Aidan semblait intarissable sur tout ce qui touchait à l’astronomie. Que ce soit la conquête spatiale, les marées, Mars à proprement parler, une fois lancé il semblait difficile – pour ne pas dire impossible – de l’arrêter. Il avait cet air, visible malgré l’obscurité, du passionné, de celui qui ne vit que pour sa passion, aussi étrange puisse-t-elle paraître. Le regard perdu dans le ciel, il débitait à une vitesse soutenue des quantités d’informations que j’avais du mal à suivre. J’avais des bases en astronomie mais des bases plus pratiques que théoriques, je devais bien l’avouer. Je savais reconnaître les principales étoiles utiles à la navigation, les nommer. Je pouvais me servir d’un sextant sans trop de difficultés et je lisais plutôt bien les cartes du ciel. Avant d’être un loisir, l’astronomie avait avant tout été une part de mon travail. Je lassais donc parler mon interlocuteur, saisissant au mieux les bribes de savoir qui me paraissant les plus importantes.
« Ah oui c’est vrai, tu travaillais au ministère… Je ne sais plus bien ce que tu y faisais, mais vu ce que tu me dis ça devait avoir un lien avec les adaptation d’objets moldus n’est-ce pas? » C’était un moyen pour moi d’orienter légèrement la discussion sur un terrain que je maîtrisais un peu mieux que le temps de rotation de Mars. Plus étrange, mais tout aussi intéressant, il semblait véritablement conquis par les capacités des moldus en terme de voyage et de technologie. On sentait qu’il était passionné et je voulais lui demander d’où cela lui venait. Pourtant je n’eus pas le temps d’ouvrir la bouche que déjà il reprenait ces explications, sur les marées cette fois, sujet qui m’était très familier, le seul sujet qu’un marin se doit de connaître sur le bout des doigts s’il ne veut pas risquer d’être coincé en mer.
« Oh non, ne t’excuse pas, c’est très intéressant. Mais je dois t’avouer que mes connaissances sont bien inférieures aux tiennes donc je pense que tu serais vite frustré de mes questions basiques. Le seul sujet que je connaisse vraiment, dans tout ce que tu as abordé, ce sont les marées. » Je me tus un instant, me demandant si j’avais bien fait de dire cette dernière phrase, qui dévoilait une part de mon passé, la plus simple à assumer certes, mais une part de mon passé dont je n’étais pas sûr de vouloir parler. « D’où te vient cette enthousiasme pour les étoiles ? Les élèves ici ont plutôt souvent tendance à considérer cette matière comme ennuyeuse j’ai l’impression. »

Des étoiles plein les yeux

ft Benjamin Duncan

Si on se trouvait sur la planète rouge, le ciel était de couleur jaune-brune durant la journée. Parfois, lorsque l'atmosphère n'était pas saturé de poussière, le ciel pouvait virer au bleu très pâle.
Un instant, Aidan s’imagina regarder la terre comme il était en train de regarder Mars. Quel effet cela pouvait-il faire d’observer le berceau de la vie humaine ?

-En effet, répondit-il, lorsque Benjamin se souvint qu’il avait travaillé au Ministère.

Il avait beaucoup aimé effectuer des recherches en son sein. Mais maintenant qu’il était de retour à Poudlard, il ne regrettait pas du tout son choix de devenir professeur.
Parfois, il parvenait à passionner un élève sur cent et ça valait toutes les carrières ministérielles possibles.

-J’ai été technicien en adaptation moldue. Mon rôle était d’étudier et de sélectionner les innovations moldues intéressantes à détourner pour le monde magique. Comme tu l’imagines bien, j’avais un faible pour tous les instruments astrologiques… Mon patron voulait toujours que je me focalise sur des objets du quotidien plus concrets, avoua-t-il, un petit sourire au coin en se remémorant le nombre de fois que son boss était passé dans son dos pour le remettre “sur le bon chemin”.

-Et toi ? Continua-t-il, tu as toujours voulu être garde-chasse ?

Le temps passait et Aidan comprit qu’il avait largement monopolisé la parole, ce pour quoi il s’excusa. Benjamin avoua qu'il ne s'y connaissait que dans les marées.

-Tu connais donc les marées ? Demanda-t-il sur un ton réjouis. Tu habitais près d’une mer pour en connaître autant ?

