Hilary n’en revenait pas. Oncle Ben, à Poudlard. Oncle Ben était à Poudlard et il ne l’avait même prévenue ! Elle n’arrivait pas à en revenir. Les vacances s’étaient terminées le plus tranquillement du monde. Elle avait gagné un an en décembre, ils avaient fêté Noël et le Nouvel An dans la Grande Salle et tout ce sur quoi Hilary était concentrée, c’était le tout premier match de Quidditch qu’ils allaient disputer. D’autant plus qu’ils affronteraient Poufsouffle et vu comment elle s’était un peu vendue devant Jade la dernière fois qu’elles en avaient parlé, Hilary se voyait très mal perdre ce premier match. Mais en même temps, ça lui apprendrait de se vanter comme elle l’avait fait. Et puis, Hilly attendait aussi la réaction d’Eliana quant à son cadeau d’anniversaire. Enfin “cadeau”, c’était vite dit ! Mais Hilly avait fait de son mieux pour lui faire un bonhomme de neige à la hauteur. Elle était descendue dans la Grande Salle avec sa meilleure amie, d’ailleurs. Et elles avaient assisté au discours de la directrice ensemble. Et c’était à ce moment-là qu’elle s’était rendue compte qu’Oncle Ben était attablé avec les autres professeurs… La tête blonde avait vraiment eu du mal à y croire ! Mais elle n’avait eu aucun moyen de le confirmer directement. Ils avaient dû remonter dans leur chambre après le repas, pour aller se coucher et se préparer pour la reprise des cours le lendemain. Mais Hilly avait mal dormi. Déjà parce que le match n’allait pas tarder, hein, et parce que flûte quoi ! Oncle Ben ! C’était bien Oncle Ben, pas vrai ?

Elle y avait pensé toute la journée. Incapable de se concentrer sur un cours. Elle hésitait. Et si tout ça n’était qu’un rêve ? Que ce n’était pas vraiment lui, mais juste quelqu’un qui lui ressemblait ? Et puis, qu’est-ce qu’il ferait à Poudlard, de toute façon ? Ça l’avait rendue triste d’avoir autant espéré pour quelque chose qui n’était peut-être, finalement, pas vrai. Elle l’avait tellement attendu, au Bal. Elle avait voulu qu’il soit là, et qu’il vienne pour les aider, et qu’il l’emmène loin de la fumée et des rires et… et qu’ils retournent ensemble à Whitby, près de la mer. C’était parfait, la mer. On y était pas enfermé parce qu’on avait une étendue d’eau à perte de vue. Il y avait pas d’incendie parce que les éléments ne s’entendaient pas ensemble. Mais il n’était pas venu. C’était pas grave. Hilly se faisait une raison de plus en plus facilement, avec l’âge. Les miracles n’arrivaient pas en claquant des doigts. Et pourtant… Pourtant elle voulait y croire. Parce que si c’était Oncle Ben ! SI c’était bien lui !

À la fin de la journée, lundi, premier jour de reprise, pas de temps à perdre. Hilly avait dit à Eliana de remontait au dortoir sans elle. Les devoirs attendraient. Tout attendrait. Il y avait plus important ! Hilly avait tenté de capter son regard, pendant le repas, de trouver un indice ou autre chose pour lui dire qu’il s’agissait bien de Benjamin Duncan, l’homme qui habitait juste à côté de chez eux. Mais chaque fois, Hilary avait douté. Alors le meilleur moyen pour en avoir le coeur net était encore d’aller le voir directement. Pas le temps de faire un saut dans son dortoir. Pas le temps de finir son repas entièrement. Dès que le garde-chasse eut quitté sa table, Hilary trouva une excuse pour en faire de même. Maintenant, il ne lui restait plus qu’à se rendre à la cabane. Elle ne devait pas être loin de la Forêt, ou même de l’ancienne cabane de l’ancien concierge. Peut-être qu’elle arriverait à le rattraper sur le chemin ? Enfin, ça, c’était ce qu’elle pensait, mais l’adulte avançait tout de même plus vite qu’elle. Alors Hilly courra. Elle courra à s’époumoner pour arriver à la cabane du garde-chasse. Il y avait de la lumière. Bonne nouvelle ! Pendant un instant, elle voulut même lui envoyer un message en morse, pour s’assurer qu’il s’agissait bien de lui. Après tout, c'était encore le meilleur moyen qu’elle connaissait pour se faire ! Mais une baguette était beaucoup moins pratique qu’une lampe. Alors à la place, elle fit une chose plus simple : elle toqua. « Oncle Ben ? »

