Vingt-trois heures. L’heure du crime. Après un énième tour dans le couloir pour s’assurer que tout le monde dormait, Thor pouvait rentrer dans sa propre chambre. Elle avait hésité à sortir directement prendre un verre au bar du village, mais dans un élan de bonté, elle avait choisi de retourner d’abord dans sa chambre pour y retrouver sa colocataire d »un mois et lui proposer de se joindre à elle. Ce n’était pas spécialement dans ses habitudes, de faire ça, de s’encombrer de quelqu’un pour aller quelque part. Mais Siwan n’était pas n’importe qui. Depuis quelques mois qu’elle la connaissait, Thorstein la trouvait loufoque, étrange et parfois agaçante, mais elle était de bonnes compagnie, savait comment amadouer la nordique et lui faire dire oui pour l’emmener avec elle dans ses frasques. Comme ce voyage, par exemple. S’inscrire pour surveiller des gamins tout l’été, personne n’avait idée de faire un truc pareil de son plein gré. C’était encore une idée de sa fantasque Copine.

Comme la fois où elle l’avait fait monté dans sa tour pour un beer-pong avec Bradford et Hatwell. Bon, la soirée avait été mémorable en soi, mais à la base, Thorstein s’était un peu sentie piégée. Elle qui n’appréciait pas des masses ses autres prétendus collègues, il avait fallu que Siwan les invite sans le lui dire au préalable. Mais finalement, même si elle n’avait pas « bien fait », Thor ne pouvait pas se plaindre d’avoir passé une horrible soirée. C’est que la Galloise avait de la suite dans les idées et n’était jamais avare de surprises en tous genres. Ni de discussions. Certainement pas de discussions, d’ailleurs. Thorstein n’avait jamais connu quelqu’un qui aimait autant parler. Elle ne pouvait pas dire qu’elle l’écoutait toujours, néanmoins, Siwan avait bien assez de conversation pour deux, ce qui facilitait les choses, Askja n’ayant pas besoin de parler beaucoup ou de s’exprimer plus que nécessaire. Ce qui l’arrangeait bien, d’ailleurs.

L’embêtant, avec Kendrick, par contre, c’est qu’elle s’amusait un peu trop d’elle et de ses réactions. Combien de fois ne l’avait-elle pas pourchassée avec ses prédictions d’avenir, horoscopes en tous genres ou citation sans queue ni tête. Savoir que Mars était aligné sur elle ne savait quel astre lui importait peu, elle n’en avait cure de ce que pensait les cartes et diverses feuilles consommées par la digne maitresse de la discipline de l’esbrouffe à l’état pure. Siwan pourrait dire ce qu’elle voulait, pour Thor la divination n’était en rien rationnelle, n’avait rien de vrai, aucun fait avéré qu’on ne puisse pas expliquer autrement. Thorstein n’y croyait pas pour un sou et elle ne pouvait pas s’empêcher de grogner dès que Siwan commençait à regarder sa tasse de thé d’un peu trop près.

Les couloirs du centre étaient calmes, il ne fallut que quelques enjambées à Thor pour rejoindre la chambre qu’elle occupait avec la diseuse de bonnes aventures. Aussi, elle ne fit pas attention de prime abord lorsqu’elle entra dans la chambre. Elle du renifler à deux fois pour comprendre. Il y avait de l’encens qui brûlait quelque part dans la pièce. Elle ne savait où, mais elle en était sûre, elle se tourna machinalement vers Siwan, empêtrée dans ses châles. Rien que de la voir, elle mourrait déjà de chaud. Comment était-il possible de se couvrir avec autant de draps ? Enfin, d’écharpes, de voiles ou que savait-elle encore.


« Pourrrquoi tu ne porrrtes pas un pull, comme tout le monde ? »


La réponse était simple en fait, elle n’était pas tout le monde. Elle était cinglée, mais certainement pas comme tout le monde. D’ailleurs, elle était assise à même le sol, sur le tapis, des cartes et des bidules étranges étalés ci et là, faisant froncer les sourcils de la blonde.


