Installé sur un des canapés de ma salle commune, je finis de rédiger ma lettre. J'ai promis à Chris que je leur enverrais régulièrement des nouvelles, c'était la condition pour qu'ils acceptent que je réintègre Poudlard. Ca et que si je ressens de nouveau l'envie de mettre fin à mes jours, je leur en parle avant, histoire d'essayer de trouver une solution autre qu'une chute de la tour d'Astronomie. C'était un deal réglo, difficile de chipoter sur les détails quand je sais qu'ils vivent actuellement dans l'inquiétude et l'incompréhension la plus totale par ma faute. En vrai je suis désolé pour eux. Désolé que Chris ait croisé mon chemin dans cet hôpital et que je lui ai fait tant de peine qu'il s'est senti le besoin de me venir en aide. Désolé de ne pas incarner le fils qu'il aurait aimé que je sois. Désolé de ne pas avoir été capable de me reconstruire, malgré tout l'amour et tout le soutient qu'ils m'ont apporté toutes ces années. Désolé de ne toujours pas être capable de les appeler "papa" et "maman" alors qu'ils le mériteraient tant et qu'ils n'ont jamais autant incarné ces rôles que mes propres parents. Mais mes vrais parents m'ont tellement donné un goût amer en ces deux mots qu'il m'est impossible de les insulter en les appelant ainsi. C'est parce que j'ai beaucoup de respect pour eux que je préfère les appeler par leurs prénoms et non pas parce que je ne les considère pas comme ma famille. Je ne sais pas si un jour ils comprendront, faudrait-il que pour ça, je sois capable de m'ouvrir pleinement à eux... Peut-être un jour, mais pas aujourd'hui. Aujourd'hui, je remplie ma lettre de beaucoup de choses, mais certainement pas de choses importantes. Je parle des cours qui m'ennuient énormément, de Quidditch qui est ma seule bouée de sauvetage dans cette école et du fait que depuis mon retour, mon maître chanteur ne m'a jamais recontacté. J'évite de leur dire que c'est toujours la merde au château, ils n'ont pas besoin de s'inquiéter plus encore pour nous qu'ils ne le font déjà. Disons que tant qu'ils ne me posent pas vraiment de questions, je ne ressens pas le besoin de m'étaler sur le sujet. Et puis je me dis que peut-être, Savannah et Avalon les tiennent informer de tout ça, alors je n'ai pas besoin de le faire.

J'ai encore parlé à personne des gâteaux que je reçois depuis mon retour à Poudlard, en janvier. Je ne sais pas trop pourquoi je ne dis rien à vrai dire. Peut-être parce que cette histoire m'effraie bien plus que je ne voudrais l'admettre. La première fois que j'ai reçu une boîte, je me suis demandé ce que c'était. Au départ, je pensais que c'était Casey qui me souhaitait, à sa façon, un bon retour à la "maison". Mais vu qu'il n'y avait aucun message accompagnant le paquet, j'ai commencé à avoir des doutes. Je n'ai pas osé toucher aux gâteaux, attendant de voir si Casey allait m'en parler dans les jours qui suivent, mais elle n'en fit rien, me laissant supposer qu'elle n'y était pour rien. J'ai fini par jeter la boîte, avec son contenu, sans chercher à y goûter. Et puis la semaine suivante, j'ai reçu une nouvelle boîte, avec de nouveau des pâtisseries à l'intérieur et depuis, régulièrement, j'en reçois une nouvelle. Jamais aucun mot ne les accompagne et la personne qui m'envoie ce "présent" fait en sorte de toujours varier les pâtisseries. Est-ce pour tenter de voir ce que je pouvais aimer ? Pourquoi m'envoyer ça sans signer ? De peur que ce soit mon maître chanteur qui essaye de me piéger, je n'ai jamais goûté une seule pâtisserie. Avalon s'est effondrée une fois "sans raison", hors de question de tomber dans un piège si enfantin. Je pensais qu'avec le temps, la personne arrêterait de m'en envoyer. Surtout que si c'est empoisonné, elle voit bien que je ne les mange pas, du coup pourquoi continuer ? Plus le temps passe et plus je m'interroge sur tout ça. Qu'est-ce que je fais ? Est-ce que j'en parle à quelqu'un ? Est-ce que je goûte, pour voir s'il y a un truc suspect dedans ? Peut-être devrais-je donner une boîte à Lennox, pour qu'il fasse quelques tests. Après, peut-être que je suis parano, mais on le serait à moins, avec tout ce qu'il m'arrive. J'aimerai tellement que ça s'arrête, ça commence sévèrement à me porter sur les nerfs. J'ai beau faire le mec qui s'en fout, la vérité c'est que je trouve ça pesant. J'essaye d'être le plus discret possible quand je repère que j'ai une boîte, mais je ne me fais pas d'illusion, j'imagine que tôt ou tard, une rumeur courra sur le sujet. Et c'est bête à dire, mais ce dont j'ai le plus peur c'est que mes soeurs l'apprennent et qu'elles me tombent dessus parce que je n'aurai rien dit.