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Avait-on répondu à ses prières ? Dieu gardait-il toujours un oeil sur elle ? Est-ce que sa marraine la bonne fée lui faisait grâce d’un petit bonheur dans sa petite vie malheureuse ? Hilary courait à en perdre haleine, tentant de trouver la réponse à ses questions. Qui avait été responsable de ce miracle ? Qui devait-elle remercier pour une telle chance dans son existence ? La tête blonde avait le coeur gros comme une montagne. Elle aurait pu remercier le ciel et la terre en même temps, prier Dieu à n’en plus finir et rester prostrée à sa fenêtre pour transmettre ses remerciements à la première étoile du soir. Elle ne savait pas quand un autre miracle se produirait dans sa vie, ou s’il y en aurait tout simplement un autre. Mais la tête blonde s’en fichait bien. C’était pas important. Ce qui était important, là, tout de suite maintenant, c’était le miracle qui s’était produit aujourd’hui et qu’elle ne voulait pas laisser filer et qu’elle voulait vérifier et qu’elle allait vérifier et… O, Seigneur Tout Puissant, s’il s’agissait bien de lui… Hilly avait des tonnes de choses à lui dire, des tonnes d’idées de ce qu’elle voulait faire avec lui, des tonnes d’envie pour passer du temps avec lui. Tout ce qu’elle ne pouvait pas faire en quatre semaines top chrono en revenant sur Whitby pour deux pauvres semaines avant et après le voyage scolaire… tout ça, c’était désormais possible. Peut-être ? Fallait-il encore le vérifier. Hilary courait. Elle courait sans s’arrêter, quitte à se fouler une cheville ou deux sur le chemin. Tant pis ! Ça ne l’arrêterait pas. Chaque foulée la rapprochait de la cabane du garde-chasse. Pourquoi garde-chasse d’ailleurs ? Oh, était-ce vraiment là l’important ? Quand elle y pensait, garde-chasse, ce n’était peut-être pas si mal pour Oncle Ben. Ce vieil ours mal léché, comme aurait dit Willem.

Elle était prête à voir apparaître un véritable ours, qui lui ouvrirait la porte, lunettes sur le museau, l’air grognon pour avoir été dérangé alors que sa famille dormait dans des lits de tailles proportionnelles et qui lui demanderait pourquoi une gamine aux boucles d’or venait les déranger à cette heure-ci. Ce n’était pas le bon conte, peut-être, mais cela restait drôle dans sa tête. Mais l’heure n’était pas aux rigolades. Essoufflée par la course, crier lui était impossible. Un appel en morse lui semblait compliqué. Il ne lui restait plus qu’une solution simple, mais bien plus normale : toquer. Hilary toqua et, d’une petite voix, appela Oncle Ben pour qu’il sorte de là, qu’il vienne lui montrer son visage et lui confirmer qu’il s’agissait bien de lui. Hilary trouva le temps horriblement long à mesure qu’elle entendait des pas lourds approcher de la porte. Et puis, finalement, la porte s’ouvrit, laissant place à un homme bien trop grand à son goût pour elle qui était déjà un peu plus grande que la moyenne. La tête blonde avait la tête baissée, effrayée d’avoir tort et terrifiée d’avoir raison. Que se passerait-il, si elle s’était trompée ? Elle avait commencé à relever la tête, toute timide qu’elle était, mais quand elle entendit cette voix grave si familière l’appeler par son prénom, le doute s’envola bien rapidement et ses yeux se dépêchèrent de rejoindre ceux de l’homme qu’elle avait appris à accepter dans sa famille. Dieu, oui, il s’agissait bien de lui ! Pourtant… Hilary aurait voulu lui dire mille choses, faire mille choses, et pourtant, pourtant rien ne venait.

Oncle Ben l’invita à entrer. La jeune fille avança avec plus deux pieds gauches qu’un pied devant l’autre, tête un peu baissée, encore un peu épuisée, mais également impressionnée et curieuse de l’endroit dans lequel elle entrait. Elle n’était jamais venue dans la cabane du garde-chasse, auparavant. Enfin… elle avait connu un garde-chasse. Qui portait des lunettes de soleil en intérieur. Qui pouvait comprendre le morse également. Peut-être que c’était un pré-requis pour être recruté ? Elle en doutait un peu, mais ce serait plutôt sympa. Dans tous les cas, une telle cabane, proche de la Forêt et pas si proche du lac, ça lui faisait penser à la véritable maison d’Oncle Ben, à Whitby, et en même temps, c’était tout le contraire… Elle jeta un regard à l’adulte. C’était bien lui. Mais en même temps, le retrouver dans un contexte tellement moins familier que d’habitude...C’était bizarre. C’était déconcertant. Elle ne savait pas quoi faire. Qu’est-ce qu’elle pouvait dire ? « Dis, tu… » Ah. Non. Elle ne savait pas comment finir cette phrase. Il suffisait que leurs regards se croisent pour qu’elle finisse par faire ce qu’elle faisait à chaque fois qu’elle le voyait leur rendre visite pour dîner : lui sauter dans les bras. À la seule différence qu’elle n’était plus vraiment une enfant et qu’elle pleurait un peu. En même temps, Hilary n’arrivait vraiment pas à y croire, et maintenant qu’elle était devant le fait accompli, c’était une sorte de soulagement immense de le savoir ici. C’était comme si une insécurité venait de s’envoler. Il était là maintenant. Alors tout irait bien. C’était une certitude. Mais pourquoi il était là déjà ? « Tu… Tu m’as pas dit que tu venais à Poudlard… » renifla-t-elle un peu.