« Qu’est-ce que tu fous ? »


C’était assez récent, cette façon de la tutoyer. Mais les deux dames avaient partagés plus de pintes et de soirées qu’elle ne pouvait les compter sur ses doigts, alors, au diable le vouvoiement, elle pouvait bien la tutoyer.

Siwan n’eut pas besoin de dire quoi que ce soit, son petit air malicieux, son regard, son petit sourire disait tout, elle n’avait rien à dire que Thor s’offusquait déjà.


« NON ! Garrrde tes carrrtes loin de moi. Tes horrroscopes chinois, tes planètes et ton marrrc de café aussi. »


Non, elle ne lui tirerait pas les cartes, c’était hors de questions, ni maintenant, ni jamais, que Thor ne perde son précieux temps à écouter des balivernes sur sa vie.

L’hiver en Suède, selon les différentes régions, pouvait être des plus glacials niveau température. Pour la Nordique qui avait parcouru les terres seule durant plus d’une année, il avait fallu qu’elle se fasse à des températures entre -10° et -20°. Alors une fois arrivée en Irlande du Nord, elle n’avait jamais pu comprendre les locaux qui se plaignaient du froid. C’était le propre des humains de se plaindre continuellement de toute façon, voilà pourquoi Thorstein ne les fréquentait que très peu et à petites doses. Se plaindre que le temps ne passe pas, ou qu’il passe trop vite. Se plaindre qu’il fait trop chaud dès qu’il y a un rayon de soleil, puis se plaindre de la pluie et du vent. Se plaindre que la file n’avance pas, puis se plaindre que le vendeur est expéditif. Se plaindre des hommes, des femmes, des enfants, même des animaux. Se plaindre de son patron, de ses collègues, des nouveaux, des anciens. Tout est matière à se plaindre. Mais personne n’agit. Personne ne règle ses problèmes. Tout le monde les regarde, se plaint, mais reste passif. Voilà bien une chose que Thor n’aime pas du tout. Au moins, seule dans la nature, il n’y avait aucune plainte. Des bruits d’animaux, de la nature, une branche qui craque, un ruisseau qui coule, le vent qui souffle. Les seuls bruits que tolère la Suédoise.

Quand on a connu l’hiver de Suède, il n’est pas possible d’avoir froid au Pays de Galle. Alors ça exaspère Thorstein autant que ça l’amuse de voir Siwan se réfugier sous une tonne de châles et autres accessoires de Diseuse de bonnes aventures dès que le soleil se couche. Elle ne met jamais de pull, elle. De temps en temps une veste en cuir mais jamais plus. Et c’est seulement lorsqu’elle va en dehors des murs, que ce soit du château ou du centre de vacances. Alors, sans pouvoir s’en empêcher, Thor lui avait demandé pourquoi elle n’avait pas mis un pull à la place de toutes ces couches de draps superflus. Mais elle lui rétorqua qu’elle en avait déjà un, faisant lever les yeux au ciel à sa comparse.


« Tu devrrrais manger plus. La grrraisse prrrotège du frrroid. »


Toujours le côté pratique avant l’esthétique, c’était le propre de Thor. Pas besoin de faire attention à son style quand on a du charisme ou une personnalité trop forte qui prend le dessus. Ou quand on en avait rien à foutre de ce que pouvait penser les autres, en particulier les faibles.

Des cartes, de l’encens, une Siwan couverte de toiles en tous genres, Askja n’aimait pas ce que ça annonçait. Pas du tout même. Elle avait l’habitude depuis deux semaines de voir sa colocataire faire des choses bizarres le soir, mais elle les faisait de son côté et Thor n’y prêtait pas d’attention. Elle devait probablement faire des trucs bizarres le matin aussi, mais Thor n’était jamais là pour le constater. A peine levée, elle sortait dehors pour profiter du matériel ou de l’endroit avant qu’il ne soit pollué d’élèves. Course à pied, promenade dans les bois, tir à l’arc, chasse pour ne pas perdre la main, parcours d’obstacles. Tout était bon pour s’entretenir et entretenir ses sens.

Alors que Askja lui demandait ce qu’elle fichait, Siwan fit la sourde oreille, étalant ses cartes devant elle. Et le déclic se fit, forçant la Nordique à s’opposer fermement à ce que Siwan voulait lui faire faire.

