De sa main droite, Casey tournait les pages du grimoire, à mesure que son regard concentré parcourait les lignes qui les composaient, tandis que sa main gauche faisait glisser une plume sur un parchemin noirci de ses notes. En avait-elle besoin ? Depuis quelques temps, c’était comme si tout ce qu’elle lisait s’ancrait dans son esprit de manière indélébile. Avait-ce toujours été ainsi ? Il lui semblait lointain et confus, le temps où son esprit fonctionnait à merveille et n’était pas entaché par des migraines à répétitions et des souvenirs morcelés. Alors, elle avait du mal à savoir s’il s’agissait d’un juste retour à la normale, ou s’il y avait un quelque chose en plus. Avait-elle déjà été si parfaitement capable de restituer ce qu’elle venait de lire, presque mot pour mot, et de recomposer les éléments - livres, lieux, visages - qu’elle avait eu sous les yeux ? Il lui semblait que non. Mais si ça n’était pas le cas, cela ne laissait rien présager de bon. Les tâches noires dans son champ de vision qui allaient en augmentant et s’intensifiaient selon l’heure de la journée pointaient dans cette même optique.

Et un bruit la tira de sa concentration, celui d’une chaise que l’on tire pour s’y asseoir lourdement, accompagné de mots qui résonnent avec force au sein de la bibliothèque, si tranquille, et d’un visage connu qui se dessine sous ses yeux. Maxwell Carter. Leur dernière conversation remontait à plusieurs semaines, et entre temps, Casey avait remis ce visage et ce nom sur des souvenirs et des histoires. Notamment celles qui concernaient Carla. Le jeune homme ne lui avait pas laissé la pire des impressions, mais à la lumière de ce que son amie lui avait raconté, elle s’interrogeait sur quel genre de type il était réellement. Enfin, ça n’étaient pas ses histoires ! La blonde ne lui avait pas demandé de s’en mêler, et Casey était partisane d’observer tout cela de loin plutôt de se plonger dans des affaires qui ne la regardaient pas. Plongeant son regard cobalt dans celui du Poufsouffle, elle fronce les sourcils, relevant sa plume dans sa direction. Chhh, Carter. Tu es à la Bibliothèque, fais moins de bruit. Son ordre eut le mérite de le faire baisser d’un ton, encore que quelques regards agacés se tournèrent vers leur table, poussant la brune à lui adresser un nouveau regard noir, mais il n’eut pas celui de le faire disparaître et de la laisser retourner à ses études.

Si elle peinait à comprendre le caractère du jeune homme, elle avait néanmoins intégré quelques éléments. Notamment celui que, peu importe ce qu’elle ferait ou dirait, Maxwell ne la lâcherait pas tant qu’il n’aurait pas obtenu ce qu’il désirait. Ou alors, il lui faudrait fuir, mais pour une fois que la brune parvenait à étudier ici sans se sentir oppressée par des sensations liées à l’incendie de l’année dernière, elle n’avait aucune envie de partir. Alors que voulait-il ? Ses devoirs étaient à jour, ses révisions aussi, qu’est-ce qu’il pouvait venir chercher si ça n’était pas son aide ? Son regard se fait plus suspicieux alors qu’un sourire d’une fierté inquiétante se dessine sur le visage de Carter. Pour elle ? Pourquoi, pour elle ? Pressentant qu’il y en aurait pour plus que quelques secondes, la Serdaigle repose sa plume et se laisse aller contre le dossier de son siège, dardant un regard polaire sur son camarade. La suite manqua de fissurer son impassibilité légendaire. Un cours de ? Avait-elle bien entendu ? Loin de se rendre compte des énormités qu’il proférait, Maxwell continua sur sa lancée, visiblement très content de cette idée.

Quand enfin il fit une pause, Casey était complètement interloquée, et hésitait entre le désespoir et… le désespoir. C’était tout ce qu’il lui inspirait, présentement. Sa question la fit cligner des yeux, une seule fois, d’une lenteur affolante, comme si elle cherchait à s’assurer d’avoir bien entendu, avant de croiser les bras sur sa poitrine. Une idée de génie ? L’accentuation sur ce dernier mot laissait parfaitement percevoir ce qu’elle en pensait. Casey n’était pas douée pour l’ironie et le second degré, et c’était bien dommage présentement car il y avait une telle matière à se moquer de Maxwell que c’était presque du gâchis de ne rien en faire. Ce n’en est absolument pas une, non répliqua-t-elle en secouant légèrement la tête de gauche à droite. Pourquoi penses-tu que j’aurais besoin d’un cours d’éducation amoureuse et… sexuelle ? Si elle n’avait pas été habituée à rester maîtresse de ses émotions en toutes circonstances, probablement qu’une gêne palpable serait venir rosir ses joues. Heureusement pour elle, il n’en fut rien. Et surtout, pourquoi penses-tu que tu serais le mieux placer pour de telles leçons ? Parce que si sa réputation laissait entendre qu’il n’avait aucun mal à sortir avec de nombreuses filles, Casey doutait sérieusement que ce soit par son intelligence et ses propos éclairés. Il était beau garçon, c’était indéniable, et cela jouait sûrement. Va trouver quelqu’un d’autre à embêter, Maxwell souffla-t-elle finalement.