Ma lettre est finie, je vais pouvoir me rendre à la volière pour la confier à un des hiboux de l'école. Je pourrais la donner à Agamemnon, pour qu'il l'apporte lui-même à la maison, mais j'avoue ne pas apprécier de le tenir loin de moi aussi longtemps. Je sais qu'il n'apprécie pas que je m'occupe d'un autre oiseau que lui, mais j'aimerai qu'il comprenne que ce n'est que parce que je ne veux pas me séparer de lui. C'est un peu stupide n'est-ce pas ? Je doute qu'un corbeau puisse comprendre ce genre de chose. Passons ! Je me rends à la volière et j'avoue que le temps doux actuel est plutôt appréciable. Je n'ai jamais été un gros frileux, même si j'en donne l'impression. Toujours armé de long pull et de gants, je suis persuadé que les gens pensent que je suis un gros frileux de service ou que je souffre d'une maladie quelconque de la peau ou un truc du genre. La vérité c'est que je ne supporte pas les contacts physiques, pour diverses raisons, mais principalement parce que je ne veux pas prendre le risque d'avoir une vision involontaire. Aujourd'hui, j'abandonne la cape pour me rendre en sweat à la volière, profitant de l'air doux qui caresse légèrement mon visage. Je vois Agamemnon voler en cercle autour de la volière. J'imagine qu'il me guettait, à moins que ça ne soit qu'un hasard, je ne saurai le dire. Quand j'arrive dans la volière, je constate qu'elle n'est pas vide, une fille s'y trouve déjà. Quand je croise son regard, mon premier réflexe fut de baisser les yeux. Victime power ! Sans un mot, je me dirige à l'opposé de là où elle se trouve pour flatter un peu Agamemnon, histoire de faire passer plus facilement la pilule. Mon cerveau met quelques secondes à analyser la situation. Cette fille je la connais, de vu tout du moins. Je sais qu'elle s'appelle Artemisia et qu'elle est dans ma classe depuis l'an dernier. Je ne sais pas franchement grand chose de plus sur elle, en dehors du fait qu'elle est à Poufsouffle et qu'elle a l'air d'avoir reçu un colis... à moins qu'elle l'envoie ? Je ne saurai dire pourquoi ce paquet m'interpelle. Peut-être parce que j'en reçois régulièrement un et que cette histoire a tendance à me bouffer un peu. On ne va pas se mentir, depuis que je commence à en recevoir, j'observe les gens qui reçoivent du courrier et j'essaye d'observer de temps en temps les gens qui vont à la volière, histoire de tenter de surprendre celui qui m'envoie ces colis. En vain jusqu'à présent. Mais là c'est la première fois que je tombe sur quelqu'un avec un paquet, alors vous comprenez bien que ça titille ma curiosité, autant que ça m'angoisse un peu. C'est stupide parce que cette fille, je ne la connais pas franchement mais je n'ai jamais eu la sensation qu'elle pouvait être un danger potentiel pour moi. "Joli paquet !" Dis-je en essayant de prendre un air détaché. Mon regard est un peu fuyant, mais il revient inlassablement sur cette boite verte.

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Ok, c'est moi qui suis parano où elle agit bizarrement ? En y réfléchissant bien, je suis presque persuadé que c'est moi qui suis parano. Avec tout ce qu'il m'est arrivé, je me dis que je me monte la tête pour rien. Des gens qui envoient des colis sont légion dans le château, ce n'est pas parce que je tombe sur une fille qui en envoie un que forcément ça signifie qu'elle l'envoie à moi. C'est vrai, peut-être qu'elle envoie un colis à ses parents ou à des amis ou à n'importe qui en fait. Ou alors peut-être qu'elle vient de le recevoir. C'est étrange qu'elle ne l'est pas reçu dans la distribution du matin, dans la Grande Salle mais c'était peut-être un colis en retard. Après, une distribution dans la volière, c'est assez étrange, mais peut-être que ce n'est que le fruit du hasard. Elle est venue initialement pour envoyer une lettre et quelqu'un lui envoie un colis pile à ce moment là. Etrange hasard, certes, mais hasard quand même. Je sens qu'en repensant à ça, je commence à devenir dingue. Est-ce Poudlard qui a cet effet là sur moi ou est-ce le résultat de mon séjour de quasiment un mois à Sainte Mangouste ? Je me sens si stupide de réagir de cette façon. En temps normal, je m'en serai totalement moqué de savoir ce qu'elle faisait ici. J'aurai remarqué qu'elle envoyait ou recevait un colis, mais l'information ne serait pas resté stocker dans ma mémoire bien longtemps. On ne va pas se mentir mais qu'est-ce que je m'en fous de ce que fait cette fille. Je n'ai rien contre elle, le problème n'est pas là mais on ne se connaît pas. On partage la même classe, c'est un fait, mais ça ne fait pas de nous des amis pour autant. Je veux dire, je partage la même classe avec la préfète des Poufsouffle, c'est pas pour ça que j'ai envie d'aller prendre le thé avec elle à la première occasion. Je dirai même plus, si je devais la croiser en train de se noyer, je pense que je me poserai sérieusement la question d'aller la sauver ou non. Preuve que je ne l'apprécie définitivement pas. Alors certes, j'ai rien contre cette fille, mais de là à avoir envie de lier d'amitié avec elle, il y a encore un pas.

Néanmoins, que ce soit stupide ou non, cette histoire de colis me trotte dans la tête et je ne peux m'empêcher de lui faire une remarque dessus. Joli paquet. Super, l'intervention la plus inutile du monde. J'aurai pu lui dire un milliard de trucs mais tout ce que je trouve à dire c'est "joli paquet". Non mais je vous jure, parfois je me foutrai des claques. Je sais que j'ai perdu l'habitude de parler aux gens, je dirai même plus, je n'ai jamais franchement eu cette habitude de savoir quoi dire aux gens, tellement je n'ai jamais été quelqu'un de très sociable, mais quand même, c'est censé être à la portée de n'importe qui, je devrai pouvoir y arriver ... mais même pas ! L'unique réponse que j'ai obtenu c'est un remerciement, avant qu'elle se tire. Et c'est là, en parfait parano que je suis, que je me demande si elle se barre parce que je l'emmerde ou alors parce qu'elle a quelque chose à cacher. Parfois, j'aimerai me frapper tellement je me fatigue. Pourquoi je lui ai dit "joli paquet" ? J'aurai pu lui faire la conversation en lui demandant si elle envoyait un cadeau a un membre de sa famille. N'importe quoi en fait, mais pas juste ça. Evidemment qu'elle allait se contenter d'une réponse éclair dans le genre du "merci" avant de reprendre ce qu'elle était en train de faire. Bon, j'avoue que je ne m'attendais pas à ce qu'elle se barre, mais j'imagine que ça va dans l'idée du "ne me parle pas, on ne se connait pas". Quand j'entends la porte de la volière s'ouvrir et se fermer, j'avoue que cela me tire un soupir. Je me désespère. Heureusement que je n'avais pas l'intention d'en faire une amie, sinon ça serait mort d'avance je pense. Je me prends la tête entre les mains, fatigué d'être suspicieux de tout, avant de me retourner, sans trop savoir pourquoi. Je ne pensais pas un instant découvrir qu'en partant si précipitamment, elle avait oublier sa boîte. En vrai je m'attendais à découvrir "rien", le vide total. Et pourtant non, la fameuse boîte était restée derrière elle. Pourquoi ? Je l'ignore. J'hésite quelques instants. C'est pas mes histoires, je n'aimerai pas qu'on s'occupe des miennes. Mais en même temps, si c'était pour elle à la base, elle aimerait peut-être récupérer son colis, non ? Et si c'est pour envoyer à quelqu'un, ça serait peut-être bien qu'elle la retrouve sa fameuse boîte, non ? Entre l'envie de faire une bonne action et l'envie de savoir ce qu'il se cache dans cette boîte, je me dirige vers elle. On ne va pas se mentir, je suis surtout guidé par la curiosité de savoir ce que contient cette boîte plus que par l'envie de faire une bonne action. En un autre temps, je m'en serai complètement carré de cette boîte. Mais là, ça m'interpelle, alors je décide de céder à la tentation...

