Et si j’avais toujours eu tort ? Et si je me trompais depuis le début ? On ne connaît jamais les véritables intentions de l’autre si on ne lui pose pas directement la question. On a beau connaître quelqu'un, les envies et les secrets sont propres à chacun en plus d’être très peu reflétés dans des yeux qu’on fixe chaque jour. Que ce soit au cours d’un long repas, d’une discussion, d’un travail de groupe, ou d’une salutation au plus simple, percer le mystère des uns et des autres est un talent rare. Je commence à comprendre. Je commence à me dire que j’ai été idiot. Peut-être aussi que ça commence à me bouffer. Peut-être qu'en sachant ce que je ressens, je ne peux plus me résoudre à l'ignorer. J'ai voulu passer outre pour une fois, me convaincre que c'était une mauvaise idée, autant pour elle que pour moi. Persuadé qu'elle n'en aurait rien à faire, que sa vie tourne autour de ses études, les sentiments que j'éprouve pour Hadley commencent à peser. Et si c’était réciproque ? Ça se pourrait non ? Les vacances chez moi étaient plutôt révélatrices, les lettres d'Artemisia mettaient la puce à l'oreille, son choix de costume pour Halloween ça aurait pu être pour me faire plaisir ? J’en sais rien. Des idées se cumulent dans ma tête, mais ça ne reste que des idées. C'est en croyant avoir toujours bien fais que je la regarde en ce moment même, bloqué dans ses pensés abruptes, alors qu'elle m'explique le processus de création d'un flocon de neige. Fixer le visage naturellement pâle d'Hadley, d'avantage blanchit en ce moment par le reflet de la neige lumineuse sur sa peau. Oui, l'hiver arrive, et Poudlard est en neige. Il aura suffit d'un flocon sur mon doigt pour que la Serdaigle se lance et étale une science que je suis toujours flatté d'entendre. Le flocon, facteur de tous ses récits, a déjà fondu à même la chaleur de ma peau, et pourtant, elle en parle toujours. Bêtement, je l'admire comme je l'ai toujours fais. Je sourie, bien conscient que je n'entends qu'un mot sur deux, juqu'à ce qu'enfin je me réveille. « De quoi ? Des gouttelettes en surfu-quoi ? Pardon, je me suis perdu ! » Dis-je avant de boire une gorgée de mon thé citron à emporter.

-Un thé citron ? D'où il sort celui-là ? Allé, petit briefing de la situation.
Cette année, je n’allais pas avoir les fesses dans la neige. Elles seraient posées à côté de celles d'Hadley, sur un banc déjà séché par le postérieur d’un autre abrutit. J'aurais aimé qu'il soit chauffé, mais le froid commence doucement à l’emporter sur le reste. Bon allé, tout d'abord, rappelons-nous l'an dernier, car c'est l'origine même de toute cette mascarade ! Une dégustation de cake et de thé au salon de la grosse folle flippante, une boule de neige recommandée en pleine tronche, et une très rapide violation des règles mises en place par l’école. Mais n’oublions surtout pas mon entrée fracassante dont le sujet ne fut autre que ma paire de boules ! Je me demande d’ailleurs si elle va un jour comprendre que je ne parlais pas des boules du sapin de Noël... Laissons-lui une bonne dizaine d’année ! Bref, aujourd’hui j’ai voulu faire quelque chose de sympa, et pourquoi pas, la surprendre un peu. Alors je l’ai invité à sortir à Pré-au-lard, sans pour autant parler du salon de thé de Madame Pieddodu, ou Misery comme j’aime bien l’appeler. Pour autant, je nous avais donné rendez-vous non loin du salon, et avant l'heure précise, je suis rapidement passé au shop pour acheter quelques trucs à emporter. Surprise, magie, ou miracle, comme vous voulez, je suis arrivé à l'heure, woaw ! Des applaudissement s'il vous plait ! Je m'étais dirigé vers la belle blonde, mes commandes à la main. "Thé au jasmin et quatre quart !" Lui avais-je dis souriant, en lui tendant le thé et le gâteau qu'elle avait commandé l'hiver dernier. Avant de nous laisser tomber sur le banc, j'avais exposer mon propre muffin et thé citron miel que je sirote en ce moment même dans un froid encore naissant.

Regard à droite, regard à gauche, personne. Rien de bien anormal, nous nous étions donné rendez-vous à 14h et j'étais arrivée un peu en avance. Pour être honnête, je tournais en rond depuis un moment dans mon dortoir, incapable de calmer ma nervosité. J'avais pris soin de choisir une tenue chaude, mais dont les couleurs me donnaient un joli teint. Cela ne ferait certainement pas de miracle, mais l'espoir faisait vivre, n'est-ce pas ? J'avais opté pour un maquillage discret, ne voulant pas en faire trop. Cela faisait un moment que je voulais parler à Ollie de ce que je ressentais pour lui. Je m'étais résolue à le faire quand j'avais aidé Tatiana pour un de ses devoirs et depuis lors, je repoussais l'échéance. Je trouvais toujours une bonne excuse pour ne pas le faire : il y a trop de monde, il a l'air préoccupé, Artemisia doit nous rejoindre, nous n'allons pas avoir le temps etc. Tout était bon pour attendre encore un peu, histoire de trouver les bons mots pour exprimer ce que je ressentais, mais à chaque fois, je m'en voulais. Je savais que les "bons mots" n'existaient pas et qu'il n'y aurait jamais d'occasion parfaite pour ce genre de révélation. Seule la peur m'empêchait de me révéler et il allait falloir que ça cesse. C'est pour cela que j'étais très nerveuse, parce que j'avais décidé que j'allais enfin franchir le pas et m'ouvrir à lui. J'avais bon espoir qu'en tant qu'ami, il comprendrait et ne m'en voudrait pas. Je ne m'attends pas à un miracle, pour être honnête, j'espérais juste éviter le drame au maximum.

