Il faisait froid dehors. Le mois de janvier était bien installé et il n’épargnerait personne. Jane avait troqué sa tenue du jour pour une robe d’hiver plus épaisse. Elle ne savait pas s’ils resteraient dehors pour discuter, où s’ils iraient quelque part au chaud, mieux valait prévenir que guérir. Elle n’était pas sûre que le claquement incessant de ses dents et ses lèvres bleues plaisent à Monsieur Ronchon. Il trouvait le moindre prétexte pour soupirer ou faire une remarque ou lui jeter un drôle de regard, mieux ne valait pas le provoquer en plus. Surtout que la situation avait semblé s’apaiser un peu lors de leurs retrouvailles, il y a quelques mois de ça. Cela avait un peu remis les pendules à l’heure pour Jane. Elle n’aurait pas pu être heureuse avec lui, elle était la lumière et lui semblait vouloir ne pas sortir des ténèbres. Il resterait perpétuellement insensible à tout ce qui l’entourait et Jane ne pourrait jamais le comprendre. Elle avait essayé, pourtant. Vraiment essayer, se cherchant même des excuses. Mais maintenant, avec le recul, la maturité et les nouveaux liens qu’elle tissait, en particulier avec Wes, son ami bibliothécaire, elle se rendait compte qu’elle méritait bien mieux que ça, de souffrir pour ça. Il ne méritait pas son attention et l’amour qu’elle avait eu pour lui. C’était fait, mais et si c’était à refaire… ? Non, il n’était pas temps de penser à ça.
Emmitouflée dans sa cape d’hiver, la demoiselle avait traversé le parc du château d’un pas rapide, admirant tout de même la beauté du parc dont le jour déclinait et arrivait déjà à sa fin, laissant la jeune femme dans l’obscurité. Mais il était tôt, elle n’avait donc pas grand-chose à craindre. Sur le chemin de Pré-Au-Lard, il y avait encore pas mal de monde. La vie ne s’arrêtait pas à cause de l’obscurité, encore heureux.
Nerveusement, Jane passait sa main dans sa chevelure dorée. Elle était anxieuse de revoir Luca et de passer un moment avec lui. Bien sûr, ils avaient de sérieuses choses à discuter, ils venaient tout deux dans un but précis et pas du tout personnel, mais la demoiselle restait un peu déstabilisée. Par lettre il avait été tellement… Moins rude. Moins violent. Plus accessible, aussi. Là était peut-être toute la clé pour ne pas être intimidée par le jeune homme, passer par des lettres. Elle se fit qu’une relation épistolaire lui conviendrait peut-être mieux à lui. Ca aurait peut-être pu être la solution pour eux deux, d’ailleurs. Elle avait toujours rêver d’une romance épistolaire, ça avait un côté romantique et mystérieux. Mais elle n’eut pas le temps de pousser plus loin sa réflexion utopique qu’elle se retrouvait déjà à l’entrée du village. Elle prit une grande inspiration pour se calmer un peu et jeta un coup d’œil autour d’elle dans l’espoir d’apercevoir l’objet de sa visite.
L’ancienne bleue le repéra assez vite. Il n’était pas comme les autres, en même temps, il avait une aura… Différente. Il attirait directement son regard à elle, comme une espèce d’étrange fascination pour l’inaccessible jeune homme ténébreux qu’il était. Elle s’approcha doucement, toujours dans sa douceur habituelle. Elle ne savait pas trop ce qu’il convenait de faire, devait-elle lui faire la bise ? Lui serrer la main ? C’était un peu trop étrange. Elle opta pour un minuscule signe de la main, presque imperceptible.
« Bonsoir, Luca. »
Elle eut un instant d’hésitation. Elle avait failli lui demander comment il allait, mais ça ne fonctionnait pas comme ça avec Luca. Elle ne savait pas exactement combien de temps il pouvait lui accorder et il n’était pas du genre à parler pour échanger des banalités. Mieux valait le lancer tout de suite dans le vif du sujet. Osant un regard un peu plus long à son interlocuteur, la demoiselle prit la parole.
« Je pense, d’après ce que j’ai remarqué ces dernières semaines, que ta sœur est en train de devenir dépendante de potion du sommeil. Je ne sais pas quelles en sont les raisons, si elle fait ça par « plaisir » ou si elle est très troublée et tourmentée au point d’avoir besoin de potions pour dormir et aller bien. »
Courte pause, la jeune femme laissa son regard se perdre dans celui du jeune homme qui lui faisait face.
« C’est très dangereux pour elle. Même si ça peut sembler anodin peut-être, mais elle se met en danger. Et ce ne sera pas une addiction des plus faciles à résoudre, ça cause des manques qui peuvent mener à des crises d’hystéries, des insomnies, et tous un tas d’autres choses qu’elle ne devrait pas avoir à subir à son âge. »
Elle s’accorda un temps de réflexion avant de reprendre.
« Ni jamais d’ailleurs. »
Enfin elle regarda ailleurs, mal à l’aise. Il avait un effet un peu hypnotisant, c’en était troublant.