Je m'attendais à tout, sauf à découvrir mon nom sur ce colis. Et je crois que j'étais prêt à tout, sauf à découvrir que cette fille, que je ne connaissais pas, sauf de nom, était celle qui m'envoyait des colis. Parce que sans reconnaître la boîte en elle-même et sans avoir ouvert le colis, je savais qu'il contenait des pâtisseries. J'avais reconnu l'écriture sur le colis et il était clairement inscrit dessus mon prénom. Je restais interdit. Je m'attendais à beaucoup de choses mais certainement pas à ça. Est-ce que ça signifiait que mon maître chanteur c'était cette fille ? Mais, pourquoi ? J'étais un peu perdu, plus encore quand j'entendais des pas précipités dans les escaliers et que je vis la porte s'ouvrir à nouveau. Pas de grosse surprise, la poufsouffle venait de revenir sur ses pas, visiblement consciente qu'elle avait oublié quelque chose derrière elle. Posté devant son colis, je relève le regard, le visage fermé "Tu m'expliques ?" Il n'y avait aucune chaleur dans le timbre de ma voix. Je n'avais aucune envie de plaisanter ou de parlementer pendant 10 ans. Je voulais avoir une explication sur le champ. C'était quoi ce délire ? Pourquoi m'envoyait-elle des gâteaux bordel ?

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Est-ce que je suis dans une école de fous ? Ou est-ce que c'est moi qui suis plongé dans un délire ? Est-ce que je suis encore coincé à Sainte-Mangouste, en train de délirer totalement sur le fait que j'ai pu quitter l'hôpital pour reprendre le chemin de Poudlard ? Je ne sais pas, j'avoue que je ne sais plus trop. Ma vie a toujours été assez étrange, on ne va pas se mentir, mais là, elle prend un chemin que je n'avais pas prévu et j'avoue que je ne sais plus trop sur quoi je peux me fier. Rien n'a de sens. Au départ, quand j'ai reçu la boîte à gâteaux, je pensais vraiment que c'était Casey qui voulait marquer le coup, me souhaiter un bon retour à Poudlard, peut-être me montrer son soutien, quelque chose dans ce genre. Ensuite, quand j'ai réalisé que ce n'était pas elle, je me suis tout de suite tourné vers mon maître chanteur. Ca n'avait pas forcément de sens en soit, mais ... pourquoi pas ? Après tout, s'il veut m'empoisonner, j'imagine que ça serait une façon comme les autres. Peut-être pas la plus discrète, je vous l'accorde, mais t'es pas obligé d'empoisonner toutes les boîtes. Tu laisses approcher ta proie avec des boîtes sans danger et une fois qu'il est pris dans le piège et qu'il goûte les gâteaux, quand il s'y attend le moins, tu frappes un bon coup à coup de poison et le tour est joué. Je ne suis pas un grand expert dans le domaine, mais j'imagine que ça pourrait fonctionner. Dommage pour la personne qui m'envoie ces attentions, je les jette dès réception, mais je pourrais me lasser un jour, me demander si je ne passe pas à côté de quelque chose. Je n'en sais rien. Bon, la vérité c'est que je suis bien trop méfiant pour que ça arrive, mais je pourrais faire mon gros dégueulasse et laisser la boîte au milieu de la salle commune. J'imagine que si certains de mes camarades tombent malades, on saura pourquoi. Mais on risque de m'en vouloir de n'avoir prévenu personne. Difficile de crier au meurtrier juste derrière !

Mais là j'avoue que je ne m'attendais pas à ça. Que cette fille, que je ne connais que de nom, soit l'auteur de ces boîtes, ça me laisse sans voix. Je suis choqué. Et en colère. Alors quand elle revient pour récupérer son bien, j'avoue que je ne l'accueille pas avec beaucoup de chaleur. Pourquoi ? Pourquoi fait-elle ça ? Est-ce qu'elle est derrière les lettres de chantage ? Est-ce qu'elle est derrière l'attaque contre Avalon ? Qu'est-ce qu'elle me veut au juste ? Je lui demande de m'expliquer et tout ce qu'elle trouve à dire au début c'est qu'elle adore cuisiner. Elle est sérieuse là ? C'est ça sa défense ? Elle adore cuisiner ? On sent qu'elle n'est pas à l'aise, ce qui titille encore plus ma parano, même si au fond de moi, je sais que la situation actuelle ne doit pas franchement l'aider à se sentir à son aise. Elle vient de se faire gauler, c'est normal qu'elle soit mal à l'aise. Et le pire, c'est que c'est le mec à qui elle envoie ses gâteaux qui découvre la vérité et il n'a pas l'air des masses enchantés. On serait mal à l'aise avec moins que ça. Mais actuellement, je n'arrive pas franchement à réfléchir rationnellement. Tout ce que je vois moi, c'est une meuf que je ne connais pas, qui a décidé de m'envoyer des paquets chaque semaine de bouffe, tout ça parce qu'elle aime cuisiner. Vous n'allez pas me dire que c'est pas suspect. "Pardon ?" Fut la première réponse qui me vint à l'esprit. C'est pas franchement la bonne réponse, essaye encore ! Je la fixe sans ciller et sans me départir de ma froideur. Je veux savoir et "j'adore cuisiner" n'est pas une réponse acceptable, qu'on soit clair. Moi j'adore sculpter c'est pas pour ça que j'envoie ce que je fais à un parfait inconnu, juste parce que je trouve ça fun.

