne pose une question. Evidemment, bien trop occupé à compter le nombre de pâquerettes qu'il y avait dehors à ce moment là, elle n'avait pas écouté la question. Elle eut alors une drôle d'impression. Comme si tout les regards s'étaient tournés vers elle, comme si elle était devenue le centre de l'attention. Ses joues l'avaient chauffé et son estomac s'était contracté sans qu'elle parvienne à déterminer ce que cela voulait dire. Alors elle avait paniqué. Certains élèves avaient levé une main enthousiaste et faute de mieux, elle les avait imité, sans même se dire qu'elle s'embarquait sans doute dans une aventure trop grosse pour elle. Toujours agir. C'était son mode de survie. Elle scruta les visages mais ne parvint à retirer aucune information à ses camardes. Elle avait écouté le lieu de rendez-vous et la tenue dans laquelle elle devait s'y présenter.

La voilà donc partit, un k-way sur le dos et des baskets au pied pour une randonné qu'elle n'avait pas prévu le moins du monde. Ahn riait beaucoup de son manque de condition physique, il ne fallait pas plus de quelques mètres en monté pour qu'elle soit à bout de souffle. Elle aurait pu grommeler. Mais cela ne servait à rien. Elle avait donc pris place, silencieusement à la fin du groupe, espérant ne ralentir personne et ne pas se perdre. Elle en avait déjà mal au ventre. Lorsque le moniteur leur avait demandé si ils étaient prêts, elle avait attendu de voir ce que les autres allaient répondre. Après une avalanche de "oui", le petit "oui" d'Amaïa arriva en dernière position alors que le calme était retrouvé. Certaines tête s'étaient tournées instinctivement vers elle. Le rouge lui monta au joues et elle se sentit prise au piège et pourtant elle garda les yeux fixés loin devant.

Elle fronça les sourcils lorsqu'ils commencèrent la marche. Etait-ce une route que le moniteur empruntait? Puis elle sentit soudainement son coeur battre plus vite quand elle aperçut la première voiture arriver vers elle. Comme si elle allait l'engloutir. Comme le monstre fait de rouge et d'acier qui avait englouti Papa. Elle s'était arrêtée. Quelques protestations fusèrent à son égard alors qu'elle peinait à reprendre son souffle. Elle ne pouvait pas s'arrêter. Pas maintenant. Mais au fond d'elle, elle ressentait ce besoin de se cacher dans les fourrés, de s'éloigner de ces monstres qui détruisaient tout. Elle était effrayée mais personne ne semblait l'apercevoir. Elle ramena sa main tremblante dans la poche de son k-way. Se collant le plus loin possible de la route, elle garda les yeux fixés sur le fossé tandis que l'air des voitures projetaient ses long cheveux bruns dans les airs. Chaque voiture, chaque nouveau bruit était propice à une nouvelle douleur dans le ventre toujours plus violente. Si elle était rapidement essoufflée, il ne lui avait jamais parut qu'elle est autant de mal à reprendre son souffle auparavant.

Après un moment interminable, elle quitta la route pour s'engouffrer sur un petit chemin, déjà légèrement en retard sur le reste de la troupe. Son souffle lui pesait, il lui semblait de plus en plus compliqué de respirer même si des voitures ne substituaient que le bruit lointain. Ses mains tremblaient dans ses poches. Une larme roula le long de sa joue. Désireuse de paraître normale, elle rabattit sa capuche sur sa tête, espérant cacher avec ces cheveux les larmes qui inondaient ses joues sans qu'elle sache pourquoi. Personne ne lui avait fait du mal, pourquoi pleurait-elle? Que lui arrivait-il? Soudain elle la ressentit cette douleur terrible qui s'élança le long de son flanc gauche lui coupant la respiration. La douleur était insupportable. S'était-elle fait mal? Etait-elle malade? Elle s'arrêta et s'accroupit par terre espérant faire taire la douleur. Elle s'éloignerait sans doute encore un peu plus du groupe mais qu'importe. Plus elle tentait d'oublier la douleur, plus le bruits des voiture semblait se rapprocher. La terreur de la petite fille semblait totalement lui occulter sa capacité d'observation sur son propre corps, si bien que ce qu'elle prenait pour une douleur intense et incurable était en réalité une simple pointe de côté.