Heureusement, il baisse légèrement le volume sonore de ses divagations lorsque Casey lui fait remarquer qu’il se trouve en plein coeur de la Bibliothèque. Certes, pas dans le coin le plus fréquenté, mais tout de même : il y avait suffisamment de tables aux alentours pour que cela dérange potentiellement d’autres élèves venus étudier. Malheureusement, il semble décidé à rester à et exposer, jusqu’au bout, l’idée géniale qui l’amène en face de Casey aujourd’hui. Il avait un grand sourire, de ceux trop enthousiastes pour ne pas inquiéter la brune et la faire se retrancher derrière des défenses bien solides. Qu’allait-il lui demander ? Visiblement rien en rapport avec les cours de manière générale, ce qui eut pour effet de la perdre un peu plus : ils n’étaient rien d’autre que des camarades de classe qui s’étaient installés une fois à la même table pour qu’elle l’aide à améliorer un devoir de Défenses Contre les Forces du Mal. Que pouvait-il bien lui vouloir ?

La lumière ne tarda pas à se faire sur cette question, et peut-être bien que la Serdaigle aurait préféré ne jamais rien en savoir. De quelle détresse parlait-il ? Est-ce qu’il était toujours ainsi, à analyser et surinterpréter des échanges ou des interrogations qui n’étaient, dans le cas de Casey, que de la pure politesse. Tu n’as rien de mieux à faire, rien de mieux à penser ? fit-elle, interloquée par ce qu’il lui racontait. Ce n’était pas possible qu’il ait réfléchi à tout cela ces dernières semaines, il devait y avoir beaucoup plus important dans son quotidien qu’une vague conversation avec une camarade de classe qu’il n’avait pas revu depuis ! Non ? Il fallait commencer à prendre conscience d’un fait inscrit dans le marbre : ils étaient les exacts contraires. Flegme glacial et enthousiasme débordant, indifférence et besoin de parler, énormément, sérieux et comique. Alors si tout cela lui paraissait parfaitement loufoque, c’était probablement parce que, à ses yeux, Carter l’était tout autant. Je ne te connais pas, Maxwell répliqua-t-elle, toujours parfaitement terre à terre. Ni ton côté généreux, ni le reste. Je ne demande aucune faveur en échange de l’aide que je t’ai apportée. Crois-moi, je m’en passe très bien. Jamais la brune n’avait pensé lui demander quoi que ce soit en retour de son coup de main. Ce n’était donc pas la peine qu’il vienne aujourd’hui lui proposer un service dont elle n’avait pas besoin.

Qu’est-ce qui te fait dire que je galère avec les mecs et les relations amoureuses ? soupira-t-elle, reprenant ses mots. Elle n’avait jamais laissé entendre une telle chose, ne le pensant pas le moins du monde. Il n’y avait de toute façon aucune relation de ce genre de son quotidien. Enfin, Brooklyn excepté, mais on ne pouvait pas dire qu’elle était en difficulté puisqu’il n’y avait rien, absolument rien. On parlait de son meilleur ami, après tout, quand bien les sentiments qui faisaient battre son coeur était bien plus que cela. Refoulant ces pensées importunes, elle suggère à Maxwell d’avoir trouver quelqu’un d’autre à embêter avec ses histoires, prête à retourner toute entière à ses recherches.

Bien évidemment, le Poufsouffle en avait décidé totalement autrement, et il ne bougea pas d’un millimètre. Au contraire, il se pencha un peu plus dans sa direction et son sourire sembla s’agrandir à nouveau. Est-ce que cet enthousiasme débordant avait une fin ? Es-tu certain de bien maîtriser le sujet ? Après tout, tu pensais que j’éprouvais de l’intérêt pour toi alors qu’il n’en était rien. Tu ne sembles pas très doué pour interpréter les signes de la bonne manières. Elle ne releva pas le femme fatale qui manqua de la faire avaler sa salive de travers. Mais pour qui la prenait-il, enfin ? Cependant, il était déterminé. Ou plutôt, complètement borné dans sa propre bêtise pour voir qu’elle ne mènerait à rien. Casey en avait déjà fait les frais : il était quasiment impossible de lutter contre sa volonté. Une fois qu’il avait décidé qu’il irait dans cette direction, il se montrait d’une obstination sans failles. Qu’est-ce que je dois faire pour que tu me laisses tranquille ? capitula-t-elle, dans un nouveau soupir.

Une légère crispation de la mâchoire anime brièvement le visage impassible de Casey. Chaque seconde qui passait lui confirmait un peu plus ses craintes : Maxwell avait une idée derrière la tête, et tant qu’il ne l’aurait pas mise en application, il ne s’en irait pas. C’était pire qu’une moule accrochée à son rocher, il était une réelle sangsue qui dévorait lentement toute la tranquillité de la jeune femme. Il ne se préoccupe pas de son renvoi poli, arguant que cela lui faisait plaisir, et la brune n’en doutait même pas. Une sangsue enthousiaste et avec le sourire, mais une sangsue tout de même.

Et puis, d’abord, pourquoi elle ? Qu’est-ce qui lui faisait croire qu’elle avait besoin d’une aide quelconque en ce qui concernait ses relations amoureuses ? Elle ne sortait avec personne, ça n’était pas un secret. Les rumeurs allaient vite, à Poudlard, mais les seules concernant Casey et un potentiel petit-ami dataient d’il y a deux ans déjà, lorsque Zach et elle avaient été surpris se tenant la main et se dirigeant vers l’Infirmerie. À ce souvenir, elle ferme les yeux, un instant, comme pour le chasser mais obtenant l’effet inverse, l’ancrant plus profondément dans son esprit. Relevant les paupières, elle se concentre sur l’air enjoué de Maxwell qui lui rétorque qu’il avait cette impression-là qu’elle était en difficulté avec les hommes, avant qu’il ne lui retourne la question. Un soupir lui échappe. Depuis le début du mois, les migraines avaient disparues, sa mémoire s’était renforcée, était plus aiguisée qu’auparavant, preuve que la potion avait fait effet. Pourtant, elle sentait presque poindre un mal de tête, ses doigts posés sur sa tempe, dans un geste de défense. Non, je ne galère pas. Pour ça, il faudrait que je m’y intéresse, ce qui n’est pas le cas. Est-ce que cela le ferait battre en retraite ? Non, elle en doutait fortement.

