Ce soir-là, un orage éclata, et une tempête se prépara. C’est aussi ce soir-là qu’une petite fille naquit dans un vieux cottage sur le port de Dalkey en Irlande. Le 21 novembre 1996, Ula O’Domhnaill vit le jour sous une pluie battante, mais surtout, sous le regard bienveillant de ses parents, Eliott et Brenna. La petite fille s’éveilla sans encombre dans la petite ville côtière, elle goûta aux joies de la mer, de la nature et des pitreries de son père. La famille O’Domnhaill possédait un petit pub toujours plein à craquer de touristes et de locaux, et la joie régnait dans ce petit monde. En grandissant, on remarqua rapidement qu’Ula avait tendance à être hyperactive, elle courrait toujours partout, se laissait facilement distraire et n’aimait pas l’école. Ses années de primaire furent un vrai calvaire pour ses parents qui devaient toujours justifier les bêtises de leur fille, et pour son professeur qui ne supportait plus d’être tourné en bourrique par une gamine de 6 ans. Qui plus est, cette dernière avait quelque chose que ses petits camarades n’avaient pas et qui se manifestait de plus en plus : elle était prédestinée à être sorcière. Ses parents en avaient eu la conviction lorsqu’au pub un verre manquant de tomber du comptoir, fut soulevé dans les airs et rattrapé in-extremis par Eliott, histoire d’éviter de faire peur aux touristes. Dès cet instant, on lui expliqua tout. À 7 ans, elle fut retirée de l’école primaire du village pour éviter des bêtises bien plus grave et son éducation se fit à la maison, sous le regard encourageant de ses grands-parents paternels, tous deux nés-moldus. L’année de ses 11 ans, un dimanche ensoleillé, alors que toute la famille était attablée pour un repas dominical dans les règles, une lettre fut glissée sous la porte et tous se regardèrent avec un sourire en coin. Chacun savait ce que cela signifiait et tout le monde l’avait attendu avec grande hâte. Ce jour-là, le repas fut placé sous le signe d’un avenir brillant pour la jeune Ula, par ailleurs trop concentrée sur les victuailles présentes pour se réjouir d’avoir été acceptée à Poudlard.

Elle entra à Poudlard la même année, le Choixpeau magique l’envoya chez les Gryffondor, comme sa mère jadis. Ses années d’études passèrent sans trop de problèmes (si l’on omet de citer les diverses bêtises qui faillirent lui coûter sa scolarité…) et elle faisait office d’élève moyenne, mais pas trop mauvaise non plus. Ula avait toujours fait le strict minimum : pourquoi faire plus quand faire le moins est suffisant ? Même si tout le monde avait tendance à le lui reprocher, la jeune fille n’en tint pas rigueur. La seule matière où elle sembla exceller fut le cours de potion. Elle quitta Poudlard avec de plutôt bons résultats, sans pour autant être excellents. Ula entra à l’Université sorcière de Londres et obtint son diplôme de maîtrise des potions en 3 ans : elle a alors 21 ans. Elle décida alors de retourner en Irlande, sa terre natale.



- « …. Pourquoi est-ce que tu parles de toi à la troisième personne ?
- TAIS-TOI ! Tu casses toute l’histoire !! – cria Ula
- Mais raconte ça correctement alors !
- Tss...
- Allez, raconte-moi. »

Ula se rallongea dans le lit, tirant un peu plus sur la cigarette qu’elle fumait. Le jeune homme allongé à ses côtés s’appelait Zach, et on pouvait appeler ça un plan d’un soir. Ou peut-être deux. Ou peut-être 6 d’ailleurs. C’était un sorcier irlandais vivant lui aussi à Dublin, il était blond, des cheveux longs attachés et légèrement ébourrifés, mais surtout, il plaisait beaucoup à notre sorcière. Ils s’étaient rencontrés dans un pub et avaient chacun convenu qu’il n’y aurait rien de sérieux. Ils étaient allés chez Ula, dans un appartement de briques rouges dans le quartier historique de la capitale Irlandaise, appartement qu'elle s'était payé à coup d'économies importantes.

