Les lettres de convocation aux entretiens psychologiques suite aux événements de l'année dernière s'entassaient à l'intérieur du petit tiroir que comportait sa table de chevet, tandis qu'Elijah regardait la dernière arrivée par hibou d'un air agacé. Ces examens, facultatifs, avaient été mis en place suite aux terribles circonstances de l'année dernière, durant laquelle des mages noirs avaient pris le contrôle du château et forcé les nés-moldus à régresser au rang de sous-êtres seulement dignes de faire les basses besognes. Une année terrible, cruelle, où en tant que sang-pur il n'a guère été inquiété, mais a vu certaines personnes de son entourage proche malmené sans pouvoir y réagir. La seule fois où la roue avait tourné pour le garçon fut le moment où le véritable statut de sang de sa belle-soeur Amelia avait été découvert, et qu'en tant que complice de ce mensonge - bien qu'il déteste mentir, il n'avait pu s'empêcher de vouloir protéger la petite fille qui avait été à ses côtés pendant des années - il avait été envoyé aux cachots, dans le noir total, torturé et sans manger pendant 3 longs jours. Une expérience difficile à vivre, mais qui n'était rien comparé au calvaire subit par ses camarades, qui bien qu'il ne les affectionnait guère, ne méritaient certainement pas un tel traitement de la part de ces malades à l'idéologie complètement dérangée. Malgré tout, il avait su toute raison garder et n'estimait pas nécessaire un tel entretien, d'autant plus qu'il pensait ne pas être en position de se plaindre, et avait ainsi préféré subir cette épreuve seul, et la surmonter sans l'aide de quiconque, comme toujours.

Néanmoins les relances se faisaient plus insistantes, et il ne faudrait certainement plus très longtemps avant que l'entretien ne passe de facultatif à obligatoire, ainsi, pour éviter aux hiboux la peine de refaire l'effort une fois de plus de lui apporter un courrier qu'il aurait une fois de plus rangé dans son tiroir, il renvoya une réponse positive au service qui s'occupait de gérer ces rendez-vous, choisissant une plage horaire confortable, en dehors des heures de cours. Sa réponse positive fut certainement également menée par la curiosité qu'il éprouvait à l'égard du professeur d'Arithmancie au sujet duquel de nombreuses rumeurs circulaient quant à sa volonté de sublimer le potentiel des élèves. D'habitudes imperméable aux racontars de ce genre, ils furent néanmoins confirmés par son amie Narcissa qui avait eu l'occasion de le rencontrer à de nombreuses reprises et ne lui avait parlé qu'en bien et confirmé certaines affirmations à son sujet.

De ce fait, il s'était alors dirigé quelques jours plus tard au lieu de rendez-vous fixé par le professeur VaatiVidya, qui n'était autre que son bureau au sixième étage. Après quelques longues minutes de trajets où les escaliers magiques n'en firent qu'à leurs têtes, il arriva enfin et n'eut même pas le temps de toquer à la porte que cette dernière s'ouvrit d'elle-même, l'accueillant dans l'antre de l'enseignant d'Arithmancie. Le local était très sobre, rien ne semblait dépasser de la moindre étagère ou de la moindre armoire, tandis que sur le bureau central, en face duquel était confortablement installé dans un fauteuil le sorcier d'un âge mûr, trônaient quelques friandises et boissons, ainsi qu'un parchemin et de quoi noter.

« Professeur. »

La voix neutre du Serpentard avait brisé le silence à l'instant même où il était entré dans la pièce, tandis que son vis-à-vis lui proposait déjà de s'installer sur le fauteuil vide qui trônait non loin, tout en lui suggérant quelques consommations.

« Si le coeur vous en dit, je prendrais volontiers un thé à la menthe. »

Un sourire aimable, habilement feint, se dessina sur ses lèvres, même si ses commissures crispées pouvaient peut-être laisser entrevoir quelque peu sa gêne. Il se demandait au fond pourquoi il avait le déplacement jusqu'ici, n'y voyant toujours pas d'autre intérêt, autre que celui de satisfaire sa curiosité.