« Et je me demande aussi si ce n'est pas un peu ma faute, tout ça. »
Dernière édition par Jane E. Gray le Lun 10 Fév 2020 - 18:38, édité 1 fois
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(#) Sujet: Re: Trouble Ҩ Feat Luca Mar 28 Jan 2020 - 14:33
“trouble.” J’aurais aimé ne jamais avoir à répondre à la lettre de Jane. D’ailleurs, au départ, je m’y étais refusé. Mais en la lisant de plus près, en faisant tourner les mots plusieurs fois dans ma tête, j’ai compris que je n’avais pas le choix. Si je ne bougeais pas mes fesses, c’est mon père qu’elle aurait contacté. Autrement dit, il aurait débarqué, Casey en aurait prit plein la gueule dans un calme psychopathe déconcertant, et elle m’en aurait voulu. Il était hors de question de le concerner à une gravité dont j’ignorais la nature et la teneur. Je devais d’abord savoir, constater ça de mes propres yeux. Voilà pourquoi j’aurais aimé voir Casey avant. Mais j’avoue être particulièrement curieux des révélations de Jane. Lui donner rendez-vous à l’entrée de la ville dès le lendemain, quelques temps avant mon service, est le signe que je n’avais pas de temps à perdre. Si l’heure est si grave qu’elle le dit, mieux vaut agir vite. Cependant, s’il s’avère que la blonde a tout dramatiser et qu’il n’y a absolument pas de quoi s’inquiéter, ça serait comme renverser la bière de quelqu’un ; ça partirait en éclat. Je l’attends au tournant.
Est-ce une chose qu’elle aurait faite, ou dite ? Casey est passée par de nombreux stades dépressifs. A se rappeler la couleur sanglante de ses avants bras, à se rappeler la noirceur du dessous de ses yeux, la froideur de ses regards vides ou la négligence de sa mise en beauté. A ne plus la voir chaque jour, je manque forcément des épisodes. Autrefois je n’en avais rien à faire. Ma souciance s’est installée avec le temps, à commencer par cette fois où je lui ai jeté l’essence de dictame à la gueule. Je commence tout doucement à l’assumer ; ma pire ennemie est devenue quelqu’un de très important dans ma vie. Cette haine palpable s’est envolée, sans pour autant laisser part à une vague d’amour fraternel grotesque, qu’on se le dise. Nos similitudes nous sautaient autrefois aux yeux comme une aberration. Aujourd’hui, elles sont notre force. Casey n’a jamais besoin d’aide, pas même la mienne. Mais l’ombre de confiance que je laisse planer sur la lettre de Jane m’importe suffisamment pour que je face le déplacement. Moi, et pas mon père. Pas tout de suite en tout cas. Bref, à ce jour, Casey fait partie du peu de personnes qui importent. Je me fiche de tout, et de tout le monde. Je n'ai toujours aucune empathie. Sauf pour elle.
Vêtu de noir pour n'y rien changer, les mains dans les poches de ma veste, j'arrive à l'entrée du village et fait rapidement face à mon ex petite amie. Je pourrais me fondre dans la masse noire de monde et l’obscurité du soir, mais ma taille d’un mètre quatre vingt dix n’échappe à personne, encore moins sur un Pré-au-lard blanc de neige. Jane est la première à saluer, salutation à laquelle j’hoche la tête en lui retournant cette politesse à laquelle elle n’avait pas eu le droit à notre dernière rencontre. « Bonsoir. » Banalités effectuées, Jane semble rentrer directement dans le vif du sujet. Lever la tête, attentif, parfaitement à l’aise dans l’idée de venir directement au fait. Jane m’a suffisamment bien connu pour savoir que je déteste tourner autour du pot. Sauf lorsque le jeu en vaut la chandelle, mais aucune partie manipulatrice n’est de mise aujourd’hui. J’apprécie alors tout particulièrement son anticipation à laquelle j’esquisse un sourire en coin rapide, une expression qui s’apparenterait presque à des remerciements.
L’écouter alors, concentrer immédiatement mon esprit dans son témoignage. Les nouveaux troubles de ma demi-sœur seraient liés à une potion de sommeil. Pour moi, c’est lié en premier lieu à un besoin. Suite aux incidents qui lui ont provoqués des troubles de mémoire, Casey ne dort plus. En fait, ça fait même bien plus longtemps que ça. Ses maux de tête perpétuelles n’aidaient pas non plus ses nuits de sommeil. Rien n’allait dans sa petite tête. Jusque là, je comprends les choix de Casey. Mais j’en attends plus pour justifier sa dépendance. Fixer la blonde qui n’en a clairement pas terminé, fixer attentivement un regard qui se perd dans le bleu du mien. Se voir exposer tous les effets secondaires d’une telle dépendance à la potion du sommeil, baisser finalement les yeux sur le sol alors que j’encaisse tout doucement l’inquiétude de Jane. A entendre les effets néfastes du détachement d’une telle dépendance, ce sont clairement les dernières choses dont elle a besoin. Son état macabre n’a pas besoin d’hystérie. A en croire la mise en garde de Jane, la santé de Casey se dégrade, et pourrait se dégrader d’avantage si elle arrête le traitement. Un corps qui ne dort pas ne récupère pas. L’hystérie générée provient du peu de réserves conservées. Un jour, elle va nous faire une syncope. Alors j’entends bien ce qu’elle me dit, je comprends bien là les effets néfastes de cette dépendance qu’il sera difficile d’arrêter subitement. Mais est-ce qu’on est certain qu’elle en est accro ? Le moment est venu aux questions de fuser dans ma tête. « Attends avant de dire que c'est ta faute. Est-ce que tu es absolument certaine qu’elle est accro à cette merde ? Je veux dire, comment tu t’en es rendue compte ? C’est toi qui les lui fourni ? » Je recule d’un pas pour nous écarter du passage. Pas le moindre air sinistre ne s’affiche sur mon visage. En ce moment, je ne suis qu’un grand frère naissant à la recherche du rationnel. « J'sais pas, je suis pas un spécialiste, mais vous pouvez pas arrêter le traitement progressivement ? Elle en fait qu'à sa tête de mule de nouveau, c'est ça ? » Je suis persuadé que Casey n'en fait qu'à sa tête et que Jane a perdu le contrôle. Autrement, si ça n'a rien à voir avec ça, il va falloir être un peu plus précise ma belle, sinon ça va m'agacer.