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La chaleur de la cabane du garde-chasse lui rappelait combien l’extérieur était gelé. C’était l’hiver, après tout, dehors, rien de moins étonnant que ça, mais Hilary avait tout oublié du froid dans sa course effrénée et maintenant qu’elle ressentait la différence, elle se souvenait, qu’effectivement, janvier était à l’extérieur et prenait possession du parc. Les basses températures ne lui avaient jamais fait peur, surtout quand on habitait en bord de mer - il ne fallait pas être frileux, et ils ne l’étaient ! Tout de même, cette cheminée et l’étreinte de son oncle préféré lui faisait plus que du bien : ça lui réchauffait le corps autant que ça lui réchauffait le coeur. Pas très loin de là, il y avait le cadeau d’Eliana : un bonhomme de neige fait avec les moyens du bord, comme elle n’avait pas d’argent, afin de tout de même offrir quelque chose à sa meilleure amie pour Noël et son anniversaire. Dire que son cadeau, à elle, s’était trouvé juste à côté également. La tête blonde aurait rendu toutes les dragées surprises et autres joyeusetés offertes par Oncle Ben et Willem pour s’assurer que le garde-chasse ne repartirait pas le lendemain et qu’il ne s’agissait pas d’un rêve. Elle resserrait son étreinte dans ce but : plus elle serrait fort, plus elle se rendait compte qu’il était bien réel, avec elle, sur le même plan spatial et temporel. Le meilleur moyen, pour elle, d’imprimer les informations, passait avant tout par le toucher, alors c’était ce qu’elle faisait. Elle s’assurait qu’Oncle Ben était bien tangible sous ses doigts. Elle l’entendait pleurer, également. Des larmes de joie, comme elle. Rien d’étonnant. Elle en pleura encore plus, probablement parce que toute la crainte du bal de Noël remontait et s’extériorisait par la même occasion. Dieu qu’elle avait eu peur, même si elle n’avait rien montré pendant les vacances ! Hilly n’aurait pas aimé mourir sans revoir sa famille, alors elle était plus qu’heureuse d’avoir l’un de ses membres à portée de main.

L’adolescente qu’elle était depuis peu en âge s’écarta de l’homme qu’elle considérait comme de sa famille pour lui exprimer sa surprise de le savoir à Poudlard aujourd’hui. Elle en était très heureuse, bien sûr ! Mais également très surprise, car c’était bien la dernière chose à laquelle elle se serait attendue, même dans ses rêves les plus fous. Hilly n’attendait même une réponse incroyable et détaillée. Un simple « pardon », « non, c’est vrai » ou « oui, je le reconnais » lui aurait suffit honnêtement. Elle était bien trop contente pour chipoter sur des détails ! Mais Oncle Ben lui donna tout de même une réponse sérieuse et un minimum développée. Il ne la prenait pas pour du beurre et il tenait à elle. La tête blonde n’avait pas besoin de plus. « C’est pas grave » lui dit-elle alors qu’il s’excusait - il y avait bien pire dans la vie que ça. « Je suis super contente aussi » lui sourit-elle. En même temps, elle ne voyait pas comment elle aurait pu ne pas l’être. Il était venu pour elle, rien que pour elle, et ça lui faisait chaud au coeur. Évidemment que sa présence aurait été encore mieux le jour du Bal, mais elle n’allait pas le blâmer pour ça. Sûrement pas ! Elle avait trop peur de le faire fuir.