- « Bon si tu y tiens… J’ai finalement réussi à décrocher un petit boulot chez l’apothicaire du Chemin de Traverse. Et c’est là que je l’ai rencontré.
- Isaac ? – demanda bêtement Zach.
- Qui d’autre ?? – rétorqua Ula.
- J’en sais rien moi !
- Tais-toi et écoute moi bon sang. Isaac et moi sommes tombés amoureux immédiatement. Tu sais, le coup de foudre quoi. Le genre de truc qui arrive rarement. J’avais 23 ans quand nous nous sommes mis ensemble, en 2019 donc. On s’est installés l’année d’après dans un chouette petit appartement de Londres qui nous coûtait à chacun un bras, mais on était heureux alors ça n’avait pas d’importance. Il travaillait pour le ministère de la magie. Je n’ai jamais compris son boulot d’ailleurs. Je crois qu’il travaillait pour le département des accidents et catastrophes magiques pour le Comité des inventions d'excuses à l'usage des Moldus. Bref, il avait souvent du boulot.
- Ah oui je connais ! J’ai un pote qui…
- CHUT – le coupa Ula
- Pardon…
- Qu'est-ce que je disais déjà... AH OUI ! Il travaillait pour le ministère de la magie. On vivait heureux tu vois, on avait même prévu d’avoir des enfants, de se marier, d’acheter une vieille maison.

Elle retint son souffle pour éviter de pleurer.

- Un soir, en décembre 2022, je suis allée le chercher au travail, je l’attendais dans l’atrium. Il avait posé quelques jours de vacances pour que l’on puisse aller fêter Nöel à Dalkey avec mes parents. Et puis il y a eu un accident.
- Attends… Ce n’est pas pendant cette période que le ministère est tombé ? – souffla Zach tout en se relevant doucement.
- Si. Et Isaac était à quelques dizaines de mètres de moi, on était prêts à partir. Puis les mangemorts ont surgi de nulle-part. Il s’est retourné et a dégainé sa baguette pour se défendre, j’ai fait pareil mais je n’ai pas été assez rapide. Isaac était… enfin…
- J’ai compris ça va, ne t’inquiète pas.
- Je me suis réveillée le lendemain à Saint Mangouste, l’hôpital sorcier de Londres. J’avais le bras droit fracturé et brûlé au 3e degré , et plusieurs côtes cassées. Selon les médecins, j’ai eu de la chance de ne pas m’être fait pulvérisée par le Bombarda Maxima du mangemort. J’ai des douleurs fantômes dans le bras droit maintenant.
- Et ton copain… ?
- Je ne te fais pas de dessin, ils n’y sont pas allés par quatre chemins si tu vois ce que je veux dire… J’ai juste eu de la chance de ne pas avoir subit le même sort.

Un silence s’installa. Puis Zach reprit la parole.

- Et donc tu as décidé de revenir t’installer chez tes parents pour les aider à gérer le pub et pour essayer d’oublier... ?
- C’est ça. Et puis dans quelques jours je pars pour Pré-au-Lard, pour aller travailler aux Trois Balais. J’ai besoin de me rapprocher de Poudlard. J’en ai de bons souvenirs, et même si Isaac y était aussi, nous n’étions ni de la même année, ni de la même maison. Alors je n’ai pas de souvenirs avec lui là-bas. »

Elle soupira et réprima une montée de larmes. Zach l’embrassa tendrement et ils s’endormirent doucement, oubliant quelques instants que dans quelques jours, Ula et lui ne se verraient plus, et qu’ils ne s’étaient jamais aimés que pour quelques nuits.

Un rayon de soleil passa à travers la fenêtre, venant se poser sur les draps froissés du lit dans lequel Zach et Ula s’étaient endormis la veille. Mais le lit était vide. Ils étaient assis à une petite table dans la cuisine, prenant un petit-déjeuner ensemble tandis que la radio lançait quelques informations sans que les deux jeunes gens n'y prêtent attention.

- « Au fait, tu ne m’as pas parlé de tes parents. – demanda le jeune homme tout en découpant un morceau de saucisse dans son assiette.
- Pourquoi je t’en aurais parlé ?
- Ben je ne sais pas, je t’ai tout dit au sujet des miens puisque tu me l’avais demandé. Alors je te le demande aussi.
- Qu’est-ce que tu peux être chiant dès le matin toi…

Ula se levant, en profitant pour se gratter gracieusement la fesse à travers son pyjama. Elle fouilla dans un meuble et revint à table avec une photo. On y voyait un couple heureux, tenant par la main une petite fille. Ils étaient tous les trois au bord de la mer, et à en juger par les tenues et les cheveux, ce jour-là, comme souvent en Irlande, le vent soufflait fort et la pluie semblait être au rendez-vous. Mais le large sourire de la famille illuminait la photo. Ula s’entendait encore rire aux éclats dans son ciré jaune.

- Oh tu étais toute petiiiiiiiite ! – s’extasia Zach
- Mange au lieu de dire des âneries ! – fit Ula en donnant une tape sur le ventre du jeune homme.