Alors, Casey tente de lui exposer qu’il n’est pas le mieux placé pour lui donner de quelconques conseils puisqu’il avait si mal interprété que cela ses gestes, le soir où elle l’avait aidé pour son devoir sur les Inferis. Mais Carter a réponse à tout et semble des plus doués pour enjoliver la réalité et la retourner à son avantage. L’air suspicieux de la brune ne cherche nullement à cacher ce qu’elle pense de ses propos. C’était elle, qui envoyait des signaux contradictoires ? Non, très peu probable. C’était plutôt lui qui cherchait à en voir là où il n’en existait pas. Question d’ego ou habitude prise que toutes les filles lui tournent autour ? Peut-être un peu des deux. Je ne pense pas répliqua-t-elle, déjà lasse de cette conversation. Les principes de base de la communication séductrice non-parlée ? Et puis quoi encore… Pour quelqu’un qui ne suivait guère les cours et était plus proche du cancre que de l’élève modèle, il semblait plus appliqué concernant ces notions là.

Les derniers lambeaux de sa tranquillité s’envolent sous l’obstination du Poufsouffle et, dans un soupir, Casey lui demande ce qu’elle doit faire pour qu’il la laisse enfin en paix. Elle sent qu’elle va le regretter, évidemment, mais après tout, une heure avec Carter valait mieux que le fuir des jours entiers sans qu’il ne la lâche d’une semelle, insistant encore et encore pour qu’elle accepte sa proposition. Une heure, pas une minute de plus. Son approbation tirée à contre-coeur, elle s’emploie à ranger rapidement mais proprement toutes ses affaires, posant ensuite un regard cobalt des plus inexpressifs sur son camarade. Et maintenant ?

Ne faisait-elle pas une immense erreur ? Probablement la pire depuis des lustres. Peut-être pas exactement la pire ; disons que la jeune femme avait déjà vécu plus grave danger ces dernières années et qu’elle s’était risquée à bien plus dangereux qu’une heure en compagnie de Maxwell Carter ces derniers temps. Si elle avait survécu, jusqu’à preuve du contraire, à la prise d’une potion tirée tout droit de rituels de magie noire, elle pouvait survivre à cela. Le sourire de son camarade ne lui disait absolument rien qui vaille ; mais elle rangea ses affaires malgré tout et se tint prête à subir les prochaines soixante minutes qui s’offraient à elle et que le Poufsouffle lui imposait sans réellement lui laisser le choix.

Il ouvre la bouche et la mascarade commence. Les avant-bras posés sur la table débarrassée de ses parchemins et grimoires, les doigts entremêlés les uns aux autres, Casey posa son regard impassible sur le garçon qui lui fait face. Machinalement, elle baisse les yeux, quelques secondes à peine, sur les bracelets qui entourent son poignet droit. Les breloques lui rappelaient évidemment les pendentifs qui ornaient son cou. Tous ces bijoux, ils venaient d’une seule et même personne, mais cela ne voulait rien dire, n’est-ce pas ? Pensif, ses prunelles se reportent sur Maxwell, ignorant les tâches noires dérangeantes. Avait-elle le moindre espoir qu’il puisse réellement lui apprendre quoi que ce soit ? Ce serait vain de le croire, non ?

Il se prenait au jeu, cela se voyait, et malgré son manque flagrant d’enthousiasme à elle, Casey trouvait cela presque charmant. Il était certes obstiné et envahissant, mais il était surtout très passionné et exalté, il s’agissait-là de traits de caractère qui pouvaient être aussi bien des qualités que des défauts ; dans le cas du jeune homme, la brune aurait eu tendance à dire des qualités. Aussi pataud et brute soit-il, il n’avait pas l’air de dégager une once de méchanceté, pas en sa présence en tout cas, et ça, ça avait le don de rendre la Serdaigle un peu plus ouverte d’esprit et disposée à écouter son interlocuteur.

La séduction pré-couple. Allons bon. Casey ravala sa salive et un air dubitatif. Elle ne souhaitait mettre la corde au cou de personne, mais en informer Maxwell aurait comme été hurler dans l’oreille d’un sourd : parfaitement inutile. Elle se contente donc de rester parfaitement impassible, avant qu’il ne fasse mine de l’interroger. Un petit soupir se mêle à ses mots alors qu’elle lui répond. Je n’en ai absolument aucune. Qu’est-ce donc qu’un flash séduction ? Peut-être que, plus vite ils atteindraient le coeur du sujet, et plus vite ils en auraient terminé. La jeune femme n’avait pas de montre, mais elle le regrettait présentement.

Casey n’avait pas de montre, mais ce n’était peut-être pas une mauvaise chose puisque, si elle avait pu consulter l’heure, elle aurait noté que seulement cinq petites minutes venaient de s’écouler. Encore cinquante-cinq avant d’être libérée de ce qui s’apparentait à un Enfer sur Terre à ses yeux. Maxwell n’était pas méchant, non, mais ce qui l'enthousiasmait lui ne provoquait pas le même sentiment chez la brune, loin s’en faut. Parler de ses sentiments n’étaient déjà pas quelque chose de facile pour la Serdaigle, ni même de souhaité. Alors le faire, sur des sujets aussi triviaux que l’amour et la séduction, en compagnie d’un camarade de classe à qui elle n’avait jamais adressé la parole qu’une fois, et qui s’était lui-même attribué la mission de l’éduquer à ce niveau-là… Non, ça n’avait rien d’idéal.