Elle finit par reprendre la parole et on avance d'un pas. C'est pas énorme et c'est pas suffisant, mais déjà on avance un peu. Après j'ignore si elle veut m'amadouer pour que je finisse par accepter de jouer mon rôle dans leur intrigue comme il se doit ou alors si c'est pour autre chose. Dans quel camp est-elle ? Pourquoi veut-elle m'aider ? Elle pensait que ça me réconforterait. J'avoue que je suis paumé. J'arrive pas à savoir si elle se fout de ma gueule ou si elle est sincère. Elle ne me connaît pas, mais soudainement, elle a ressenti le besoin d'avoir envie de me faire des gâteaux pour m'apporter du réconfort ? Et je suis sensé trouvé ça ... adorable ? Touchant ? Gentil ? Peut-être une personne normale le ferait, mais moi je trouve ça suspect, je trouve que le timing est étrange et ça n'a aucun sens à mes yeux. "Pourquoi ?" Je voulais savoir. Je ne la laisserai pas partir sans savoir. "On ne se connaît pas, pourquoi soudainement t'as eu envie d'être sympa avec moi ?" Moi je trouvais ça louche, il y avait hippogriffe sous gravillon, j'en étais persuadé. Elle était louche cette fille...

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Je dois certainement apparaître comme le pire mec de la terre. Un gars ingrat qui, au lieu de remercier la personne qui essaye de prendre soin de lui, l'envoie chier et la traitre de la pire façon qui soit. Mais bordel, je n'ai rien demandé à personne. Je ne la connais pas cette fille, si on s'est échangé trois mots depuis le début de notre scolarité, c'est le bout du monde. Alors wouhai, je crois que c'est normal que je sois sous le choc de la révélation. Surtout que je ne pige pas pourquoi elle fait ça. C'est quoi ses intentions derrière ? C'est pour être gentille ? Mais qui lui a demandé d'être gentille ? Et pourquoi avec moi ? J'ai jamais été connu pour être un mec sympa, reconnaissant ou chaleureux, alors pourquoi elle aurait envie d'être gentille avec moi ? C'est pour se venger de quelque chose ? Mais quoi ? J'ai été irrespectueux avec elle alors elle tente de m'empoisonner ? Elle est pote avec l'autre morue de Felicia et elles ont décidé de me jouer un tour ? Je ne lui ai pas accordé assez d'attention ? Pourtant, malgré le fait que je ne sois pas particulièrement portée sur la chose, j'ai pas eu la sensation de lui plaire plus que de raison, du coup je ne comprends pas. J'ai beau m'en moquer un peu des filles ... ou des mecs, je ne peux nier que quand une fille glousse en passant devant moi, un peu rougissante ou une connerie dans ce genre là, je finis bien par capter que c'est pas parce qu'on lui a raconté une bonne blague. Quand une fille me fixe en attendant visiblement d'établir le contact visuel, c'est pas juste par hasard. Alors oui, je suis un peu à côté de la plaque niveau relation amoureuse, mais je pense que je commence à reconnaître les signes quand je plais à quelqu'un et pour le coup, j'ai pas eu la sensation que c'était le cas avec elle. Du coup je ne pige pas. Soit elle cache encore mieux son jeu que moi, soit j'ai raté un épisode. Alors oui, j'avoue, je ne peux m'empêcher de me dire que c'est mon maître chanteur. J'ai pas franchement le souvenir de l'avoir vu avec un badge ces derniers mois, mais vu que je sais qu'elle n'a pas partagé les cachots avec moi, je me dis que je suis peut-être juste passé à côté du truc. J'ai pas franchement fait une liste exhaustive de qui est un extrémiste et qui ne l'est pas.

Son attitude change sensiblement. Elle vient de passer de l'incompréhension et de la gêne à une forme de révolte. Elle me défie du regard en se plantant devant moi. Vais-je donc voir son vrai visage ? Celui qui me révélera que j'avais bon sur toute la ligne ? Je ne bouge pas d'un iota, la toisant de tout mon haut, mon regard de glace plongé dans le sien. J'en ai marre d'avoir peur, il est hors de question qu'en cet instant, mon potentiel ennemi puisse voir une quelconque faille en moi. Et je suis bon à ce jeu, depuis le temps que je cache mes émotions derrière un masque impassible. Peu peuvent prétendre avoir vu un sourire s'afficher sur mes lèvres. "Non, ça ne fait pas franchement parti de mon vocabulaire !" Lui répondis-je froidement. Et c'est vrai. Ce n'est pas une histoire d'insensibilité, parce que derrière ce masque de marbre, je suis capable de ressentir les émotions. Peut-être même un peu trop. Ca bouillonne en moi et je déteste ça. Je voudrai pouvoir éteindre tout ça et ne devenir qu'une enveloppe vide, ça serait tellement plus simple pour vivre. Au lieu de ça, je vis dans la peur constante, que ce soit pour moi ou pour mes proches. Peur de les perdre. Peur d'être de nouveau abandonné. Peur qu'on me blesse à nouveau. Peur de laisser voir qui je suis et que ça ne plaise pas, une nouvelle fois. Mes parents m'ont détesté à la seconde où ils ont compris qui j'étais vraiment. Le diable. Le fils de Satan. Pourquoi serait-ce différent pour les autres ? Et s'ils avaient vraiment vu clair dans mon âme ? Mon âme est agité mais je ne laisse rien voir. Cette histoire n'a ni queue, ni tête et je déteste ça. Je veux du sens. Je veux comprendre. Elle prétend avoir vu une faiblesse en moi. Evidemment que je suis faible, j'ai tenté de me suicider. "Je m'en carre complètement de paraître fragile. J'ai tenté de me suicider, évidemment que je suis fragile !" Dis-je, excédé. Et si c'est de sa faute, je crois qu'on va régler nos comptes tout de suite et maintenant. Je ne vais pas attendre que des adultes jouent à rendre la justice alors qu'il y a de forte chance qu'elle s'en sorte, alors que je peux rendre ma propre justice tout de suite et maintenant. Ce n'est pas que je m'en fous de paraître faible aux yeux des autres, mais j'imagine que cette histoire ayant fait le tour de l'école, difficile de faire comme si ça n'avait jamais existé. Je suis actuellement le mec bizarre qui a essayé de se jeter du haut de la tour d'astronomie. Ma cote de popularité ne peut que monter en flèche. Si après ça, les filles me trouvent toujours séduisant, c'est que je ne les comprendrai jamais. "La dernière fois qu'on m'a envoyé des "attentions particulières", c'était des lettres de menaces et une tentative de chantage. Alors tu m'excuseras de ne pas sauter de joie quand je constate qu'elles ont cessé pour laisser place à des potentielles boîtes empoisonnées !" Je m'en fous de révéler ce genre de choses à cette fille, de toute façon mes proches m'ont bien fait comprendre qu'il fallait qu'un maximum de gens le sachent pour pouvoir "m'aider". J'ignore si c'est vrai, mais au moins je ne m'en cache plus. Si cette fille est derrière tout ça, je doute qu'elle apprécie que je balance tout ça comme ça. Mais peut-être que je vais pouvoir voir clair dans son jeu. Et si au pire elle cache très bien son jeu, il est fort probable qu'elle se venge dans les jours qui viennent de mon nom respect pour les règles qu'elle a établi. Moi ça ne m'enchante pas, surtout si c'est encore un de mes proches qui trinque. Mais j'imagine que c'est un mal pour un bien, on saura avec certitude que ce sera elle !