Ollie finit par arriver, à l'heure dite - ce qui est de l'ordre du miracle quand on le connaît ! - armé de deux gobelets à emporter et deux gâteaux. Il avait pris soin de passer dans mon salon de thé préféré pour me prendre un thé au Jasmin et un quatre-quart. L'attention était tellement touchante que cela me rendit deux fois plus nerveuse que je ne l'étais déjà. C'est donc, installés sur un banc que sans crier gare, je commença à expliquer comment se forme les flocons quand l'un d'eux est venu finir sa course sur le doigt de mon ami « Le flocon de neige est un agrégat de cristaux de glace qui tombe à travers l'atmosphère terrestre sous forme de précipitations lorsque la température de l'air est inférieure ou égale à 0 °C. Leur formation débute par des cristaux de neige qui se développent lorsque des gouttelettes microscopiques en surfusion gèlent dans un nuage... » Le pauvre devait se demander ce qu'il avait bien pu faire pour mériter ça. La vérité c'était qu'évidemment, rien, mais que voulez-vous, quand je suis nerveuse, je ne peux m'empêcher d'expliquer des choses, même inutiles. C'est ma façon à moi de me calmer, chacun son truc j'ai envie de dire. Quand il reprit la parole pour me dire qu'il était perdu, je me mis à rougir, un peu honteuse. Evidemment qu'il était perdu, il n'avait rien demandé à personne et venait de se faire assommer par un dictionnaire ambulant. « Non c'est moi, pardon ! Je ne sais pas pourquoi je t'explique ça ... » Au fond de moi, je le savais, évidemment, mais je ne me sentais pas encore prête à le lui dire. Etait-ce un mensonge ? Si on partait du principe que j'avais juste besoin d'un peu de temps pour rassembler mon courage, on pouvait peut-être espérer que non ! Afin de calmer les palpitations de mon coeur, je décidais de porter mon thé à mes lèvres pour en boire une gorgée. Evidemment, c'était une erreur, le thé était brûlant, mais que voulez-vous, dans l'état dans lequel j'étais, je n'arrivais plus à penser correctement. Si je continuais comme ça, il allait fuir à toutes jambes bien avant que j'ai eu le temps de m'ouvrir à lui. Toussant, je manque de m'étouffer avec mon thé et c'est les yeux un peu rougis par l'effort, que je pose ma tasse à côté de moi, afin d'éviter de faire une nouvelle fois cette erreur. Je tente de garder contenance en croquant dans mon quatre-quart, espérant naïvement qu'il me donnerait des forces...

Franchement, j’aurais pas pu suivre un peu ? C’est sûrement très intéressant le processus de formation d’un flocon. C’est de la science, y’a quoi de plus passionnant que la science ? Heureusement que j’ai un sourire d’ange et qu’elle a l’habitude de me paumer avec ses explications, sinon je me serais tarter. Cette fois, ce n’est pas tant la manie que j’ai à me disperser qui m’a perdu, c’était tout simplement elle. Je me suis perdu dans mes pensés, certes, mais uniquement à cause d’elle, de ses yeux, de sa voix de... Oh woah, bordel, je deviens nian nian ou c’est moi ? Allé, on coupe, fin de la scène, et on arrête de rêver. Parce que pour le coup, je ne l’aide pas beaucoup. Elle s’excuse pour la millième fois, et je me sentirais presque mal de la faire culpabiliser, encore. Mais on ne va pas s’embrouiller à cause d’un flocon de neige, si ? « Ah non c’est intéressant, je te rassure ! C’est moi, j’avais la tête ailleurs... » Lui jeter un sourire en coin rassurant, penché avec mon gobelet chaud à la main, un coude posé sur chaque genoux. La regarder porter son thé à ses lèvres, la regarder se brûler le bout de la langue, le moment idéal pour me redresser. « Ah bah oui attention, c'est chaud ! » Dis-je alors qu'elle pose son gobelet à côté d'elle, officiellement traumatisée par le jasmin. Je me pince la lèvre, me retenant de rire, niaisement séduit. Et maintenant ? J'ai pas une évidence encore plus évidente à sortir ? Tu veux pas lui dire de faire attention parce que la neige est froide tant que t'y es ? Je ne l'ai pas fais venir pour rien bordel. Enfin si, en soit je voulais juste passer un peu de temps avec elle, installer un rituel qui ne durera pas une année de plus. C'était histoire de. Mais je suis sérieux, si j'en profitais pour tenter quelque chose, maintenant que je suis sûr de moi ? Rien ne m'empêche de tâter le terrain. C'est à peine si elle le remarquera, alors j'ai largement assez de place au cas où je me vautre. Je voudrais lui demander si elle a des vus sur quelqu’un, ou si les histoires de cœur lui passent toujours au dessus de la tête. Mais l’esprit culotté d’Ollie Lloyd ne va finalement pas passer par quatre chemins. A peine ai-je souris à sa petite brûlure maladroite, que je tends une main vers celle qu’elle vient de libérer en se débarrassant du gobelet. Prendre sa main dans la mienne, sans crier gare. Savoir que si ce contact la dérange, elle me le dira, ou le rompra carrément. Je ne devrais rien ajouter de plus. Je devrais me taire et ne lui exprimer que cette affection, que cette main chaude contre la froideur de la sienne. Mais je ne peux pas m'en empêcher. Il faut que je cause. Parce que ça palpite salement, je flippe, et j'ai juste envie de me laisser crever sous une tonne de neige. Alors la connerie arrive, alors je veux faire diversion, jouer la carte de l'humour qui ne rentre toujours pas dans les bottes d'Hadley. Pointer quelque chose du doigt, quelque chose qui n'existe pas. « Eh, t'as vu ?! Ah non mince, c'est déjà parti. » Mais nom du slip à Dumbledore, ferme la donc.

J'étais mal à l'aise et je commençais à en avoir marre d'être mal à l'aise avec mes proches. J'ai l'impression que je passe mon temps à mal vivre chaque interaction avec mes proches. Je ne sais plus comment agir ou réagir face à ma famille, leur en voulant toujours de ce qu'ils m'ont fait et étant incapable pour le moment de comprendre leurs raisons. Je sais que je leur fais du mal en les rejetant mais c'est la seule façon que j'ai trouvé pour pouvoir me protéger. Je suis mal à l'aise en compagnie d'Artemesia, à cause d'Ollie. Parce que je sais qu'elle tient à lui et vu que je l'aime aussi, je me sens bête et la pire des amies de ne rien faire pour l'aider. J'essaye de retrouver la complicité qu'on avait avant, mais pour le moment c'est un peu difficile, tellement je me sens coupable. Et maintenant Ollie, pour qui je craque complètement. Je sais que pour régler une bonne fois pour toute ce malaise avec Arte et Ollie, il faudrait que je parle à Ollie, mais pour ça il faut du courage, que j'ai l'impression de perdre de seconde en seconde. Je savais que le passage à l'adolescence était une étape difficile dans la vie d'une jeune fille et j'imagine que je m'en suis plutôt bien sortie jusqu'à présent, mais il fallait bien que ça m'arrive à moi aussi, les premiers amours. Mais là où ce n'est déjà pas forcément simple de base, ça devient encore plus compliqué pour moi, qui réfléchie à tout, pèse le pour et le contre de tout et m'interroge beaucoup trop, pas assez sûre de moi. Pourtant je le vois bien que je suis loin d'être aussi moche que j'ai fini par le croire. Je suis une jeune adolescente comme les autres, enfin en apparence du moins. Etre intelligente est loin d'être totalement positif et je me fais plus de mal que de bien. Je ne sais pas me laisser aller, j'ai besoin de tout contrôler. Malheureusement, on ne contrôle rien avec l'amour, il faut juste savoir lâcher prise.