Ses soupirs répétés et à son manque flagrant d’investissement n’avaient pas l’air de rebuter Maxwell qui poursuivait, toujours plus enjoué, si seulement c’était possible. Son sourire ne faiblissait pas, pas plus que son entrain, et quelques regards courroucés continuaient de se tourner vers leur table. La Bibliothèque n’était pas habituée à de telles effusions, antre de calme et de savoir. En temps normal, du moins. Théâtral au possible, Carter joue les enseignants et l’interroge concernant les flash séduction. Qu’est-ce que c’était que ça, encore ? La brune n’en avait aucune idée et le notifia de manière concise mais il ne sembla pas s’offusquer de son manque flagrant de volonté et se lança dans une explication beaucoup trop satisfaite d’elle-même pour ce qu’elle était. Maxwell, je ne suis peut-être pas la mieux placée pour parler des relations amoureuses et de la séduction, mais je commence réellement à douter que tu le sois plus. Ta vision est assurément biaisée et je suis certaine que balancer à un homme “tu me fais grave saliver” le tout avec un décolleté plongeant ne m’aidera pas du tout. Du moins, elle en avait la certitude en ce qui concernait le seul qui occupait réellement ses pensées. Ce n’est pas qu’elle imaginait quoi que ce soit avec Brooklyn, ils n’étaient que meilleurs amis, rien de plus, n’est-ce pas ? Ces bijoux, cette rose en bois, cette gravure d’elle en ballerine… ça n’étaient pas des signes limpides de quelconques sentiments amoureux. Mais si d’aventure elle écoutait les conseils de Carter, c’était sûr que rien de ce qu’il décrivait comme simple ne surviendrait.

Dans quel monde vivait-il ? Pas le même que la brune, cela semblait certain. Il y avait un manque flagrant de subtilité et elle avait le sentiment d’avoir un rhinocéros en face d’elle : aveugle, brut, prêt à foncer tout droit sans se poser de question. Le pire était cependant encore à venir : elle était déjà prête à lui expliquer qu’elle n’avait aucune question, mais Maxwell ne lui en laissa pas le temps, surenchérissant avec une nouvelle idée qu’il devait probablement trouver géniale, et il serait le seul. Un jeu de rôle ? Casey se mordit la lèvre pour retenir un soupir plus profond que tous les autres réunis. C’est complètement stupide fait-elle après une seconde de silence en secouant doucement la tête de droite à gauche. Et il restait encore tellement de temps… Prenant sur elle, comprenant que son attitude polaire ne découragerait jamais Maxwell, au contraire, il devait y voir un défi intéressant à relever, elle ferme les yeux une seconde et les rouvre pour planter ses prunelles dans celle de Carter. Si je devais choisir une de tes... techniques, ce serait probablement les attentions particulières. Dans ton cas... C’était réellement idiot, comme jeu, mais la brune prit néanmoins quelques secondes pour réfléchir. Il lui était devenu naturel de se creuser la tête pour trouver des cadeaux à Brooklyn, et elle aimait ça. Mais pour une tierce personne, un quasi inconnu, qui plus est ? Repassant en revu ce qu’elle percevait du jeune homme, elle haussa finalement les épaules. Elle ne risquait rien à tomber à côté, ça n’était pas comme si elle désirait le séduire, ni comme s’il s’agissait d’un réel cours. Mais son esprit habitué à retenir les leçons et les appliquer n’était pas totalement prêt à faire une exception. Si tu étais du genre à apprécier les attentions particulière, un tête-à-tête dans les airs, par exemple, mais je suppose que tu es plus le genre sensible aux flashs séduction finit-ell e par laisser tomber. Est-ce qu’inviter Brooklyn au Balcon du Monde était une attention synonyme de séduction ? Est-ce qu’il la percevait comme cela ? Ce cours commençait à faire fourmiller son esprit de doutes et ça n’était pas une bonne chose.

Venait-elle de le vexer ? Son visage se voile, un instant à peine, d’une ombre crispée. Est-ce que les propos de Casey étaient de ceux qui parvenaient à l’offenser et à faire disparaître son enthousiasme qui semblait impérissable ? Il reprend bien vite ses airs habituels, cependant, et lève un doigt à ses lèvres, poussant cette fois la brune à hausser un sourcil circonspect. Il lui disait de se taire ? Lui qui avait fait une entrée bruyante et fracassante dans ce lieu de silence et d’étude ? C’était clairement l’hôpital qui se foutait de la charité mais Casey était trop indifférente à tout cela, de manière générale, pour en éprouver la moindre irritation. Son regard passe de circonspect à las. Leurs points de vue divergeaient mais la Serdaigle avait décidément bien autre chose à faire que dépenser son énergie à tenter de montrer à quel point le Poufsouffle était un rustre doublé d’un goujat. Sa certitude à elle, c’était que Brooklyn n’apprécierait guère ce genre de comportement. Non pas qu’elle veuille lui plaire, mais il était, après tout, son meilleur ami. Un léger hochement de tête vient répondre à ses paroles de manière négative, mais elle ne surenchérit pas, conservant un silence désabusé.