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(#) Sujet: Re: Trouble Ҩ Feat Luca Mar 28 Jan 2020 - 22:17
Luca Ҩ Jane
« Trouble. »
La jeune femme n’avait eu besoin que d’une poignée de secondes pour trouver son interlocuteur du soir. Il était loin d’être commun, en même temps. Il avait une trentaine de centimètres en plus qu’elle, déjà. Ca aidait assez à sa visibilité, il fallait le dire. Mais il n’y avait pas que ça. Il avait une allure particulière, un charme sombre, à sa façon à lui. Il était tout vêtu de noir, ce qui contrastait avec le bleu clair de sa cape à elle. Elle se sentait une nouvelle fois diamétralement opposée à lui. Ses cheveux blonds à elle, les siens bruns foncés. La seule chose claire chez Luca, c’était ses yeux. Bleus, mais glacials. Polaires. Implacables. Ou indifférents. Contrastant une nouvelle fois avec le regard bleu et pourtant si doux et chaleureux de la demoiselle.
Les salutations avaient été brèves, mais cela suffisait. Il n’était pas question ici d’une simple visite de courtoisie, d’un moment agréable à passer ensemble en souvenir du bon vieux temps (bon, tu parles !). Leur entrevue était une chose sérieuse, voilà pourquoi la demoiselle n’avait pas perdu leur temps avec des formalités qui ne feraient qu’agacer le jeune homme qui lui faisait face. De très haut d’ailleurs, elle devait un peu lever la tête et les yeux pour pouvoir lui parler. L’ennui, c’est que le côté hypnotisant du regard de son ex emprisonnait son regard à elle. Trop le regarder, ce n’était pas une bonne idée. Il ne faudrait pas qu’elle retombe une nouvelle fois sous le charme de ce concentré de ténèbres et d’indifférence.
Il avait souri. Elle n’en revenait pas. Ce n’était ni un sourire franc ou amical, et elle n’était même pas sûre d’avoir bien vu ce petit sourire en coin qui lui donnait l’air d’un parfait petit salopard, ce côté badboy qui attirait autant les demoiselles. Qui l’avait séduite, autrefois. Elle ne se souvenait pas de la dernière fois où il lui avait souri, ça remontait à des années en arrière. Et ça encouragea un peu la douce blonde à se lancer dans des premières explications afin que Luca prenne immédiatement conscience de l’ampleur du problème. Au fond, elle trouvait que ses explications étaient un peu trop grossières. Le problème était plus profond que ça. Mais il fallait d’abord qu’il situe l’urgence avant qu’elle lui donne l’entièreté des ses observations, constatations et de ses hypothèses. Il fallait d’abord aller à l’essentiel, les détails ce serait pour la suite.
Luca écouta la jeune femme avec attention, il ne l’avait pas coupée, il semblait concentré sur elle et ses propos. Ce fut lui, étrangement, qui regarda ailleurs le premier. Ce n’était pas un jeu, loin de là. Et elle espérait qu’elle ne l’avait pas mis mal à l’aise en le regardant si fixement, trop profondément peut-être. Elle s’avoua un peu coupable de la situation. Après tout, c’était elle qui avait donné les potions à la jeune sœur de Luca. Sa naïveté avait encore une fois jouer contre elle avant qu’elle ne se rende réellement compte qu’il y avait anguille sous roche. Les excuses, les petits incidents, elle y avait cru. Elle était d’une maladresse sans fin, elle pouvait bien penser qu’elle n’était pas la seule à renverser et casser des potions. En fait, dans cette histoire, il s’agissait de plusieurs petites évidences, ci et là, qui étaient, individuellement, anodines d’apparence. Et pourtant, toutes ces coïncidences mises bout à bout avaient alerté l’infirmière.
Légitimement, il la questionnait. Il n’avait aucune obligation de la croire sur parole après tout, mais elle n’avait aucune raison de lui mentir. Elle ne mentait jamais, elle avait horreur du mensonge. Et elle ne savait pas de toute façon, elle aurait bégayé et rougit, transpiré… Jane se mordit la lèvre, ses grands yeux bleus rivés à ceux du brun.
« Ce n’est pas vraiment la potion du sommeil à proprement parlé, c’est un générique un peu plus sophistiqué et nocif lorsque l’utilisation est trop fréquente. C’était à la base pour l’aider à se concentrer et à la soulager lorsqu’elle avait des migraines qui l’empêchaient de travailler ou de dormir. Ou de faire quoi que ce soit qui demande de la concentration. »
La jeune femme parlait doucement, calmement, tentant de ne pas se précipiter, d’être claire et de ne pas se montrer dans son véritable état d’inquiétude. Cela ne servirait à rien avec Luca, la compassion ne faisait pas partie de ses qualités, ni de ses capacités.
« Je n’ai pas de réelles preuves à te montrer, seulement des observations que je mène depuis septembre. Ta sœur est intelligente, elle n’a pas dévaliser le stock de potions en signant de sa plume. Mais elle a laissé derrière elle certains indices depuis ces quelques mois, d’après moi. Des visites de plus en plus régulières, des potions cassées qu’il faut remplacer, ou perdues ou oubliées, ou qu’importe encore l’excuse. Je lui ai fais confiance, je ne pouvais pas estimer ses maux à sa place. Parfois, j’ai eu l’impression qu’une potion qui trainait à la vue de tous à l’infirmerie disparaissait. Mais il y a parfois du monde, du mouvement, on fait des gestes répétitifs, donc ça n’avait rien d’inquiétant en soi… Ca pouvait être mon collègue qui l'avait déplacée, rangée ou administrée. »
Resserrant sa cape contre elle, la demoiselle s’autorisa quelques secondes et un regard appuyé vers Luca.