Mais lâcher prise, je ne sais pas faire. La seule fois où j'ai réussi à le faire, j'étais en train de mourir. Et là clairement je n'ai pas envie de me vider de mon sang pour moins ressentir la pression que je me mets au quotidien. Alors j'imagine que je vais devoir me débrouiller autrement. Je m'excuse auprès d'Ollie pour cette explication - certainement chiante comme la pluie - de la création du flocon de neige. Ce dernier, toujours aussi adorable, prends la responsabilité de cette histoire en expliquant que mon histoire était intéressante, c'était lui qui avait la tête ailleurs. Soudainement un peu inquiète, je me penche vers lui pour m'acquérir de la raison de cette distraction. « Ca ne va pas ? Quelque chose te perturbe ? C'est à cause de ton rôle de préfet ? » Lui demandais-je, me rendant compte que je n'avais même pas pris la peine de lui demander si tout allait bien pour lui et s'il se faisait à ses nouvelles responsabilités. On repassera pour l'amie de l'année. Ce qui me rassurait c'était qu'il n'avait pas l'air d'être au fond du gouffre, ce qui était toujours ça de pris, mais s'il y avait quelque chose qui n'allait pas dans sa vie, je ne voulais pas qu'il le garde pour lui, dans le but de me préserver. J'étais aussi là pour ça, être une oreille attentive, tenter de lui offrir des conseils avisés ou une aide précieuse, sait-on jamais ! Après ce n'était peut-être rien de tout ça, mais dans le doute, je préférais vérifier.

Je manque de me brûler avec mon thé et décide de le poser à côté de moi, pour lui laisser le temps de refroidir un peu. L'idée ce n'était pas de finir à l'infirmerie pour une brûlure grave, ça serait dommage de finir la journée comme ça. Ollie me dit de faire attention parce que c'est chaud et en effet, je venais de le remarquer. J'esquisse un sourire, un peu gênée, non pas par sa remarque, mais parce que c'était évident et que j'avais quand même fait la boulette de boire le thé, comme s'il allait refroidir soudainement parce que je l'avais décidé. Parfois jeune Lewis, il faudrait que tu fasses un peu plus fonctionner tes neurones pour éviter de te mettre l'affiche. J'étais en train de chercher comment aborder le sujet qui me tiraillait depuis de longue semaine quand soudaine, Ollie fit quelque chose que je ne m'attendais pas. Il me prit la main. Juste comme ça, sans raison. Au début, je m'attendais à ce qu'il me dise quelque chose, mais rien, il se contenta de me regarder. Que devais-je faire ? Incapable d'aligner trois réflexions qui tiennent la route, je me contente de rougir bêtement, laissant ma main bien en place dans la sienne. Et puis il se remet à parler et là, je ne capte absolument pas de quoi il me parle. Il y avait quelque chose ? Quoi ? « C'était quoi ? » Lui demandais-je candidement, les yeux ronds mais les joues rougies par ce soudain contact de ma main dans la sienne.

Visiblement Ollie était un peu distrait aujourd'hui, mais cela n'avait rien à voir avec son rôle de préfet, en tout cas de ce que je comprenais. Cela ne m'avançait guère mais j'imagine que s'il souhaite m'en parler, il le fera. Je ne suis pas très douée au niveau social, mais j'ai lu beaucoup de livres sur le sujet. Et ils s'accordent tous en général pour dire qu'il ne faut jamais brusquer les gens ou les obliger à parler de sujets qu'ils n'ont pas forcément envie d'aborder ou qui les gênent. Et pour prendre mon propre cas en exemple, même si je suis quelqu'un d'assez ouvert, qui parle facilement d'à peu près tout, je constate qu'avec le temps, certains sujets me plaisent moins que d'autres, me mettent plus facilement mal à l'aise et je préfère les éviter. J'y réponds quand je n'ai pas trop le choix, mais si je peux, je m'en passe volontiers. Alors j'essaye de me souvenir de cela pour ne pas brusquer mon ami, même si, en cet instant - et souvent d'ailleurs - j'aimerai pouvoir être dans sa tête pour savoir ce qu'il se passe. Il a toujours le sourire, j'aime donc à penser que ce n'est rien de grave, sinon il ne réagirait certainement pas comme ça. Son rôle de préfet n'est pas simple tous les jours mais ça il fallait s'y attendre avec ce genre de responsabilité. Mais à l'instar d'Artemisia, je savais qu'il allait s'en sortir. Il va forcément rencontrer quelques difficultés, mais qui n'en rencontrent pas ? Le plus important, ce n'est pas les difficultés rencontrées mais comment il arrive à les franchir au final. Peut-être maladroitement parfois, mais tant qu'il y a une réussite au bout, c'est bien tout ce qui compte, non ? En pensant à Artemisia, le doute m'assaille. Je les sais proches, après tout ils sont amis c'est normal. Mais je me demande s'ils n'auraient pas pu passé beaucoup de temps ensemble dernièrement ? Après tout, je ne les surveille pas, ça aurait très bien pu être le cas. Ils auraient pu ressentir le besoin de parler de leurs "fardeaux", partager quelques conseils et de fil en aiguilles ... Mon coeur se serre à cette idée. Et si .... Et si Arte avait fini par cracher le morceau à Ollie ? La connaissant, elle est bien plus courageuse que moi, elle aurait eu raison de vouloir tenter sa chance, si j'étais pas capable de le faire de mon côté. C'est pas forcément très sympathique, mais après tout, comment pourrais-je lui en vouloir ?