Il poursuit sa leçon, si tant est qu’on puisse nommer ses tentatives ainsi. C’était perturbant, car d’un côté, Casey trouvait tout cela ridicule et était en désaccord complet avec ce qu’il tentait de lui apprendre ; mais de l’autre, il se donnait tant de mal et il semblait prendre tellement de plaisir à essayer de la convaincre, qu’elle n’arrivait pas à rester insensible face à de tels efforts. Il lui avait déjà prouvé la dernière fois qu’il possédait une volonté sans failles et qu’il n’était pas un mauvais bougre. Juste maladroit et terriblement grossier. Il tente de la faire participer en lui posant une question pour laquelle elle ne possède aucune réponse et la suite est bien pire encore. Un jeu de rôles, mais où allait-il chercher toutes ces idées farfelues ? Une seconde, elle ferme les yeux, ses réticences se le disputant à la parole qu’elle lui avait donné de lui accorder une heure. Une heure, pas une minute de plus, il en restait néanmoins pas mal, et plutôt que de rester les bras croisés à l’observer, muette, elle pouvait peut-être tenter de participer pour que tout cela se termine au plus vite.

Alors elle choisit ce qu’il nomme les attentions particulières, son esprit tentant de s’échapper en direction d’un Serpentard en particulier, et de toutes celles dont il l’avait déjà gratifiée, de tous les moments qu’ils proposaient à l’autre, loin du monde. Ce n’était pourtant en rien de la séduction. Peut-être qu’en s’imaginant dans une situation légèrement différente que celle escomptée par Maxwell, l'exercice serait plus simple. Je ne considère pas que montrer ses seins soit une attention particulière et c’est apparemment ce que tu affectionnes par-dessus tout le reste répondit-elle d’un ton parfaitement sérieux, loin de toute ironie ou second degré que l’on pourrait être tenté de déceler dans ses propos. C’était une constatation purement scientifique, aucun jugement personnel dans l’histoire.

Bon, cela lui faisait une belle jambe qu’il soit fière d’elle, d’autant plus qu’il en demandait encore plus, toujours plus. Est-ce qu’il voulait le scénario complet d’un rendez-vous ? Ça en avait tout l’air. Gardant à l’esprit qu’elle ne proposait aucun face à face amoureux mais simplement un moment hors du temps à quelqu’un à qui elle tenait particulièrement, elle consentit à continuer ses réponses. Je te l’ai dit : dans les airs répéta-t-elle sans ciller alors que Maxwell plante son regard opalin dans le sien, un sourire éternel accroché à ses lèvres.Tu en demandes beaucoup. Est-il vraiment nécessaire que tout soit planifié à l’avance ? soupira-t-elle, ses réticences reprenant les rênes de la conversation. Bon, si elle y mettait un peu plus du sien, que préparerait-elle pour Brooklyn et elle ? Donc, une balade en balai au-delà des limites du Terrain de Quidditch puis pourquoi pas un goûter au bord du Lac. Ou bien une promenade. Qu’est-ce qu’elle en savait, elle, au fond ? Ils se contentaient bien souvent de s’isoler au Balcon du Monde et de discuter - très souvent, ils se disputaient - mais ne prévoyaient guère plus. Justement car ce n’était pas de la séduction, le point était peut-être là.

Alors, selon ses dires, Maxwell Carter n’était pas qu’un adolescent un peu bête obnubilé par les fortes poitrines savamment dévoilées ? Casey voulait bien lui laisser le bénéfice du doute. Carla avait été - était encore, quoiqu’elle en dise - attachée à ce garçon et elle était loin d’être une idiote superficielle qui ne savait pas voir plus loin que le bout de son nez. Son caractère complexe n’aurait pas pu se satisfaire d’une stupidité crasse, n’est-ce pas ? Il devait donc avoir un peu de profondeur et autre chose à montrer que ces prétentions physiques qu’il tentait d’inculquer à la brune. Cette dernière voulait bien le croire, mais chaque minute de ce tête-à-tête rendait la tâche plus ardue. S’humectant les lèvres, elle lui concède donc ce point. Admettons. Puis, parce que c’était une défense bien souvent pratiquée que de poser des questions quand on ne désirait pas que l’on nous fasse la même chose, Casey l’interroge : Qu’est-ce qui te fait complètement tomber ? Oui, elle inversait un petit peu les rôles, mais un répit dans le flots d’informations et d’exercices que Maxwell jugeait bon de lui imposer ne lui ferait pas de mal. Et, avant qu’il ne se mette en tête qu’elle voulait utiliser ces informations pour elle-même, elle précise : Il n’y a aucun intérêt privé derrière cette question. Au moins, il était prévenu, s’il commençait de nouveau à se faire des idées, ce serait entièrement de la faute de sa bêtise, ou de son orgueil peut-être.

Le reproche de Carter lui fait froncer les sourcils et son regard devient plus froid. Je te rappelle que je ne t’ai rien demandé du tout. Si tu n’es pas satisfait, rien ne t’empêche de rester. Par Merlin, mais qu’il s’en aille ! Il la dérangeait en pleine révision et s’offusquait maintenant de son peu d’implication ! Cet énergumène était décidément bien sûr de lui et possédait un culot à toute épreuve. Il ne bouge pas d’un poil et enchaîne avec la suite, en lui demandant comment elle s’y prendrait pour inviter un garçon à un rendez-vous galant. Bon gré, mal gré, la brune se plie à l’exercice. Pensait-il qu’obtenir son aval la rendait fière ? Parce qu’il se trompait lourdement, si c’était le cas. Mais elle ne dit rien et se contente d’hocher la tête. Oui, les silences pouvaient être gênants, elle pouvait lui concéder ce point. Pour le reste… pour le reste, c’était une autre histoire.