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Je suis solide dans mes bottes. C'est en tout cas l'image que je renvoie. La vérité c'est que c'est faux, je suis une putain de victime qui se donne des airs pour tromper l'ennemi. Je le sais, j'en ai toujours eu conscience. La vie que j'ai mené jusque là m'a forgé à être la parfaite victime et j'imagine que tous les psychopathes le ressentent quand ils me croisent. Ils voient clair derrière mon masque. C'est la seule hypothèse valable que j'ai trouvé pour expliquer tout ce qui m'est arrivé. Ca et un karma de merde j'imagine. Mais j'en ai marre. Je suis lasse d'être une victime. Lasse de me morfondre dans le malheur. Moi aussi j'ai envie de vivre et non plus de me contenter de survivre. J'ai envie de sourire à la vie même si j'ignore comment on fait. Je veux être un mec normal et pas le monstre de foire qu'on pointe constamment du doigt. Je sais qu'il faut que je change, que ça ne viendra pas tout seul et qu'il va falloir un vrai travail sur moi. J'imagine que ma tentative de suicide est un mal pour un bien. Peut-être que j'avais besoin de me faire vraiment peur, de vraiment toucher le fond, pour avoir envie de remonter. J'ignore si c'est ce séjour à Sainte Mangouste qui m'a permis d'ouvrir les yeux, si ce sont ces séances avec Avril qui m'aident vraiment ou si je suis juste arrivé à un moment de ma vie où j'ai envie de dire stop. Peut-être que c'est la merde de trop dans ma vie, je ne sais pas. Et en vrai, je m'en balance. Je veux juste que ça s'arrête, que les chose changent, sans trop savoir comment m'y prendre. Mais j'imagine que si les autres y arrivent, je pourrais y parvenir aussi. Qui sait ? En attendant, je fais face à une fille que je connais à peine et qui m'envoie des gâteaux, sans que je comprenne vraiment pourquoi. Elle me parle de réconfort, de compassion mais tout ça, ça n'a pas de sens à mes yeux, ce ne sont que des mots, vide d'une réelle signification. Tu peux bien parler de bonnes actions pour te faire passer pour un saint, mais si tu ne les réalises pas ou pas dans la bonne optique, sont-elles vraiment de bonnes actions ? ou juste un mensonge ?

Des lettres de menace ? Horrible ? Oui, c'est un peu le principe en effet. C'est pas fait pour faire passer un bon moment à celui qui les reçoit, je pense qu'on est bien d'accord sur le principe. Après ça a l'air d'avoir été dit sans trop y réfléchir, avec beaucoup de spontanéité. Mais bon, est-ce que ça signifie vraiment qu'elle n'est au courant de rien et qu'elle tombe de haut ou est-ce qu'elle fait genre ? C'est évident que si elle est coupable, elle ne va pas faire genre qu'elle est au courant, ça serait vraiment stupide d'abattre ses cartes si vite. Mais bon, on ne peut nier qu'au fond, il y a un doute qui subsiste. Ca me gonfle. Du coup je reste impassible, tentant de l'analyser du mieux que je le peux, mais ce n'est pas évident. Il faut savoir discerner les signes qu'elle montre de ceux que j'ai envie de voir sur son visage. Et quand on croit qu'on est arrivé au bout et que la tension est si palpable que l'orage va éclater, elle se met à rire. Elle ne s'emporte pas. Ne me traite pas d'abruti fini. Ne me menace pas des pires mots. Rien. Elle rit. L'idée qu'elle ait pu empoisonner les gâteaux à l'air de lui paraître si stupide. Oui, peut-être que dans un autre contexte, ça pourrait apparaitre comme une idée rocambolesque, mais l'est-ce vraiment ici ? C'est une possibilité des plus envisageable, vous ne me ferez pas changer d'avis. Son excuse c'est qu'elle aime trop la bouffe pour l'empoisonner. J'avoue que cet argument me dépasse vraiment et n'est pas une vraie raison, mais soit, si elle le dit. Je laisse planer un silence pendant quelques secondes avant de glisser la boîte vers elle. "Prouve le !" C'est vrai, si les gâteaux ne sont pas empoisonnés, j'imagine que ça ne la dérangera pas de les goûter. On ne se trouve pas dans une situation qu'elle aurait pu prévoir, donc si elle est vraiment coupable, elle trouvera une parade pour ne rien manger. Après ça ne signifie pas pour autant que si elle est coupable mais qu'elle n'a rien mis encore dans ses gâteaux, que ça ne viendra pas. Mais bon, chaque chose en son temps, d'abord, qu'elle mange sa charlotte, on verra ensuite pour le reste.