Mal à l'aise, je baisse le regard, sentant une boule se créer au fond de ma gorge. Est-ce que c'est pour ça qu'on est là aujourd'hui ? Pour qu'il m'annonce la bonne nouvelle ? Je ne suis pas sûre d'être capable de bien recevoir la nouvelle. Je risque de pleurer. C'est même fort probable. Il faudra qu'ils me laissent du temps pour digérer la nouvelle, mais après, je pense que je serais capable d'être heureuse pour eux, ne pouvant n'en vouloir qu'à ma propre lâcheté. Serrant un peu des dents, je tente de ne pas trop penser à tout cela. Après tout, jusqu'à présent, aucun des deux ne m'en a parler ... Et j'espère bien que ça continuera encore longtemps. Je hoche la tête. « Tu sais que si tu as besoin de parler .... de quoi que ce soit .... je suis là ! » J'esquisse un sourire, mais le coeur y est moins pour être honnête, je suis hantée par cette histoire de couple. J'ai vraiment pris sur moi pour préciser qu'il pouvait me parler de tout ce qu'il voulait, même si au fond je n'en ai pas envie. Je reste son amie, je suis censée être là pour lui et même si ça me brisera le coeur, je suis prête à l'accepter. De toute façon ce n'est pas en jouant à la politique de l'autruche que ça changera quoi que ce soit. S'ils sont ensemble, je finirai bien par le savoir, tôt ou tard ! Ollie me prit soudainement la main et j'avoue que je ne m'y attendais pas. Rougissant bêtement, je reste là sans être capable d'aligner trois mots. Il finit par briser le silence pour me dire que j'avais raté quelque chose, sans que je comprenne quoi. Je lui pose la question, le plus naïvement du monde et il me répond qu'un mec en veste de ski jaune est tombé la tête la première. Surprise par cette révélation, je tourne mon regard pour chercher la fameuse personne dont me parle Ollie, sans apercevoir de veste jaune à l'horizon. Le pauvre, est-ce qu'il s'est fait mal ? Fut certainement la première pensée que j'eus en cet instant, sans même prendre conscience que c'était tellement gros qu'évidemment, c'était un mensonge. Quand je vais pour demander par où il est parti, Ollie reprend la parole et il change du tout au tout. De quoi ? Il y a bien quelque chose qui le perturbe ? Ca y est, il va m'annoncer la "grande" nouvelle. Le coeur serrait, j'attends le verdict et quand il tombe je suis sans voix. Et comme une parfaite abrutie que je suis, la première chose que je lui demande, de ma voix enfantine c'est « Ca veut dire qu'il n'y a pas de personne qui est tombée la tête la première dans la neige ? » Oui c'est vrai que c'est la chose la plus importante à retenir de tout ça... Mon cerveau finit malgré tout par remarcher, au ralentit et je finis par lui demander, d'une petite voix, pas franchement sûre de ce que ça veut dire « Je... j'ai fais quelque chose de mal ? » Lui demandais-je avec mes grands yeux innocents, braqués sur lui.

Je suis un peu confuse pour être honnête et je ne comprends pas grand chose à tout ce qui est en train de se dérouler en cet instant. Ollie est un peu distrait et quand j'essaye de savoir pourquoi, il me répond à moitié, restant assez énigmatique. J'imagine que ça signifie qu'il n'a pas trop envie d'en parler mais dans ce cas là, pourquoi ne le dit-il pas ? Ce serait tellement plus simple et je me prendrais moins la tête à essayer de comprendre tout cela. J'arrive même à me demander si c'est à cause de moi tout cela, alors que je n'ai rien fait pour ça. Mais bon, je me connais, parfois je fais des choses ou dis des choses que je ne devrais pas et après je le regrette. Ollie me prend la main et j'avoue que ce geste me laisse pantoise. Je n'ai rien contre, bien au contraire, mais ce n'est pas quelque chose d'habituelle entre nous. Je sais que mon ami est très tactile mais ne l'étant pas particulièrement de mon côté, j'imagine qu'il se retient la plupart du temps pour me respecter. Mais j'avoue qu'après ma sortie de l'infirmerie, après l'attaque, j'ai apprécié le fait qu'il me prenne dans ses bras malgré tout, ça m'a fait du bien de le sentir tout proche de moi. Et j'avoue que depuis que je suis tombée amoureuse de lui, c'est quelque chose que j'apprécie, sans trop oser l'avouer, les contacts physiques avec lui. Oh rien d'exceptionnel j'en conviens, ni même d'inconvenant d'ailleurs. Souvent ce sont juste des câlins amicaux, là aujourd'hui c'est une main glissée dans la mienne, ce genre de choses. J'imagine que mes camarades de mon âge ont déjà vécu ça depuis longtemps, mais pour moi c'est tout nouveau.

Bref, tout ça pour dire que je suis assez perdue. Qu'Ollie me prenne la main, c'est assez inhabituel comme je l'ai dit, mais c'est loin d'être désagréable. J'aime bien sentir sa peau contre la mienne, sa chaleur est si réconfortante et le geste si attentionné. J'imagine que c'est purement amical, le connaissant, mais j'en profite quand même, sans trop oser espérer qu'il y a plus derrière ce simple geste. Et puis Ollie me parle d'une personne qui est tombée, mais au final c'est faux et j'avoue que je ne comprends pas pourquoi il m'a dit ça si c'est faux. « Pourquoi tu aurais aimé ? Et pourquoi tu m'as dit ça ? » Lu demandais-je sans détour, sans cacher mon étonnement. Je pense sans mal que mon visage exprime toute la confusion qui m'habite. Mais en même temps il est si bizarre que j'ai du mal à le suivre. Et je suis loin d'être au bout de mes peines. Je lui demande timidement si j'ai fait quelque chose de mal. Après tout, comme je l'ai dit plus tôt, ça serait fort plausible. Et là, sa réponse me plonge encore plus dans la confusion. Il lâche ma main, ce qui a pour résultat de me donner l'impression d'être abandonné et j'avoue que j'en prends un coup. J'ai l'impression qu'il va se lever et s'en aller, parce que oui j'ai fait quelque chose de mal. Mon regard, perdu, cherche le sien. Il change de position, pour me faire face et j'avoue que j'attends, avec angoisse, de connaître le fin mot de cette histoire. Visiblement, j'ai fait quelque chose de mal. Rien que cette phrase est un coup dur et c'est comme si je me prenais une gifle en pleine figure. L'idée n'était certainement pas là mais c'est ce que je ressens en cet instant et je sens déjà les larmes monter. Qu'est-ce que j'ai fait de mal ? Est-ce qu'Artemisia lui a dit que j'étais au courant qu'elle était amoureuse de lui et elle lui a dit que je n'avais rien fait pour l'aider ? Est-ce qu'il m'en veut pour ça ? Est-ce qu'ils m'en veulent ? Mon coeur se serre, je me sens si mal en cet instant que j'ai la sensation que le temps s'est suspendu. Il parle, il parle. Et plus il parle et moins je comprends et dieu que je le vis mal. Je suis totalement perdue et je déteste ça et contre toute attente, je sens les larmes finir par envahir ma vue, avant de glisser le long de mes joues. Quand il me demande si je comprends je fais non de la tête. « Je ne comprends rien. » Lui dis-je le plus honnêtement possible, tentant tant bien que mal de garder contenance, mais sans y parvenir. « Pourquoi tu m'en veux ? Je ne comprends pas ce que j'ai fait de mal ... mais je suis désolée ... » Tout est si confus en cet instant. Il m'en veut mais son argumentation tend à prouver le contraire. Ne venait-il pas de dire des choses positives ?