O’Neill réalisa qu’il ne savait pas grand chose de la vie passée du garde-chasse. Etre océanologue ne lui aurait pas déplu mais il y avait quelque chose qui l’attirait vers l’espace plus que dans les océans et il ne savait pas réellement ce que c’était. Si Ben en savait plus sur les marées, c’est qu’il aurait peut-être choisi l’inverse.

Le professeur ne put s’empêcher d’éclater de rire lorsqu’il lui demanda d’où lui venait sa passion pour une matière considérée comme “ennuyeuse”.

-C’est peut-être moi qui suis un mauvais prof ! Dit-il en pouffant, toujours le premier à se moquer de lui-même.

Il redevint vite sérieux car la question l’était. Il ne du pas réfléchir trop longtemps pour trouver sa réponse.

- L’origine des choses m’a toujours passionné...Sais-tu que les atomes de notre corps sont traçables jusqu’aux étoiles ? Il y a des milliards d’années, ces étoiles ont explosé à travers notre galaxie et des restes ont permis la formation d’ingrédients pouvant créer des planètes. Planètes qui elles-mêmes, ont les ingrédients pour créer de la vie... Nous sommes chimiquement connectés à toutes les molécules présentes sur terre et atomiquement connectés à tous les atomes de l'univers. Quand on dit que les humains sont des poussières d’étoiles, ce n’est pas au figuré, c’est littéral.

Tout en expliquant, il faisait de grands gestes de ses mains, comme pour illustrer ses propos avec des mouvements désordonnés. Il heurta son télescope de sa main droite qui tomba. Tout en continuant de parler, il le ramassa d’un geste machinale. Il allait entamer un nouveau monologue sur les propriétés du carbone, de l’oxygène et de l’hydrogène (les ingrédients fondamentales de la vie) lorsqu’il se rappela que l’astronomie ou l’astrophysique dans ce cas plus précis, pouvaient sembler être des sujets ennuyeux pour beaucoup.

-Regarder les étoiles, c’est savoir d’où on vient et comprendre où on va.

Les étoiles, la galaxie, l’univers, avaient toujours été un point d’ancrage pour Aidan. Bizarrement dans cette immensité, il ne s’était jamais senti perdu ou abandonné.

-Et toi ? Pourquoi aimes-tu tant les regarder ?

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HRPG : désolée pour les éventuelles erreurs scientifiques ! (en vrai, j'y connais absolument rien xD) En tout cas, quand on touche à l'astrologie, c'est une vraie pipelette haha

Les yeux perdus dans les étoiles, scrutant l’obscurité, j’observais avec attention le spectacle qui s’offrait à ma vue. Mars rougeoyait et les étoiles autour faisait ressortir sa couleur flamboyante, comme un rubis sur un lit de diamant. La présence d’Aidan ne cachait rien, ses connaissances en astronomie, bien que débitées d’un ton un peu rapide et d’un niveau bien supérieur à ce que je pouvais comprendre, ne faisait qu’agrémenter d’un peu de science la féerie de cette ballade nocturne. Comme je le pressentais il avait été technicien au ministère, ce qui lui avait sans doute permis d’acquérir bon nombre de connaissances sur la technologie moldue. Ce métier avait dû être un rêve et cela devait être pour cela qu’il me demanda si le mien était d’être garde-chasse. Que dire ? Le métier de garde-chasse n’était pas déplaisant mais c’était loin d’être une vocation, jamais je n’avais sérieusement envisagé me retrouver un jour à arroser les géraniums du parc de Poudlard. Les raisons qui m’avait poussé à accepter ce poste était tout autre mais je ne souhaitais pas les lui expliquer. Je me contentai donc d’une réponse un peu vague mais vraie.
« Disons que ce sont les aléas de la vie qui m’ont conduit à ce poste… J’avais besoin d’un nouveau départ, le poste était libre… Il n’a pas fallu beaucoup plus pour me décider et remettre les pieds à Poudlard n’est pas forcément désagréable. » il m’interrogea sur ma connaissance des marées, ce que j’aurais voulu éviter de dire. Mais maintenant je ne pouvais plus reculer. Je ne voulais pas lui parler de mon passé de marin, pas encore mais une fois encore je n’avais pas de raisons de lui mentir, d’autant plus qu’il me fournissait lui-même une porte de sortie en me demandant si j’avais vécu sur la côte.
« Oui, j’ai longtemps vécu dans une petite ville de pécheurs, quasiment tout le monde avait un travail en lien avec la mer donc ce n’est pas une connaissance très étonnante là-bas, au contraire. »
Il prenait avec humour ma remarque sur sa matière, éclatant de rire dans une auto-dérision qui me faisait sourire à mon tour. J’appréciai de pouvoir parler simplement à un de mes collègues, sans me soucier trop de mes problèmes passés dont il n’aurait je l’espérais jamais aucune idée. Il m’expliqua ensuite sa passion pour les étoiles, à coup de monologue scientifique dont je retins surtout qu’il aimait l’idée de comprendre nos origines avant de me retourner la question. Une question à laquelle je n’avais jamais vraiment réfléchi.
« Eh bien, ça me permet de m’évader je pense… Ça me rappelle de bons souvenirs aussi… C’était commun parmi les pécheurs de sortir la nuit observer le ciel que ce soit pour prévoir les conditions météorologiques du lendemain ou s’entraîner à se repérer. Parfois cette vie me manque donc j'observe les étoiles et j'oublie un peu où je suis.»