« Et tu comptes rester longtemps ? » demanda-t-elle, un peu d’inquiétude dans la voix. Parce qu’elle avait peur. Oui, Hilly avait peur ; peur de le voir repartir aussi vite qu’il était venu, peur qu’il l’abandonne sans un regard en arrière et qu’elle n’ait que son dos comme dernière image de lui. Elle ne le voulait pas. Elle ne le voulait plus ! Hilly aurait aimé savoir, également, si Willem était au courant, mais en y réfléchissant bien, il était difficile de penser qu’Oncle Ben était encore à Whitby. Willem le saurait, si jamais il n’avait pas été prévenu. Il était intelligent, lui, alors il n’y aurait pas de soucis.Hilary aurait bien aimé l’avoir à ses côtés également, pourtant, mais… Non. Elle ne voulait pas de Willem dans ce monde. Oncle Ben c’était encore autre chose. Elle se doutait bien qu’il avait réussi à prendre le poste pour une bonne raison. Il n’avait pas triché. Comment aurait-il pu tricher ? Il fallait qu’elle arrête de trop réfléchir, elle se refaisait des noeuds dans la tête. Profite de ton bonheur, petite Hilly, avant qu’il ne parte trop vite. « La mer ne va pas te manquer ? Elle me manque terriblement. C’était difficile la toute première année. Ils ont un tout petit lac comparé à Whitby. » Elle reconnaissait cette bulle de familiarité, même si l’environnement était différent. Alors Hilly parlait, parce qu’elle était avec une personne de confiance pour l’écouter.

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C’était comme un rêve éveillé, actuellement. Hilary aurait pu rester des heures dans les bras d’Oncle Ben et laisser ses souvenirs divaguer sur les flots du temps pour se remémorer tous les moments où ils avaient eu la même position, à Whitby, dans le salon, en grande discussion avec tout le monde, une discussion plus adulte qu’autre chose, mais comme Hilly s’endormait facilement dans ces moments-là et qu’elle se souvenait somnoler, cela ne gênait personne et tout le monde était heureux. Ce genre de soirée qui rappelait Noël même quand il n’était pas Noël. Aujourd’hui, c’était un peu pareil, deux membres de la famille en moins, malheureusement, mais avec une magie similaire. Hilary se contentait de nager dans le bonheur, pour le moment, en ne posant aucune question qui fâche, en oubliant qu’elle allait devoir repartir, à un moment ou un autre, pour retourner dans son dortoir incognito. Tout ça ce serait plus tard. Ce qui importait, tout de suite, c’était qu’Oncle Ben était là, que c’était le nouveau garde-chasse et qu’il était parti pour rester un petit moment, comme il le disait lui-même. HIlary lui lança un grand sourire, soulagée de savoir qu’il n’avait pas prévu de partir aussi vite qu’il était venu. Cela voudrait dire qu’elle allait pouvoir le voir très souvent, à partir de maintenant. Enfin… la tête blonde ne se doutait pas encore que l’adulte en face d’elle voulait faire attention à tous les détails notamment le fait qu’ils se connaissaient, mais tant pis. C’était encore que le début, et les débuts, ça se savourait comme une première cuillère de mousse au chocolat ou comme la première dragée surprise du paquet. « Tant mieux » fut tout ce qu’elle trouva à dire. Elle ne voulait pas paraître égoïste, mais le savoir juste à côté la rassurait énormément, et qu’il soit pour elle ou non, ça lui importait peu. Il était là, c’était le principal à savoir.

Mais le savoir ici, et pas à Whitby, forcément, ça la rendait un peu triste aussi. Hilary savait ce que ça faisait, de partir loin de la maison. Elle se souvenait très bien de sa toute première année à Poudlard, et même si elle n’en avait pas parlé, Oncle Ben et Willem devaient s’en souvenir également, puisqu’elle l’avait redoublée. Pourtant, franchement, ce n’était pas les cachots qu’elle retenait le mieux. C’était l’absence du paysage qu’elle voyait depuis sa fenêtre de chambre et de l’abbaye en ruine et de l’église qui l’avait surtout marquée. Et puis la mer, Dieu, la mer. Pour des êtres aussi attachés à l’eau qu’ils étaient, se retrouver un tout petit lac de rien du tout, ça faisait mal. C’était comme réduire une partie de son coeur ou que ce dernier soit sectionné d’un bout. Insupportable. Et encore, Hilly n’avait jamais vogué loin des côtes et n’était monté que de rares fois sur les bateaux de pêche. Pour un pêcheur comme Oncle Ben, elle n’osait imaginer la chose. Il lui confia exactement ce qu’elle imaginait : le manque horrible, l’impression de s’être fait floué, d’avoir troqué une merveille pour un vulgaire caillou. En tout cas, c’était comme ça que l’adolescente le comprenait. « J’ai encore du mal à m’habituer en vrai. » Un an c’était une bonne moyenne pour accepter la dure réalité, mais c’était tout. Et dans les moments difficiles, c’était encore plus dur. Mais Hilary espérait qu’il n’y aurait plus de moment difficile avec Oncle Ben dans les parages. En fait, elle espérait même qu’ils puissent partager leurs souvenirs de Whitby comme ils partageaient leur peine, afin de faire comme si ils y étaient encore un peu avant d’y retourner, oui. « Évidemment qu’on y retournera ! C’est là-bas qu’on habite. » La mention de Willem la fit bien rire, en réalité. « J’suis sûre qu’il est bien content, en vrai. Il doit se prendre pour le roi du monde, tout seul dans son phare. » Mais ce serait mentir que de dire qu’il ne lui manquait, lui aussi, parfois. Ça restait son frère, après tout.