Pire encore que le moment où elle avait étalé ses cartes avec son sourire, elle fermait à présent les yeux, faisant des gestes tout aussi bizarres qu’elle et d’une voix spectrale qui fit une nouvelle fois hausser les yeux de Thor en plus que de la faire soupirer, elle lui expliqua qu’elle la voyait elle.


« Evidemment que tu me vois, je suis juste devant toi, Charrrlatan. »


Elle la pointa du doigt, les yeux à présent ouverts et tira une carte qu’elle ne regarda même pas, lui prédisant qu’elle allait faire une sortie au bowling. Elle tira une nouvelle carte avant que Thor ne puisse ouvrir la bouche, indiquant qu’elle allait s’y rendre en sa charmante compagnie, laissant sur le visage de Thor un air parfaitement blasé.


« J’aurrrai pu te prrrédirrre ça moi-même étant donné qu’on s’est inscrrrite à cette sorrrtie il y a une semaine et que c’est toi qui m’oblige à y aller. » rétorqua-t-elle en croisant les bras sur sa poitrine.


Et rebelote, la revoilà qui mélangeait ses cartes, excédant un peu plus la Nordique. Elle demanda des plus gentiment du monde, laissant la blonde de marbre, mais lorsqu’elle parla d’une question, elle eut une idée.


« D’accorrrd. »


Elle avait dit ça avant de venir s’installer face à Kendrick en tailleur. Elle fit mine de réfléchir un instant et puis fixa ses yeux bleus sur ceux de la tireuse de cartes.


« Alorrrs… Voici ma question : Quand est-ce que tu vas me lâcher la grrrappe avec tes carrrtes ? »


Elle lui fit un grand sourire ironique et hocha la tête.


« Alorrrs ? Que disent les carrrtes ? C’est pourrr ce soirrr ? »


Elle haussa un sourcil, curieuse de savoir si sa collègue allait se vexer ou rebondir pour lui faire vivre un enfer avec ses cartes.

Les ours polaires possèdent une grosse couche de graisse en plus de leur pelage pour se protéger du froid. Etant des animaux vivants sur la banquise, il est nécessaire de pouvoir survivre aux températures très basses ainsi qu’à celle de l’eau, glaciale également. La graisse du morse représente un tier de son poids, qui est de 500 kilogrammes. Sous sa peau épaisse, il y a quinze centimètres de graisse qui lui permettent de résister facilement au froid. Les phoques sont également des animaux qui utilisent ce même mécanisme de survie en eau froide. Voilà pourquoi Thorstein invitait Siwan à manger un peu plus pour se former une couche de graisse assez épaisse pour empêcher qu’elle ne s’emmitoufle à tout va dès que la température perdait quelques degrés.


« Les morrrses fonctionnent comme ça. Et ils plongent dans des eaux bien plus frrroides que la pluie qui tombe ici. »


C’était un fait. C’était scientifiquement prouvé. Pas une théorie abracadabrante, pas des cartes ou du marc de café qui lui avaient soufflé l’idée. Ni la lune, ni les étoiles, ni des runes ou encore une boule de cristal. Seulement des faits avérés et explicables. Logiques même. Des choses vérifiables.

Il semblait que le jeu préféré de Siwan soit de tourmenter Thorstein autant qu’elle le pouvait. Elle l’avait déjà forcée à la suivre dans des couloirs pour une surprise, forcée à être avec Wayde au beer-pong, forcée à la suivre dans ses drôles de lubies de centre de vacances, d’activités. Elle s’en sortait habilement pour faire céder la blonde, qui disait parfois oui pour avoir la paix et être tranquille tout de suite. Mais ce que Kendrick lui proposait là était impensable. Elle ne croyait pas à tout ça, ça n’avait rien de rationnel, rien de vérifiable, rien de vrai. Qui pouvait prédire un avenir dans une boule ? Qui pouvait prévenir d’un danger dans une tasse à thé ? Qui pouvait définir une journée sur base des astres et de leur alignement, ça n’avait rien à voir, vraiment ! Alors de vulgaires cartes… Encore moins. Tout dépendait de comment elle battait les cartes. Et de la carte choisie. Tout cela relevait donc du hasard et en rien de faits avérés. Elle pourrait très bien prendre la troisième carte à droite, ou celle en plein milieu, ou encore la toute dernière à gauche. Non, tout ça, c’était vraiment du n’importe quoi pour Thor.