Maxwell poursuit, inébranlable. Les rapprochements ? Qu’entendait-il par là ? Elle craignait de le découvrir, mais il assassina bien rapidement ses ébauches d’inquiétude pour les remplacer par un sentiment bien plus réel, qui n’était pas des plus positifs cependant. Sa question la laisse muette quelques secondes, mais pas plus que la seconde, en réalité. Non, jamais fait-elle finalement, dans un premier temps, avant de se reprendre et de rectifier. Enfin si, une fois, mais c’était sous l’effet d’une potion. Loin d’elle l’envie de se remémorer cet épisode. Retenant un nouveau soupir, elle secoue la tête de droite à gauche. Est-ce que je dois vraiment… ? Il ne laisse pas terminer que tout son corps lui répond que, oui, elle doit vraiment répondre à la suite. Je n’en sais rien répond-t-elle, froidement, vraiment peu encline à poursuivre cette discussion. Avec et sans la langue ? C’était probablement tout ce qu’il attendait et tout ce qu’il pouvait bien trouver d’intéressant sur le sujet. Casey, c’était décidé, se détachait complètement du sujet. L’aborder sous l’angle purement scientifique rendait le tout bien moins gênant et surréaliste.

Sans l’importance que Casey accordait aux paroles données, elle serait déjà loin à l’heure actuelle. Mais elle avait accordé une heure à Maxwell et ne reviendrait pas dessus, aussi éprouvant soit cette conversation. Alors qu’il lui explique ne pas être sensible qu’aux fortes poitrines, elle l’interroge sur ce qui le fait fondre, lui notifiant directement qu’elle ne faisait pas ça par intérêt personnel. Le Poufsouffle affiche une moue qu’elle interprète comme déçue mais qu’elle choisit de voir comme une plaisanterie de la part de Carter même si elle ne saisissait pas ce qu’il y avait de drôle derrière cela. Elle observe un silence parfait tandis qu’il se perd dans ses pensées, étudiant les infimes expressions qui passent sur son visage alors qu’il cherche quoi lui répondre. Brusquement, alors qu’il lui offre une réponse dans laquelle elle décèle bien de la sincérité, elle se montre encore plus attentive. Il abandonne pour un instant, un seul, son masque éternellement espiègle et Casey s’étonne de ce sérieux qu’elle décèle quelques secondes, tout au plus, au fond de son regard. L’humour, cela dénotait de tout ce qu’elle pensait de lui, et en même temps pas tellement : il était enthousiaste et toujours porté sur une certaine joie de vivre, il lui fallait effectivement quelqu’un qui puisse le comprendre et battre au même rythme que lui. Toutefois, elle se fait bien rapidement prendre à son propre piège alors qu’il lui retourne la question. À son tour de prendre le temps de la réflexion. Parce qu’elle ne s’était jamais posée la question. Que lui fallait-il pour tomber… amoureuse ? Je ne sais pas fait-elle finalement, avant de rabattre une mèche de cheveux derrière son oreille, son regard se perdant dans un rayonnage avant de se reposer sur son camarade de classe. Et ce n’est pas de la mauvaise volonté. Je n’en sais vraiment rien. La brune conserve son air impassible, mais au fond, elle se sent un certain vague à l’âme. Elle aurait bien répondu quelqu’un qui me comprenne entièrement mais c’était trop complexe et cela demandait d’expliquer trop de secrets pour qu’elle se permette de le dévoiler à Maxwell. Ce qui lui laissa un pincement au coeur, par contre, c’est cette réflexion que Brooklyn ne la comprenait pas. Il n’arrivait pas à saisir cette volonté de plonger toujours plus dans la magie et le monde qu’elle créait. Entre autres choses.

Ravalant ces idées sombres, Casey se concentre. Faire comme si ça n’était que de la théorie et rien la concernant directement, répondre aux questions, lui donner ce qu’il voulait pour ne pas qu’il insiste encore plus, et attendre que l’heure se termine. Cela lui demanda un effort important alors qu’ils abordent la question des baisers, mais malgré tout, la Serdaigle se plie au petit jeu qu’il semblait ravi de mettre en place. Repenser à ce baiser avec Zach n’avait jamais été quelque chose d’agréable, plutôt un souvenir qu’elle aurait été ravie d’oublier à tout jamais, mais le temps avait fait son oeuvre et l’avait atténué au point qu’elle parvenait à le commenter sans en ressentir la même gêne qu’à l’époque. Pour une fois, ils étaient sur la même longueur d’onde : sous l’effet d’une potion, cela ne comptait pas. Je n’ai jamais laissé entendre que c’était grave répliqua-t-elle d’une voix sans timbre, alors que Maxwell reprenait déjà son ton professoral.

Il l’interroge sur les divers types de baisers et elle consent à fournir une réponse assez primitive, mais elle semble convenir à Maxwell. Ou peut-être pas. Pas que ? Elle sentait qu’elle allait avoir droit à une liste des différentes manières d’embrasser. Bon, d’accord, elle n’avait pas pensé aux baisers sur le front, sur la joue, et autres, elle voulait bien concéder ce point-là au jeune homme. Non, qu’est-ce que le baiser lèvre-solo, Maxwell ? demanda-t-elle en retenant un soupir las. Il reste encore combien de temps ? fit-elle d’un ton absent, espérant qu’au moins la moitié du temps s’était déjà écoulé.

