Fight fire with fire

C'est terrible, l'ennui. Surtout lorsqu'il s'accumule de jour en jour et qu'on a aucun moyen de s'en débarrasser. S'ajoute alors aussi l'énergie qu'on ne peut pas dépenser, et le combo donné n'est bon pour personne, et encore moins pour Stolas. En effet, ce dernier a déjà beaucoup pris sur lui ces derniers jours, afin d'éviter de tout bonnement égorger la moitié de ses camarades durant la nuit, alors il ne faut pas trop lui en demander. Il avait pour habitude de se dépenser dans le parc, de courir jusqu'à en être épuisé chaque matin, d'entretenir son corps au mieux, le laissant ainsi plus calme pour assister aux cours et supporter les autres. Mais depuis l'attaque et le confinement dans la Grande Salle et dans le château en général, c'est devenu totalement impossible.

Il a fait des efforts, vraiment. Il a tenu plusieurs jours, se contentant d'éviter au maximum tous ses camarades, se retirant dans les coins les plus inexplorés du château afin d'y trouver le calme et la paix dont il a besoin, ne supportant pas les bruits des incessants bavardages et des angoisses généralisées de ceux qui l'entourent. Mais voilà, sa patience a des limites, tout comme sa capacité à se contrôler. Cette dernière n'a d'ailleurs jamais été très bonne, mais poussé à bout comme il l'est, il n'a plus besoin que de tout laisser sortir. Et quoi de mieux pour ça que de se laisser aller à un entraînement magique sans la moindre limite ? Détruire des choses lui fait du bien. C'est une façon de se défouler comme une autre, et il en a pleinement besoin. C'est déjà un exploit qu'il ne l'ait pas déjà fait sur quelqu'un.

Alors il a rapidement décidé de passer à l'action, sans se soucier des conséquences. Ou plutôt, en espérant inconsciemment des conséquences. Il a ce besoin profond de montrer qu'il est là, d'autant plus lorsqu'il est en colère et qu'il doit exploser. Il en a assez de prendre sur lui, de se fondre dans la masse, et pourquoi faire ? Personne ne voit les efforts qu'il fait, personne ne semble pouvoir le comprendre. Les gens ne pensent qu'aux attaques, à la peur qui les tenaille et à leurs amis blessés. Egoïste comme il l'est, c'était évident qu'il ne pouvait rester sage bien longtemps dans un tel contexte. Il doit rappeler au monde qu'il est là, et qu'il est capable de beaucoup de choses, bonnes comme mauvaises. Sauf que, pour être remarqué, les mauvaises sont un peu plus utiles.

C'est ainsi qu'il s'est retrouvé au quatrième étage, avec toute une pile de bouquins inintéressants - c'est à dire traitant majoritairement d'Histoire de la Magie, de Potions et de Botanique - baguette en main, à s'entraîner à démarrer des feux magiques. Bon, il maîtrise Incendio depuis sa première année, et Lacarnum Inflamare depuis la seconde, donc il est vrai qu'il y a peu de challenge pour lui. En fait, il a surtout envie de foutre le feu à une pile de bouquins pour le plaisir, en espérant que l'odeur et/ou la chaleur dégagée lui apportent quelques ennuis bien mérités. C'est le meilleur moyen pour lui d'espérer passer un moment sortant un peu de l'ordinaire, et il s'en donne à coeur joie. Devant les flammes qui commencent à prendre de l'ampleur sur son petit tas de bouquin, la chaleur rougeoyante du feu l'enveloppe tout doucement, lui tirant un sourire satisfait, voire émerveillé. Il a toujours aimé jouer avec le feu, littéralement comme au sens figuré.

Et tandis qu'il profite de son propre spectacle avec une joie non dissimulée, voilà que ce dernier peut continuer, puisque l'élément perturbateur tant attendu débarque. Et ce n'est même pas un simple élève, ou un préfet, mais bien un Professeur qui intervient, à la plus grande joie de l'adolescent qui se retourne vers ce dernier sans se départir de son sourire. Tête à claques bonjour. Stolas ne l'a pas en classe, mais il croit savoir que c'est le Professeur d'Etude des Moldus. Il éteint son feu presque directement, malheureusement, et se met à hurler comme un forcené, élargissant encore le sourire du gamin. "Un feu, Professeur, un feu !" Il ne cherche même pas à se défendre ou à minimiser la situation, non. Il a envie d'énerver quelqu'un. Et il a trouvé qui.