« Toutes ces petites choses ne sont pas des coïncidences, j’en suis sûre. Elle n’est peut-être qu’au début de son addiction, je ne sais pas si elle ne s’en procure pas ailleurs, ou si elle n’en fabrique pas elle-même ou via une personne plus expérimentée, c’est difficile à estimer. Mais il faut l’arrêter au plus tôt. Être accro à quelque chose d’aussi puissant, ce n’est jamais bon. »
Il devait en avoir conscience, probablement. Et toutes ses questions étaient parfaitement légitimes. Un long frisson parcouru la jeune femme, il faisait froid. La neige sous ses pieds n’arrangeait pas les choses. Sa robe non plus d’ailleurs. Mais elle ne mettait que ça, les femmes, ça ne portaient pas de pantalon. L’air sortant de sa bouche laissait des trainées blanchâtres à chaque expiration.
« A-t-elle déjà eu des problèmes de ce genre ? Je ne veux sous-estimer ni son passé, ni ses capacités. Il faut que je sache ce qu’elle sera capable de supporter, d’encaisser. Et comment je peux l’aider à ne pas perdre pied lorsque la dose sera diminuée de notre côté. Mais l’important, c’est qu’il faut qu’elle prenne conscience de son problème. Tant que ce ne sera pas le cas, on ne pourra pas la sevrer correctement. Elle se fournira, quoi qu’il en soi, car le manque s’installera rapidement. Tu comprends ? »
“trouble.” Une chance pour Jane, je suis déjà sur place. Je peux au moins être sûr de ne pas me déplacer pour rien. Je l’aurais certes rejoins pour rien, mais le faire à une minute du bar c’est une assurance autant pour elle que pour moi. Mon manque de confiance et ma mauvaise foie sont de mise, il ne m’empêche pas de la saluer comme il se doit. Après tout, si Jane m’a fait venir et s’efforce de voir un visage qu’elle ne peut plus supporter, c’est que la raison en vaut le coup. La conversation commence d’ailleurs très bien lorsqu’elle rentre directement dans le vif du sujet. Qu’a encore fait Casey, et quel rôle Jane a-t’elle a joué dans ce merdier ? Un merdier qui, apparemment, impliquerait la santé de ma demi-sœur, et ce, gravement. Ses troubles ne sont pas terminées, c’est même très loin de l’être. Mais je suis encore bien loin de tout comprendre. Ce qui reste clair pour l’instant, c’est que Casey est accro à une potion qui ne fait pas que du bien.
Le regard bleuté de Jane me fixe comme personne n’ose jamais me fixer. C’est à peine si elle daigner ciller. Elle parle calmement comme si la prudence était de mise, comme si elle marchait devant un lion qui dort. A part lâcher une esquisse nerveuse au coin de la lèvre, je me montre plutôt détendu, une main dans chacune des poches de ma veste. Seules mes questions viennent brusquer la conversation. Pas certain de comprendre où elle veut en venir, je réclame immédiatement plus d’information. Qui, quoi, comment, quelles preuves, des déductions à partir de quoi ? Je croirais chacune des paroles de Jane, là n’est pas le souci depuis le départ. Ma réelle crainte c’est qu’elle dramatise tout. Jane n’est pas une menteuse. Malgré tout ce que j’en pense, c’est une fille bien. Le mépris, le mensonge et la fourberie ne font pas parties de son vocabulaire. Mais la maladresse si. J’ai maintenant le droit à plus de précisions concernant cette potion, et je constate que c’est totalement le genre de soins dont Casey avait besoin. Je devine aussi que le côté nocif lui ai passé au dessus de la tête et qu’elle n’en a toujours rien à carrer des éventuelles souffrances. Casey aime souffrir il faut croire, c’est dans sa nature. Quoiqu’il en soit je continue d’écouter la blonde attentivement, ne m’accrochant pas à son regard comme elle le fait. Petit à petit agacé par la nouvelle connerie de ma sœur et la nouvelle maladresse de Jane, j’exprime quelques gestes de nervosité. Voir Jane si sûre d’elle ne me donne pourtant pas encore pleinement conscience de la gravité de la situation. Ce qui me convainc en revanche, c'est Casey. Elle que je connais par cœur, elle qui se montre si facilement addict à ce qui la soulage. Elle qui n’avait plus le moindre sommeil, la moindre concentration s’entêterait sans mal à ce genre d’addictions tout en niant les effets nocifs. Casey est intelligente, je sais qu’elle s’en procurerait sans mal par un coup malin, ou simplement par quelqu’un. Je l’imagine bien ruser et mentir pour obtenir ce qu’elle veut, tâche facile lorsque le parfait pigeon n’est nulle autre personne que Jane. Alors comme ça, les deux enfants Pumpkin se seraient joués de Jane Gray, avec des années d’intervalles ? C’est amusant, mais ce n’est pas le sujet. Le témoignage de Jane me convainc parce que je connais Casey.