Après cette longue étreinte, Hilary se décida enfin à s’installer correctement sur une chaise. La cabane était immensément grande, et même si Oncle Ben avait parfois l’apparence d’un véritable ours des caverne, cette hutte restait encore bien trop grande pour lui, mais tant pis. C’était comme ça qu’était la cabane du garde-chasse. « Tu vas faire quoi maintenant, si tu peux plus pêcher ? J’avais déjà parlé à un garde-chasse avant, mais j’avais pas très bien compris ce qu’il devait faire à l’époque. » C’était un rôle plutôt discret, à Poudlard, après tout. Même le concierge, on le voyait plus souvent, dans le château.

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Whitby c’était tout son monde et ça avait été tout ce qu’elle connaissait la toute première fois qu’elle était venue à Poudlard. Encore maintenant, ça restait une grande partie de sa vie même si elle ne pouvait rentrer que pour quatre pauvres semaines pendant les grandes vacances - question d’économie, comme toujours. En fait, c’était même plus intense comme ça, mais tout aussi frustrant. Il fallait qu’elle profite de tout au maximum, qu’elle fasse tout ce qu’elle aimait faire et même plus encore, qu’elle parte courir dans les rues et vagabonder dans les ruines, qu’elle passe du temps avec son frère et aussi du temps toute seule, qu’elle passe tremper ses pieds et voir les mouettes quitte à regretter ne pas être sur un balai, qu’elle monte dans le phare de son frère avec les autres touristes pour imprimer une nouvelle fois la vue dans sa mémoire, et qu’elle recharge sa jarre à souvenirs le plus possible. C’était court, quatre semaines, et parfois elle manquait d’énergie pour faire ce qu’elle voulait, mais Hilary tentait quand même de tout faire, parce qu’un an à Poudlard, c’était long, et sans ses souvenirs de Whitby dans la jarre, c’était encore plus long. Parfois, il lui arrivait même de se demander si son imagination ne lui jouait pas des tours ou si elle n’inventait pas des choses, mais peu importait que ce soit vrai ou non, ses souvenirs de Whitby étaient son petit trésor à elle. À eux, désormais. La tête blonde se voyait déjà partager tous les bons côtés de la ville côtière avec Oncle Ben pour faire vivre ces souvenirs si chers à leur coeur. À deux, ce serait peut-être plus supportable.

Et puis, s’ils devaient y trouver un avantage à tout ça, c’était probablement pouvoir parler de Willem dans son dos sans que ce dernier ne puisse y trouver quelque chose à redire - il avait cette incroyable capacité à toujours être là quand son nom était invoqué dans une conversation… Très effrayant. Il en aurait sûrement les oreilles bourdonnantes, mais au moins, ils n’étaient pas en train de dire du mal de lui ; c’était même tout le contraire. « Un ascenseur ? Et il compte faire comment ? “fin, c’est pas un petit phare non plus, mais ça doit être compliqué à mettre en place. Mais ce serait cool, ça c’est sûr ! » Son frère pensait vraiment à tout. Sûre qu’il aurait été un Serdaigle s’il avait été sorcier, mais il n’était que le simple responsable d’un phare. Plus Hilary grandissait, plus elle regrettait que son frère ne soit… pas plus que ça. Il méritait plus. Il pouvait être plus. Mais il se contentait d’un phare, d’une plage, et d’une ville. Hilary n’allait pas s’en plaindre si même Willem ne s’en plaignait pas, mais dans une vie parfaite, elle l’imaginait bien accomplir des choses plus qu’incroyables. Déjà, le premier phare de la région avec ascenseur ! Son frère créait des exploits ! Et le connaissant, il allait réussir à trouver les financements d’une façon ou d’une autre. Il était comme ça, son frère adoré. Comme un super-héros. Et il lui manquait beaucoup aussi. « Tu penses que ça lui ferait plaisir de recevoir une lettre de notre part de temps en temps ? » Hilly hésitait toujours à lui en envoyer une. Soit il serait trop occupé, soit ça ne l’intéresserait pas. Elle ne savait pas. C’était pareil avec Oncle Ben, mais avec lui, au moins, elle pouvait lui dire merci pour ses anniversaires et Noël et la Nouvelle Année aussi. Avec Willem c’était encore assez ambigu, mais elle continuait de garder espoir.