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Un vrai carnage ? Je n'aurai pas choisi ces termes personnellement, ils sont déplacés. Des carnages, on en vit un peu trop ces derniers temps pour se permettre une pointe d'humour sur le sujet à l'heure actuellement. Mais bon, soit, disons que c'est une simple maladresse de sa part et qu'elle n'a pas fait exprès de choisir ce champ lexical là. Je fais glisser sa boîte devant elle. Elle prétend depuis le début qu'elle n'est pour rien dans cette histoire, qu'elle n'a envoyé ces gâteaux que par sollicitude et qu'ils ne sont pas empoisonnés parce que soit disant qu'elle aime trop la bouffe pour ça. Elle n'a pas l'air de franchement hésité et pour être honnête, il y a une petite voix au fond de moi qui me dit que c'est un piège. N'aurait-elle pas pu provoquer cette rencontre ? Le but n'était-il pas de faire semblant de se faire gauler, pour apaiser mes craintes ? J'ignore comment elle aurait pu s'y prendre, mais c'est possible, non ? Elle se débrouille pour être à la volière au moment où je veux y aller. Elle pourrait très bien avoir des taupes dans ma maison qui aurait pu l'informer que j'étais en train d'écrire une lettre. Espérant que j'irai la poster juste après, elle s'est rendue à la volière avant moi, histoire de mettre en place sa petite scénette. Elle fait semblant d'oublier le paquet et s'en va rapidement, avec un air coupable sur la tronche. Et elle attend quelques instants avant de remonter, pour "affronter l'orage". Elle sait que ça va être tendu et qu'elle joue gros, mais vu que je ne mange pas ses gâteaux, il faut bien qu'elle agisse en conséquence pour changer la donne. Elle donne le change, se fait passer pour une petite innocente et va même jusqu'à tester ses gâteaux. Elle sait qu'elle ne risque rien puisque ceux-ci ne sont pas empoisonné. Je suis rassuré de voir qu'ils ne le sont pas, elle va tabler sur le fait que je vais être méfiant encore un peu, du coup elle va envoyer quelques gâteaux non empoisonnés, jusqu'à ce qu'elle décide que ma méfiance est certainement éteinte et elle frappe un bon coup.... Est-ce que je m'emballe un peu ? Oui, certainement, j'ai un pu la sensation d'être dans un film avec ce genre de théorie. Qui suis-je pour qu'une personne se donne autant de mal pour me blesser, voire me tuer ?

Pendant que je me crée une angoisse et que j'invente un monstre qui n'existe peut-être pas, elle a l'air de passer un bon moment. Elle nous sort une grosse cuillère de son sac et la plante dans le gâteau. Elle enfourne le tout dans sa bouche et à l'air de trouver le tout à son goût. Une cuillère, deux cuillères, trois cuillères, ça ne s'arrête plus. A ce rythme là, cette charlotte ne va être plus qu'un mauvais souvenir. J'imagine qu'au vu du boulot que ça a demandé, c'est la moindre des choses que ce gâteau soit honoré de cette façon, mais j'avoue que de la voir manger ne me donne pas particulièrement envie de faire pareil. Je reste sur mes gardes, c'est plus fort que moi. Je vois bien que le gâteau n'est pas empoisonné, mais ... au cas où. Au cas où le poison ne soit qu'à un seul endroit. Au cas où elle aurait pris l'antidote avant de venir. Et puis même, au delà de ça, je n'ai pas faim. Je ne suis pas forcément quelqu'un d'extrêmement gourmand. Au delà des tartes au citron qui sont mon péché mignon, j'avoue que je ne suis pas très sucré. "Non merci ! ... ça va aller !" Ce n'est même pas une histoire de quelque chose de personnel pour le coup, je n'ai vraiment pas faim. J'ai la boule au ventre et je n'ai absolument rien envie de manger. Je suis tendu ces derniers temps et on ne va pas se mentir, c'est en parti de sa faute. Alors certes, peut-être que ce n'est qu'un heureux hasard et qu'elle n'y est pour rien dans toute cette histoire. Peut-être qu'elle a vraiment voulu montrer son soutien et faire quelque chose de gentil, mais c'est vraiment mal tombé. Avec tout ce qu'il se passe en ce moment, recevoir des gâteaux, sortis de nulle part, moi ça ne me rassure pas. Après, est-ce que ça va changer quelque chose de savoir que c'est elle qui me les envoie ? Je n'en sais rien. J'imagine que maintenant, je vais pouvoir me renseigner sur son sujet !

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La situation est tellement étrange et malaisante. Je regarde une fille qui partage quelques cours avec moi, mais que je ne connais pas plus que ça, manger comme un goret un gâteau que je soupçonne être empoisonné. Il ne l’est pas, vraisemblablement, mais pourtant je n’arrive pas à me sortir de l’esprit que cette situation n’est pas normale. Certainement parce que je ne suis pas accoutumé à ce genre de marque d’attention. Elle prétend faire cela avec toutes les bonnes intentions du monde, juste pour me remonter le moral. Et en soit, c’est plutôt adorable et charitable de ça part, mais je n’aime pas ça. Si j’avais été un garçon normal, j’aurai certainement été touché par cette marque d’attention et peut-être que l’idée que je puisse plaire à cette fille m’aurait certainement traversé l’esprit. Mais je ne suis pas un garçon normal et donc je ne réagis pas comme ça. Moi je reste méfiant et je doute de tout. Et l’idée que je puisse lui plaire ne me traverse même pas l’esprit, c’est tellement loin de moi ce genre de préoccupations. Et c’est certainement tant mieux, j’ai déjà tant à faire avec mes problèmes actuellement que si je dois rajouter mes hormones en ébullition, je ne vais pas m’en sortir. Cette situation me rend perplexe, je suis totalement paumé et je déteste ça. Pourquoi la vie ne peut-elle pas être simple ? Je sais que se voir offrir des gâteaux par une fille, il y a pire comme situation, mais moi je m’en passerai bien pour être honnête. Surtout que visiblement, maintenant qu’elle a fini de se goinfrer, elle a décidé d’attaquer de nouveau. Ne peut-elle pas juste accepter l’idée que son attention, quoique sympathique, n’était pas une bonne idée et qu’elle pourra arrêter maintenant ? Je lui offre la liberté de se désengager de cette entreprise, elle devrait être contente. Après tout, cela doit lui prendre du temps de confectionner ces gâteaux, temps qu’elle va pouvoir mettre à profit d’une autre oeuvre caritative si c’est vraiment là son délire.