Je suis complètement confuse et je ne le cache pas. J'étais venue aujourd'hui dans l'intention de passer une bonne journée avec mon ami et au final, je suis à moitié en train de pleurer, complètement perdue, ne sachant pas ce que j'avais bien pu faire de mal. Pourtant Ollie avait l'air d'être comme d'habitude. Souriant, de bonne humeur, un peu distrait, mais rien de dramatique. Mais quand je cherchais à en savoir un peu plus sur la cause de ce manque d'attention, histoire de jouer les bonnes amies et d'être présente pour lui, je me prenais dans les dents que c'était à cause de moi qu'il était comme cela. Sauf que, au lieu de me reprocher des choses que j'aurai pu faire et qui ne lui aurait pas plu - ce qui peut arriver, on n'est jamais à l'abri de rien - il se met à énumérer des choses qui ont l'air plutôt positive. Et là j'avoue que mon cerveau bug totalement, ne comprenant plus grand chose à la logique de mon ami. Comme quoi, je suis peut-être un petit génie, mais dès qu'il s'agit de comprendre les gens, j'aligne les "Troll". Il ne faut pas me faire ça, Ollie devrait le savoir depuis le temps. Il faut être direct, franc et surtout ne pas tenter d'utiliser des images pour tenter de me faire comprendre une idée. Tu veux me dire quelque chose ? Aucun soucis, va droit au but et dis les choses le plus simplement du monde et là, tout se passera bien. J'accepte les critiques quand elles sont justifiées et constructives. Je n'ai jamais prétendu être parfaite et moi aussi je peux faire des erreurs qui peuvent potentiellement blesser les gens. Et si on ne me le dit pas, je ne risque pas de le savoir et d'essayer de faire en sorte de ne plus le faire.

Sauf que voilà, Ollie a tenté une approche des plus maladroite qui a mal été reçu. Je sais que je suis ridicule à pleurer pour un rien, mais le fait de l'entendre me dire que j'avais fait quelque chose de mal me fit bien plus mal que je ne l'aurais pensé. Déjà de la part de n'importe qui, je le vivrais assez mal, mais plus encore quand ça vient de lui. Parce que je tiens à lui bien plus que je ne le voudrai et que jamais je ne voudrai faire quoi que ce soit qui puisse le blesser. Mais voilà, aujourd'hui je n'arrive plus à savoir si je suis vraiment coupable de quelque chose ou non et c'est très perturbant. Je m'excuse, ne sachant pas vraiment quoi faire d'autre, tout en lui demandant d'être plus clair parce que je ne comprends pas. Et je déteste ne pas comprendre, cela me déstabilise encore plus en général quand je suis perdue. Et pendant quelques secondes, nous restons là, à nous regarder, sans rien dire. Mes larmes continuent à couler et j'attends bêtement qu'il s'explique. Il a commencé, qu'il finisse, mais qu'il le fasse plus clairement. Et puis il finit par briser la distance qui s'était installée entre nous. Nous étions proche, mais face à cette situation, j'avais l'impression d'être à mille lieues de lui, c'est très perturbant comme sensation, comme si un fossé invisible nous séparait. Il glisse une de ses mains sur l'une de mes joues et la seconde vient se loger dans mon cou. Et pendant une fraction de seconde, nos regards s'accrochent. Je suis toujours aussi perdue qu'avant et même plus encore. Qu'est-ce qu'il fait ? Pourquoi fait-il cela ? A quoi ça rime ? Non pas que ce geste est désagréable, bien au contraire, comme je l'ai dit, j'aime sentir sa peau contre la mienne, mais c'est vraiment loin d'être un geste habituel entre nous ou un geste habituel pour moi tout court. Et sans crier gare, il détruit la distance qui nous séparait encore pour poser ses lèvres contre les miennes...

C'est la toute première fois que mes lèvres se posent sur celles de quelqu'un d'autre. Et si on m'avait dit un jour que mon premier baiser serait avec Ollie, je n'y aurais pas cru tellement ça aurait été trop beau pour que ce soit vrai. Et pourtant. En cet instant, je ne pense plus à rien. Mes lèvres ont un léger goût salé, dû à mes larmes. Pendant un instant, je ne fais rien, en suspend, ne réalisant pas réellement ce qui était en train de se produire. Puis, sans trop en prendre conscience, mes lèvres font pression sur celle du Poufsouffle. Mon premier baiser. Jamais je n'aurai pensé que ça se passerait comme ça. Et soudainement, je suis contente que Luca ait refusé de m'embrasser. A l'époque, j'étais tellement persuadée que jamais ça ne m'arriverait que j'étais prête à tout pour provoquer le destin. Je voulais juste savoir ce que cela faisait. Comprendre pourquoi les gens couraient après ça. Je voulais être comme tout le monde, pouvoir dire à mon tour que j'avais déjà embrassé un garçon, même s'il n'était rien pour moi. Oh, j'apprécie Luca, ne vous y trompez pas, mais je ne suis pas amoureuse de lui. Alors qu'Ollie. Finalement, Luca avait raison, c'est bien mieux d'attendre un garçon qui en vaut vraiment la peine. Même si ça reste encore assez étrange, inhabituel pour moi, c'est loin d'être désagréable. Même si, entre nous, je reste toujours dans le flou. Nos lèvres finissent par se séparer, mais sa tête reste proche de la mienne, il place son front contre le mien. Nos soufflent s'entremêlent encore et je sens mes joues me chauffer sous l'émotion. Quand il reprend la parole, il m'explique qu'il ne faut pas que je pleure, que j'étais parfaite, que je lui ai toujours plu et que c'était ce qu'il avait essayé de me dire. « Tu as vraiment l'art de rendre les choses simples, compliquées ! » dis-je dans un reniflement qui est certainement loin d'être très glamour. Mais mes larmes ont arrêté de couler, je me sens plus légère. Je ne suis pas sûre de vraiment croire à tout cela, mais au moins je ne suis plus triste. « Tu me plais aussi ! » Lui dis-je simplement. Il s'était ouvert à moi, c'était à mon tour de le faire. Parce que le sentiment est partagé, même si j'ai dû mal à penser que tout cela est réel. Pourtant je sais que même dans mes rêves les plus fous, je n'aurai jamais pu imaginer ce baiser, cette sensation que l'on ressent quand ça arrive. C'est aussi grisant que déstabilisant. « Et tu n'es pas stupide ! » Tenais-je à préciser, parce que c'était important pour moi de le lui dire. Il est beaucoup de choses, mais certainement pas stupide.