Il faut l’arrêter. Ce n’est pas bon. Elle est inquiète. Un enchaînement qui me fait à nouveau pointer le sol des yeux, un sol aussi froid que doit l’être le corps de Jane en ce moment. Entre nos lèvres s’échappent de chaudes fumées blanchâtres gelées par le temps. Pour l’instant, j’estime que notre entretien est de courte durée et que nous seront bientôt tous deux au chaud, chacun de notre côté. Mais si vraiment la conversation perdure, elle n’aura qu’à me suivre jusqu’aux trois balais. En attendant, je compte bien régler cette histoire rapidement. Alors j’hoche la tête, réceptif. J’ai bien compris la gravité de la chose, du moins la chose qu’elle prétend. Elle conclut ses explications en me demandant si je comprends. J’ai l’air si insensible que ça ? « Ce que tu me dis, c’est totalement plausible. Je veux bien te croire Jane, parce que pour être honnête, ça ne m’étonnerait pas. J’irais lui parler et je creuserais pour savoir si ce que tu dis est vrai. Ça risque de l’énerver, qu’elle ait conscience ou non de son addiction, mais je m’en carre. Casey est parfois encore moins raisonnable que moi. Elle est du genre à vaincre le mal par le mal. Elle boit quand même pas mal, autrefois elle se tailladait les bras jusqu’au sang et maintenant elle se drogue pour lutter contre ses troubles de mémoire et de sommeil. » Je suis assez critique sur la fin, n’ayant jamais compris cette obsession malheureuse de Casey. Ce que je viens de dire ne regarde pas Jane. Mais peut-être que ses quelques antécédents auront un impact sur les effets de cette potion. Alors oui, indirectement, je lui expose brièvement les antécédents de Casey.
Au fond, je le sais, il va être difficile de lui tirer les verres du nez. Ma demi-sœur est un véritable cas à part. Mais qui peut la cerner mieux que personne au point qu’on a su créer des tensions entre nous à partir de ça ? Une nouvelle tension pourrait bien se créer le jour où j’irais la voir, le jour où je m’initierais dans son intimité, chose qu’elle déteste, chose qu’elle m’a pourtant maintes fois laissé faire cette année. Je prendrais le risque de revenir à notre point de départ. Parce que le sinistre et insensible a tout doucement apprit à en être un ; de grand frère. « Ouais c’est clair qu’elle va me haïr si je me mêle de ses affaires. Mais c’est moi ou papa. » Dis-je avec un sourire mesquin, plus pour moi que pour Jane. Sourcils froncés, regard vers le sol enneigé, je réfléchis déjà à la manière dont je vais aborder les choses. Je devrais être plus malin qu’elle. Je vais surtout devoir me forcer à ne pas me montrer trop intrusif. Au fond, je n’ai pas peur de ce qu’elle pourrait penser de moi. Je préfère juste y aller doucement dans le cas où Jane se serait trompée. Il nous aura fallut des années avant de nous faire confiance, et j’en ai un peu marre de tout gâcher.
L’addiction. Que voilà un problème aussi sérieux qu’incompréhensible pour la jeune infirmière. Elle ne l’avait jamais vécu elle-même, elle n’avait donc un savoir que théorique et des observations de cas dans ses connaissances. Pour Jane, L’addiction avait une définition bien établie : Processus de dépendance plus ou moins aliénante à des toxiques ou à des comportements. Ici, il s’agissait de la potion administrée, devenue une espèce de drogue pour la jeune demoiselle. Enfin, tout cela était juste des suppositions, Jane n’avait aucune preuve tangible, aucune preuve matérielle, aucune observation de manque à proprement parlé. Il n’y avait de toute façon pas de manque puisqu’il y avait toujours prise de la potion, pour l’instant. Mais elle connaissait chaque symptôme potentiel. Cela lui serait utile, lorsqu’elle supprimerait petit à petit les potions de Casey. Mais Jane ne pouvait la garder à l’infirmerie tout le temps, elle ne pouvait l’observer assez longtemps sur une journée pour savoir les différents effets que pourraient ressentir la sœur de Luca le moment venu. Luca non plus, cela dit, mais il devait certainement encore avoir quelques contacts dans le château pour garder un œil sur sa sœur. Elle l’espérait du moins.
Les symptômes de manque chez une personne étaient assez marquant et voyant pour la plupart. Des tremblements. De l’anxiété importante. Des sueurs. De l’irritabilité ou de l’angoisse. De l’agitation. Il était moins évident de remarquer les courbatures, les insomnies, les douleurs abdominales et les nausées. Plus le manque durait, plus les symptômes pouvaient s’accentuer. Cela dépendait de la force mentale de la personne. Comment tiendrait Casey ? Pourrait-elle gérer le pré-délirium qui la menacerait potentiellement ? Les hallucinations ? Elle ne pouvait pas être sûre à l’avance de ce qu’il se passerait, tout cela n’était que de la théorie pour l’instant. Mais Jane ne voulait rien laisser au hasard. Elle voulait être prête, être là pour soutenir la jeune fille si elle en avait besoin. L’infirmière espérait sincèrement que Casey la laisserait l’aider au mieux, et qu’elle ne serait pas comme Luca, revêche, incapable d’accepter l’aide de qui que ce soit.
La jeune assistante observait le jeune homme, exposant tout ce qu’elle avait pu observer et voir, ses déductions personnelles… Elle n’avait pas l’impression d’extrapoler son inquiétude ou même la situation. Elle était réellement inquiète. L’addiction lui avait toujours fait peur. Mais ça restait un problème sérieux.
Lorsque le jeune homme avait pris la parole, la jeune femme avait commencé à se frotter les mains pour les réchauffer. Elle avait toujours été sensible au froid, ses lèvres ayant parfois tendances à devenir bleues lorsqu’il gelait dehors. De quoi avait-elle l’air ? Une phrase fit tiquer la jeune demoiselle. Il allait lui en parler, la mettre devant les faits. Ca faisait un peu peur. Elle ne voulait pas que Luca brusque sa sœur. Mais il y avait-il une autre solution ? La manière douce fonctionnerait-elle ? Jane en doutait.