Casey fut reconnaissante à Maxwell de pas insister avec cette question qui lui laissait une bien étrange sensation au creux du ventre. Pas quelque chose de très agréable au demeurant, comme une prise de conscience dont on préférerait se passer. Sa gratitude est des plus éphémères : déjà le jeune homme passe à la suite, poursuivant sa leçon et enchaînant avec les rapprochements physiques et plus précisément les baisers. La brune détestait viscéralement les contacts physiques. Traumatisme tiré de son enfance qui avait construit son adolescence. Il commençait doucement à y avoir quelques exceptions : avec Carla, par exemple, il arrivait bien souvent que sa meilleure la prenne pas le bras pour l’entraîner à sa suite ; ou avec Brooklyn, qu’elle avait enlacé par deux fois. Quand on se souvenait de Casey quelques années plus tôt, on savait à quel point c’était un changement exceptionnel. Mais nous restions bien loin de contacts intimes. Et des années lumières d’embrasser qui que ce soit. Le seul baiser que la brune avait déjà échangé était lié à un philtre d’amour malencontreusement ingurgité et ce n’était pas un souvenir qu’elle aimait se rappeler. Autant dire que réitérer l’expérience n’était pas vraiment dans ses priorités à court ou à long terme.

Maxwell se frotte les mains au moment où elle lui dit ne pas savoir de quoi il parle. Il était vraiment des plus enjoués, c’était déstabilisant. Sans qu’elle ne puisse le retenir, un air effaré s’impose sur le visage de la brune, qui reprend bien vite contenance. Depuis quand faire l’aspirateur était d’un quelconque romantisme ? À chaque seconde, la jeune femme doutait de plus en plus des réelles compétences en séduction de Carter. De toute façon, elle comptait tout oublier de cette conversation aussitôt qu’elle franchirait les portes de la Bibliothèque, et il y avait une chose qui était certaine : c’était qu’elle ne mettrait jamais, jamais, ses conseils en application. J’en prends bonne note fit-elle, n’en pensant pas un mot.

Dans un soupir, elle questionne le temps qu’il reste et son camarade prend un air déçu pour lui répondre. Tu ne me fais pas chier. Disons plutôt que ta leçon n’est pas ce qui m’intéresse le plus. Elle tentait de se montrer diplomate mais il lui était difficile de ménager Maxwell quand elle ne pensait pas le moindre bien du discours qu’il tenait. Mais elle avait promis de faire un effort, et elle tiendrait cette promesse pour la demi-heure restante. Quand bien même elle craignait de plus en plus la suite. Enfin, poursuis fit-elle, regrettant presque aussitôt de l’encourager. Comme si il avait besoin d’elle pour cela ! Il revient aux baisers et l’informe sur l’existence de règles. Conserver un point de vue théorique, comme si elle apprenait une leçon pour les cours, c’était ce à quoi s’exhortait Casey en silence. Pourquoi continues-tu de me poser des questions alors que je n’en sais rien ? avoua-t-elle sans détour, plantant son regard bleu dans celui du jeune homme. C’était presque un souhait silencieux pour qu’il abrège ses souffrances. Mais, imperturbable, il hausse un sourcil, sourit un peu plus, et la pousse de nouveau à répondre à la question. Casey se passe deux doigts sur la tempe, au bord du désespoir. Ne pas baver, fermer les yeux… Tu dois sûrement avoir une liste en tête ? répondit-elle finalement, espérant que les images dans son esprit s’effaceraient sans attendre.

Sa franchise diplomatique semblait perturber Maxwell. Le but n’était pas de le blesser sciemment en lui annonçant que son cours était le pire auquel il lui avait été donné d’assister car, si c’était vrai dans le fond, il était plus bon dans la forme : communicatif et obstiné, il ne se laissait pas démonter par le manque d’intérêt de son élève et ne se liquéfiait pas face à ses regards de glace. Néanmoins, Casey avait hâte que cela soit terminé. Carter était un camarade qu’elle pouvait apprécier : sympathique, pas une once de méchanceté en lui, il respirait l’amabilité et la gentillesse, mais aussi, et malheureusement, la lourdeur et le charme gras de bien des adolescents.

Enfin, elle lui avait accordé une heure et une heure entière, ils pouvaient donc poursuivre, quand bien même elle aurait donné cher pour avoir une bonne raison de s’éclipser. D’autant plus que la conversation déviait, lentement mais sûrement, des intérêts sentimentaux aux rapprochements physiques. S’ils n’en étaient qu’aux baisers pour l’instant, elle redoutait ce qu’il adviendrait par la suite. Casey n’avait peut-être jamais eu de relation amoureuse et n’avait jamais embrassé qu’un vieil ami sous l’effet d’un philtre d’amour, elle n’était pourtant pas sotte au point de ne pas savoir ce que la plupart des élèves de son âge appréciaient faire entre eux.

Retenant un soupir à la question du Poufsouffle, elle se fend d’une interrogation à voix haute : pourquoi diable continuait-il de lui en poser alors qu’il voyait bien qu’elle n’avait pas la moindre idée de réponse ? Il marqua un point et elle le lui concéda d’un léger mouvement de la tête. Effectivement, participer rendait sa leçon plus vivante, mais était-ce vraiment une bonne chose ? Au moins, à l’écouter parler sans s’arrêter, elle aurait pu se retrancher dans des pensées bien lointaines et n’écouter que d’une oreille tout sauf attentive. Il ne lui en laissait pas l’opportunité en l’assaillant de questions, et Casey n’était pas certaine que ce soit le fruit du hasard. Il n’était pas aussi stupide qu’il en avait l’air au premier abord. Son intelligence à lui était sûrement plus sociale qu’intellectuelle, encore que, sur le premier point, il y avait des axes d’amélioration vu comme il semblait aborder ses relations avec le sexe opposé.

