Je suis né d'une mère isolée, une sorcière au sang pur. Mon père, je le crains, est inconnu au bataillon. Ma mère m'en a déjà dressé un vague portrait, celui d'un homme charmant au premier abord, qui la laissa quand il apprit qu'elle était enceinte de jumeaux.

Oui, des jumeaux, car j'ai une sœur quasi semblable, quoique son caractère s'oppose au mien ; elle se prénomme Hamal.

Nous avons grandi à l'écart du monde, sur une petite île au large de l'Ecosse. Ma mère avait en horreur les autres sorciers, pour une raison qu'elle ne nous a jamais dite, et préférât s'isoler avec nous, tout juste nés, dans la verdure et la solitude de l'île, nous faisant cours à la maison, et officiant auprès des Moldus locaux comme herboriste - ce qui nous amenât à être en contact avec les deux mondes.

Elle ne fut absolument pas surprise de voir nos pouvoirs se manifester, mais cela l'obligea à se résoudre à déménager pour sa ville natale, Canterbury, afin de pouvoir nous permettre d'aller à Poudlard.

Nous partîmes donc pour l'Angleterre à l'âge de huit ans, malgré les phénomènes inquiétants se produisant dans le monde des sorciers, mais également dans le château qui avait vu grandir ma mère lors de son adolescence. Soucieuse de notre sécurité, elle nous incita à travailler assidûment, et à faire attention à nos fréquentations.

Quant à elle, elle reprit contact à contrecœur avec sa famille, qui s'efforça d'entrer dans notre cocon pour y propager leurs idées arriérées sur la noblesse du sang - malgré que le nôtre, selon leurs dires, était "souillé" par celui de notre père, sang-mêlé de ce que l'on savait. Et encore, car même ma mère ne fut jamais sûre de la pureté du sang de mon père, notamment car cela ne l'intéressait pas.

Si j'échappai à l'emprise de ma famille maternelle, ce ne fut pas le cas d'Hamal, qui commença peu à peu à y adhérer, commençant à creuser un gouffre entre nous. Nous étions unis, jumeaux inséparables ayant grandi ensemble, mais nos idées et caractères divergents finirent par briser notre union.

C'est peu après qu'un autre phénomène, intrinsèque à notre petit univers, se produisit.

Moi, Aster, l'aîné des deux, alla un jour voir ma mère pour lui asséner une vérité qui, sur le moment, l'accabla.

Je n'étais pas une fille.

Car je suis né comme tel, jumeau homozygote d'Hamal, avec des cheveux et des yeux d'un noir profonds, sur une peau pâle. Mais l'imprévu frappe parfois à la porte, et ce fut mon cas.

J'eus la chance que ma mère acceptât mon identité. Mon prénom sonnant neutre, je décidai de le garder ; de son côté, elle s'efforça de refaire ma garde-robe. Je commençai également à prendre des hormones afin de faire une puberté masculine. Ma famille maternelle, ainsi que ma jumelle, quant à elles, le prirent très mal. Après quelques tentatives pour me faire revenir dans le droit chemin, commencèrent les brimades.

Ce n'était rien, au début. Des sous-entendus doucereux. Des insultes à peine voilées. Du dédain. Puis, ma chambre fouillée. Mes livres déchirés. Des sortilèges malicieux.

Ma mère fit de son mieux pour me protéger, jusqu'à l'âge de mes onze ans, où je devai entrer à Poudlard - à son grand soulagement. Bien que méfiante sur ma sécurité au sein de l'école, elle espérait que sortir de notre monde clos m'aiderait à me protéger.

C'est là que ma grand-mère maternelle, une femme hautaine, méprisante et acariâtre, commit l'impardonnable.

Un simple sortilège, du bout de sa baguette, alors que je m'apprêtais à descendre les escaliers, et je me retrouvai au sol, les jambes abîmées. Elle refusa d'avouer quel sort elle avait usité, mes blessures n'étant pas normales, et je dus me résoudre à dorénavant marcher à l'aide d'une canne.

Ma mère, qui jusque là avait plus ou moins toléré sa famille, notamment pour leur aide financière - elle avait du mal à trouver un travail à Canterbury - décida de couper les ponts. Mais le mal était fait : mes jambes me portaient difficilement, et ma sœur adhérait à des idées de pureté du sang.

J'eus de la chance dans mon malheur. Si marcher se révèle compliqué, je peux voler - ma faiblesse résidant surtout dans mes genoux. Toutefois, trop marcher peut se révéler douloureux.

J'entrai donc en 2023 à l'école de Poudlard, après, heureusement, le règne de Blackman, et au grand soulagement de ma mère. J'eus d'ailleurs la pensée qu'elle n'aurait probablement pas hésité à nous faire retarder d'une année l'entrée à l'école s'il l'avait fallu.

Je vis bien les marques laissées par le précédent directeur, cependant, dans les regards de ceux m'entourant, les rumeurs, et les souvenirs évoqués à mi-voix.

Quoique, l'année avec Neville Londubat ne fut pas de tout repos, loin de là, et cela me donna l'amère impression d'être de retour chez moi, à devoir me battre sans cesse. J'en retirai cependant quelques habilités au combat - et puis, vivre l'enfer, j'y avais été habitué. Ce fut cependant plus douloureux pour ma jumelle, qui en tira une franche rancune à l'égard du directeur. J'eus pour ma part une vague idée de ce qu'ont dû vivre mes pairs, les années précédentes, et cela ne m'enchanta guère ; me poussant même davantage à savoir me défendre.

L'année suivante fut... étrange. Ma soeur et moi étions considérés comme des sang-pur, faute de père au sang à vérifier, et du fait de l'aristocratie de notre famille maternelle. Nous eûmes donc droit nous aussi à notre petite lettre personnelle. Si j'eus tôt fait de brûler la mienne, ma jumelle garda précieusement la sienne.