La tête blonde se demandait ce qu’Oncle Ben allait bien pouvoir faire, désormais, en tant que garde-chasse, sans son bateau et ses filets de pêche et… sans la mer. Elle l’imaginait mal prendre un petit bateau des premières années pour aller pêcher dans le lac. Il ne devait pas y avoir beaucoup de poisson. Ou alors si, mais également beaucoup de créatures marines dangereuses. Et il ne fallait pas oublier le fameux calamar géant qu’Hilary n’avait encore jamais vu. Mais non, il ne s’agirait rien de tout ça. Juste s’occuper du terrain extérieur et de la forêt. C’était beaucoup pour un seul homme, mais comme il s’agissait d’Oncle Ben, elle ne doutait pas qu’il en serait tout à fait capable ! Et qu’il le ferait super bien en plus ! « Ooooh ! Comme un majordome. Je pourrais venir t’aider ? » Genre… pour arroser les fleurs. Elle en était tout à fait capable, elle aussi. Et ils pourraient passer du temps ensemble. Par contre… elle avait un peu peur, tout de même. Enfin, elle ne doutait pas d’Oncle Ben, jamais. Et elle ne savait même pas à quel point il était bon sorcier ou non - après tout, elle l’apprenait tout juste qu’il était sorcier. Mais Hilary craignait quand même pour lui. Après tout, la forêt abritait de nombreuses créatures dangereuses et… Enfin, les Loup-Garous existaient, nom de nom ! « Ils vont pas te demander de faire des trucs trop dangereux au moins, hein ? » demanda-t-elle au bout d’un moment. La tête blonde était contente de savoir qu’il n’allait pas repartir de si tôt, mais si c’était pour mourir dans la semaine, elle préférait encore le savoir à Whitby qu’ici.

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Une chose lui faisait peur : revenir et découvrir que le Whitby qu’elle connaissait n’existait plus. Elle se souvenait de cette peur, tout d’un coup, avec la mention de cette ascenseur et de cet exploit - premier ascenseur de la région, par le Seigneur ! Les choses changeaient et continuaient d’avancer, même sans elle. Et, c’était bien normal, en vérité, que les choses changent et évoluent. Hilary n’était pas Dieu - qu’on lui pardonne cette idée incongrue. Qu’elle soit en vie ou non n’allait pas empêcher le monde de tourner, pour quiconque. Mais, tout de même… Elle ne voulait pas que tout change trop vite. Elle ne voulait pas que l’endroit qu’elle considérait sa maison ne lui devienne étranger et hostile, tout d’un coup, juste parce qu’elle n’était pas là pour témoigner de son changement. Si cela ne tenait qu’à elle, elle serait là, bien sûr ! Hilary ne demandait que ça, voir sa ville changer, et pour le meilleur si possible ! Mais elle ne le pouvait pas. Chaque année, il y avait de nouveaux touristes, de nouvelles façons de les attirer… Aujourd’hui, Willem construisait un ascenseur. Demain, elle apprendrait que l’abbaye en ruine serait reconstruite. Oh, si elle pouvait supplier pour une chose, ce serait bien ça : que personne ne touche à cette abbaye. Jamais. Elle adorerait la voir dans ses plus belles années, mais Hilly connaissait une abbaye en ruine, une abbaye où la nature reprenait ses droits. Jamais elle ne voudrait qu’on y touche. Elle avait trop de souvenirs avec l’abbaye dans cet état pour être prête à la voir dans une autre.