Elle finit par poser sa cuillère et par se redresser pour me faire face. Elle plante son regard dans le mien et bras croisé sur la poitrine, elle me demande si je suis toujours aussi sympathique avec les filles qui veulent me redonner le sourire. Non mais je vous jure. Elle m’impose ses gâteaux sans chercher à savoir si ça va me faire plaisir ou non et je devrais encore m’excuser de mal le prendre. Elle s'immisce dans ma vie comme si c’était là son droit le plus strict et râle parce que je ne lui rends pas ses faveurs comme elle semble croire le mériter. Sauf que moi je ne lui ai rien demandé. On ne se connaît pas et jusqu’à preuve du contraire, ça m’allait très bien. Je ne dévie pas le regard, moi aussi je sais jouer au con quand il le faut et lui répond de ma voix froide "Je suis toujours aussi sympathique avec ceux qui s’imposent dans ma vie sans chercher à savoir s’ils sont les bienvenus ou pas ! " Bon en soit c’est l’idée même de s’imposer mais qu’importe. Après je suis bien conscient que je suis une vraie huître, si tu ne forces pas l’ouverture de ma coquille, t’es pas prêt à rentrer dans ma vie, mais ça me gonfle de la voir réagir de cette façon. Ok, j’ai peut-être pas été le mec le plus sympa du monde et j’aurai pu l’accueillir avec un peu plus de chaleur, mais merde, ça devient du harcèlement à force ! Entre celui qui m’envoie des lettres de menace et celle qui m’envoie des gâteaux, juste parce que ça les fait triper, ça commence à bien faire à la longue. On pourrait croire que mon sale caractère aurait refroidi les ardeurs de toutes les filles du château mais force est de constater que ce n’est pas le cas. Entre Candice, elle, Casey, mes soeurs, Gretel et d’autres filles dont je ne connais pas forcément le nom, mais dont je croise de temps en temps le regard quand nos chemins se rencontrent, je me rends compte que sans même le vouloir, je suis plus proches des filles de cette école que des garçons. Est-ce un mal ? Pas vraiment, en vrai je m’en balance.

"Et je te regarde comment ? " Lui demandais-je sans détour. C’est quoi encore son problème ? Je n’ai pas la sensation d’avoir changé vraiment d’attitude. Je n’ai jamais été connu pour être un mec particulièrement chaleureux ou sociable, donc je ne vois pas où est le problème. Et puis merde, j’ai le droit de lui demander d’arrêter de m’envoyer des gâteaux bordel ! Ca ne m’intéresse pas, qu’elle passe son chemin ! Il y a d’autres pauvres âmes à secourir dans ce château. Peut-être un peu moins torturée que je ne le suis, c’est un fait, mais je suis sûre qu’une autre personne pourrait tout aussi bien faire son bonheur. "Mais pourquoi ?" Lui demandais-je en réponse à ses questions. Pourquoi s’acharne-t-elle autant ? Qu’est-ce que ça fera si j’accepte un dernier gâteau ? Si je finis par manger un morceau, elle gagne un pari ou comment ça se passe ? Si j’accepte, elle me lâche vraiment ? Mais elle y gagne quoi dedans ? Elle aura l’impression d’avoir gagné sa place au paradis ? Elle a besoin de points karma pour racheter son âme ? C’est quoi le délire au juste ? Elle a un tel besoin de jouer les sauveuses qu’elle ne supporte pas l’idée d’avoir échoué ? "Tu gagnes quoi au juste si je finis par manger un de tes foutus gâteaux ? " Je m’emporte un peu, je vous l’accorde, mais elle commence à être relou la poufsouffle. "J’dis pas que c’était pas sympa d’avoir eu envie de me remonter le moral mais là ça devient lourd et chelou de te voir tant insister ! "

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Je crois qu'elle n'a pas pris conscience qu'elle ne s'attaquait pas à la bonne personne et que quitte à foncer dans le tas, je suis plutôt bon à ce jeu. A la différence de beaucoup de mes camarades, je n'ai aucun remord à blesser les gens, voire même c'est exactement le but recherché. Si tu veux jouer au plus con avec moi, il y a de fortes chances que tu perdes parce que je peux vraiment l'être. Ma propre famille ne sait pas toujours sur quel pied danser avec moi, craignant que je replonge dans le mutisme ou que je les rejette tous en bloc. Et je suis bien conscient que je ne suis pas un garçon facile à vivre, mais je suis dirigé par la peur et je n'arrive pas à m'en défaire. J'ignore si un jour j'y arriverai mais en attendant, ce n'est pas le cas. Alors elle peut venir la morveuse, je l'attends sans problème et je l'écrase sans aucun scrupule. Sauf qu'elle n'a pas les épaules pour ça ou elle n'en a pas l'envie. Tout le monde n'est pas comme moi et c'est tant mieux, le monde serait bien triste sinon. J'imagine qu'elle a été vexé de l'accueil que j'ai fait de son "aide" et piquée dans son orgueil, elle s'est un peu emportée. Malheureusement pour elle, elle n'a trouvé qu'un mur de glace en face d'elle et j'imagine que ça l'a un peu refroidi. Je sais que je suis vraiment dégueulasse à me comporter comme ça avec elle mais c'est plus fort que moi. Je me protège avant tout, quitte à blesser les autres. On n'a pas trop cherché à savoir si on me blessait par le passé, pourquoi ferais-je attention aux autres aujourd'hui ? Evidemment, j'ai un peu du mal à comprendre que tout le monde n'est pas un monstre et que tout le monde n'a pas pour but de me détruire à petit feu. J'ignore si un jour j'arriverai à voir le monde autrement... Merci papa ! Merci maman !