Je n'attendais pas grand chose de cette journée et je ne m'attendais absolument pas à ce qu'elle tourne comme ça. Je pensais qu'on allait faire quelques boutiques, qu'on finirait par se poser au salon de thé pour prendre une collation et qu'on finirait certainement pas faire un petit tour pour nous dégourdir les jambes avant de rentrer. Et ça aurait été génial aussi, parce qu'il aurait été là et que c'était certainement ce qui comptait le plus. Mais au lieu de ça, il avait décidé qu'on se les gèlerait sur ce banc. Alors je n'ai rien contre l'idée, surtout qu'il avait quand même prévu le coup en apportant des thés bien chaud et une pâtisserie. En fait c'était exactement ce qu'on avait pris la dernière fois qu'on est allé à Pré-au-Lard. N'importe qui aurait vu un signe annonciateur mais pas moi. Moi, je me suis juste dit qu'il me connaissait bien et qu'il savait donc que j'aimais le thé au Jasmin et le quatre-quart. La suite me déstabilisa un peu néanmoins. La discussion fut assez étrange, je ne comprenais pas grand chose à ce qu'il me racontait. J'avais la sensation que je l'avais déçu mais je ne comprenais pas ses arguments, qui avaient plutôt l'air positif. Du coup j'étais totalement perdu et je déteste être paumée. Peut-être un peu trop sensible quand il s'agit d'Ollie, je me suis mise à pleurer et c'est à ce moment là que tout à basculer.

Nos lèvres viennent de s'éloigner, un peu à contre coeur il faut bien le reconnaître. Mon cerveau n'est pas encore capable de vraiment assimiler ce qu'il vient de se passer, il va me falloir un peu de temps pour ça. Ollie a collé son front contre le mien et la discussion reprend comme si de rien n'était. C'est tellement bizarre tout ça, je suis toujours aussi confuse, mais pour d'autres raisons cette fois. Je n'arrive pas à réaliser que je plais à Ollie. Pourtant Artemisia n'a pas cessé de me le dire, mais ça paraissait si irréel quand elle me le disait que je crois que j'ai préféré pas le croire. Il est tellement génial, il peut avoir qui il veut, pourquoi il s'encombrerait d'un boulet comme moi ? En plus je ne suis pas si jolie que ça, du coup je pensais n'avoir aucune chance. Oh évidement, au fond de moi j'espérais. Certains signes me donnaient espoir que peut-être, tout n'était pas vain et voilà que maintenant j'en avais la preuve. Sauf que j'avais bien du mal à croire en tout cas. Avec son front contre le mien, je me permettais de fermer les yeux quelques secondes, pour essayer de reprendre pied avec la réalité. Je l'écoutais tout en réfléchissant à la situation. Que va-t-il se passer ensuite ? Est-ce que ça s'arrête là ? Est-ce qu'il va y avoir un après ? Qu'est-ce qu'on devient tous les deux ? Je suis assaillie par tellement de question que je commence à en avoir le tournis. Pourtant sa présence à mes côtés me rassure un peu, ce qui est toujours ça de pris.

Je ne prends pas la peine de répondre à ses propos, esquissant juste un sourire timide quand il fait référence à mon "beau sourire". Nous nous sommes un peu éloigné, reprenant nos places habituelles. Mes joues sont toujours rosées par la situation et mon esprit tourne à plein régime. J'ai besoin de savoir, j'ai trop de questions sans réponse, je ne vais pas pouvoir vivre ainsi. Et s'il me connaît aussi bien qu'il le prétend, il doit s'y attendre. « J'ai ... trop de questions qui virevoltent dans ma tête... » Lui dis-je en guise de préambule, presque pour m'excuse de ce qu'il va subir dans quelques secondes. « Pourquoi ...moi ?! Il y a plein de filles géniales dans cette école, Artemisia en tête. Alors pourquoi moi ? » Ca c'est certainement le plus gros mystère de ma vie. Je me vois tellement en dessous des autres que je n'arrive pas à comprendre comment il peut avoir envie de perdre son temps avec moi. Déjà qu'en ami, c'était un mystère, mais là, ça devient une dimension parallèle. « Et qu'est-ce qu'on devient du coup ? Qu'est-ce qu'il va se passer ensuite ? Est-ce que tu ... tu veux être "avec moi" ? Est-ce que c'était juste pour que je le sache ... je ... je suis désolée, je ne sais pas ce qu'on est censé faire maintenant. Je suis un peu perdue ... » Je ne peux m'empêcher de trembler un peu sous la panique. C'est que je suis face à une situation totalement nouvelle et inconnue et vous savez que sans manuel pour me guider, je panique un peu et je suis totalement dépassée. si Ollie ne me guide pas, on va foncer droit contre un mur !

Je n'ai pas cité Artemisia par hasard. Ce n'est pas juste parce que je la trouve jolie, mais parce que je sais qu'elle est amoureuse de lui et qu'il a été amoureux d'elle. C'est d'ailleurs assez étrange et assez triste de se dire qu'ils se sont aimés tous les deux mais que jamais rien ne s'est passé. J'ai cru comprendre que c'était à cause de ma meilleure amie, mais je dois bien avouer que sur ce coup là, je ne la comprends pas. Elle savait qu'il craquait sur elle et elle a préféré jouer avec lui plutôt que de tenter sa chance. Aujourd'hui, je sais qu'elle le regrette parce qu'elle sait qu'elle l'a perdu. C'est vraiment triste pour elle, même si je ne peux nier le fait que ça m'arrange. Parce que vu qu'il n'est pas avec elle, il peut s'intéresser à d'autres personnes, dont moi. Ollie m'avoue qu'il m'a toujours admiré et j'avoue que j'en reste sans voix, le fixant d'un regard étonné. Qu'ai-je donc fait pour qu'il puisse avoir envie de m'admirer. J'ai plutôt cru comprendre qu'on me détestait parce que j'incarnais Miss Je-sais-tout et que c'est loin d'être un avantage, même si je ne comprends pas trop pourquoi. Lui visiblement admirait mon intelligence, ce qui est plutôt plaisant à entendre et à savoir. Après tout, c'est quelque chose qui me caractérise bien, mon intellect et s'il n'apprécie pas que je sois plus intelligente que lui, on risque d'avoir un problème sur le long terme. Quand il me déclare tout ça, je ne peux m'empêcher de sentir mes joues rosir un peu et de sourire, un peu bêtement. Il a l'air sûr de lui, il dit ce qu'il pense et visiblement il est sûr de ce qu'il ressent pour moi. Ce n'est pas un acte manquait, il ne m'a pas embrassé juste sous le coup d'une quelconque envie soudaine. Ca me rassure beaucoup et me soulage un peu. Je ne voudrais pas qu'il m'ait embrassé et le regrette ensuite. « Mais ... tu sais qu'Artemisia t'aime ? Je veux dire ... j'ai pas envie que tu regrettes de t'être tourné vers moi en sachant ça ... » J'ignore si mon amie a fini par lui dire ou non. Si ce n'est pas le cas alors je le lui apprends. Au moins je n'aurai pas de regret, j'aurai été réglo jusqu'au bout, même si ça peut me coûter son amour et son attention. Mon ton est loin d'être assuré, je passe une mèche de cheveux derrière mon oreille, le regard un peu fuyant. C'est que j'ai moyennement envie de voir la claque arriver, vous comprenez.