Parler de la mer en regardant les étoiles briller au-dessus de ma tête. Voilà le programme d’une soirée réussie. Le lac noir n’était rien face aux remous de l’océan, aux moutons d’écume qui s’entassaient dans les creux des falaises, à l’odeur saline qui emplissait les narines. La mer avait été mon quotidien, ma vie, mon métier. Elle m’avait fait rencontrer la femme de ma vie et elle l’avait repris, dans une nuit bien plus agité que celle-ci. Elle avait été la source de toutes mes joies et de toutes mes souffrances pendant vingt ans. Ça ne s’oubliait pas, ça restait ancré dans un coin de mon cerveau et ça risquait d’affleurer dans des discussions comme celle-ci.
Aidan donnait l’impression d’en avoir perçu plus que ce que j’avais voulu lui dire. Était- ce la fatigue, l’ambiance feutré de cette observation ou un besoin de se confier plus irrésistible que je vouais l’admettre qui me poussait ainsi à dévoiler des bribes de ma vie ? Je ne le savais pas mais je n’avais pas envie d’y réfléchir. L’habitude de la solitude m’avait fait oublier le soulagement des confidences à demi-mots. Mon retour à Poudlard me forçait à revoir certaines de mes pratiques, à ouvrir légèrement un coeur fermement protégé d’une carapace, comme un bernard l’hermite qui pointe timidement une patte fragile pour avancer en direction d’un congénère, près à se recroqueviller prestement dans la sécurité du bigorneau au moindre doute.
« Tu ne peux pas imaginer à quel point elle me manque… Sentir les embruns, marcher sur la plage, toucher du doigt le sable fin ou les galets rugueux, goûter la salinité des vagues, entendre siffler le vent, observer au loin les bateaux qui rentre d’une pêche, fructueuse ou non… J’ai vécu vingt ans là-bas et ça ne s’oublie pas. À côté le lac semble être une pauvre mare aux canards pour amuser les enfants. C’est plat, c’est lisse… Heureusement qu’il y a le calamar pour animer un peu tout ça. » La nostalgie me faisait faire à mon tour des monologues d’une longueur inhabituelle, révélant derrière mon air bourru une certaine sensibilité poétique.
La conversation se poursuivit, Aidan semblait accepter mon silence et mes confidences allusives, sans brusquer la conversation, sans me forcer à en dévoiler plus que je n’étais prêt à le faire. J’appréciai sa discrétion d’autant plus que moi-même je ne savais pas bien ce que je voulais dire et ce que je préférais encore taire. « Merci, je n’hésiterai pas. Ne t’inquiète pas, ce n’est rien de si grave, c’est du passé tout ça et j’essaie d’aller de l’avant. » Ce n’était pas tout à fait vrai et je sentais bien que je tentais de me donner une contenance, j’avais commencé à rétracter cette patte que la nuit avait fait sortir dans un élan de confiance. « C’est juste que parfois, on a besoin d’un nouveau départ, on ne peut plus juste penser à soi et on se rappelle d’êtres à protéger. » Il ne pouvait pas le savoir mais je faisais référence à Hillary. Puis la conversation dériva à nouveau sur une proposition d’aller naviguer à la belle étoile. Une idée tentante si la démarche gauche de mon interlocuteur ne me faisait soupçonner une maladresse certaine. Sur un bateau, il faudrait sans doute le tenir loin des commandes et du bord… Mais j’appréciai son geste et ne voulais pas le refuser, au pire, il ne me resterais plus qu’à aller le repêcher.
« Volontiers ! Tu as déjà navigué ? Les côtes écossaises sont très belles en été et je ne suis pas sûr d’avoir déjà navigué dans ce coin. »