Alors, elle tente quelques éléments de réponse sur ce qu’il faut à tout prix éviter lors d’un baiser. Était-elle complètement hors-sujet ? Elle n’avait pas moyen de le savoir. Si cela lui semblait logique de fermer les yeux et de ne pas complètement baver sur son partenaire, elle était prête à s’attendre à tout avec Maxwell et à s’entendre dire des choses aberrantes. D’accord, elle pouvait concevoir ses premiers propos. Se cogner les dents ne devait rien avoir de très agréable, mais cela lui donnait plus l’image d’un coup de tête que d’un baiser. Un instant, une image se superposa aux propos du Poufsouffle mais la brune l'anéantit bien vite, ne préférant pas trop imager cette histoire de une fois à gauche, une fois à droite, puis un tour complet. Son regard polaire, qui ne cille pas un instant, lui offre une réponse muette à son exhortation : non, elle n’allait pas prendre cela en note. Néanmoins, parce qu’elle n’avait pas envie de le vexer plus que de nécessaire, elle rajouta : Je saurais m’en souvenir. Elle oublierait tout aussitôt qu’elle quitterait les lieux, c’était plus probable.

La suite lui arracha quelques secondes de réflexion pensive. Ils quittaient les rapprochements physiques pour revenir aux sentiments. Du moins, à la partie émotionnelle d’une relation. Si la suite était toujours à craindre, Casey fit cependant un effort pour ne pas s’y projeter. Il lui semblait évident que deux personnes n’étaient pas en couple parce qu’elles venaient de s’embrasser, mais pouvait-elle gager que Maxwell était aussi précautionneux ? Il faut en parler, un baiser n’engage à rien. Ou plutôt, considérer qu’embrasser une personne signifie être en couple avec elle ne devrait pas être une option. Si elle se basait sur ses propres émotions, elle n’embrasserait évidemment jamais personne s’il n’y avait pas de sentiments derrière. Mais elle connaissait trop bien ses camarades et leurs jeux en tout genre pour ne pas être certaine que c’était différent chez bien des adolescents.

Maxwell semblait ravi de sa réponse et la brune s’interrogea sérieusement : qui pouvait être assez bête ou prétentieux pour croire qu’un simple baiser était synonyme de couple ? Peut-être était-ce de par son vécu qu’elle s’interdisait cette pensée raccourcie, mais il lui semblait logique que deux personnes devaient parler avant que l’une d’elle affirme être le partenaire de l’autre. Sans que la fille non plus souligna-t-elle, en haussant un sourcil. Casey l’avait bien compris, pour Carter, le monde n’était composé que de garçons avides d’aventures et du sexe opposé, et de filles qui ne pouvaient en désirer autant. Peut-être grossissait-elle un peu le trait et qu’il ne parlait que de son prisme à lui, celui d’un jeune adolescent dont les hormones conduisaient à bien des comportements puérils, mais tout de même. La nuance lui sembla importante, sur l’instant. Hormis ce détail, elle acquiesça légèrement à ses propos, quand bien même elle ne se reconnaissait pas vraiment dans ces autres qui échangeaient salive et baisers à cause d’une euphorie adolescente. Mais ce n’était pas parce qu’elle ne le vivait pas qu’elle ne l’avait jamais vu de ses propres yeux : Poudlard était un antre à hormones en ébullition.

Le regard de Maxwell planté dans le sien, il lui proposa de poser une ou deux questions, et la Serdaigle éprouva un soulagement immense à l’idée que tout cela soit bientôt terminé. L’heure arrivait à sa fin et l’échéance était proche. Néanmoins, elle ne s’attendait pas à ce qui suivit. La prochaine fois ? Quelle prochaine fois ? Pourquoi pensait-elle qu’elle accepterait une prochaine conversation de ce genre ? Effaçant cet air interloqué qui s’était emparé de son visage pendant quelques secondes, elle se frotte les paupières, comme pour effacer le poids qui pesait sur elles.

Je n’ai pas de questions, tu as été très clair affirma-t-elle finalement, ne comprenant pas que le jeune homme attendait d’elle qu’elle se montre bonne élève et s’interroge plus que nécessaire sur le cours qu’il venait de dispenser. S’il savait, à quel point il allait la faire cogiter, dans les jours à venir… mais de ça, elle même n’en savait rien, persuadée que cette discussion n’aurait pas la moindre incidence sur son quotidien. Attrapant la lanière de son sac, Casey se leva, Maxwell l’imitant, une déception fugace sur ses traits face à la mauvaise volonté de son élève. C’était peut-être une pointe de culpabilité ou alors un besoin de faire de cette heure autre chose qu’une perte totale de temps, mais la brune s’arrêta dans son élan pour le gratifier de quelques mots : Tu joues au plus idiot et au garçon superficiel, mais tu as l’air d’être quelqu’un de bien, Maxwell Carter. Tu gagnerais à être connu autrement que comme le coureur de jupons un peu bête qu’une partie de l’école voit en toi. Ce n’était que son point de vue, peut-être lui rirait-il au nez et elle reviendrait à son idée première qu’il était une cause perdue. Ou du moins, qu’il souhaitait l’être. Probablement n’avait-il pas envie de grandir et se berçait-il de l’insouciance que lui assurait un tel comportement, mais Casey en était persuadée, il y avait plus que ces airs d’imbécile goujat. Avec un faible sourire, comme pour le remercier alors qu’elle n’avait pas apprécié la moindre minute de ce cours étrange, elle quitta la Bibliothèque, retrouvant la fraîcheur du couloir, sans se rendre compte qu’elle n’avait même pas refusé en bloc un prochain cours, tant il lui était évident qu’elle n’en voulait pas.

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