Malgré tout, la discussion continue et je lui demande ce qu'il va se passer ensuite. C'est que je ne me suis jamais retrouvée dans ce genre de situation, je ne sais pas ce qu'on est censé faire ou même ce qu'il veut faire lui. Il m'a peut-être embrassé par envie mais ne souhaite pas que ça aille plus loin. Ou alors il veut bien que ça aille plus loin mais qu'on ne le dise à personne pour une quelconque raison. Je l'ai déjà lu parfois, mais je dois avouer que je ne sais pas si ça se fait dans la réalité aussi. Je sens mes mains trembler, mais Ollie prend les devant et me l'attrape pour me la serrer dans un geste réconfortant. Il m'avoue qu'il veut être avec moi, si je suis prête à me lancer. Mais visiblement il est prêt à attendre si je le souhaite. Décidément, ce garçon est vraiment gentil. Et dans ma bouche, c'est réellement un compliment parce que c'est un trait de personnalité que j'apprécie réellement chez quelqu'un, surtout chez lui. Je trouve que dans le monde dans lequel nous vivons, la gentillesse devient bien trop rare pour la négliger. Je suis quelqu'un de gentil aussi, mais les gens me voient comme quelqu'un de faible, de facilement influençable ou manipulable, parce que je crois en la bonté des gens et que je ne vois pas le mal partout. Je trouve ça triste qu'on arrive à penser ça de nos jours. Je fixe Ollie et lentement, un sourire se dessine sur mon visage. « Je veux être avec toi aussi ! » Je sais extrêmement peu de choses sur les relations de couple. C'est déjà la première fois que j'embrasse un garçon alors vous pensez bien que je n'ai strictement aucune expérience en matière de couple. Mais j'ai envie d'essayer cette aventure avec lui. « Même si ... j'ai jamais fait ça. » Dis-je un peu timidement, gardant malgré tout mon petit sourire. Je sais qu'il ne me jugera pas, j'ai confiance en lui.

J'ai balancé l'info par acquit de conscience, ne voulant pas le cacher à Ollie. Vous imaginez, s'il ne le sait pas et qu'il finit par le découvrir ? Pire encore, s'il apprend que je le savais et que je n'ai jamais rien dit ? Je doute qu'il me pardonne de lui l'avoir caché pour mon propre intérêt personnel. A coup sûr il ne me verra plus de la même façon. Mais je ne l'ai pas fait uniquement pour Ollie, je crois que j'avais besoin de soulager ma conscience. Cela fait quelques temps maintenant que je sais qu'Artemisia l'aime et je n'ai jamais rien fait pour qu'Ollie l'apprenne. Je n'ai jamais bien vécu cette situation et je crois qu'au fond, j'avais besoin de faire table rase de toute cette histoire. Au moins maintenant il le sait, on a tous joué cartes sur table et on peut avancer. Je sais que je risque gros en révélant la nouvelle, mais quoi qu'il arrive, je resterais droite dans mes baskets, comme toujours. J'avais un peu peur de sa réponse, on ne va pas se le cacher. J'avais très peur qu'il m'avoue que ça change tout et qu'il va avoir besoin d'un peu de temps pour réfléchir à tout ça, pour finir par choisir ma meilleure amie. Mais au final, cela ne change rien. Pire encore, il m'annonce qu'il était déjà au courant. Alors comme ça Artemisia a finalement fini par tout lui avouer ? J'avoue que je le prends un peu mal, pour ne rien vous cacher. C'est assez bête, j'en conviens, mais je me sens un peu trahie. Elle est ma meilleure amie, elle connaît mes sentiments pour Ollie, n'a de cesse de me répéter qu'il m'aime aussi et derrière mon dos, elle profite d'un moment d'inattention pour me planter un couteau dans le dos en essayant de récupérer Ollie. Parce que clairement, ses révélations n'avaient uniquement pour but d'avoir de nouveau la main mise sur lui, c'est pas juste le plaisir de lui avouer qu'à l'époque où il était fou d'elle, elle était aussi amoureuse de lui. Je veux dire, quel intérêt ? Je n'y connais pas grand chose en amour mais il me semble que ça n'aurait aucun sens de dire à une personne "Je sais que tu m'as aimé par le passé, c'était réciproque mais j'avais trop peur de te l'avouer. Je t'aime toujours mais je sais que c'est trop tard parce qu'Hadley t'aime et je ne lui ferais jamais un coup aussi bas." Pendant quelques instants, je reste sans voix. Je sais que je devrais être triste d'apprendre qu'Ollie est un peu en froid avec ma meilleure amie, mais je n'y arrive pas. En cet instant, je ressens plutôt de la colère envers elle. Je me sens trahie, à l'instar d'avec ma famille, comme si le schéma se répétait. A croire qu'on ne peut avoir confiance en personne en vérité. « Je comprends. J'imagine que dans ces conditions, tout va pour le mieux alors ! » Finis-je par dire en esquissant un sourire timide. Je suis certes en colère contre Artemisia, mais je n'ai pas envie que ce sentiment ternisse ma journée. Aujourd'hui, ça ne concerne pas ma meilleure amie, mais Ollie et moi. Il sait tout et c'est dans ces conditions là qu'il m'a choisi, moi et c'est tout ce qui compte. Au diable Artemisia, oublions là pour le moment.