Elle avait peur. Elle avait mal. Elle voulait rentrer. Pourquoi s'était-elle embarquée dans une aventure qui n'était pas pour elle? Elle ne bougeait plus, se contentant de rester accroupi, dans une position apte au quiproquo, mais elle ne possédait pas l'imagination que certain avait et n'aurait jamais pu envisager une autre possibilité que sa position de replie face à la douleur qui se propageait dans son flanc. Mais elle finit par se rendre compte que plus sa respiration ralentissait, moins la douleur était forte. Qu'est-ce que son corps essayait de lui dire? Elle ramassa un caillou et le serra fortement dans sa main comme si cela pouvait transférer la douleur autre part pour qu'elle puisse se remettre debout et retrouver le groupe. Il ne manquerait plus qu'elle soit perdu dans ce chemin, heureusement qu'elle ne possédait pas l'imagination lui permettant d'envisager tous les scénarios possible d'une aventure seule dans la prairie.

Alors qu'elle était sur le point de se relever. Elle sentit quelque chose se poser contre son dos. Son coeur bondit dans sa poitrine et elle bascula, les fesses par terre. Un visage doux de jeune fille se penchait vers elle. Elle comprit trop tard que c'était sa main qui s'était posé contre son dos. Elle n'eut pas le temps d'essuyer les traînés de ses larmes sur ses joues que la jeune fille les capta avant même qu'Amaïa n'esquissa un geste. Cette jeune fille, avait-elle l'air gentille? Elle souriait. Souvent les gens gentils souriaient, non? Amaïa décida de se fier à ce sentiment tandis que la jeune fille parlait.

"Tout va bien?"

Aller bien? Qu'est-ce qu'était la définition d'aller bien pour elle? Amaïa ne parvenait pas à reconnaître son visage, elle faisait partit du groupe vu qu'elle l'avait vu se matin mais elle ne savait pas son nom. Tant pis, elle s'en préoccuperait plus tard pour l'instant la jeune fille attendait une réponse, mais elle ne l'obtenait pas.

"Tu as mal quelque part?"

Mal? Quand on pleurait? Oui sans doute, elle avait mal. Mais la douleur semblait doucement disparaître aussi soudainement qu'elle était apparue. Assise en tailleur sur le sol, elle hocha doucement la tête, se cachant de moitié avec ses cheveux bruns pour ne pas révéler ses larmes plus que nécessaire avant d'avoir effacer ces dernières. Elle montra une petite portion entre son pouce et son index comme pour le signifier "un peu" mais ne prononça aucune phrase de plus. Amaïa n'aimait pas parler, pas beaucoup, surtout quand elle ne connaissait pas les autres. Mue dans son silence, elle essuya ses larmes et se concentra de nouveau sur le joli regard bleus de la dame qui lui faisait face. Maman disait qu'il fallait répondre à un sourire. Alors Amaïa sourit à la jeune fille comme si cela pouvait lui assurer qu'elle allait bien. La jeune fille allait la trouver bizarre si elle continuait à ne parler que par sourire et par geste.

"Gwenchanha merci. Je suis pas douée pour marcher, j'arrivai plus à respirer."

Elle secoua négativement la tête comme elle l'avait vu Ahn faire pour dire que tout allait bien, ou pas justement. Elle ne savait plus. Elle se releva et épousseta son jean tout en gardant sa capuche enfoncée sur sa tête, elle ne voulait pas trop se montrer. Elle tendit sa main à la jeune fille pour l'aider à se relever. C'était gentil ça non?

Elle releva doucement la jeune fille en gardant un petit sourire encré sur son visage. Elle devait paraître bizarre, elle pleurait puis souriait, elle faisait le tour de ses émotions inconnues comme si elle lisait le journal, changeant de comportement à chaque nouvelle page. Des pages vides, qu'elle ne comprenait pas et qui l'aiderait beaucoup à appréhender les autres. La jeune fille avait un joli sourire, ce qui donnait envie à Amaïa de lui sourire à son tour. Après tout, si elle le faisait, il y avait peu de chance qu'elle se trompe. Reproduire les expressions des autres étaient sa spécialité afin d'essayer de rentrer dans le moule, elle espérait simplement que la jeune fille était moins observatrice qu'elle et qu'elle ne s'apercevrait pas de la supercherie. La petite fille hocha positivement la tête lorsque la grande fille lui demanda si elle allait mieux. Elle se mordit la lèvre. Il faudrait peut-être qu'elle se décide à parler. Mais sans savoir pourquoi, sa gorge était enserrée dans un étau qui l'empêchait de prononcer la moindre parole. Elle n'aimait pas parler à des inconnues. Mais peut-être pourrait-elle faire une exception pour la jeune fille souriante non?

-Je m'appelle Aisling, et toi ?