Et la suite du discours de Luca fit froncer les sourcils de l’ancienne aiglonne.
« Elle boit de l'alcool… ?! »
La voix pourtant toujours douce de la blonde s’était haussée. Mélanger des potions et de l’alcool n’était jamais une bonne idée. L’alcool tout court, n’était pas une bonne idée. C’était parfaitement inconcevable pour Jane qu’une adolescente ait un accès à de l’alcool.
« Et tu la laisses faire ? »
Ce n’était pas vraiment une accusation, plutôt de l’étonnement. Personne donc ne prêtait donc attention à cette adolescente ? N’y avait-il pas un parent responsable pour veiller correctement sur elle ? Sans parler des mutilations qu’elle s’était infligée à elle-même. Le problème était donc plus profond que ce que Jane avait soupçonné. L’horreur avait pris possession du visage Jane. Elle ne savait plus quoi dire de tout ça.
Dans un souffle, reprenant un peu de contenance, de calme et de douceur, Jane avait pourtant repris la parole.
« Excuse-moi. Je ne te blâme pas du tout, bien sûr. Mais les informations que tu m’as données ne sont pas le moins du monde rassurante. »
Et il ne les avait pas données pour que ce soit le cas, elle le savait.
« Je n’imaginais pas que le problème était si… ancré. »
Elle était peinée. Triste qu’une adolescente soit déjà prise dans un engrenage comme celui-là. Ne pouvaient-ils pas tous vivre dans un monde normal ? Aller en cours, faire leurs devoirs, s’amuser, sans avoir des tourments comme ceux-là ? Des problèmes de cette ampleur ?
« Je suis également désolée si cela détériores ta relation avec ta sœur. Je ne voyais pas vers qui d’autre me tourner dans l’immédiat. Impliquer les parents, c’est toujours compliqué et ça amène toujours d’autres ennuis. Et elle en a déjà assez. »
“trouble.” J’ai beau me comporter comme le plus gros des connards avec celle fille, Jane est toujours là, respectueuse, pétillante, gentille au point de l’être un peu trop. Qu’est ce qui cloche chez elle ? Serait-elle complètement maso ou faudrait-il la respecter pour le courage et la ténacité dont elle fait preuve auprès du pire ? Jane ne me doit rien, bien au contraire. C’est moi qui lui dois des semaines de sa vie. Fut un temps, je lui devais même un nouveau cœur. Pourtant aujourd’hui, elle cherche à m’aider. Certes, c’est Casey qu’elle protège à travers cette conversation, mais notre passé et notre dernière rencontre n’ont pas su être un frein à son professionnalisme. Elle est venue vers moi directement. Plus déterminée qu’on ne saurait l’imaginer, la Jane. Si elle cherche à me faire culpabiliser, elle y arriverait presque. Cruz et Casey m’ont donnés un cœur, c’est invivable.
J’ai parfaitement accepté ce qu’elle m’a annoncé. Je veux d’ailleurs bien la croire car ce n’est pas bien difficile lorsqu’on connaît Casey comme je la connais. Je m’engage à aller discuter avec elle au plus tôt pour mettre les choses au clair. Par ailleurs, je ne me suis pas dispensé de partager les quelques antécédents de Casey. Après tout, Jane est son infirmière, c’est le genre de choses qu’elle devrait savoir. Je ne me suis pas non plus tu pour dire que Casey boit assez régulièrement. Loin de moi l’envie de faire passer ma sœur pour une ivrogne, il faut tout de même admettre que lorsque je la vois, le plus souvent, c’est avec un verre à la main. Et cette position est réciproque. La mention de l’alcool déclenche soudainement l’outrage de Jane. Un haussement de voix presque inédit, la manifestation d’une implication forte. J’ai ma part de responsabilité, c’est clair. Cette manie que j’ai à lui servir des verres cadeaux de la maison n’aide en rien. Froncer les sourcils aux mots employés par Jane qui, bien loin d’être sur le ton du reproche, y ressemblent fortement. Excusez moi madame Jane, je ne suis pas son père. Et comment suis-je supposé savoir que l’alcool fait un mixte dangereux avec une potion à laquelle elle est accro ? C’est ce que j’aimerais lui répondre avec dédain, mais elle ne m’en laisse pas le temps. Un « Quoi ? » méprisant est tout ce que je parviens à dire. Elle s’excuse. La douce s’excuse avant que je ne puisse lâcher un mot de plus. Rien ne lui importe plus que la santé de Casey et j’aurais eu l’air très con de la remballer comme une sous-merde. A force, je ne sais plus comment agir avec Jane. Elle donne envie de la secouer, de débrancher sa bonté et son cœur, rien qu’un instant. A la fois sa voix douce et rassurante appelle au réconfort. En venir à la détester autant que l’admirer semble irréversible.