Après une petite mise en scène ridicule de la part de Siwan sur le fait qu’elle voyait parfaitement Thor, qui, d’après elle, allait se rendre à une sortie bowling en sa compagnie, le niveau d’exaspération de la Nordique grimpa d’un cran. Elle répliqua d’ailleurs que cela, elle aurait pu le prédire elle-même puisque cette idée venait de Siwan elle-même, elle savait donc très bien qu’elles iraient au bowling ensemble, quoi que soit ce fameux bowling d’ailleurs.

Sa camarade de chambre lui demanda alors plus sérieusement de se prêter au jeu. Il lui fallut un instant avant d’accepter, une idée derrière la tête. La Galloise aimait un peu trop l’ennuyer, à son tour. Assise en tailleur devant sa comparse et ses cartes, elle avait posé sa question le plus naturellement du monde, comme si c’était sérieux, comme si c’était la question la plus importante de sa vie, de manière ironique, bien évidemment. La réaction de sa colocataire ne se fit pas attendre, elle prit son paquet de cartes et en sortit une, qu’elle lui montra. Sur cette carte, une image et des chiffres romains. XIII. Huit. Thorstein n’avait aucune idée de ce que ça pouvait bien signifier. Et elle n’en avait pas grand-chose à faire, de toute façon. Siwan quant à elle, lui expliqua que cela voulait dire jamais. Elle ne la laisserait donc jamais tranquille.


« Je crrrois que tu as trrriché. »


Elle en était même sûre, d’ailleurs. Et Siwan fit un ajout qui fit sourire Thor.


« Ce qui rrrisque d’arrrriver plus tôt que prrrévu si tu t’entêtes avec tes carrrtes. »


Mais la Galloise la prit à contre-pied en la mettant au défi, insinuant qu’elle avait peur de ce que pourrait dire les cartes. Elle ? Peur de cartes ? Elle pouvait brûler tout le paquet en un rien de temps. Même pas besoin de baguette, il y avait assez de bougies dans la pièce.


« Une seule fois. Et aprrrès tes carrrtes de l’enferrr et toi, vous me laissez trrranquille. »


Elle soupira en attendant que Siwan n’étale une nouvelle fois ses cartes devant elle.


« Je n’ai aucune question. »


Et elle laisserait Kendrick se débrouiller comme ça. C’était déjà bien trop pour elle.

Dans la vie, impossible de ne faire que les choses avec lesquelles on avait le plus d’atomes crochus. Il fallait pouvoir parfois prendre sur soi et accomplir des tâches dites « ingrates » afin de réaliser quelque chose de nécessaire. C’est ainsi que la majorité des gens, moldus ou sorciers, devait s’occuper du ménage, des poubelles, du rangement et de bien d’autres choses encore. Dans certains cas, il fallait accomplir certaines tâches afin d’être tranquille plus tard, et c’était exactement ce qui allait se produire, à force, chaque fois que Siwan proposerait une activité que Thor n’appréciait pas particulièrement. Ne voulant pas d’une Siwan trop insistante, elle préférait dire oui directement pour qu’elle la laisse tranquille.

Après avoir fait semblant d’accepter docilement sa proposition, Thor avait tenté de la prendre à son propre jeu, usant de toute l’ironie dont elle était capable. Mais évidemment, sa comparse ne s’était pas laissée faire non plus, et elle lui avait sortie une carte du paquet pour lui faire savoir qu’elle ne la laisserait jamais tranquille. Bon. D’accord. D’un ton plat, Thorstein lui avait signalé que c’était pure tricherie. Elle n’y connaissait rien en cartes, mais elle savait bien que ce n’était pas à Siwan à choisir les cartes qui l’arrangeait le mieux. Bien sûr, la Galloise ne se laisse pas démonter le moins du monde, et même lorsque Askja profère des menaces à peine voilée, celle-ci réplique du tac-o-tac, c’est aussi agaçant, qu’épuisant. Et même temps, qui d’autres se permet de telles choses ? Si ce n’est Wayde, à la rigueur. Mais ils sont tous les deux dans la provocation, ce n’est pas la même situation.

