Time is running out.

Dernier réveil, dernier hôtel, dernier petit déjeuné en tête à tête avec Jill et une traversée de la moitié du globe par réseau de cheminée. Et pourtant, malgré toutes ces mauvaises nouvelles, Spencer avait trouvé la matinée agréable. Il ne croyait pas au karma et à toutes les conneries qui y étaient rattachées, mais commençait quand même à penser que la journée avait trop bien commencée, d’où ce fichu problème de train. Enfin quoi, il n’allait pas feindre la tristesse parce que telle était l’émotion que ressentait le commun des mortels à la conclusion d’un voyage en plein cœur de l’Inde moldue et sorcière. Un rêve éveillé aurait-il appelé ces derniers jours s’il n’était pas aussi peu enclin à faire des métaphores oiseuses. Parce que ces vacances, bien que sources d’appréhension et de compromis méritaient amplement le qualificatif d’agréable, et si c’était à refaire, le choix du jeune homme était évident. Malgré tout cela, il n’était pas prêt de fondre en larme. Les dix jours de dépaysement étaient passés remarquablement vite, mais il en avait profité au maximum, ce qui pouvait expliquer sa sérénité. En revanche, il se demandait maintenant si Jill n’avait pas pu mal prendre son absence de regret au moment où il l’avait déposé à son hôtel à Brighton. Ca ne lui avait pas traversé l’esprit à ce moment là, mais maintenant qu’il repensait à ses réactions, il espérait vraiment pouvoir s’expliquer avant qu’elle ne soit trop profondément blessée, si elle avait effectivement été surprise par son comportement. Spencer voulait qu’elle sache combien il avait apprécié partager ces merveilleux moments avec elle, mais qu’il avait aussi besoin de se retrouver seul pour mettre de l’ordre dans ses idées et ne pas avoir à surveiller chacune de ses paroles. Les raisons de l’air préoccupé qu’il avait emprunté de temps à autre, et la réponse qu’il avait envoyée à monsieur Sorenson resteraient pour lui bien évidement, mais il aurait pu quitter moins rapidement le perron de sa résidence, train ou pas train.

D’autant plus, il s’en rendait compte maintenant qu’il arrivait à la gare, qu'il s’était visiblement dépêché pour rien. A en croire les déclarations diffusées par les haut-parleurs, il risquait bien d’attendre un bon moment avant d’accéder à son train. En cause, « un accident de personne sur les voix. » qui entravait tout le réseau ferroviaire entourant la ville côtière. Il était donc coincé ici le temps que les dégâts soient réparés et sans la moindre compassion pour les victimes anonyme, un dépressif probablement, le voilà qui en était rendu à penser au karma. Il n’avait pas d’argent à dépenser dans la boutique de souvenir, pas de smartphone pour imiter ses concitoyens, sa valise était trop correctement bouclée pour que la défaire soit une bonne idée et il ne comptait pas retrouver Jill de sitôt. Le jeune homme savait désormais comment se rendre à son domicile, il en revenait, mais si ses parents étaient sympathiques, voir leur fille revenir saine et sauve avait dû jouer, ils voulaient certainement en profiter un peu. Il y avait aussi Oliver qui ne serait certainement pas ravi de le voir, et il avait personnellement besoin de prendre de la distance. Donc, il allait attendre. C’était sa seule option.

Dix minutes de pérégrinations intellectuelles plus tard, le voilà qui quittait la gare et ses mauvaises nouvelles pour partir à la recherche de la bibliothèque dont lui avait parlé une brunette très chère à ses yeux. Spencer était à pied bien évidement : s’il avait eu son permis de transplanage, vous croyez bien qu’il n’aurait pas pris la peine de se déplacer jusqu’à la gare. Pour son plus grand bonheur cependant, il ne tourna pas bien longtemps avant de trouver un bâtiment qui correspondait à la description faite par Jill, et en ouvrant la porte, vit sa présomption se confirmer. Les rayonnages étaient loin d’être aussi imposants et nombreux qu’à Beauxbatons, mais les ressources seraient en anglais au moins. L’absence d’ordinateur au comptoir, elle, lui permettait d’identifier un bâtiment réservé aux sorciers, et après avoir salué l’homme qui se trouvait derrière,  le jeune homme s’enfonça pour confirmer son hypothèse.

Quelques minutes plus tard Spencer était posé à une table. Il y avait disposé parchemin et stylo, comme à son habitude, mais n’attendait pas grand-chose de cette étude des méthodes sorcières utilisées pour rechercher les condamnés du procès de Nuremberg. De toute façon, seules les informations dignes d’intérêt seraient recopiées étant donné qu’il avait abandonné l’histoire de la magie. Si son parchemin restait vierge, il préférait avoir perdu son temps ici plutôt qu’à la gare. Le jeune homme était bien conscient de ne pas pouvoir surveiller le trafic en temps réel depuis ce puits de culture, c’est pourquoi il ne s’attarderait pas.

La sortie d’un couple de la pièce et l’écho de leur conversation tira Spencer de sa lecture, et c’est ainsi qu’il prit conscience qu’il était observé. D’abord, méfiant, il finit tout de même par se relever et se diriger vers la fille qu’il se souvenait avoir aperçu dans l’ombre de Candice s’il ne confondait pas. Ce n’etait pas un plaisir, surtout après l’avoir surprise en train de le regarder, mais la jeune fille pourrait peut-être l’aider. «  Bonjour, je ne voulais pas te déranger mais j’ai vu que tu avais le nez en l’air. Est-ce que par hasard tu aurais un smartphone et de la connexion internet ? » Demanda-t-il le plus normalement du monde. « Pour regarder les horaires de trains » poursuivit-il, conscient de l’étrangeté de sa demande étant donné leur condition commune.