20h30. J’avais refermé délicatement la porte de la salle de classe de potions derrière moi avant d’éclairer la pièce d’une seule chandelle à l’aide d’un coup de baguette magique. Personne n’avait visiblement remarqué ma présence dans le couloir, du moins, je n’avais aperçu aucun prof ou préfet. Si je ne me faisais pas prendre, je réalisais un coup d’état merveilleux ! Si quelqu’un me trouvait là…. j’étais mal barrée, mais peut-être dans de bonnes dispositions pour être punie de la manière que je le souhaitais depuis le début de l’année ; à savoir : effectuer des tâches dans la forêt interdite. Wenlock n’allait plus pouvoir me refuser cet accès s’il se trouvait obligé de me supporter pendant une bonne heure ou deux de retenue. Bien sûr, j’avais déjà échafaudé une bonne quantité de réponses à fournir à celui ou celle qui viendrait me demander ce que je faisais là à une heure où tout le monde était censé converger vers les salles communes. Le livre de potions ne m’avait pas quitté de la journée et j’avais même réussi à mettre de côté quelques ingrédients qui me seraient nécessaires. Pas tous… mais ce serait déjà un début ! Ne restait plus qu’à lancer le processus en espérant que je ne foire pas ma tentative. Quelle tentative, au juste ? Celle d’une potion pour un sommeil sans rêves. Puisque Lennox était trop occupé (et que, de toute façon, il ne voulait jamais m’aider à dormir vraiment), j’avais décidé de me débrouiller un peu toute seule et de me donner les moyens de me faire mon propre stock de potion. Selon le bouquin, plusieurs potions permettant de dormir existaient, mais j’avais jeté mon dévolu sur celle-là, estimant qu’elle était peut-être la moins chargée en ingrédients et donc, potentiellement la moins susceptible de me plonger dans un sommeil trop profond. Il était exclu que je rate les cours… maintenant que nous avions enfin le droit d’y assister !

Avec une discrétion qui dépassait l’entendement, je plaçais un petit chaudron sur le feu, le plus loin possible de la porte et allais fouiller en toute impunité dans l’armoire pleine de ressources. Un entassement d’immondices ! Il y avait probablement des choses encore vivantes là-dedans… Grimaçant, je déplaçai quelques petites choses pour essayer de trouver des ingrédients… pétales de violettes et de fleur de camomille séchées… Les choses les plus « ordinaires » étaient les plus compliquées à trouver. Le dictame était aussi de la partie… il allait falloir que je ne confonde pas toutes les plantes entre elles et mon incompétence en potions n’allait probablement pas m’aider énormément…. Inspirant un coup, je lançai un petit coup d’œil vers la porte. Si quelqu’un entrait, je pouvais éteindre la chandelle d’un coup de baguette magique et me jeter sous une table. Le seul hic, c’était le chaudron… Un petit tour de baguette magique aussi pour éteindre le feu et faire comme si de rien n’était ? Oui, un jeu d’enfant ! Visiblement, personne n’allait faire irruption puisqu’il était de coutume d’éviter les salles de classe lorsque les cours étaient terminés. Les bruits de pas à l’extérieur se faisaient de plus en plus rares et ne de devaient pas m’inquiéter… Ma virée nocturne était vouée à la réussite !

Impossible d’avoir la paix quelques instants, visiblement. Quelqu’un avait déjà capté que la salle de classe de Potions était occupée ou alors le hasard avait décidé de jouer en ma défaveur. La porte était sur le point de s’ouvrir, je l’avais presque senti avant même d’en avoir entendu le bruit. Il fallait absolument que je tente la cachette et c’est au pied d’un pupitre, lui-même dissimulé par un tableau mobile probablement placé là par le prof que je trouvais refuge. Le feu sous le chaudron était toujours actif (ainsi que la seule torche qui éclairait l’endroit) alors… à moins que la personne qui venait de pénétrer dans la pièce ne fasse simplement machine arrière, j’étais foutue. De même, la porte de l’armoire dans laquelle j’avais commencé à fouiller se trouvait encore ouverte, ce qui ne m’aiderait sûrement pas à faire passer l’endroit pour un endroit dépourvu de présence humaine. L’espace d’un instant, je me décidais à rester cachée jusqu’à ce qu’on me trouve puis, réalisant que je perdais tout mon temps, je me relevais délicatement, penchant discrètement la tête pour voir de qui il s’agissait : un élève, une fille très précisément et pas préfète, selon mes premières constatations. Un rapide coup d’œil vers sa robe de sorciers m’indiqua même qu’elle était rouge ! Il y avait donc une chance pour que je puisse réussir tranquillement mes prévisions de soirée. M’écartant d’un pas du tableau sur pieds sans faire trop de mouvements, je pris la parole, à mi-voix, espérant même être légèrement inquiétante pour la jeune fille qui se trouvait certainement là par pure curiosité malsaine : « Tu veux quelque chose ? » J’avais le don pour ne pas paraître sympathique et pour être carrément incisive mais que vouliez-vous que je fasse d’autre ? La jeune fille me semblait plus âgée que moi, il y avait de grandes chances pour qu’elle ne se laisse pas faire, MAIS, le territoire était le mien, j’étais arrivée la première et il allait falloir qu’elle lutte un peu pour arriver à quelque chose. Son visage me plaisait, elle avait tout de la fille fourbe qui n’a pas l’intention de se lancer dans une longue discussion inutile. Je ne la connaissais pas, peut-être juste de vue, ce qui signifiait donc qu’elle parvenait à être assez discrète pour ne pas être dans le panier de tous les abrutis qui se sont fait remarquer depuis longtemps. Comment s’appelait-elle ? Je ne m’en souvenais pas, mais il n’était pas exclu que je sois au courant. En attenant, il allait falloir qu’elle s’exprime car, maintenant, elle m’avait vu, c’était une certitude. Si elle me dénonçait ou cherchait à me mettre des bâtons dans les roues, j’étais prête à me défendre.