Croiser les bras contre mon torse, empêcher l’agacement d’externaliser, relâcher une expiration forte tandis que le froid nous brûle les joues. Jane n’imaginait pas le problème d’aussi loin. Personne ne l’imaginerait. Ce genre d’horreur la dépasse. Son esprit guimauve n’imagine pas ce genre de perversions. Elle s’est fait embobiner par moi, ça devrait suffire comme preuve. Je me contente de faire face à son visage peiné en maintenant les traits serrés du mien. « Ancré, c’est le mot. Écoutes, je vois bien que tu prends ton travail très à cœur mais t’inquiète pas pour elle comme ça. Essaie de l’aider, tu verrais bien que t’obtiendras rien. »
Alors que je parlais pour moi-même principalement, évoquant le fait que Casey risque fort de m’envoyer bouler au même titre que n’importe qui, Jane s’excuse une nouvelle fois. Je vais vraiment lui arracher la langue si elle continue à être aussi gentille. Ça ne la fatigue pas à force ? Baisser le regard avec un calme olympien, préparer une réponse calme et concentrée sur le sort de Casey fraîchement révélé. « T’en fais pas pour notre relation non plus, elle ne peut pas finir pire qu’elle ne l’a déjà été. » Rien ne peut être plus vrai. De base, je suis quand même le mec qui a enfermé ses miches dans un cachot, faut pas l’oublier. Et maintenant ? On va rester planté là pendant des heures ? Je lâche un salut vague avant de tourner les talons et retourner à mes affaires ? Nan, là je crois qu'un effort est à faire, et il sera fait. Je ne suis plus le monstre que j'ai été, pourquoi ne pas lui montrer ? La fierté, comme toujours. Cela dit, Jane mérite des remerciements dignes de ce nom. Elle mérite quand même que le manque d'implication de notre père soit remarquée. « Je te dois quand même des remerciements. Merci d'être passée par moi et pas par mon père. » Ses mots n'ont presque pas besoin d'être arrachés. C'est ferme, mais sincère.
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(#) Sujet: Re: Trouble Ҩ Feat Luca Jeu 5 Mar 2020 - 22:54
Luca Ҩ Jane
« Trouble. »
C’était un peu dingue comme situation. Comment aurait-elle pu imaginer un seul instant se retrouver en compagnie de Luca sans qu’il ne fasse ses habituels ronchonnements, sans qu’il ne la cloue sur place avec son regard glacé et brutal, sans qu’il ne paraisse excédé qu’elle soit là ? Ce qui, si on y pensait, n’avait tout bonnement aucun sens, d’ailleurs ! C’était un peu le monde à l’envers. C’était lui qui se barrait, lui qui l’avait mal traitée, et lui qui faisait la gueule. Il n’y avait jamais eu rien de normal avec Luca, décidément. Mais il ne fallait pas qu’elle pense à ça. Elle n’était pas là pour ça. Le passé devait rester derrière, maintenant qu’elle s’était remise à avancer, bien qu’elle restait persuadée qu’elle aurait toujours une certaine attention pour le sombre garçon. Il avait été son premier amour, il l’avait marquée, pas vraiment dans le bon sens mais elle n’avait pas que des mauvais souvenirs avec lui. Et puis, n’avait-il pas répondu présent lorsqu’elle l’avait interpellé vis-à-vis de sa sœur ? N’était-il pas juste devant elle, dans ce froid presque polaire – sans exagération, bien sûr -, prêt à la croire sur parole ? Bien que non sans investiguer d’abord, bien sûr.
Le jeune homme lui faisant fasse venait tout juste de déclencher la stupeur de Jane. De l’alcool ! Pour une fille si jeune ! Elle s’était indignée d’un coup, parce que c’était dangereux, bien sûr. Et irresponsable, autant de la part de Casey que de Luca, bien qu’il ne sache pas, lui, qu’elle prenait des potions particulièrement puissantes. Il lui avait jeté tout aussi vite une réponse sur un ton méprisant. Et elle l’avait coupé pour s’excuser de s’être emportée. Juste de l’inquiétude de sa part, rien de méchant, pas de réel reproche. Ce n’était pas le genre de la demoiselle. De plus, Luca n’était pas le père de la jeune fille. Techniquement, ce n’était pas à lui à veiller sur elle. Mais il fallait quand même dire que le fait qu’il travaille dans la taverne de Pré-Au-Lard ne devait pas aider Casey dans sa consommation d’alcool. Mais encore une fois, elle n’avait aucun droit de dire quoi que ce soit, ça ne la regardait pas, après tout… Pas tout à fait, en tout cas.
Jane était peinée par le cas de Casey, par ses antécédents. Elle trouvait ça tellement dingue de s’auto-infliger autant de mal… Son monde devait être bien triste et sombre pour en venir à avoir besoin de toutes ces choses pour se sentir vivre. Mince… Décidément, il fallait toujours qu’elle s’accroche aux âmes torturées par la vie. C’était de famille, à croire. La lèvre de la jeune femme tremblote légèrement par le froid. Le fait que la lune soit levée fait descendre les températures bien trop vite pour la jeune femme déjà frileuse.
Lorsque Luca reprend la parole, elle l’observe alors. Ses traits sont serrés. Ca y est, il recommence… Son message n’a rien de positif, au contraire, il sonne décourageant.
« Je ne compte pas abandonner ta sœur. Ni cesser d’essayer de l’aider. C’est justement parce que tout le monde cesse de le faire qu’elle se raccroche à tout ça. Et même si elle ne veut pas de mon aide dans un premier temps, j’ai bon espoir qu’elle finira par comprendre que je le fais pour elle, par inquiétude pour elle. Ca ne m’amuse pas de m’inquiéter pour les autres… »
Mais elle ne pouvait pas s’en empêcher. Les cas désespérés, c’était probablement son addiction à elle. Elle avait bien tenté de faire venir Luca dans la lumière, ça n’avait pas fonctionné, d’accord, mais ça n’avait peut-être pas juste été le bon moment… Après tout, il avait changé, depuis. Ils n’étaient plus les adolescents d’autrefois.