Comment le calamar s’était retrouvé là ? Mais qu’est-ce que j’en savais ? J’étais garde-chasse, pas zoologue spécialisé dans le animaux marins. Et je n’avais jamais pêché de calamars géants, cela va sans dire. Les maquereaux et autres saumons étaient des proies plus simples et plus rentables. J’ouvris donc de grands yeux à sa question avant de répondre : « Alors là, je n’en ai pas la moindre idée... » Malgré ses questions incongrus, j’appréciais l’écoute bienveillante d’Aidan. Il ne posait pas trop de questions, il attendait que je me dévoile, de la manière que je le voulais et sur les sujets que je voulais. Pour l’instant je n’avais pas spécialement envie de me confier plus que cela, je considérais que ma vie compliqué et mes tourments, tant amoureux que sur les questions liées à mon sang, ne regardaient que moi.
L’idée de faire une promenade en bateau semblait par contre l’enthousiasmer, même si j’avais bien compris que quand il me disait qu’il avait déjà naviguer, il ne parlait en fait que de croisières où il avait été passager. Il faut dire que, sans savoir pourquoi, je l’imaginais assez mal tenir la barre d’un bateau. Sans doute était-ce son air perpétuellement gauche qui me faisait craindre une maladresse incompatible avec la tenue d’un navire, même dans une mer calme. Mais je n’étais pas contre tenter l’expérience avec lui, j’avais longtemps pratiqué la navigation en solitaire et cela ne me déplaisait pas de trouver un coéquipier.
« Eh bien, si tu veux je t’apprendrai au moins les bases ! Si on ne s’éloigne pas trop des côtes, même de nuit il n’y a pas de danger... »
Un grand sourire éclairait mon visage à l’idée d’une ballade en mer, de nuit, dans le vent et les étoiles. Je me repris à rêver à une vie qui ne me manquait pas tout à fait mais que je n’avais pas été si content de quitter.

Je ne me serais sans doute jamais imaginer proposer à un de mes collègues une sortie en mer, encore moins à un professeur d’astronomie maladroit. Cela signifiait dévoiler une certaine part de mon passé. Et cela voulait dire aussi accepter d’en dire sans doute peu à peu de plus en plus. Pourtant, il fallait croire que l’observation des étoiles me menait plus facilement que je n’aurais voulu le croire aux confidences nocturnes. Je n’avais rien dit de compromettant mais je devais admettre que je m’étais ouvert à Aidan plus qu’à n’importe qui ici. Il allait falloir que j’assume que derrière mon air distant se cachait un homme qui parfois avait besoin de se livrer sur un passé pour le moins tourmenté. Aidan ne savait encore rien de ma vie mais il en savait plus que l’immense majorité.
Cette sortie en mer poserait de nombreux problèmes pratiques mais ceux-ci ne semblaient pas préoccuper Aidan, ce à quoi on voyait aisément qu’il n’était pas un marin, même amateur. Il ne parlait ni des récifs des côtes écossaises, ni de la probabilités des tempêtes à cette période de l’année. Il me croyait sur parole quand je lui affirmais qu’il n’y avait pas de danger. En effet, je ne lui proposais rien de risqué mais il faudrait sans doute que je lui explique à l’occasion que toute sortie en mer, même celles à destination des touristes les plus inexpérimentés, comportait son lot de risques et d’écueils, au sens propre comme figuré. Sa question, par ailleurs très générale, était sans doute le moyen de le sensibiliser à cela.
« Toutes les sorties en mer comportent des dangers et la vigilance est le premier devoir sur un bateau. Mais pour autant je n’ai jamais été réellement en danger, j’ai toujours fait très attention. » C’était tout à fait vrai et nombre de marins s’étaient gentiment moqué d’une prudence jugée excessive, qui s’était d’ailleurs renforcé après la mort d’Elenna.
« Il faut peut-être qu’on rentre, je me lève tôt demain… Mais je n’oublie pas ma proposition, on se tient au courant pour cet été ! »
J’aurais bien aimé poursuivre la conversation mais je savais que ce n’était pas vraiment raisonnable de prolonger la soirée, un dur labeur m’attendait le lendemain.