Fight fire with fire

La réaction du type aurait dû être filmée. Des fois, Stolas regrette réellement que la technologie moldue ne fonctionne pas entre les murs du château. C'est d'ailleurs une conversation qu'il pourrait avoir avec ce Professeur étant donné la matière qu'il enseigne, mais il n'est pas franchement dans une humeur pour avoir une conversation civilisée et intéressante. Non, il a plutôt envie de le faire enrager bien comme il faut. Que voulez-vous, on ne se refait pas. S'il a d'abord eu l'air étonné de l'explication fournie, la colère reprend bien vite sa place sur les traits du visage du Professeur, au plus grand plaisir de l'adolescent qui n'en attendait pas moins. D'ailleurs, lorsqu'il se baisse pour récupérer l'un des ouvrages et s'attrister du sort qui lui a été réservé, le Serpentard ne peut empêcher un petit rire satisfait de s'échapper de ses lèvres, l'accompagnant de quelques mots choisis avec soin. "Que voulez-vous, son heure était arrivée. Il n'y a rien à faire contre le destin." Plus sarcastique tu meurs.

Lorsque le Professeur s'approche de lui, baguette toujours en main, le jeune garçon aurait pu le trouver impressionnant. Mais il est bien trop enfoncé dans son petit numéro de la parfaite tête à claques pour se préoccuper réellement de ça. Il a envie de titiller les limites de l'homme qui lui fait face, les repousser totalement. C'est étrange, cette sensation dans tout son corps tandis qu'il se fait réprimander. Même s'il se fout royalement de ce que lui dit le Professeur, les battements de son coeur se sont accélérés, libérant de l'adrénaline dans tout son être, lui donnant le courage - ou la bêtise - nécessaire à s'enfoncer toujours plus sans montrer le moindre signe de regret. C'est qu'il tient à tenir son rôle de tête brûlée totalement irraisonnable. N'est-ce pas là le meilleur moyen pour qu'on parle de lui ? Qu'on le voit ? D'obtenir tout simplement une réaction en face. Dès qu'il fait des efforts pour se comporter correctement, il n'y a tout simplement rien. Rien qu'une profonde sensation d'être totalement invisible et qui le rend dingue. Aurait-il fallu qu'il soit dans cette salle avec tous ceux qui ont été attaqués pour qu'enfin il en soit autrement ?

Voilà qu'il doit décliner son identité, après une promesse que ses heures et ses jours de libres seraient occupés dans la bibliothèque. Il a de l'espoir s'il pense vraiment que Stolas va se soumettre si facilement. Avec lui, les mots ne suffisent pas, il faut tout prouver par des actes. Il en a assez d'être face à des chiffes molles incapables d'agir en fonction de leurs promesses. Il n'a cependant aucune hésitation pour donner son nom et son prénom, les annonçant même fièrement d'une voix forte. "Stolas Hopkins, quatrième année à Serpentard, Professeur." Toujours le même sourire, la même arrogance non dissimulée. Il donne sa maison en prime, comme pour défier Wolfhart de lui retirer des points. Il s'en fout de toute manière, les autres Serpentards l'importent tout aussi peu que les élèves des autres maisons. Il ne fait clairement pas partie de ceux qui sont persuadés d'avoir trouvé une nouvelle famille au château. Bien au contraire. Il fait en sorte de côtoyer le moins de monde possible. D'être toujours plus désagréable, toujours plus difficile à approcher.

Il le fait consciemment, pour se protéger. Parce qu'il a peur d'être déçu, peur d'être abandonné une nouvelle fois, et il n'est pas sûr qu'il pourra s'en relever. La mort de sa mère l'a secoué, il l'a vécu comme un abandon pur et simple malgré la maladie. Et la dépression de son père, son inaction totale, sa faiblesse... Il a tout simplement perdu ses deux parents le même jour. Et depuis il ne peut compter que sur lui-même. C'est sans doute pour le mieux ainsi. Sa solitude actuelle, il l'a voulue. Il l'a cherchée? Elle vient de lui et de lui seul. Il la contrôle parfaitement, tout comme il contrôle sa vie. C'est tout ce qui compte, et il n'a pas l'intention de changer. Faire le malin comme il le fait actuellement, c'est simplement asseoir sa place au sein du monde sans pour autant le faire par rapport aux autres. C'est tout simplement parfait. Quelques mots s'échappent à nouveau, sur un ton pour le moins condescendant. "Êtes-vous sûr que laisser quelqu'un qui brûle des bouquins dans une bibliothèque est une bonne idée ? Elle a déjà été incendiée une fois, ce serait dommage qu'une telle chose recommence par votre faute, Professeur." Il met un point d'honneur à prononcer le dernier mot avec mépris et sarcasme. Juste pour l'énerver encore plus. Voir ce qu'il a dans le ventre.