Alors que le jeune homme lui indique que l’état de la relation de frère-sœur a déjà été compliqué auparavant, Jane lui offre un demi-sourire compatissant. Elle s’en veut d’être la source d’un futur conflit, mais en même temps, si c’est ce qu’il faut pour remettre Casey sur le droit chemin, c’est un mal pour un bien. Elle aurait juste voulu ne pas impliquer Luca, mais avait-elle eu l’ombre d’un choix ?
Et puis, contre toute attente, il l’avait remerciée. Bah mince alors, si un jour elle avait soupçonné qu’il la remercierait, même pour une raison aussi futile pour Jane… Elle écarquilla un peu les yeux. Ce genre de comportement, ça ne lui ressemblait pas du tout. Prise au dépourvu, Jane s’était mise à rougir comme une écrevisse cuite.
« Oh… C’est.. Normal. Tu ne dois pas me remercier, c’est mon… Travail. Tout ça… »
Elle l’avait dit d’une petite voix, gênée, redevenue timide presque devant Luca l’impressionnant. Elle toussota légèrement, pour reprendre un peu contenance.
« Je suis vraiment morte de froid alors… Si tu as toutes les informations et précisions qu’il te fallait, je pense que je vais te laisser aller travailler. »
Après tout, il n’était pas du genre à s’attarder et elle ne voulait pas risquer qu’il la plante là en tournant les talons. Il n’était pas du genre à échanger des formalités d’usage pour dire au revoir.
« Merci d’être venu. Est-ce que je peux te demander de me tenir au courant lorsque tu l’auras vue… ? »
(#) Sujet: Re: Trouble Ҩ Feat Luca Mar 10 Mar 2020 - 18:58
J’ai parlé des consommations d’alcool comme d’une habitude, presque journalière. Je sais pourtant bien, au fond de moi, que ça n’arrive qu’en ma compagnie. Du moins je l’espère. J’aime cette ambiance dans laquelle on s’initie à chaque fois elle et moi, un verre à la main. Involontairement, je veux recréer ce confort dans lequel nous nous étions retrouvés après un repas de Noël catastrophique. Ce soir là a marqué beaucoup de choses. La naissance d’une famille bien différente, pourtant peuplée des mêmes visages de froideur. C’est comme si je voulais porter honneur à ce soir qui a tout changé, un soir qui m’a réchauffé le cœur. Aussi fier que je puisse être, j’aime retrouver cette soirée dans chacun de verres que je partage avec Casey. Ma pire ennemie est loin. Aujourd’hui, je suis un grand frère à qui on demande de s’occuper de sa petite sœur. C’est pure folie. Une folie à laquelle je me suis adapté. La dureté de nos journées et de notre famille ont forcés la chose, réduisant les effets d’une décennie à quelques mois. Alors je la connais, mieux que personne, et plus ferme qu’avant, je déclare à Jane que son aide sera veine. Mais elle semble vouloir s’entêter. Elle ne veut pas l’abandonner, c’est le genre de choses qui déchirent les hommes. Alors j’hoche les épaules en guise de "comme tu le souhaites". « Fais comme tu le sens, mais je t’aurais au moins prévenu, ce sera pas tendre. » Et tendre, c’est tout ce qu’elle est.
Quand je pense que je ne voulais même pas venir au départ. Quand je pense que j’ai toujours traité cette empotée comme une moins que rien, alors qu’à elle seule, elle vaut mieux que toute ma famille réunie. C’est pour ça que je l’éloigne de moi depuis toujours. C’est pour ça que je l’écarte de quelqu’un dont elle n’a pas besoin, un véritable frein à son épanouissement. Lui briser un cœur que je me fichais bien de briser au départ, avait finit par être le prix à payer. Raison de plus de trouver l’attachement ridicule. Raison de plus pour avoir hésité à venir à sa rencontre ce soir. Alors peut-être qu’une part de culpabilité se joint malgré tout à elle. Je ne peux pourtant m’empêcher de me sentir agacé de la voir si douce, comme si elle essayait de me faire culpabiliser fortement. Elle n’est pourtant pas de ses fourberies. Jane est bien au-delà de ça. Trop naïve pour comprendre l’esprit malin et l’imiter. Moi, trop parano pour laisser la moindre chance. Elle le dit elle-même, au final, elle ne fait que son travail. Voir ses yeux s’écarquiller à mon merci, s’imaginer qu’elle ne l’attendait pas une seule seconde. Retrouver alors une Jane intimidé, cette fois pas par ma froideur, mais par ma chaleur.
Puis je remarque enfin que Jane est congelée. Trop occupée par le sujet, trop occupé par ma rancœur et mon inquiétude, je n’avais même pas vu que la pauvre se les gelait vraiment. Elle me libère alors, et je me souviens que les trois balais m’attend pour mon service du soir. Heureusement, ce ne fut pas trop long. « Ouais, il faut que j’y aille, rentres au chaud, ça serait con que l'infirmière de l'école tombe malade. » Serait-ce une pointe d'humour ? Pas spécialement inquiet cela-dit, j’aimerais quand même mieux qu’elle se réchauffe avant de finir en glaçon et de passer la nuit là. Puis elle me demande de la tenir au courant. Bien entendu, je le ferais. Pour m’avoir prévenu, je respecterais cette volonté, ça va de soi. Porter un dernier regard vers Jane avant de reculer vers le bar de quelques pas, mains dans les poches. « Je t’enverrais une lettre. » Promesse faîte, je tourne les talons pour partir dans le sens inverse au sien. La nuit tombe définitivement. Jane n’aura pas de mal à retrouver son chemin. Qu’elle se mette vite au bord d’un feu. Personne ne fera son travail mieux qu'elle.
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