J’avais beau chercher le nom de cette créature, pas moyen de m’en souvenir. Déçue, je ne levai pas la main. À quoi bon ? D’ailleurs, personne d’autre ne se risqua à tenter une réponse. Ce n’était pas comme si l’assistant allait nous mordre non plus. Ce dernier ne semblait pas perdre patiente. Il se contentait de nous observer de son regard indulgent. « Personne ? » avait-il dit comme pour nous encourager. Pour autant, aucun de mes camarades ne tenta quoi que ce soit. C’était comme si l’assemblée des troisièmes années avait perdu le don de parole. Quelque part, c’était même hilarant de voir le regard complètement perdu de certains. Et dire que c’était pire avec le professeur Greengrass ! Disons qu’en comparaison, M. Vayne était d’une jeunesse et d’une passion débordante. Ce qui n’était pas plus mal. C’était juste que pour cette question, personne n’avait la réponse. Quel était donc le nom de ce mystérieux être dont le nom m’échappait toujours ?

Comme si ma question avait transparu à travers mes yeux, le jeune assistant croisa mon regard. Timide, je le détournai un bref instant avant que M. Vayne ne me désigne afin de m’approcher de la cage. Je m’en approchai avec une petite hésitation, un sourire léger, mon regard faisant le voyage entre les petits hérissons et l’assistant. « Est-ce que ça te dit de leur donner un peu de nourriture ? » m’enjoignit-il en toute bienveillance. « Oui, bien-sûr ! » répondis-je, le ton enjoué. J’adorais nourrir ces petites boules de poil, ça compensait un minimum au fait de n’avoir pas droit aux rongeurs à la maison. Récupérant la tarte aux oignons des mains du jeune adulte, je fus sur le point de me rapprocher de la cage lorsque ce dernier m’avertit : « Par contre, si j’étais toi, je m’écarterais un tout petit peu de l’enclos. » Je me tournai vers ce dernier, un léger froncement de sourcils. Comme ça m’écarter ? De son doigt, l’assistant me désigna une position assez éloignée de la cage pour m’y tenir à distance, au cas où. Prudente, je choisis de me fier à son jugement. Après tout, il en savait bien plus que moi.

Hésitante, alors que je songeai à nourrir les hérissons qui se rapprochaient avec envie des bords de la cage, un autre adulte fit face à mes camarades et moi. Il réitéra la question de l’assistant sous nos regards surpris. Je supposai qu’il s’agissait du nouveau garde-chasse. Ne le connaissant pas du tout, je le gratifiai d’un « bonjour » poli, écoutant par la même occasion ses explications énigmatiques. Au moins, nous avions un indice. Même si j’avais été tentée de le proposer en réponse, il n’était pas question d’un niffleur. D’ailleurs, comme pour nous le montrer, le nouveau venu nourrit les hérissons avec ce qu’il avait sous le coude. Visiblement, il n’y eut pas de problème. Aucun hérisson ne semblait faire tache. J’eus une expression interrogative à l’égard de M. Vayne, avant de m’avancer vers les animaux. La mémoire ne me revenant toujours pas, je pris la disposition d’ouvrir la porte de la cage et d’y glisser les parts de la tarte. Tous les hérissons se ruèrent vers la nourriture. À l’exception d’un. Il semblait… réticent. Je lui coupai un morceau que je posai sous son nez. Il le huma et, d’un coup, sortit de ses gonds. Il hurla et prit la nourriture dans sa gueule avant de la jeter hors de la cage. Apeurée, je reculai de deux bons pas de la cage. Cette fois-ci, nous avions bien repéré l’intrus. Mais comment avait fait le garde-chasse pour ne pas le mettre en colère ? Avait-il mis quelque chose dans sa nourriture ?

2 – 4 – 6 : Je tentai à tout hasard : « Ça ne serait pas un noueux, par hasard ? » demandai-je au professeur assistant.

1 – 3 – 5 : Je me tournai vers le garde-chasse, confuse : « Qu’est-ce qui lui arrive ? Il n’a pas réagi comme ça tout à l’heure. »

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'Le Hasard' : 4

Alors c’était bien ça ? A priori, je ne m’étais pas trompé sur sa dénomination : il s’agissait bien d’un noueux. Le petit animal aux longs piquants ressemblait à s’y méprendre aux autres hérissons. Néanmoins, si on prenait le temps de correctement l’observer, il était aisé de repérer quelques différences. Sans oublier sa petite manie à refuser de la nourriture gentiment offerte. Mais la raison demeurait un mystère pour moi. Probablement que ce petit être n’aimait pas être entretenu pour cause de fierté ? « C’est bien ça, Monsieur Vayne. » répondis-je à la question du professeur. Un sourire satisfait en direction des deux adultes, j’acceptais avec plaisir les 5 points accordés à ma maison. Je n’allais tout de même pas refuser, même si j’estimais que l’exercice n’était pas difficile. Plus tard, je songeais à remercier ma grand-mère pour ses avertissements dans une lettre. Aussi, je n’oublierais pas de mettre au courant Hilary pour les points en plus. La connaissant, elle allait bondir de joie. Peut-être qu’elle aussi avait grappillé quelques points dans son option ?

Reprenant ma place près du reste du groupe, le jeune assistant nous enjoignit de prendre une feuille de parchemin et une plume. Allions-nous prendre des notes maintenant ? Ce n’était pas ma partie préférée du cours, mais avec M. Vayne, je ne doutais pas que la prise de notes resterait une corvée. Il avait un don pour rendre le cours plus agréable. Or, il n’y aurait pas de notes, nous allions devoir nous mettre au dessin. Je tirai une tête malgré moi : le dessin n’était pas mon fort. Mais puisque M. Vayne semblait tolérant, j’allais faire de mon mieux. Même si le temps restant était compté, j’observerais du mieux possible le noueux pour en tirer la meilleure esquisse. Sans oublier quelques annotations, bien-entendu. Ainsi, mes camarades et moi nous mîmes au dessin, sans rechigner. Je me rapprochai du centre de toutes les attentions tout en essayant de le comparer aux autres hérissons. En effet, on ne pouvait en rien les distinguer, mis à part leurs caractères. Après quelques traits tantôt maladroits, tantôt confiants, j’obtins le résultat suivant :

Croquis du Noueux:

J’eus à peine le temps d’écrire une dernière remarque que le cours touchait à sa fin. M. Vayne nous intima à nous rapprocher de lui pour lui remettre les dessins. Autour de moi, certains camarades s’empressaient d’achever leur travail. J’étais quelque peu satisfaite du mien, même si je le considérais incomplet. En remettant mon travail au jeune assistant, je ne pus m’empêcher de lui répliquer d’une voix toute timide : « Merci professeur, il était super ce cours avec vous. A la semaine prochaine ! » Oui, quitte à choisir, je préférais largement un jeune professeur dynamique et compréhensif plutôt que son collègue aigri et désabusé.