L'annonce de la créature faillit être de trop pour ma mère, qui voulut nous retirer de l'école ; cependant, nous nous y opposâmes. Pour différentes raisons, évidemment. Me concernant, je voulais observer tout cela se dérouler, et ne pas partir comme un animal effrayé.

L'incendie de la bibliothèque me scandalisa. Ayant un amour affirmé pour l'étude et la lecture, l'idée de ces livres partant en cendres me fendit le cœur. Mais le pire, avec du recul, fut la créature.

Lorsqu'on me parla d'un entraînement spécial organisé par le professeur de sortilèges, je fus évidemment enthousiaste. Le monde des sorciers semblait devenir fou, et je voulais m'améliorer au maximum.

J'eus l'incroyable chance de ne pas faire partie des victimes de la créature, et je m'en remis également assez vite. Le Feudeymon qui détruisit le château acheva de parfaire, à seulement treize ans, mon avis sur le monde magique et les gens m'entourant.

Le danger était partout, et je ne pouvais compter que sur moi-même.

Tout d'abord, ma mère, Alhéna Courtesy. Grande, teint pâle, yeux et cheveux noirs, nous avons tout d'elle. Bienveillante et empathique, elle a le cœur sur la main, tout en gardant une allure élégante presque aristocratique.

Bien qu'ayant grandi dans une famille plaçant la pureté du sang au-dessus de tout, elle n'adhéra jamais à ces idées - du moins, elle cessa une fois rentrée à Poudlard, quand elle côtoya ces élèves au sang prétendument impur. Son revirement idéologique fut une catastrophe pour ses parents, étant fille unique.

Lorsqu'en plus elle partit loin de Canterbury avec un homme dont l'identité était inconnue, ce fut la goutte de trop pour sa famille, qui hésita à la déshériter. Ils se ravisèrent finalement, et bien leur en pris ; ils furent ravis d'apprendre que leur fille avait eu deux enfants qui, s'il était impossible de connaître la nature de leur sang, pouvait être formatés à loisir.

Si cela échoua avec moi, Hamal y fut plus réceptive. De caractère vif, quand j'étais l'eau qui dort, sa tendance à foncer tête baissée dans les ennuis, à crâner et clamer haut et fort ses idées ne la firent pas forcément atterrir dans la maison qu'elle souhaitait.

Nous sommes extrêmement semblables, d'autant que je garde une apparence androgyne ; ce qui nous différencie, outre la canne et les habits, sont la longueur de nos cheveux - très longs pour elle - et une tache de naissance que je possède sur la clavicule droite, en forme d'étoile - d'où mon nom, Aster, signifiant étoile en grec ancien.

Concernant notre famille maternelle, nous avons un lointain cousin, âgé de deux ans de plus et rangé à Serpentard, répondant au nom de Castor, une grand-mère nommée Sadir, dont ma mère a tiré la majorité de ses traits, et un grand-père prénommé Edward.

Si mon grand-père travaille encore au Ministère de la Magie, ma grand-mère s'occupe de leur ménage et de maintenir en l'état une impressionnante bibliothèque - qui fut le seul point positif à notre retour à Canterbury, étant friand de lectures.

Si Hamal prit une chouette brune comme animal de compagnie, j'optai pour un chat câlin mais indépendant noir et aux yeux ambres. Je m'entends bien mieux avec lui qu'avec beaucoup de personnes de mon espèce.

Le jour de la rentrée. Le jour, comme le répétait à l'envi ma famille maternelle et ma sœur. Me concernant, si j'étais un brin nerveux, ce n'était pas pour les mêmes raisons. Bien qu'inscrit sous une identité masculine, je craignais que quelqu'un découvre ma transidentité, et que recommence les brimades.

J'étais cependant devenu plus affirmé. Le premier, songeai-je, qui s'en prendrait à moi, le regretterait amèrement. Ma mère m'avait incitée à des cours de self-défense quand j'étais plus jeune, et je pouvais manier ma canne comme d'un bâton de combat.

Rassemblés dans la Grande Salle, sous les regards des autres élèves, Hamal trépignait à côté de moi, alors que je restai imperturbable.

- J'espère que je vais être à Serpentard ! me souffla-t-elle.

Je soupirai en retour. Il était vrai qu'une partie de notre famille y avait été, mais il manquait clairement certaines qualités à ma jumelle. Personnellement, peu m'importait. Drapé dans ma robe noire avec un air hautain, main fermement posée sur ma canne en bois sombre et à la tête de dragon sculptée dans l'ivoire, je regardai autour de moi. Qui ici adhérait aux idées de ma sœur, qui serait un allié, qui serait un danger ?

Vivre avec ma famille maternelle m'avait obligé à devenir adulte trop tôt.

Je relevai la tête alors qu'on approchait des noms commençant par C. Je sentais Hamal bouder à mes côtés ; mon prénom commençant par un A, j'allais être appelé avant elle.

Et le moment vint.

Courtesy, Aster.

Prenant une profonde inspiration, je fis quelque pas, regard fixé droit devant moi. Il me semblait que le son de ma canne sur le sol se répercutait en échos dans toute la salle ; il me semblait que tous les regards étaient braqués sur moi. Peut-être était-ce vrai.

Je m'assis sur le siège, sentis le Choixpeau être posé sur ma tête. Mes mains se crispèrent sur le pommeau de ma canne. L'idée d'avoir un être aux limites de l'omniscient sur ma tête me... déplaisait.

Mais ce n'était qu'un moment à passer. Je fermai les yeux, droit, déjà fier, et attendit en silence le jugement de l'objet magique.

J'étais prêt à tout ; j'étais déterminé.

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