Tout se passe pour le mieux pour le moment. Cette journée prend définitivement un tournant inattendu, des plus grisant. Alors comme ça, je vais incarnée l'adolescente normale ? Enfin ? Vous n'imaginez pas comme cela me ravie. Je sais enfin ce que ça fait d'embrasser un garçon et mieux encore, je vais même sortir avec le garçon qui me plait. Je ne pensais pas que cela m'arriverais, me voyant clairement comme un cas désespéré. Mais il faut croire que j'avais tort. Ce n'est pas souvent le cas mais croyez moi, je n'ai jamais autant apprécié que ça m'arrive. Je ne sais pas où on s'en va, mais on y va à deux et je crois que c'est ce qui me rassure un peu. Je suis perdue mais il n'a pas l'être mieux que moi dans cette situation. J'imagine donc qu'on va pouvoir avancer à notre rythme et vu qu'on se connaît bien, j'aime à croire que je ressentirais moins la pression. Vous savez, cette pression sociale qui vous donne l'illusion qu'il faut avancer vite, comme si le fait de ne pas coucher ensemble au bout de quelques semaines, ce n'est pas normal. Avec lui, rien de tout ça, on ira vraiment à notre rythme et on découvrira tout ça ensemble. En tout cas, c'est comme ça que je vois les choses. Ollie me rassure, encore une fois et j'avoue qu'il a raison. Malgré ce que j'ai toujours cru, personne n'est né avec une notice d'utilisation en amour ou en relation sociale. Tu essaies juste de suivre le courant en évitant de te prendre les rochers. Le problème c'est que j'ai l'art d'y foncer dessus, ce qui est assez embêtant. Il finit par se pencher vers moi à nouveau pour m'embrasser. Le baiser est plus rapide dans le temps, mais plus lent et plus tendre, presque plus assuré même. Et pour être honnête, autant c'est évident de son côté, autant je me sens un peu plus à l'aise face à ce nouveau contact. C'est loin d'être devenu une habitude, mais j'apprécie le contact et je commence à me laisser un peu plus aller aux sentiments que j'éprouve. C'est très agréable. « Je crois que je vais rapidement m'y habituer ! » Dis-je aussi rougissante qu'amusée. Oui, je suis presque sûre que je vais aimer cette nouvelle habitude. Ollie s'en retourne à son gobelet de thé, me rappelant que j'ai aussi le mieux qui m'attend. Visiblement, il a peur qu'ils soient froid. Ils étaient très chaud il y a peu de ça, est-ce vraiment possible qu'ils refroidissent aussi vite ? Et même si c'est le cas, est-ce si grave ? « C'est pas grave .... j'adore le thé glacé de toute façon ! » Dis-je presque amusé. Moi, faisant presque une plaisanterie ? C'est surprenant. Je dis presque parce qu'au fond ça n'en n'est pas une, j'adore vraiment le thé glacé, qui est une de mes boissons préférées, si ce n'est pas ma boisson préférée. Mais dans le contexte, cela pourrait s'apparenter à une plaisanterie.

La tête dans le guidon, je n'arrive pas à prendre de la hauteur sur cette histoire et essayer de comprendre les choses rationnellement. Pour le moment, la seule chose que j'arrive à me dire c'est que ma meilleure amie m'a trahi, pour les beaux yeux d'un garçon et qu'au vu du résultat peu concluant, elle se gardera bien de m'en faire part. Sauf que moi, je n'ai pas envie d'en rester là et l'idée de lui envoyer une lettre à mon retour se forme dans mon esprit. Hors de question de faire l'autruche, j'en ai marre qu'on me prenne pour une conne. Il y a un moment où il faut que ça cesse. Sous prétexte que je suis gentille et compréhensible, les gens se permettent de m'écraser à la moindre occasion. Et là où ça ne me dérangeais pas par le passé, parce que peu consciente de cette réalité, ça me rend folle aujourd'hui. Mes parents m'ont bousillé, je commence à ne plus avoir de doute sur ça. Au fond, peut-être m'ont-ils rendu service, parce que grâce à eux - ou à cause d'eux - je dois prendre conscience de la réalité et y faire face comme une grande fille. Vivre dans un conte de fée, ça ne pouvait pas durer éternellement. Bon certes, je ne vivais pas réellement dans un conte de fée, mais je ne prenais pas pleinement conscience de la méchanceté des autres. Et me rendre compte que ma meilleure amie n'est pas mieux que les autres, ça fait mal. Peut-être fallait-il que j'en passe par là, pour avancer. Peut-être qu'il est temps de me détacher de cette amitié pour pouvoir grandir. Ou alors peut-être que ce n'est qu'une mauvaise passe et que bientôt, je verrais cette histoire sous un tout nouveau jour. Je l'ignore et j'aime à croire que le temps m'en dira plus.

Ollie me fixe, mais ne dit rien. J'ignore s'il comprend le cheminement de mes pensées ou s'il se demande ce qu'il m'arrive. En tout cas il ne pose aucune question, se contente de grimacer un peu et de me serrer la main. Heureusement que je l'ai dans ma vie, c'est bien le seul vrai équilibre que j'ai jusqu'à maintenant. Et en toute honnêteté, en cet instant, je prends pleinement conscience que s'il venait à me trahir, je ne serais certainement pas capable de me relever. Pourquoi faire ? Puisque tout ceux que j'aime ne m'aime pas réellement ? Je chasse cette idée de mon esprit, ce n'est pas le moment. Il faut se concentrer sur l'instant présent et profiter de ce moment hors du temps. Ollie m'aime et je l'aime en retour. Il veut être avec moi et c'est tellement suréaliste que j'ai besoin de quelques secondes pour le réaliser. Je dois bien avouer que je suis dans tous mes états. Je suis dépassée par les événements. C'est bien joli tout ça mais on s'en va où ? Visiblement vers l'idée de former un couple, si l'envie me dit. Evidemment qu'elle me dit, quelle idée. Mais en même temps, c'est quoi être un couple ? Ca signifie quoi à notre âge ? Parce que j'ai beau avoir lu des choses sur le sujet, je ne suis pas sûre d'être capable de me souvenir de tout ce que ça implique, tout ce qu'on doit faire, etc. Mais Ollie me rassure, lui a l'air de très bien gérer la situation, ce qui n'est pas mon cas. Au moins une personne sur deux, c'est plutôt un bon ratio. Son calme m'apaise un peu. On va y aller à notre rythme, on va faire comme on le sent, sans suivre de quelconques règles, parce qu'en amour, il n'y en a pas. C'est bien ça qui me dérange pour être honnête, moi je suis du genre à suivre à la virgule prêt ce qu'on me dit de faire, le faire par moi-même sans plan, c'est pas trop mon truc. Mais si je pars du principe que mon plan, ce sera Ollie, alors ça devrait aller. Nous nous laissons aller à un second baiser, plus assuré et plus grisant encore que le premier. Le choc de la surprise est passé maintenant on profite juste de l'instant présent.

« Non ! » Répliquais-je à Ollie quand il me demande amusé et surpris si j'ai fait une plaisanterie. « Enfin je ne crois pas. J'aime vraiment le thé glacé ! » Je ne suis absolument pas calé niveau plaisanterie, mais je doute que ça en soit une. Pourtant lui estime que si et c'est lui l'expert alors j'imagine qu'on peut lui faire confiance. Mais c'est assez étrange, parce que je n'ai pas l'impression d'en avoir fait une. Peut-être suis-je plus amusante que je ne l'avais pensé jusqu'alors. Ce serait vraiment une grande première. Cette journée n'a de cesse de me surprendre. Ollie à l'air d'être au comble du bonheur et il veut aller fêter ça. Surprise et dépassée par les événements, je me laisse totalement faire, incapable de comprendre ce qui est en train d'arriver. Sa joie est communicative, car je n'arrive pas à m'empêcher de sourire ou de rire, mais ça n'empêche pas que je suis un peu perdue. Ai-je vraiment fait une plaisanterie ? Je suis presque sûre que non... Pourtant je me lève et je le suis, docilement. Je ne sais pas où on va, mais on ne va rien faire d'illégale et c'est bien tout ce qui compte en cet instant. Ai-je vraiment fait une plaisanterie ?