« Les élèves doivent être nombreux à solliciter vos services, je suis étonné de voir que ma présence en ces lieux était selon vous réellement nécessaire. Je ne me sens guère perturbé par la désagréable expérience subie au cours de l'année dernière si cela vous inquiète, je tenais au moins à vous rassurer là dessus. »

Son honnêteté déplacée le perdrait sans doute un jour, mais Elijah était le genre de sorcier à mettre les choses au clair rapidement. Ainsi sa phrase tonna dans l'air, dans une voix tout à fait neutre, déclarative sans la moindre animosité qui aurait pu par hasard se manifester dans sa voix.

EXORDIUM.

Elijah observa le professeur VaatiVidya préparer le thé avec une minutie certaine, mimant la délicatesse et l'expertise anglaise à ce sujet, et ce malgré son origine étrangère. Le Serpentard huma de sa place les différents volutes de thé s’échappant de leur contenant et embaumant la pièce, et accentuant leurs odeurs au fur et à mesure de l’infusion, suggérant ainsi sa grande qualité, et suscitant l’impatience de la dégustation. La tasse de thé fut posée directement face à lui sans qu’il n’ait eu à l’attraper et il formula un rapide « merci » accompagné d’un poli mouvement de tête, alors que le professeur d’Artihmancie reprenait la parole.
Ses paroles tranchaient net et allaient directement dans le vif, ce qu’appréciait le jeune sorcier qui l'écoutait attentivement, non sans perdre son esprit critique pour autant qui le fit réagir dès que l’occasion se présenta, lors d’un silence de son interlocuteur.

« Je ne vous le fais pas dire. Rien de pire que de forcer la main à des gens qui ne souhaitent pas être aidés. Néanmoins, parfois pour leur bien il faudrait les y résoudre. »

Le professeur au costume gris reprit, toujours aussi incisif. Il n’était visiblement pas du genre à tourner autour du pot. Mais le jeune garçon se demandait malgré tout si ce discours très direct n’était pas seulement adapté à lui, des personnes plus fragiles nécessitant certainement plus de délicatesse qu’il n’en faisait preuve à ce moment précis. Toujours spectateur, Elijah écoutait le professeur continuer ses déductions, simples et qui faisaient tout à fait sens quant à la réelle raison de cette entrevue.

« Vous avez raison. Nous sommes ici pour parler de moi, ne perdons donc pas plus de temps à parler des autres pour nous attaquer à la meilleure partie. »

Son manque de modestie s’éveillait alors que la chaleur de la tasse qui avait été devant lui déposée s’endormait. Le thé avait au goût du Vert et Argent suffisamment refroidit pour qu’il prenne la peine d’y tremper les lèvres et laisser le doux arômes des feuilles de menthe se libérer sur son palais dans un festival exquis de saveurs qu’il apprécia tout du long de sa gorgée qu’il fit volontairement durer pour avoir le temps d’au mieux choisir ses mots. Reposant ensuite délicatement la tasse devant lui, il brisa le silence qui s’était installé.

« Vos déductions font preuve d’une logique inébranlable professeur. Effectivement, je ne suis guère venu pour profiter des services sans nul doute excellents de la cellule de soutien, mais plutôt pour venir répondre à quelques questions. »

Il marqua une brève pause alors que son regard restait fixé sur son vis-à-vis qui s’était légèrement éloigné, s’approchant d’un clavecin d’où ne sonnait pas la moindre musique, pas même par magie.

« Les on-dit n’ont de valeurs que pour les benêts qui les prennent pour agent comptant. Pour ma part je n’y prête pas attention, préférant largement vérifier les choses par moi-même. Néanmoins, et alors que différentes choses se disaient à votre sujet professeur, parlant d’exigence, d’excellence, voire même d’opportunités, je n’y prêtais pas la moindre attention jusqu’à ce qu’une personne que j’estime beaucoup vienne me confirmer ces dire. Ainsi la curiosité m’a pris de venir voir ce qu’il en était. »

Reprenant son souffle, il se laissa aller à une nouvelle gorgée de la succulente boisson qui lui avait été servie avant de reprendre la parole, plus direct cette fois.

« Alors professeur, qu’en est-il vraiment ? Que pouvez vous proposer à quelqu’un qui comme moi voue sa vie à l’excellence et à la grandeur ? Et, pardonnez-moi mon impolitesse, en quoi vous jugez-vous seulement capable d’offrir aux forts potentiels, et donc à fortiori à moi, quelque chose qui les transcenderait ? »

Ses questions fusaient, dépourvues de filtre, ne laissant plus que son ambition et sa confiance en soi s’exprimer, avant de terminer sur une dernière interrogation qui le taraudait.