Elle change totalement d'attitude et s'excuse, d'une voix calme et posée. Elle explique qu'elle ne pensait pas que toute cette histoire prendrait cette ampleur et que je le ressentirai comme une agression. Et je vois clairement que ça la touche plus que ça ne le devrait. Et j'avoue que ça me dépasse un peu. Je ne comprends pas comment une fille qui ne me connaît pas peut-être aussi facilement touché par mon comportement. Je ne suis qu'un crétin, pourquoi ne l'intègre-t-elle pas ? Normalement, les gens s'emportent, me traitent de tous les noms et lâchent l'affaire. Pendant quelques temps j'ai le droit à des regards noirs dans les couloirs et on me traite de monstre à tout bout de champ, de mec chelou, mais ça fini par passer. Au lieu de ça, elle s'excuse et se justifie. C'est assez inhabituel. Ma propre colère commence lentement à diminuer, pour disparaître complètement. Elle me promet qu'elle va arrêter de m'envoyer des gâteaux, si j'arrête de la regarder comme si elle était un monstre sans coeur. Je savais que mon regard en disait long sur ce que je pouvais penser, mais je ne pensais pas à ce point là. Je me sens un peu injuste envers elle, on ne va pas se mentir, mais n'allez pas imaginer que je vais m'excuser ou tenter de détendre l'atmosphère, vous pourriez être déçu. Soyez déjà contents que ma colère se soit calmée et que mon regard sur elle change un peu. Je reste toujours sur la défensive, pas franchement prêt pour échanger des plaisanteries avec elle, mais on peut constater que la tension qui s'était accumulée dans la pièce a disparu. C'est tout ce que je peux faire pour le moment. "Je vais tâcher de faire un effort !" On est loin des belles promesses, je vous l'accorde, mais prenez ce qu'on vous donne et n'en demandez pas trop. Si vraiment elle arrête de m'envoyer des gâteaux, ma méfiance pourrait commencer à diminuer. Pas totalement disparaître, parce qu'il ne faut pas déconner, mais si déjà je n'ai plus l'impression qu'elle tente de m'empoisonner, ça sera déjà un bon début. Par contre si elle se met à tourner autour de mon assiette durant les repas, là je préviens l'administration, il y a un moment où il ne faut pas déconner. Et si jamais il m'arrive quelque chose, il est évident que son nom sortira immédiatement. Mais si elle n'est pas ce que je la soupçonne d'être, tout ira pour le mieux j'imagine !

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Elle a l’air satisfaite de ce que je lui offre. Pourtant ce n’est pas grand chose et je ne ferai pas plus pour elle actuellement. Je ne sais rien sur cette fille et n’ai pas particulièrement envie d’en savoir plus pour le moment. Il ne faut pas trop m’en demander et pas trop attendre de moi. Si déjà je ne la mets pas plus bas que terre, c’est déjà un bon début, il faut s’en contenter. Elle est certainement sympa comme fille et peut-être très loin de l’image que j’ai d’elle et peut-être qu’un jour je serai prêt à le voir, mais pas aujourd’hui. Aujourd’hui, je suis juste prêt à accepter qu’elle n’est potentiellement pas un monstre sans coeur et c’est déjà bien. En vrai, ceux qui me connaissent vous diront que c’est un grand pas en avant pour moi et qu’il faut s’en réjouir. Tout le monde n’a pas cette chance. Elle me remercie et je hoche la tête d’un air entendu. N’en parlons plus. Je pense que là on est bien, il ne faut pas en demander plus, ni trop insister sur le sujet. Laissons le temps au temps, comme on dit si bien et on verra bien où cela nous mène. Je ne promets pas de devenir soudainement sympathique avec elle durant les cours, lui offrir de grand sourire et accepter qu’on apprenne à se connaître pour devenir amis, mais je peux essayer de ne pas la fuir comme la peste et de ne pas la regarder comme si c’était une criminelle de renom. Et si son comportement n’a pas l’air trop louche, je veux bien faire comme si rien de tout ça n’était arrivé et qu’elle n’est pas apparue comme une fille creepy ! Et franchement, me connaissant, c’est déjà bien.

La discussion est retombée à l’instar de l’atmosphère tendue. A mes yeux, tout est dit, on peut en rester là. Je la vois regarder autour de nous, sans trop savoir quoi faire. Ce n’est pas vers moi qu’elle trouvera du renfort, je ne suis pas doué pour la discussion. Elle finit par m’offrir un sourire et par se présenter officiellement. Je connais déjà son nom et le fait qu’on soit en même année. Je suis asocial, pas aveugle. Je retiens de justesse cette réflexion, les habitudes sont difficiles à oublier, on ne va pas se mentir. Qu’est-ce que je suis censé dire ? Enchanté ? Me présenter à mon tour ? J’imagine que si elle m’a spammé de pâtisseries pendant aussi longtemps c’est qu’elle sait qui je suis. Je trouve cette situation assez grotesque. J’imagine que c’est ça façon à elle de se racheter et d’essayer de repartir sur un bon pied mais là, tout de suite, je n’en ai pas particulièrement envie. Ma lettre est envoyée, je n’ai plus rien à faire ici, alors je lui offre un si pâle sourire qu’on pourrait le prendre pour une vague grimace et je lui réponds "Brooklyn !" Mon ton est poli, moins froid qu’au début, il y a un progrès monstre. "Je vais te laisser. Bonne … journée à toi !" dise sans trop savoir pourquoi. J’imagine que c’est ce qu’on dit quand on est civilisé. Je lui offre un dernier regard avant de tourner les talons pour rejoindre les escaliers. Il ne faut pas attendre à ce qu’un mec aussi sauvage que moi fasse la conversation après une situation pareille. Le mieux pour nous deux c’est de me laisser partir et de voir ce que tout cela va donner dans le temps. Je reste encore assez perplexe face à cette situation, mais ne préfère pas trop me prendre la tête avec. Au moins maintenant je sais qui était derrière tout ça. C’est presque un poids qui s’enlève… presque !

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