Celui-ci manqua de s’étouffer avant de rire.

- C’était en 2001 ou en 2002 je crois. On était partis faire de la pêche aux coquillages. Mes parents se sont rencontrés à Dublin en 1990, dans un bureau pour les attributions d’aides sociales je crois. Ma mère sortait tout juste de l’Université sorcière de Londres et avait échoué à ses examens. Du coup elle avait besoin d’un coup de main pour trouver un logement en attendant de trouver un boulot. Et mon père était là pour râler, comme d’habitude. Quand ils se sont vus pour la première fois, ils se sont détestés ! Mon père trouvait que ma mère se la racontait avec ses airs prétentieux de fille intelligente et elle, l’avait trouvé rustre et râleur.
- Sérieusement ?
- Ouaip. Mais en sortant du bureau, ma mère avait fait tomber ses clés je crois. Et mon père lui a couru après pour les lui rendre. Et en fait, il s’est rendu compte que cette irlandaise aux cheveux bouclés était plus que jolie. Du coup il s’est retrouvé tout bête devant elle et a bafouillé. Et puis je ne sais pas, l’alchimie à fait le reste je crois. 6 ans plus tard je suis née !
- Mais attend. Ils étaient sorciers tous les deux ?
- Non, juste ma mère. Elle est issue d’une branche de sang-pur. Mon père lui est moldu. Alors je ne te raconte par la tête de mon père quand il a découvert le monde de la magie. Je crois qu’il a failli faire un arrêt cardiaque. Enfin d’après ce que l’on m’a raconté.
- Et la famille de ta mère n’a rien dit du fait qu’elle se marie avec un moldu ?
- Pff tu parles. Les Connolly, le nom de jeune fille de ma mère, on fait un scandale planétaire. Mais comme ma mère aimait mon paternel… Ben elle a coupé les ponts avec tout le monde, et m’a toujours dit que c’était la meilleure décision de sa vie. J’y crois un peu à moitié parce qu’elle a toujours l’air contrariée quand elle reçoit des lettres de mes grands-parents.

Elle avala une tasse de thé bien chaude, bailla puis continua.

- Mes parents sont géniaux. Je veux dire, ils sont adorables. Ma mère est quelqu’un d’un peu rustre à première vue, mais en fait elle est tendre et plein d’amour. Et surtout, sa cuisine est excellente !! Mon père lui est le roi de la blague. Je faisais les 400 coups avec lui. Et on se faisait toujours engueuler d’ailleurs. Ils s’aiment beaucoup, et cela se voit quand ils travaillent au pub.
- Du coup ils ont coupé les ponts aussi avec le monde magique ?
- Pas tellement. Il y a une salle voutée au sous-sol du pub qui est réservée aux sorciers. Du coup ils gardent toujours un œil sur la situation du monde magique. Il leur arrive aussi de partir en vacances dans des lieux réservés aux sorciers. Mon père a toujours un peu de mal à y aller mais quand il s’agit de faire plaisir à sa petite femme…
- Et tes parents n’ont jamais décidé d’avoir un autre enfant ?
- Ben ça va te paraître bizarre, mais ma mère à tellement souffert en accouchant qu’elle a mordu mon père à sang ce qui fait qu’il à souffert lui aussi, d’une certaine manière. Du coup ils ont eu peur de faire un deuxième enfant…
- Sont bizarres tes parents.

Ula haussa les épaules puis elle avala une tranche de pain grillé.

- Et tes grands-parents ?
- Ah, je ne connais que mes grands-parents paternels et ils étaient et sont toujours totalement gaga de leur petite fille. Ceux du côté de ma mère, je ne les ai jamais vus. »

Zach se leva en souriant, débarrassa la table et proposa de faire la vaisselle, ce qu’accepta avec Joie l’irlandaise. Elle le regarda faire et se remémora Isaac. Elle secoua la tête, chassant cette image avant d’aller dans la salle de bain pour se doucher. Elle se regarda dans le miroir, voyant que les cernes dues aux insomnies disparaissaient petit-à-petit, et elle s’avoua à elle-même que Zach n’y était pas pour rien. Par ailleurs, elle remarqua que la brosse à dent de ce dernier traînait sur son évier depuis plusieurs jours. Ils avaient fini par remplacer leurs courtes nuits par une sorte de quotidien un peu bizarre. Elle frissonna. Après tout… était-elle vraiment prête à avoir une relation, deux ans après la mort d’Isaac ? A nouveau elle tenta de chasser cette pensée, se disant que de toute façon, elle partait.