- Yu...Amaïa"

Son coeur fit un bond dans sa poitrine. Elle avait failli se trahir. En soit, lui dire son véritable prénom ne lui apprendrait rien, elle aurait tout autant pu s'appeler Yuna que Amaïa, mais la petite Serdaigle était devenue à Poudlard, dépendante de son deuxième prénom, comme si cela lui permettait de se créer une nouvelle identité. En employant le nom de Yuna elle avait l'impression de déballer sa vie sur un plateau alors qu'elle n'en faisait rien. Elle sourit de nouveau à la jeune fille qui parlait décidément beaucoup. Tout du moins beaucoup plus qu'elle.

Alors qu'elle prêtait une oreille attentive à Aisling dans le but de ne pas rater une information qu'elle pourrait lui apporter, un petit écureuil bondit au travers du sentier pour se réfugier dans un arbre. Déconcentrée par cette arrivée si soudaine, Amaïa suivit des yeux le petit écureuil, oubliant momentanément qu'elle était sensé écoutée son aînée. Lorsque le petit animal fut hors de sa vue, elle se rendit compte, bien trop tard qu'elle avait perdue le fil de la conversation.

"...rencontrer de nouvelles personnes."

Amaïa reporta son attention vers Aisling, un air interrogateur dans le regard. Rencontrer des nouvelles personnes? Ils allaient où au fait? Rencontrer qui? Amaïa était perdue, elle pensait qu'elle était partie en randonnée, pas qu'ils allaient rencontrer des gens. Une personne par jour lui suffisait. Informations. Il lui fallait des informations.

"Qui est-ce qu'on va rencontrer? On devait pas faire une promenade?"

Peut-être faisait-elle une erreur en lui posant directement la question. Peut-être aurait-elle dû rester muette pour ne pas faire de bêtises, mais Aisling avait un timbre tranquille et cela donnait envie à Amaïa de lui parler. Un sourire sur le visage la petite fille en attendait beaucoup de la Serdaigle plus âgée, persuadée qu'elle pourrait l'aider alors qu'elle pensait qu'ils allaient rencontrer quelqu'un. Elle regarda l'endroit par lequel le groupe s'était éloigné. Ils étaient partis. Elle soupira et secoua ses boucles brunes, par son geste sa capuche descendait peu à peu de sa tête, la dévoilant un peu plus à son aînée Serdaigle.

"Désolée...tout le monde est parti à cause de moi. J'aurais pas dû venir je crois...Tu peux les rejoindre si tu veux, ça ne me dérange pas d'être seule."

Elle avait l'air d'être une personne que l'on qualifiait de gentille et qui devait certainement aimer beaucoup parler, Amaïa était de celle que l'on qualifiait d'étrange et qui préférait écouter plutôt que de faire entendre sa petite voix. Alors elle ne serait pas étonner que la jeune fille veuille trouver quelqu'un qui est plus "normale" qu'elle.

Non loin de l'idée de vouloir se débarrasser de Aisling afin de pouvoir être seule et de reprendre son difficile périple parmi la nature, la petite Serdaigle n'en avait pas le courage. Aisling avait l'air d'être gentille et Amaïa ne voulait pas se montrer impolie au point de lui dire de s'occuper de ses affaires et de retourner se promener. Elan de gentillesse ou technique de survie de la part de la petite métisse? Il était vrai que si Aisling s'en allait, elle se retrouvait certes seule mais surtout perdue dans l'immensité du chemin qu'elle devait parcourir elle qui ne marchait pas d'habitue, elle préférait largement être perchée sur son balai plutôt que d'utiliser ses jambes. Mais aujourd'hui et à cause de son mimétisme obsessionnel elle n'avait pas le choix.

Aisling reprit sa réflexion quand à la fameuse personne qu'ils devaient rencontrer et Amaïa, une légère brûlure au creux des joues laissa échapper un "Oh" compréhensif après s'être rudement trompée sur le sens de la phrase de son aînée. Fallait-il qu'elle soit inapte à la concentration en plus de ne pas être une bonne marcheuse? Apparement.

"Je te rassure, personne n'est parti à cause de toi"

Ca s'était moins sûr mais Amaïa ne voulait pas contredire la grande fille qui prenait du temps pour s'occuper d'elle vraisemblablement. C'était aimable de sa part bien que la petite Serdaigle ne sache pas vraiment si elle aimait cela ou pas, une drôle de sensation pesait sur son estomac. Ne sachant que répondre elle hocha la tête avec l'ébauche d'un petit sourire. Aisling reprit son monologue incessant. Amaïa devait fournir une quantité de concentration impressionnante afin de comprendre le sens de sa phrase sans être toutes les deux secondes interrompues par les nombreux bruits de la nature. Elle qui ne parlait que très peu était assez choquée d'entendre quelqu'un ne jamais s'arrêter de parler. Quand à savoir si la randonné faisait du bien, Amaïa entreprit de faire une petite grimace explicative quand à son dégoût de marcher sans autre but que de se fatiguer.