« Et au final, qu’avez-vous à y gagner ? »

Car personne ne faisait quoi que ce soit par pur altruisme, il fallait au moins être clair sur les intentions du professeur quelles qu’elles soient, à moins qu’au final toute cette conversation ne tourne en eau de boudin et que le sorcier qui se dressait de toute sa hauteur face à lui ne soit qu’une déception.

EXORDIUM.

Le jeune sorcier de la glorieuse maison de Serpentard attendit avec impatience les réponses que le professeur avait à lui donner. Il patienta alors, sa tasse à la main et sirotant tranquillement sa boisson qui arrivait progressivement à sa fin, laissant les quelques instants volontairement laissés par son vis-à-vis planer pour ajouter de l'impact à sa reprise de parole. Et quelle fût-elle ! En quelques phrases, le sorcier qui se tenait face à lui sous un tableau qu'il ne connaissait pas, sûrement peint par un moldu, avait réussi à capter l'attention d'Elijah. Ses propositions étaient logiques, sensées, et ses constats similaires à ceux qu'avait déjà dressé le jeune garçon sur l'école et ce qu'elle pouvait leur offrir, c'est à dire pas assez. Brassant souvent la médiocrité afin d'éduquer la masse, les programmes étaient généralistes, souvent survolés et ainsi dépourvus de réel intérêt à moins qu'on ne prenne comme lui, et comme quelques rares autres, la peine de compléter ces sujets. Et, dans certains cas ça devenait même le parcours du combattant, le jeune Serpentard se rappelant brièvement sa première demande d'accès à la réserve.

Ainsi, les suggestions du professeur VaatiVidya faisaient sens, et avaient capté l'intérêt du garçon. De la même manière que ses motivations. Aux primes abord sur la réserve, le garçon avait ainsi demandé au sorcier qui se tenait face à lui ses véritables gains dans une situation où il fournirait à une personne un tel privilège. Rien ne se fait sans contrepartie dans ce monde, et Elijah l'avait vite compris. Ainsi la suite du discours du professeur avait servi à se justifier, expliquer ses choix, ses motivations réelles. Et bien qu'on ne pouvait trouver cela que trop beau, laissant une pointe de doute dans l'esprit du Vert et Argent, il fallait cependant admettre que cela faisait sens.

Enfin, le professeur se tût, après avoir pris au préalable la peine de se rasseoir dans son fauteuil. Il était dans l'attente. Comme lui, il jaugeait son vis-à-vis comme dans un combat, où au final le seul enjeux était la gloire et la promesse d'un avenir radieux. Un avenir de grandeur auquel Elijah se savait destiné. L'aide de Magnus VaatiVidya était-elle vraiment nécessaire pour y parvenir ? L'interrogation était posée, mais il fallait admettre qu'il n'avait pas grand chose à y perdre. Il lui restait un peu plus d'une année à passer dans ce château, et une aide comme celle-ci ne pouvait que se révéler pertinente. Et si par hasard cela ne lui allait pas, il aurait toujours le loisir de s'en aller, sans réelle attache, ni remord. Il reposa sa tasse de thé sur la table, enfin terminée, avant d'à son tour reprendre la parole, d'une voix toujours très calme.

« Il n'y a pas à dire professeur, vous savez jouer des mots pour susciter l'intérêt de votre public. Je dois dire que vos propositions sont intéressantes et sensées. Combien de fois n'ai-je pesté contre le système scolaire et ses règles restrictives, me forçant à faire des pieds et des mains pour parvenir à dénicher les informations réellement intéressantes, loin de ce cursus généraliste et forçant les gens à se contenter des bases, et donc de la médiocrité. »

Ses yeux ne quittaient plus ceux de son interlocuteur, maintenant un air serein qui accompagnait tout son visage.

