Si Vivian avait adopté Lumi sur un coup de tête, c'est parce qu'elle avait besoin d'une présence. Depuis que Ruuben avait refermé sa coquille, Vivian se sentait plus seule que jamais. Certes, elle avait beau communiquer avec sa famille, Vivian n'avait personne à ses côtés. Elle faisait certainement preuve d'un peu de mauvaise foi, car elle avait aussi bien du mal à se faire des amis. A la fois parce qu'elle était la plus quiche de toutes et qu'elle n'avait aucune foutue idée de la manière dont elle devait s'y prendre pour ne pas effrayer ses potentiels amis, mais aussi parce qu'elle appréciait sa solitude. Pourtant, elle ne regrettait en rien la présence de Lumi avec elle. Le chaton était câlin et joueur, et Vivian passait un temps fou à s'occuper de lui. Cela occupait un peu son temps, autre que part ses heures et ses heures de violon. Lumi était loin d'être peureux, lui. Il se baladait sans hésitation dans tous les recoins du château, et Vivian le croisait souvent en compagnie d'un autre chat, plus grand que lui. Elle n'avait pas la moindre d'idée de l'identité de son maître, mais elle n'hésitait pourtant pas à s'amuser avec lui aussi. En l'espace de quelques mois, Vivian était devenue complètement gaga des chats, qu'ils soient blancs, gris, roses, rouges.
La salle commune était la salle de jeux préférée de Lumi. Il était encore petit, et il adorait se faufiler entre les fauteuils, les meubles et les pieds des autres Serpentards. C'était d'ailleurs l'endroit où Vivian le retrouvait le plus souvent en compagnie de cet autre chat. Et cette fin d'après-midi ne manquait pas à la règle. A peine avait-elle passée la porte de la salle commune, que Lumi se frottait déjà contre ses chevilles, ronronnant comme un moteur, faisant ricaner Vivian. « Salut mini tracteur, railla-t-elle comme elle le faisait souvent. » Elle glissa habilement ses doigts sous le ventre du chaton pour l'attraper avant qu'il ne reparte aussi vite qu'il était venu. Un peu plus loin, sur le canapé de la salle, reposait tranquillement le magnifique chat au pelage grisé. En souriant, Vivian s'approcha de lui pour caresser sa tête, lui arrachant un ronronnement. « Salut beauté, dit-elle en s'asseyant près de lui. » Elle posa Lumi sur ses genoux, riant en se disant que son camarade devait faire deux ou trois fois sa taille. Son petit chaton blanc se cala contre elle. Si elle aurait pu se relever sans mal avec Lumi sur elle, lorsque son compagnon en fit de même, elle sut qu'elle ne bougerait plus de si tôt. « Depuis quand je suis devenue votre fauteuil attitré ? souffla-t-elle en levant les yeux au ciel. » Elle passa quelques minutes sans rien dire, se contentant de laisser ses doigts jouer dans leur pelage respectif. « Il n'empêche beauté, commença-t-elle en s'adressant au chat, que j'aimerais bien rencontrer ton maître. Histoire de discuter un peu matou. » Elle avait rapidement pris l'habitude de donner des petits surnoms aux chats qu'elle croisait avec Lumi. Le chaton, lui, écopait souvent de l'agréable "mini tracteur", quand son compagnon se faisait le plus souvent appeler "beauté". Après tout, Vivian ne savait rien de lui, que ce soit son maître, ou encore moins son nom. Elle avait bien essayé de lui demander, mais étonnement, il n'avait rien répondu.
Si la porte du dortoir avait grincé, annonçant l'arrivée de quelqu'un dans la salle commune, Vivian ne s'en soucia guère, tant elle était absorbée sur ses doigts qui glissaient lentement entre les poils de Lumi et de son compagnon gris. Jusqu'à ce que d'autres doigts que les siens apparaissent dans son champ de vision, s'invitant dans le pelage du chat qui n'était pas le sien. Elle releva la tête, et s'étonna de découvrir cet idiot d'Archambault. « J’en connais un qui va avoir droit à un bon bain, souffla-t-il à l'attention de son chat (car c'était bien le sien). » Si Vivian était plus que surprise, elle se garda bien de le montrer. Elle se contenta de baisser les yeux vers le chat, s'adressant à lui sans même jeter un œil à son maître. « Alors là beauté, je suis un peu déçue. J'avoue que je m'attendais à quelqu'un d'autre, grimaça-t-elle, sarcastique. Effectivement, tu aurais bien besoin d'un petit bain, histoire de laver ton joli cerveau de toutes les idioties que ton maître y glisse, n'est-ce pas ? demanda-t-elle, en relevant la tête vers Junior cette fois-ci. » Elle pencha vaguement la tête sur le côté alors qu'il reprenait la parole, lui offrant un sourire qui lui donna envie de vomir. « Je suis vraiment désolé qu’il se soit installé sur tes genoux, je lui ai pourtant déjà dit de ne pas traîner n’importe où comme ça… Mais tu connais les chats, ils n’en font toujours qu’à leur tête... » Un ricanement s'échappa d'entre ses lèvres alors qu'elle laissait son menton reposer dans sa paume droite. « Pauvre chou, j'ai contaminé ton chat, pas vrai ? se moqua-t-elle en faisant la moue. Après tout, je suis d'une impureté sans nom ! » Junior d'Archambault était de ces élèves que Vivian ne pouvait guère supporter. De Sang-Pur, est assez fier de l'être, elle le savait parfaitement rangé du côté des puristes. Il était certes plus discret et plus subtil dans ses propos que d'autres comme cette écervelée d'Erin Sørensen, mais Vivian était loin d'être dupe. Et elle n'allait pas se gêner pour le lui faire remarquer. Elle baissa son visage étiré d'un sourire vers son chaton. « Lumi, écoute-moi bien. Leçon de vie n°12, déclara-t-elle lentement, articulant patiemment chaque mot. Comme s'il comprenait ce qu'elle lui disait, Lumi leva la tête et la fixa de ses yeux clairs. Les gens comme ce cher d'Archambault sont à éviter à tout prix : ils ont une fâcheuse tendance à se croire supérieurs à tout le monde lorsqu'ils ne le sont pas. Pis encore, ils sont affreusement fermés d'esprit. Tout ce que l'on déteste, n'est-ce pas Lumi ? ricana Vivian, alors que son chat lui léchait les doigts, comme pour approuver ses mots. Oh regarde, il est d'accord ! ajouta la jeune femme en relevant la tête vers Junior, un sourire espiègle aux lèvres. Et toi beauté, qu'est-ce que tu en penses ? reprit-elle vivement un se tournant vers son compagnon gris. » Vivian fut tentée d'exploser de rire lorsque ce dernier lâcha un petit miaulement. « Oh ! Il semblerait que l'éducation de ton chat soit à revoir complètement : il s'avère qu'il est bien plus tolérant que tu ne le seras jamais, déclara-t-elle d'un ton mi-sérieux mi-ironique. » Junior faisait partie de ces gens que Vivian n'hésitait pas à provoquer sans se soucier des conséquences. Si elle avait des difficultés pour se lier d'amitié, elle n'en avait aucune pour cracher sa rancune à ceux qui le méritaient.