2 mois plus tôt…

La clochette du bar sonna, comme à son habitude, à 16h précise. C’était toujours à cette heure-ci qu’un certain client venait, juste après son boulot.

- « Salut Ula, ton père est là ? – demanda Rick, un vieux copain d’Eliott.
- Salut Rick. Oui il est au sous-sol parti chercher quelques bouteilles. Je te sers quelque chose en attendant ?
- Oui merci ma grande.

Ula posa un verre sur le comptoir et le remplit d’un whisky irlandais fabriqué à quelques kilomètres de là. Rick et Eliott étaient devenus amis lorsque le couple était venu ouvrir le pub. Des pas dans l’escalier et un bruit de verre entrechoqué remontant à la surface indiquait le retour du patron. Rick était un sorcier lui aussi et avait tendance à discuter de choses se passant dans le monde magique.

- Oh salut Rick ! – s’exclama Eliott. Comment vas-tu ?
- On fait aller – dit-il en échangeant une poignée de main. La situation à Londres ne s’arrange pas…

Eliott posa la caisse de bière au sol et se releva, faisant craquer son dos fatigué. En entendant la nouvelle, sa fille et lui échangèrent un regard.

- Que se passe-til ?
- Les mangemorts vont revenir, j'en suis sûr. – annonça Rick en baissant la voix.
- Comment tu peux le savoir ? – demanda Ula en sentant la colère monter.
- Je le sens j'en suis sur.

Ula soupira, contenant sa colère autant que possible en avalant un verre de liqueur de poire.

- Tu n’as pas de nouvelles plus réjouissantes à nous donner ? – s’exclama Brenna qui venait juste d’apparaître dans le coin de la pièce.
- Oh salut Brenna ! Excuse-moi. Mais j'ai un sale pressentiment, alors je voulais vous en parler.
- Tais-toi un peu tu veux ? – siffla Ula.
- Bon stop. Changeons de sujet. Tiens sers moi un verre Ula, tu veux ? – demanda son père. »

La jeune femme acquiesça et servit à son père un verre de rhum que celui-ci siffla presque instantanément. Elle le regarda du coin de l’œil et siffla à son tour un petit verre de liqueur. Un peu plus loin, Brenna, qui essuyait quelques verres, soupira et chercha machinalement la boîte d’aspirine dans l’un des tiroirs du meuble derrière elle.
C’est alors que s’ensuit une bataille des plus féroces, qui de Rick, du père ou de la fille s’écroulerait en premier, et qui des trois tiendrait le plus longtemps. Les plus fervents clients du bar s’attroupèrent autour du trio infernal, pariant sur l’un ou l’autre. Beaucoup parièrent qu’Ula serait la première à s’effondrer. Pas assez âgée, pas d’expérience. Mais une petite poignée d’admirateur de la jeune fille pariait allègrement sur elle, en soutenant mordicus qu’elle avait son jeune âge en sa faveur. Rick s’effondra le premier, le verre de rhum agricole ayant été de trop. C’est sa femme qui, après l’appel de Brenna, vint le chercher en maugréant qu’il allait passer un sale quart d’heure en rentrant. Tout le monde se mit à rire de bon cœur en voyant le mari se faire passer un savon par sa femme. Mais l’attention se porta à nouveau sur le père et sa fille qui tenaient bon malgré un début de descente. Un enchainement de « Ooooh » et de « Aaaah » se fit entendre par moment, indiquant qu’un retournement de situation venait d’avoir lieu.

Puis soudain, Eliott s’écroula en racontant des choses inaudibles. Un silence s’installa. Silence qui fut brisé.


- « Hé….J..J’ai.. ga..gagné ! »

Une clameur s’éleva du bar et Ula, appuyée autant que possible sur le comptoir pour ne pas tomber arbora un sourire des plus débiles. Elle avait battu son père à plate couture et devant des dizaines de témoins. Elle fut portée en héros dans tout le bar par les supporters avant d’être déposée à terre. Tous comprirent que la soirée était finie et qu’il était temps de rentrer chez soi. Mais une nouvelle page s’était tournée ce soir : l’élève avait dépassé le maître et tout Dalkey serait au courant. Ula, nouvelle maître de la taverne O’Domhnaill.

Brenna dû porter son mari sur une épaule tandis qu’Ula titubait derrière elle sur le chemin du retour, soupirant en se disant qu’il serait peut-être temps d’apprendre à son mari que l’on ne doit pas enseigner à ses enfants l’art de la buverie.

Ce soir-là, chez les Domhnaill, une légende était née sous les ronflements.