« L'opportunité que vous me présentez là a donc tout pour me plaire. S'affranchir des contraintes, sublimer mon potentiel, et atteindre les sommets de la magie et de ses mystères. Et bien que j'ai toujours eu l'habitude de le faire seul, une telle aide ne saurait se refuser. Cependant, alors que vous parlez d'héritage et de vos recherches de successeur, je ne puis qu'entendre en ces mots le fait que votre recherche n'est en réalité pas terminée. Je me trompe ? Et qu'il ne tiendrait donc qu'à moi de faire mes preuves ? »

Une nouvelle question incisive fusa donc, alors qu'il reprenait seulement son souffle.

« Bien que je puis vous assurément vous combler et vous rassurer quant à mes capacités, je puis comprendre qu'une telle recherche nécessite du temps et des essais. Ainsi j'imagine qu'il sera pour vous nécessaire de mettre en place une période de test qui permettra donc de vérifier que je suis digne d'être votre pupille. »

Il s'enfonça un peu plus dans son siège, profitant des accoudoirs pour s'y installer encore plus confortablement.

« Une période qui me permettra de juger également si vous êtes vraiment digne d'être mon mentor. »

EXORDIUM.

La discussion que menaient les deux sorciers battait son plein alors que les idées et les thèmes variaient dans un échange où chacun cherchait, pas forcément volontairement, à attiser la curiosité de l’autre. Et, bien qu’il n’arrive guère à lire sur le visage de son vis-à-vis l’intérêt qu’il arrivait à susciter chez lui, il ne pouvait nier que sa curiosité propre était ravivée. Cependant, et ça le rassurait quant au propre potentiel qu’il dégageait, le professeur d'arithmancie continuait son discours, avenant, et qui lui suggérait les différentes possibilités qui s’offraient à lui. M. VaatiVidya parlait de travaux, d’approfondissement, voire même d’un héritage qu’il n’évoquait qu’en surface piquant ainsi encore un peu plus la curiosité du Serpentard qui ne put s’empêcher d’intervenir à l’instant même où lui en fût donnée l’occasion. Sa voix reprit alors la main d’un ton calme et mesuré.

« Et donc professeur, quelles sont les sujets actuels de vos recherches ? Et, pardonnez-moi, ou non ça m’est égal, mon indiscrétion, mais quel est donc cet héritage dont vous parlez avec tant de verve et de passion ? Nombreux sont les sujets magiques qui nécessitent plus d’une vie de recherches et de dévouement, mais lequel a su capter votre intérêt ? À moins que tous l’aient fait ! »

La suite de son dis rappela ces mêmes éléments, reformulés, donnant ainsi un sens presque solennel à leur entrevue, qui devenait de plus en plus un accord tacite entre les deux sorciers, bien qu’ils ne soient pas encore tout à fait au fait des termes exacts de celui-ci. Les derniers mots du professeur furent plus interrogatifs, laissant le jeune Vert et Argent dans la réflexion. Prenant quelques instants durant lequel le silence confortable s’installa afin de formuler au mieux sa réponse, il reprit alors la parole avec une voix calme, accompagnant son explication d’un ton raisonnable et raisonné.

« Voilà là une question bien large. J’avoue ne pas me restreindre au niveau de mes centres d’intérêt intellectuels. J’apprécie tout ce qui vient et qui ne présente pas de réponse évidente. La difficulté et l’inconnu m’attirent plus que les études basiques que l’on nous dispense, et par ailleurs, je dois admettre qu’il est d’autant plus intéressant d’étudier des champs que d’autres interdisent, de peur de leurs effets, ou des pouvoirs que l’on pourrait en tirer. »

Regrettant avoir déjà bu tout son thé, il se laissa le temps d’une respiration avant de reprendre son discours.

« La magie est neutre. Elle existe. Elle est. C’est ce qu’en font les sorciers qui la rendent bonne ou mauvaise. C’est un outil à la hauteur de nos ambitions, et seuls ceux qui souhaitent progresser, grandir et ne veulent jamais cesser de s'améliorer peuvent en saisir sa réelle complexité et ses infinis possibilités. Pour ma part, mes ambitions sont grandes. Je ne me fixe pas de limite particulière. Je souhaite développer mes connaissances, trouver un travail qui puisse permettre d’exploiter pleinement mon potentiel voilà tout. Si cela doit être le poste de Ministre ainsi soit-il. Si c’est autre chose alors je l’accepte également. »

EXORDIUM.