Une insinuation de peur, un air de défi, et voilà que Thor se retrouve embarquée par la maligne Siwan. Elle lui montra bien son désaccord, et son grand manque d’implication d’ailleurs. Mais elle le ferait et ensuite, Siwan la laisserait tranquille pour toujours. Elle l’espérait du moins. La petite tirade sur la peine de le faire sans sa permission haussa un sourcil à la Nordique. Elle n’en croyait pas un mot. La rousse n’avait aucun scrupule, ça ne datait pas d’hier. Elle n’en avait que faire du désaccord. Tête de mule qu’elle était. Thor lui indiqua aussi qu’elle n’avait aucune question. Fallait pas trop lui en demander non plus.

Suivant les instructions de Kendrick, elle piocha 6 cartes parfaitement au hasard. Bien que Siwan lui expliqua où allait les cartes, elle la laissa faire. Elle n’allait pas en plus faire le travail à sa place ! Puis, moins elle avait de contact avec ces cartes hideuses, mieux ce serait. Elle observa les cartes, n’ayant absolument aucune idée de ce que ça pouvait bien représenter.

Et la torture commença.

Pas du genre à lambiner. Et puis quoi encore ? Il ne manquerait plus que ça ! Mais ça paraissait évident, c’est ce que prônait l’enseignante à longueur de temps, il n’y avait donc aucune surprise quelconque là-dedans, n’importe qui aurait pu le lui dire.

La carte du milieu, selon la Diseuse de Bonnes Aventures, la représentait. Elle était donc un mec pendu par le pied. Très encourageant. Sans doute était-ce la perspective de se faire tirer les cartes, ça lui donnait des envies de se pendre, tiens. Siwan lui expliqua qu’elle acceptait de voir les choses différemment, de laisser une chance aux cartes. Elle leva les yeux au ciel un bref instant.


« Mouais. »


Ses yeux croisent ceux de Siwan avant qu’elle ne reprenne sa tirade.

Tout ce qu’elle venait de dire était parfaitement juste. Mais encore une fois, il suffisait de la connaitre un peu pour pouvoir affirmer ces choses, cela n’avait strictement rien de secret. Ou même de surprenant connaissant le personnage qu’était la blonde.


« Si c’est le baton qui le dit alorrrs. Tant de choses que j’ignorrrais sur moi, quelle chance. » Ironie quand tu nous tiens.


Le conseil du jour était de se trouver un homme. Thor haussa un sourcil, toisant sa colocataire.


« Comme si je n’avais pas assez à fairrre avec tous les pignoufs du château, faudrrrait encorrre que je m’embarrrrrasse d’un boulet supplémentairrre. »


Ca avait l’air de l’amuser en plus, ces âneries. Ce qui n’amusa pas du tout la Nordique par contre, ce fut la phrase suivante. S’il y avait bien un sujet qu’elle n’abordait jamais, c’était bien celui des enfants. C’était un sujet des plus tabous et elle ne se permettait jamais d’y penser, sauf un jour par an. Le jour de l’accouchement. Seul et unique jour où elle s’autorisait à faire ressortir ce qu’elle gardait tout le reste de l’année.

Sous le coup de la surprise, sans doute ses yeux s’étaient-ils un peu agrandis l’espace d’un moment. Avait-elle arrêté de respirer ou ses poumons le faisaient-ils encore par habitude ? Ses mâchoires se contractèrent et elle se mit debout brusquement.


« C’est bon, t’as fait ton trrruc, tu m’laisses trrranquille maintenant. »


C’était brut, et ni une, ni deux elle était sortie de la chambre, laissant la porte claquer derrière elle. Elle descendit la volée d’escaliers bien plus vite que d’habitude, bousculant Bradford au passage. Elle ne prit même pas le temps de lui lancer une pique, elle poussa avec force la porte du centre et une fois dehors, elle s’autorisa une grande bouffée d’air. Le pub du village serait l’endroit idéal pour oublier que les cartes de Siwan avait parfaitement taper au bon endroit.