"Je n'aime trop pas les randonnées..."

Elle avait balbutié sa phrase comme pour énoncé un fait irrévocable, ne sachant si la grande fille l'avait entendu elle continua son écoute attentive afin de pouvoir lui répondre convenablement cette fois.

"C'est cool d'être seule, je te l'accorde, mais c'est bien aussi d'être à deux. Comme ça, si l'une de nous tombe ou est fatiguée, l'autre peut prendre soin d'elle. Si jamais j'ai un caillou dans ma chaussure par exemple, c'est mieux d'avoir quelqu'un pour m'attendre, tu comprends ?"

A partir du moment où Aisling prononça le malencontreux "si" Amaïa commença à se perdre. Emettre des suppositions consistaient à savoir imaginer quelque chose, or la très pauvre imagination de la jeune fille était inapte à se genre de travaille. Elle avait le "si" en horreur et le "imagine" en allergie. Elle tenta de se rappeler les conseils que Kathleen lui avait donné afin de développer son imaginaire et de suivre son aînée dans son raisonnement. Avait-elle un caillou dans sa chaussure? Ah non elle avait dit "si". Bien elle n'avait rien dans sa chaussure. Mais Amaïa non plus, elle pourquoi l'attendait-elle? Et pourquoi si elle avait un caillou dans sa chaussure devrait-elle l'attendre? Elle n'avait qu'à l'enlever non? Inapte aux relations sociales la jeune fille avait également du mal à saisir toutes les nuances du mot "prendre soin de quelqu'un". Amaïa n'avait pas besoin de quelqu'un pour enlever le caillou qu'elle avait dans sa chaussure, si? Puisqu'Aisling lui avait demandé si elle avait compris, ne voulant pas paraître idiote en posant des questions, elle se contenta d'hocher positivement la tête espérant qu'Aisling ne lui demanderait pas de lui donner un autre exemple. Elle en serait bien incapable.

Les deux jeunes filles reprirent leur route. Amaïa essaya de suivre le rythme de la jeune fille qui faisait des efforts pour elle, mais devait de temps en temps faire des petits pas plus rapide pour revenir à son niveau. Le silence berçant accompagné par les bruits de la nature fut bientôt interrompu de nouveau par Aisling. Amaïa releva la tête vers cette dernière. N'arrêtait-elle donc jamais de parler? Elle se garda bien de lui répondre ceci.

"Alors, comment tu trouves ces vacances ? Ta famille ne te manque pas trop ?"

Amaïa grimaça de nouveau, les vacances se passaient bien sauf à certains endroit comme le soir où Zeynep avait fait irruption dans la salle de bain en apercevant les brûlures de la jeune Serdaigle. Instinctivement Amaïa posa sa main sur son épaule pour la masser doucement. Ce souvenir ne lui plaisait guère. Mais à part celui-là les autres étaient plutôt bons.

"Bien et non"

La petite se mordit la lèvre. Attendait-elle une réponse plus développée que ça? Attendait-elle une question en retour? Amaïa n'était pas habituée à parler avec des gens qu'elle ne connaissait pas bien que celle-ci soit gentille, cela lui donnait une drôle d'impression dans tous le corps sans qu'elle ne parvienne à l'identifier. Elle n'arrivait à ne bien parler qu'avec Kovit qu'elle avait rencontrée au début des vacances d'été, mais c'était différent. Apparement. Légèrement angoissée par ces propres réflexions la petite ne remarqua pas tout de suite le sentiment qui lui donnait irrévocablement chaud et qui contractait sa gorge. Elle ne put s'empêcher de continuer associant ce sentiment inconnu à de la panique et la panique à un flot de parole intarissable.

"En fait c'est mon grand-frère qui m'a emmené à se voyage et du coup je le vois tous les jours donc je ne suis pas triste. Par contre quand je pense à ma Maman je me dis qu'elle doit être un peu seule du coup ça me rend bizarre et j'en envie de pleurer. Donc elle doit me manquer. Un peu. Enfin je crois. Mais je vais la revoir bientôt. Non?"

A la fin de sa tirade elle remarqua non sans peine qu'elle s'était quelque peu emmêlé dans ses sentiments ne prononçant que des faits perceptibles par son corps et non des noms. Tout du moins elle avait fait ce qu'elle pouvait. Elle regarda la jeune fille une nouvelle fois.

"Et toi? Ils ne te manquent pas?"