Parfois, il valait mieux que les rêves ne restent que des rêves… Pour que les cauchemars ne prennent pas exemple et deviennent réels à leur tour. Mais, pour Willem, un ascenseur n’était pas qu’un simple rêve ; c’était un objectif à accomplir. Hilary en était persuadée. Il allait y arriver, d'une façon ou d’une autre, et comme Oncle Ben la prévenait, elle arriverait à s’y faire si cela arrivait vraiment. En parler, c’était déjà comme concrétiser la chose. C’était un nouveau Whitby dont ils se faisaient le portrait, tout en se remémorant l’ancien. C’était très étrange, mais comme il s’agissait des projets de son frère, cela faisait sourire la tête blonde qui n’en parlait jamais avec personne. Avec qui pourrait-elle bien parler de son grand frère trop intelligent pour son propre bien, de toute façon ? Personne à part Oncle Ben, pour sûr. « Ah, oui, je comprends. Moi aussi j’y tiens, à cet escalier ! » Un ascenseur en extérieur et un escalier qui restait entier… Il n’y avait vraiment que Willem pour avoir des visions aussi absurdes. Dieu qu’il lui manquait, son frère. Elle ne s’était jamais sentie plus bête que jamais à ses côtés, mais c’était quand même lui qui l’aidait à devenir plus intelligente tous les jours. Ils ne se parlaient peut-être plus autant qu’avant, et elle avait peur que son frère lui en veuille toute sa vie entière, mais elle l’aimait toujours autant et… Oui, si c’était possible, elle aimerait lui envoyer des lettres plus souvent. Avec Oncle Ben en plus. Ils écriraient la lettre à deux et lui transmettreraient tout leur amour ensemble. Elle voulait faire ça. Elle voulait tellement le faire, surtout maintenant qu’Oncle Ben lui disait que son frère s’inquiétait sincèrement pour elle ! C’était un tel soulagement, en vérité… Ils étaient toujours frère et soeur, comme avant. Même peut-être plus qu’avant. « On fera ça ensemble, alors. » Et le jour de son anniversaire à lui, elle lui ferait la plus belle carte qu’il n’ait jamais vu.

Mais assez parlé de Willem. Hilary voulait en savoir plus sur Oncle Ben désormais. Ce n’était pas vraiment qu’elle avait l’impression de ne plus le connaître, mais qu’elle pouvait le connaître encore mieux maintenant qu’il était à Poudlard. Il lui avait caché sa capacité à faire de la magie, et elle ne lui en tenait pas rigueur, donc il devait avoir encore plein de secrets rien que pour lui. Elle le trouvait déjà incroyable ! Il savait naviguer, faire des noeuds comme personne, lancer des sorts… Que savait-il faire encore ? Et qu’allait-il devoir faire dans cette école, maintenant qu’il était devenu garde-chasse ? Elle voulait tout savoir. Et sachant tout, elle voulait l’aider. Et s’assurer qu’il ne court aucun danger non plus. Si l’école l'employait pour les tâches ingrates et dangereuses et qu’il finissait gravement blessé à cause de ça… Hilary ne voudrait jamais revenir à Poudlard, c’était certain. Mais Oncle Ben devait la prendre comme une simple gamine et une mine boudeuse apparut sur son visage quand il lui demanda comment les cours se passaient. « Ça se passe. » Comme des cours quoi. Même si… « On apprend des choses trop bien en cours d’étude des moldus, et j’ai trop envie de parler d’arithmancie avec Willem quand on rentrera ! » Et puis, il y avait toujours astrologie et le cours de vol, ce qui n’était pas trop mal. Vraiment, les débuts avaient été pires que ça. Peut-être qu’elle finissait par vraiment s’améliorer, avec le temps. OH ! D’ailleurs, en parlant de cours de vol. « Eh, dis, tu pourras venir aux matches de Quidditch ou pas ? Je t’en avais parlé, hein ? Je suis encore dans l’équipe cette année. Et on a un match en janvier, dans pas longtemps ! » Elle savait déjà qu’Eliana serait là, mais si Oncle Ben venait aussi les voir, ce serait incroyable !

Codage par Libella sur Graphiorum

Les mots d’Oncle Ben, et c’était bête, vraiment, la rassuraient plus rapidement qu’aucune autre de ses convictions qu’elle essaierait de s’inculquer toute seule. Whitby serait toujours Whitby. Un ascenseur et l’absence d’un escalier ne viendrait pas tout changer et, de la bouche du garde-chasse, Hilary voulait bien le croire. Et puis, après tout, Hilary ne connaissait pas toute la ville par coeur. Certains magasins avaient dû fermer et d’autres avaient dû s’ouvrir à la suite, sans qu’elle ne le sache. Du moment que l’abbaye restait en ruine, que l’église restait inchangée, qu’Oncle Ben habitait toujours à côté de leur maison, que les phares demeuraient et que la mer ne rétrécissait pas, la tête blonde saurait s’accommoder des changements de Whitby. Tout changeait dans la vie. Les gens aussi. Et pourtant, tout restait un peu pareil. L’essence restait la même. Finalement, c’était ça, grandir. Et depuis son arrivée à Poudlard, Hilary ne cessait pas de grandir, de bien des façons. Bien sûr, l’avenir faisait peur, mais il arriverait quoi qu’il arrive. Heureusement, elle avait Oncle Ben avec elle aujourd’hui et pour les mois à venir. Au moins, elle grandirait avec lui à ses côtés pour un petit moment. Pas vrai ? Elle voulait y croire. Elle voulait y croire si fort, à toutes ces petites lumières qu’elle pouvait trouver dans sa vie, comme des lucioles prêtes à lui donner un bouclier de lumière contre l’obscurité qu’elle pourrait trouver tout autour. Depuis la perte de sa lampe torche, dans l’incendie, Hilly peinait un peu à croire qu’il y avait beaucoup de lumière autour d’elle. Non pas que la situation soit pire qu’avant ! Mais ce n’était peut-être pas forcément beaucoup mieux. Elle s’était juste… habituée au noir. Mais aujourd’hui - vraiment, aujourd’hui - on lui amenait Oncle Ben, et c’était… C’était plus qu’une luciole. C’était un phare à Poudlard qui venait de s’allumer. Un repère qui en amenait d’autres avec lui. Un phare qui répondait à un autre phare, sur les côtes de Whitby. Une autre lumière s’allumait, quelque part en Angleterre, et c’était un nouvel espoir qui se frayait un chemin dans son coeur tandis que son frère continuait sa vie dans leur petite ville côtière. Les deux phares se répondaient et… Et Hilary voyait ces lueurs devant ses yeux. On lui disait que son frère s’inquiétait, qu’il ne lui en voulait pas, ou plus, malgré les apparences. Qu’elle allait pouvoir lui envoyer une lettre. Et qu’ils le feraient ensemble. Pas besoin de promettre. C’était déjà promis dans les astres et dans leurs coeurs. Dieu qu’elle se sentait bien dans cette cabane pas loin du lac et pas loin de la forêt. Cette grosse cabane. Cette grande hutte. C’était certain : s’il était possible de la voir depuis la tour des Gryffondor, dans l’esprit d’Hilary, désormais, ce serait un phare qu’elle y verrait. Et de suite, l’orée de la forêt lui paraîtra moins menaçante que jamais.

« J’t’apprendrai ! » lui dit-elle, toute fière et trop heureuse d’en savoir plus qu’Oncle Ben sur certaines choses. Hilary était persuadée de pouvoir parler d’arithmancie avec son frère, et si elle pouvait en plus apprendre des choses à son Oncle qu’elle voyait déjà comme un homme sachant déjà tout, ce n’était que du bonus. Elle se sentirait un peu moins laissée pour compte entre ces deux adultes déjà bien introduits dans la vie active. C’était pas tous les jours qu’on pouvait leur parler des histoires de l’école. Parfois, elle avait peur de les ennuyer avec ses histoires, mais à part ça, Hilly ne voyait de quoi elle aurait bien pu discuter avec eux. Avec Willem, ils parlaient de la mer et partaient imaginer dans les ruines de l’abbaye. Avec Oncle Ben, ils parlaient également de la mer, et peut-être que maintenant, ils parleraient aussi magie. Peut-être Quidditch, aussi, si Oncle Ben était branché ? La tête blonde venait de l’inviter à venir regarder le match de janvier, où son équipe et elle joueraient. Le garde-chasse pensait pouvoir se libérer pour l’occasion et un énorme sourire se planta sur le visage d’Hilly. Un sourire qui fut rapidement remplacé par une petite moue boudeuse à la mention du couvre-feu. Comme si elle avait oublié ce truc. Elle allait être obligée de rentrer au dortoir, maintenant. Enfin… Oui, bien sûr, en plus Eliana devait s’inquiéter, mais elle aurait aimer un peu plus longtemps avec Oncle Ben ! Mais ce dernier n’avait pas l’air de lui laisser la moindre possibilité de rétorquer. « Hum » fut sa seule réponse. En plus, dormir ? En sachant qu’il était juste à côté ? C’était impossible ! Hilary serait trop excitée pour dormir ! Mais, très bien. L’adolescente se leva, prit tout son temps pour plisser les plis sur ses vêtements et pour se diriger vers la porte de la cabane du garde-chasse, avant de se rappeler que : oui, il allait dormir-là, lui, ce soir ; il n’allait pas repartir de sitôt non plus ; alors même si elle partait, elle pourrait toujours revenir le voir bientôt. « On se revoit bientôt, hein ? » demanda-t-elle en guise de confirmation, tout en ouvrant la porte. Pas question d’attendre la réponse, de peur qu’elle soit négative, et elle commença à partir en lui faisant de grands signes de main. « Je viendrai t’aider pour les fleurs au printemps ! » Seigneur… Vivement le printemps, oui. Même si l'hiver pouvait durer encore un peu. Les journées se faisaient peut-être courtes et les nuits longues, mais désormais, elle avait un phare juste à côté pour l'éclairer.

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